Soumis par Revue Internationale le
Annexe I
Avril 1933
Bulletin préparatoire de la Conférence politique de l’Opposition communiste de gauche
(organisée par le groupe de la banlieue ouest)
SOMMAIRE
1. L’invitation à la Conférence
2. Les réponses des groupes et individualités
3. Les décisions du Comité intergroupes de préparation de la Conférence
4. Lettre du camarade Treint
5. Note
6. Rapport de la Gauche communiste sur la question russe
7. Les rapports de l’opposition de gauche avec les partis staliniens (Gauche communiste)
8. Résolution du groupe de la banlieue ouest sur la question russe
9. La conquête des masses – Contribution à la discussion (Fraction de gauche)
10.
Résolution du groupe de la banlieue ouest sur les rapports de l’avant-garde
communiste et les masses
Ajouts :
– Vers la construction d’une véritable Fraction de gauche en France (La Fédération parisienne de la Fraction de gauche du P.C.I. - mai 1933).
– Contribution de la fédération parisienne de la Fraction de gauche du P.C.I. à la Conférence d’unification des groupes communistes de gauche.
LA CIRCULAIRE D’INVITATION
À LA CONFÉRENCE
Groupe de l’Opposition communiste de gauche de la banlieue ouest (ancien 15e rayon)
Courbevoie, le 19 janvier 1933
A tous les communistes oppositionnels de gauche
Aux organisations oppositionnelles :
– Secrétariat international
– Ligue communiste
– Gauche communiste
– Fraction de gauche
– Fraction de gauche du P.C.I.
– Nouvelle opposition italienne
Camarades,
La situation politique internationale et la carence de l’I.C. mettent les oppositionnels devant de lourdes responsabilités. Il nous semble inutile d’insister sur ce point.
Cependant, ce qu’on peut encore appeler l’avant-garde communiste du prolétariat, est actuellement dans un état de division extrême, organiquement et politiquement.
Chaque oppositionnel comprendra la nécessité d’un regroupement de l’avant-garde communiste. Chaque oppositionnel se convaincra également de l’utilité actuelle d’une clarification idéologique, rendue indispensable par l’affaiblissement politique de l’IC et l’impuissance de l’Opposition de gauche depuis plusieurs années.
Mais de nombreuses frictions de toute nature opposent les divers groupes oppositionnels, chacun ayant malgré cela le vif désir de regrouper l’avant-garde communiste du prolétariat.
Notre groupe sollicité par la Fraction de gauche pour une conférence d’unification de l’Opposition communiste de gauche, par la Gauche communiste pour une même conférence, par la Ligue communiste pour participer à sa Conférence nationale élargie, constate l’existence d’un fort courant vers un regroupement ayant pour base une discussion préalable.
Ayant, il y a trois ans, pris l’initiative d’une Conférence d’unification, notre groupe croit devoir prendre à nouveau la responsabilité de proposer à tous les groupes de l’Opposition de gauche de préparer une Conférence politique de l’Opposition communiste.
Nous ne voulons en aucune façon anticiper sur les résultats organiques d’une telle Conférence, mais c’est bien cependant dans le but de réaliser un regroupement de l’avant-garde communiste sur la base d’une large clarification idéologique que nous prenons la responsabilité d’organiser cette Conférence.
Nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour faire qu’à cette Conférence la confrontation des points de vue de chacun se fasse avec toutes les garanties de liberté d’expression.
D’ailleurs, pour que la préparation puisse s’effectuer dans les meilleures conditions, nous proposons que chaque groupe discute des questions que nous mettons en avant comme devant former l’ordre du jour de la Conférence, puis élabore des documents qui seront transmis aux autres groupes à l’aide d’un bulletin de discussion publié sous notre responsabilité et sous le contrôle d’un délégué de chacun des groupes oppositionnels.
Des échanges de vue que nous avons déjà pu avoir avec les camarades des groupes invités, il apparaît que les questions les plus importantes qui nécessitent une discussion immédiate sont :
1. La politique de masses de l’avant-garde communiste.
2. Appréciation du régime soviétique et de ce qu’est devenue la dictature du prolétariat en URSS.
3. Appréciation de l’IC et de ses perspectives politiques. Comment réaliser le redressement communiste.
Mais nous tenons à insister sur la nécessité pour chaque groupe d’apporter tous ses efforts à la discussion sur le premier point qui nous paraît le plus important et qu’il est indispensable de clarifier rapidement.
En effet, il nous est apparu que la principale caractéristique du mouvement oppositionnel c’est que, comme le parti, il est coupé des masses (nous faisons exception pour des groupes comme la Fédération de Charleroi dont l’expérience et l’activité actuelle sont riches d’enseignements).
Or, le regroupement de l’avant-garde communiste et la clarification idéologique qui doit accompagner ce regroupement ne peuvent se faire qu’au travers d’un travail militant effectif dans les masses.
Les bases de ce travail militant restent à déterminer en utilisant pour cela les enseignements que l’on peut tirer des erreurs de l’IC et de l’Opposition et de l’expérience de quelques groupes liés solidement à la classe ouvrière et à ses luttes.
Ces quelques considérations montrent bien que les formes du regroupement nécessaire de l’avant-garde communiste sont fonction d’un travail militant conséquent et d’une clarification idéologique que la Conférence à laquelle nous vous convions et même simplement sa préparation faciliteront considérablement.
Notre groupe estime qu’au moins six semaines sont nécessaires à la discussion des trois questions de l’ordre du jour, que six autres semaines seront nécessaires à la discussion de documents élaborés par chaque groupe et publiés dans le bulletin de discussion, ce qui met à environ trois mois la tenue de la Conférence (la date précise de celle-ci sera fixée en accord avec les différents groupes).
Nous détaillons ci-après les questions de l’ordre du jour en demandant à chaque groupe de s’efforcer de ne négliger aucune des questions soulevées par la précision des schémas, en particulier en ce qui concerne le premier point.
Afin de faciliter la discussion dans chaque groupe et pour toucher les militants communistes oppositionnels isolés, nous diffuserons cette lettre le plus largement possible, et nous vous demandons de bien vouloir la publier dans votre organe.
Notre groupe vous demande également de nous donner rapidement une réponse à nos propositions.
Nous avons le vif espoir que celle-ci sera affirmative.
Salutations communistes.
LES RÉPONSES DES GROUPES ET INDIVIDUALITÉS INVITÉS
Gauche communiste
Paris, le 27 janvier 1933
Chers camarades,
Notre groupe de la Gauche communiste a discuté à sa dernière réunion de votre lettre concernant vos propositions. Le groupe de la Gauche communiste se déclare d’accord et accepte à l’unanimité de participer à votre tentative d’unification et mettra tout en œuvre pour vous aider à cette réalisation. Nous espérons que l’unification en France sera la préface d’une Conférence internationale.
En ce qui concerne le schéma, nous pensons qu’il y a un trop grand nombre de questions, aussi notre groupe a décidé de concentrer le maximum de vos points en trois documents, à savoir :
1. Le travail syndical et le contact avec les masses.
2. Question russe et dictature du prolétariat.
3. Fraction ou 2e parti ? Appréciation de l’IC. L’Opposition de gauche et son régime intérieur.
Nous pensons que vous ne verrez pas d’inconvénients à cette méthode, puisque nos documents suivront d’assez près l’ensemble de votre schéma.
Inutile de vous rappeler, chers camarades, que nous insisterons sur le rôle de l’Opposition et son régime intérieur.
Nos fraternels saluts communistes
Votre lettre sera insérée dans notre prochain bulletin.
Fraction de gauche
Paris le 2 février 1933
Chers camarades,
Notre groupe s’est déclaré d’accord avec l’ensemble des considérations contenues dans votre lettre du 19 janvier 1933. D’ailleurs, vous n’avez fait que concrétiser sous de nouvelles formules les propositions que nous avons faites récemment et relatives à l’unification des forces oppositionnelles de gauche, c’est dire d’avance que nous acceptons vos propositions.
Toutefois notre groupe pense que, pour faire avancer la discussion et résoudre les difficultés qui demeurent, il serait utile de compléter la discussion qui se manifestera dans le bulletin publié sous le contrôle des différents groupes, par une série de conférences dont l’horaire pourrait être fixé d’un commun accord. Il est incontestable que le contact direct entre les militants aplanirait bien des difficultés et que certaines divergences pourraient être plus vite et plus aisément effacées.
Veuillez donc réfléchir avec soin aux propositions que notre groupe vous soumet et nous dire quelles suites selon vous elles paraissent comporter.
Recevez, chers camarades, nos salutations communistes.
Fraction de gauche du P.C.I.
Fédération de la région parisienne
Paris, le 2 février 1933
Chers camarades,
Nous avons reçu votre circulaire du 19 janvier nous invitant à participer à votre initiative pour l’unification des groupes de gauche existant en France.
Dès qu’elle a été entre nos mains, nous l’avons transmise à notre Commission exécutive avec la recommandation de vous faire une réponse le plus tôt possible. Nous attendons cette réponse et nous vous la ferons parvenir aussitôt.
Pour vous faciliter la compréhension de la position de notre fraction sur les problèmes qui font l’objet de votre initiative, nous vous envoyons quelques documents que notre fraction avait présentés soit à la Ligue, soit au Secrétariat international et au camarade Trotsky.
N’ayant suivi votre groupe dans son activité politique que d’une façon fort irrégulière, nous désirerions avoir une collection de votre bulletin pour nous faire une idée sommaire des positions politiques qui sont à la base de votre activité.
Dans l’attente d’avoir de vos nouvelles, recevez, chers camarades, nos salutations communistes.
Fraction de gauche du P.C.I.
Commission Exécutive
Chers camarades,
Tout d’abord, notre fraction salue l’initiative que vous avez prise pour déterminer une unification des groupes se réclamant de l’Opposition de gauche en France.
Ainsi que vous, nous concevons ce regroupement en fonction de la clarification des questions politiques, cette clarification pouvant seule déterminer les bases de l’unification de demain.
Avant tout, il nous paraît devoir caractériser ainsi la poussée que vous constatez pour l’unification : chaque groupe constate que toutes les séparations qui se sont vérifiées jusqu’à maintenant n’ont pas déterminé de frontières politiques de principe. Le courant pour l’unification prouve que chaque groupe à lui seul constate ne pas pouvoir offrir les bases politiques pour la fraction de gauche, et veut déterminer ces bases par la confrontation des différentes positions politiques des différents courants politiques, lesquels expriment, en définitive, un courant du mouvement prolétarien lui-même, un degré donné des expériences de classe du prolétariat français.
Nous croyons aussi qu’il faudra, dès maintenant, comprendre la signification de cette poussée vers l’unification dans le sens d’une réaction très ferme à ces mœurs qui ont prévalu en France, de perpétuel sectionnement des groupes et des groupuscules, dans le sens d’un appel au sens de responsabilité de tous les militants qui paraissent encore jouer avec les scissions et les problèmes de l’organisation prolétarienne. Les scissions qui se sont vérifiées jusqu’alors n’ont rien résolu et la preuve en est dans le fait que chaque segment demande aujourd’hui à rétablir l’unité.
Que ce soit un groupe à base nettement prolétarienne qui ait pris l’initiative de l’unification, voilà une garantie pour le travail que l’on va aborder. Nous croyons devoir insister tout particulièrement sur la responsabilité de cette initiative et de ce travail. Il faut à tout prix suivre un chemin permettant la clarification politique, car un nouvel échec dans cette direction finirait par compromettre pour longtemps la lutte du prolétariat français pour la révolution communiste.
La présence de la Ligue permettra enfin une confrontation des positions politiques et permettra aussi de discerner les raisons qui ont fait de cette Ligue le théâtre des scissions et des aventures politiques et organisatoires. Ceci dit, nous allons vous soumettre les conditions qui nous paraissent essentielles pour un travail utile et qui expriment l’expérience du travail de longue haleine auquel notre fraction s’est attelée depuis longtemps.
La clarification politique n’est possible qu’à la condition de forger l’organisme politique approprié.
Il nous paraît que jusqu’à maintenant toutes les discussions politiques entre les différents groupes en France, et au sein de chaque groupe, ne pouvaient nullement aboutir à des conclusions utiles, du fait que chaque individualité croyait pouvoir faire dépendre la clarification politique de son propre jugement personnel. Par contre, la discussion, dans sa signification marxiste, n’est possible qu’à la condition qu’elle reflète, qu’elle exprime l’expérience des organismes agissant en connexion avec le mouvement de la lutte des classes. Ainsi le tableau des discussions que vous avez annexé à votre lettre du 19 janvier ne conduirait à rien de positif ni de définitif s’il devait devenir une sorte de palestre où toutes les opinions des militants se propageraient sans aucune direction précise. A notre avis, au contraire, il faut, avant tout, établir que la discussion doit s’orienter dans un but bien déterminé : celui d’indiquer la nature de l’organisme à créer. Et à ce sujet, ou bien il faudra suivre la tradition du mouvement politique du prolétariat et aux formes spécifiques que nous connaissons : opposition, fraction, 2e parti, ou bien prouver que les conditions actuelles de la crise communiste obligent le retour aux formes de l’organisation précédente au Manifeste communiste, c’est-à-dire aux “groupes”, aux “ligues”, etc.
A notre avis donc, le premier point sur lequel la confrontation politique devrait avoir lieu est celui-ci : “quel organisme doit-il ressortir de l’unification ?”. Et à ce sujet évidemment, il faudrait faire confluer l’examen de toutes les questions politiques à la détermination de l’organisme qui doit résulter de l’unification préconisée.
Opposition, fraction ou 2e parti, ceci nous paraît devoir être l’objet essentiel des discussions.
Les bases politiques de l’organisme
Avec la détermination de la nature de l’organisme à créer, doit marcher de pair, à notre avis, la délimitation des bases politiques de cet organisme. A ce sujet, la formule qui a été suggérée en France est celle des “premiers congrès de l’Internationale”. Nous pensons avant tout que, pour ne pas rester dans l’abstrait, il faudra examiner l’expérience lamentable de la Ligue communiste, laquelle s’était fondée sur les quatre premiers congrès.
A notre avis, cette base politique est absolument insuffisante. Et nous ne faisons nullement une question particulière, intéressant notre fraction, car, vous le savez bien, le IVe Congrès n’a nullement proclamé l’incompatibilité de nos points de vue avec l’IC ; bien au contraire, au IVe Congrès, Lénine insistait pour que Bordiga restât à la direction du Parti. Mais il est indéniable que la discussion doit porter aussi sur les résolutions politiques des IIe, IIIe, IVe Congrès aussi. Qu’il ne puisse pas en être autrement, cela est prouvé par le fait que lors du IVe Congrès, on avait mis à l’ordre du jour la question du programme de l’IC, à savoir d’établir les bases de principes d’où devraient dépendre les résolutions politiques et tactiques prises dans ces Congrès.
Pour le surplus, le IIIe et le IVe Congrès doivent être vérifiés à la lumière de la défaite allemande de 1923, et il nous paraît absolument inadmissible que l’on mette comme condition d’adhésion à la fraction de gauche, celle de la reconnaissance comme “base” de ces solutions tactiques qui, lors de la défaite de 1923, se sont démontrées incomplètes ou erronées.
A notre avis, les bases politiques de la fraction de gauche restent à établir. Nous proposons donc que l’on reprenne aujourd’hui comme première base de notre travail, les documents fondamentaux du IIe Congrès qui alors avaient déjà été indiquées comme conditions d’adhésion à l’Internationale et aux Partis communistes. Immédiatement il faudrait procéder à l’examen des Congrès de l’IC, de toute la production politique des groupes et des fractions dans les différents pays, pour en faire ressortir une délimitation idéologique bien claire, condensée en une déclaration de principe à présenter au prolétariat.
Ce travail politique en profondeur nous paraît le seul capable de nous conduire à des résultats positifs durables.
Le travail politique de masses
Vous écrivez dans votre lettre du 19 janvier : “en effet, il nous est apparu que la principale caractéristique du mouvement oppositionnel, c’est que, comme le parti, il est coupé des masses”. Nous croyons devoir comprendre ainsi ce passage : aucun travail politique et communiste n’est possible qu’à la condition d’agir en relation avec le mouvement de la lutte des classes ; tout le travail du parti et du mouvement oppositionnel en général, n’étant pas basé sur les principes de la lutte de classe, a fini par déterminer un dégoût salutaire chez les prolétaires révolutionnaires qui se regroupent dans le 15e rayon. Mais si, par ce passage, vous vouliez indiquer la possibilité d’opérer immédiatement un travail de masse, alors, à notre avis, tout en voulant établir des conditions pour un travail fructueux, vous en arriveriez à compliquer encore plus les difficultés de ce travail. En effet, avant de pouvoir en appeler aux masses, il faut avoir construit l’organisme capable d’agir dans l’intérêt du prolétariat.
Par la suite, nous vous exposerons notre position à ce sujet, et serons évidemment heureux de vérifier dans la discussion la position que défend notre fraction.
La Fédération de l’Est
A notre avis, il faudrait inviter cette fédération aussi ? Au point de vue politique, les opinions sur la tactique que défend le cercle dirigé par le camarade Souvarine sont défendues aussi par d’autres groupes que vous avez invités. De plus, le camarade Souvarine est un des fondateurs du Parti communiste, le premier qui, en France, se soit insurgé contre le centrisme dans l’IC C’est assez, nous semble-t-il, pour indiquer qu’il représente un courant du prolétariat français.
Sans anticiper sur l’avenir, nous pouvons déjà dire qu’au point de vue politique, notre fraction défend des positions directement opposées à celles du camarade Souvarine, mais nous voulons discuter avec lui, rencontrer le courant prolétarien qu’il représente.
Vous dites que ces camarades ont déjà pris une position définitive sur les problèmes qui sont en discussion. Politiquement, cela signifie que vous croyez devoir repousser cette solution. Nous qui sommes certainement de cet avis, nous demanderions que cela soit le résultat d’une discussion politique et non d’une délibération a priori, d’autant plus que, nous le répétons, les mêmes opinions du camarade Souvarine sont défendues par d’autres groupes invités à la discussion.
Nous vous avons adressé les premières remarques qui nous paraissent utiles au travail que vous avez entrepris. La collaboration de notre fraction vous reste acquise, et nous voulons espérer que sur la base des expériences déjà faites par l’Opposition en France et dans les autres pays, on s’achemine enfin dans la bonne voie, et que, pénétrés de la nécessité d’un travail sérieux, nous songerons tous surtout aux intérêts du mouvement révolutionnaire et nous travaillerons pour nous rendre dignes de ce mouvement.
Avec nos salutations communistes,
La CE de la Fraction de gauche du P.C.I.
LIGUE COMMUNISTE
Paris, le 1er mars 1933
Chers camarades,
Nous vous confirmons la réponse déjà donnée verbalement à vos délégués, relativement à votre projet de Conférence, en soulignant les points suivants :
1) Il n’est pas exact de dire, comme l’a fait le camarade Lacroix que la C.E.E. de la Ligue a donné purement et simplement son acceptation à votre proposition, ni décrire ensuite que notre C.E. cherche à éluder cette acceptation. Vous avez été faussement informés à ce sujet. Comme il est normal, notre C.E. élargie a réservé sa réponse, que pouvaient seuls fournir les organismes compétents, après examen.
2) Nous considérons comme souhaitable l’unification la plus large des forces prolétariennes dans les cadres de l’opposition. Mais cela ne peut se faire que sur une base théorique et méthodologique définie : critères politiques, méthodes d’action et action elle-même doivent être précisés dans tous les domaines, nationaux et internationaux, au cours de la lutte.
Or, plusieurs des groupements que vous voulez réunir, ont quitté la Ligue, précisément avec la constatation, à différentes étapes, de leurs désaccords avec elle. Avec d’autres (bordiguistes) l’Opposition de gauche internationale vient justement de reconnaître après mûre étude et de longues expériences, le fossé profond qui nous sépare.
Dans ces conditions, nous croyons que l’objectif que vous souhaitez (unification) ne peut être atteint par la voie d’une addition arithmétique des groupements qui se recommandent de l’opposition et de ceux qui ne s’en recommandent pas.
3. Nous sommes disposés à participer aux conférences que vous convoquerez, afin précisément d’apporter notre point de vue dans la discussion générale, et d’éclairer tous les participants sur les positions que nous défendons. Nous pensons que ce sera en fin de compte notre apport le plus utile à l’élargissement des rangs de l’opposition.
4. Nous ne considérons pas comme utile la participation à un bulletin de discussion commun. Chaque groupe que vous avez convoqué possède une presse. La discussion et la polémique dans cette presse constituent la meilleure forme de confrontation des idées, celle qui correspond effectivement à l’activité de chacun.
Prière de nous avertir de la prochaine réunion que vous convoquerez.
Bien fraternellement
Pour la C.E. de la Ligue communiste, Section française de l’Opposition internationale de gauche (bolcheviks-léninistes)
Paris, le 27 mars 1933
Camarade,
Dans sa réunion d’hier mon groupe a décidé de participer à la conférence d’unification que ton groupe a convoquée. Nous faisons [?] sur les modalités de cette conférence qui font que nous serons présents plutôt à titre d’observateurs ; mais nous demandons qu’en tout état de cause, la liberté de parole nous soit accordée.
Je te prie de me communiquer dans le plus bref délai possible la réponse de ton groupe. Que vous nous considériez comme un groupe ou comme des individualités n’a aucune importance. Au cas où ton groupe accepterait notre participation, je te prierai de me communiquer tous renseignements utiles sur la composition de la conférence et la position qu’ont adoptée jusqu’à présent les participants éventuels.
Avec mes salutations communistes
pour les signataires
du document
Regroupement des forces communistes
J. Prader
Paris, le 3 février 1933
Chers camarades,
Votre proposition de tenir une Conférence des groupes et militants se réclamant du courant communiste de gauche correspond certainement aux aspirations de tout révolutionnaire sincère et conscient ; mieux encore, c’est un besoin urgent pour l’avant-garde du prolétariat révolutionnaire.
Nous acceptons bien volontiers d’adhérer à votre initiative bien que nous soyons sceptiques sur les possibilités de créer un organisme international selon nos plus sincères aspirations et à la hauteur de satisfaire pleinement aux tâches de régénération et de direction du mouvement communiste international.
Le fait que vous proposez de procéder à l’examen complet du mouvement communiste en partant de la définition de l’Etat russe nous laisse entrevoir quelques possibilités de procéder sérieusement à un premier regroupement des forces vraiment communistes.
Mais pour cela, camarades, il ne faut pas se préoccuper du nombre, mais des positions de principe.
Il faut que la discussion préparatoire soit menée avec la plus large application de la démocratie communiste et qu’on arrive à des conclusions absolument claires, condition indispensable pour permettre un premier regroupement sain des forces communistes.
En ce qui concerne le programme de discussion et pour le bulletin, nous pensons qu’il faut procéder tout d’abord à la formation d’un Comité composé d’un représentant de chaque groupe adhérent à votre invitation, comité dont le but est de coordonner le travail.
Nous pensons qu’à l’ordre du jour il faut joindre le point suivant : “A quelle phase de l’évolution capitaliste correspond le "fascisme" et quelles sont les méthodes de lutte et par cela même d’organisation que le prolétariat doit employer dans cette phase ?”
Voici, camarades, brièvement exposées, les raisons de notre adhésion,
Les camarades M. et G.
militants
de la Gauche communiste italienne
(à ne pas confondre avec la fraction de gauche dans le P.C.I., qui se regroupe autour de Prometeo, à laquelle nous reconnaissons le droit de se réclamer de la gauche italienne, mais à laquelle nous dénions le droit de se substituer à elle.)
Paris, le 31 janvier 1933
Salutations communistes.
Chers camarades,
Un conflit intérieur a amené deux camarades à démissionner de la Fraction de gauche.
De la solution qui sera donnée au conflit actuel entre la Fraction de gauche et le groupe démissionnaire dépendra la réunion ou la séparation des deux tronçons et aussi vraisemblablement pour une part le classement définitif des camarades dans l’un ou l’autre tronçon en cas de séparation.
Pour l’instant, à la place de l’ancienne Fraction de gauche, il existe la Fraction de gauche et le groupe démissionnaire de la Fraction de gauche.
Comme groupe démissionnaire, nous vous faisons part des décisions suivantes :
1. Notre groupe participera à la Conférence de confrontation des points de vue organisée par vous en vue de l’unification de l’Opposition de gauche.
2. Un membre de notre groupe sera délégué au comité de contrôle de la discussion et du bulletin intergroupe.
3. Nous estimons nécessaire d’étendre les invitations à la Conférence aux groupes suivants :
a) groupe des étudiants (Prader, Max, etc.),
b) groupe dissident de la Gauche italienne,
c) Fédération autonome de l’Est.
4. Nous estimons que la Conférence devrait siéger plusieurs jours, car c’est d’une confrontation suffisamment complète des points de vue que pourra surgir soit l’unification, soit une différenciation selon les divergences essentielles qui se feraient jour.
Salutations communistes,
A. Treint
Les principales décisions
du Comité intergroupe de préparation de la Conférence d’unification
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Le Comité intergroupes de la Conférence a été formé par les groupes suivants : Fraction de gauche, Gauche communiste, Groupe de la banlieue ouest, Ligue communiste.
En vue de la Conférence, les principales dispositions suivantes ont été prises :
1. Invitations à la Conférence : le Comité s’en tient aux seules invitations faites par le Groupe de la banlieue ouest par sa lettre du 19 janvier. Il ratifie également la décision de ce groupe concernant l’invitation en tant qu’individualités des camarades Treint, N. Rousseau, Mathieu et Gandi, et les camarades signataires du document “Pour le regroupement des forces communistes”.
2. Ordre du jour de la Conférence : le Comité l’établit comme suit :
1. Question russe et appréciation de l’IC
2. Le parti et les masses.
3. Le régime intérieur de l’Opposition de gauche.
3. Votes à la Conférence. La proposition de vote nominal présentée par le Groupe de la banlieue ouest est adoptée par 3 voix (Fraction de gauche, Gauche communiste, Groupe de la banlieue ouest) contre 1 voix (Ligue communiste) partisane du vote par organisation.
4. Votants à la Conférence. Le Comité adopte la proposition du Groupe de la banlieue ouest d’étendre le droit de vote aux individualités convoquées à la Conférence. Cette décision est prise par 3 voix (Gauche communiste, Groupe de la banlieue ouest, Ligue communiste) contre 1 voix (Fraction de gauche) partisane du droit de vote aux groupes seulement.
Le Comité a également préparé le présent bulletin et pris date pour la première réunion de la Conférence le Samedi 8 avril, à 17 heures.
Le camarade Treint nous a prié d’insérer la lettre suivante :
Paris, le 13 mars 1933
La réunion de délégués des groupes oppositionnels tenue le samedi 11 mars nécessite quelques commentaires.
Bien que d’après les convocations successives le caractère que devait revêtir cette réunion n’apparaissait qu’assez vaguement, il est clair maintenant qu’elle avait pour but l’examen des modalités de la préparation et de l’organisation de la Conférence d’unification.
Ceci posé, quelques anomalies doivent être soulignées :
1. Pourquoi cette réunion a-t-elle été convoquée par la Gauche communiste ? Il eût été plus normal que le groupe du 15e rayon qui avait pris l’initiative de proposer la Conférence d’unification prenne aussi l’initiative de convoquer les délégués des groupes pour une première prise de contact.
2. Pourquoi la Gauche communiste, qui refuse de reconnaître comme groupes les camarades de la Renaissance communiste et les démissionnaires de la Fraction de gauche, a-t-elle invité les dits groupes à mandater leurs délégués pour la réunion du 11 mars ? L’explication selon laquelle il y aurait eu malentendu par ignorance des scissions survenues dans la fraction de gauche et le groupe Prometeo n’est pas admissible, la Gauche communiste ayant depuis longtemps connaissance du document dans lequel le Groupe du 15e rayon fait part de ses décisions, document qui mentionne les scissions intervenues.
L’obscurité qui résulte de ces faits détermine déjà un malaise qui pèse sur la préparation de la Conférence. Et ce malaise est encore aggravé par l’accusation de “manœuvrer” portée par un délégué de la Gauche communiste contre le groupe démissionnaire de la Fraction de gauche.
Il est cependant bien évident que si “manœuvre” il y a, ce n’est pas de la part des groupes numériquement peu nombreux mais qui prennent une position politique parfaitement claire rendant impossible toute compromission.
D’autre part, la méthode envisagée jusqu’ici pour la préparation de la Conférence est erronée s’il s’agit d’une confrontation des points de vue dans le but d’élaborer soit une plate-forme d’unification si c’est possible, soit des plates-formes de différenciation des courants inconciliables si cela est inévitable. S’il s’agit vraiment d’une confrontation consciencieuse des points de vue, tous les groupes de camarades, si peu nombreux soient-ils, mais unis sur la base d’un document politique de principe, doivent jouir de droits égaux dans le contrôle et la préparation de la Conférence.
Or, des distinctions arbitraires sont déjà établies.
Par exemple, le groupe démissionnaire de la Fraction de gauche n’est pas reconnu comme groupe et ne pourra participer à la Conférence qu’à titre individuel. La séparation organique entre la majorité et la minorité de la Fraction de gauche est intervenue après la convocation de la Conférence d’unification par le Groupe du 15e rayon. Normalement les deux groupes issus de la Fraction de gauche devaient participer comme groupes à la Conférence.
Pourquoi ne reconnaître comme groupe que celui de la majorité ?
Quelle est la raison de cette préférence ?
Préférence personnelle ? C’est une hypothèse qu’il n’y a pas lieu d’envisager.
Préférence numérique ? S’il en était ainsi la Conférence serait faussée dans son principe : une majorité n’a pas forcément raison. Mais il ne s’agit pas de préférence numérique puisque le groupe oppositionnel le plus important numériquement, la Fédération des travailleurs de l’Est, n’est même pas invité.
Il ne reste qu’une explication valable : il s’agit d’une préférence politique. En quoi consiste cette préférence politique ?
En ceci : les groupes qui reconnaissent le caractère prolétarien de l’Etat russe actuel et qui, par suite, se prononcent pour la possibilité du Redressement communiste de l’Internationale veulent, consciemment ou non, inférioriser par des moyens d’organisation les groupes qui nient le caractère prolétarien de l’Etat russe actuel et qui, en conséquence, estiment impossible le retour au communisme dans les cadres de la IIIe Internationale, ce qui d’ailleurs n’implique nullement la fondation immédiate d’une nouvelle Internationale et de nouveaux partis.
En ce sens, il est d’ailleurs remarquable que la Fédération des travailleurs de l’Est ne soit même pas invitée tandis que la Ligue communiste peut participer à la Conférence tout en proclamant à l’avance qu’elle recherche non l’unification par l’élaboration en commun d’une plate-forme, mais l’incorporation pure et simple des autres groupes en son sein.
Le Groupe du 15e rayon distingue entre groupes, d’une part, et d’autre part courants s’exprimant par des camarades intervenant à titre individuel ; mais en même temps, le Groupe du 15e rayon s’engage à ce que les camarades qui participent à la conférence à titre individuel aient toute possibilité de s’exprimer et ne soient pas brimés.
Confiants dans la loyauté du Groupe du 15e rayon, nous attendons de lui qu’il s’oppose à fond à toute tentative d’étouffer la voix des camarades admis à la Conférence à titre individuel, mais nous estimons qu’en éliminant la Fédération des travailleurs de l’Est et en n’acceptant qu’à titre individuel la participation de certains groupes, les camarades du 15e rayon risquent fort de se mettre dans l’impossibilité de tenir leurs engagements.
Le délégué de la Gauche communiste écarte certains groupes comme la Fédération des travailleurs de l’Est parce qu’ils ne sont pas sur la plate-forme de l’Opposition russe de 1927.
A supposer que la plate-forme russe ait été entièrement juste en 1927, la situation a changé depuis ce temps-là et rien n’empêche a priori de penser que si l’Etat russe était prolétarien en 1927, il a depuis perdu son caractère prolétarien.
Bien plus, l’examen de la situation internationale et russe d’aujourd’hui est intimement liée à la critique marxiste de la création et de toute l’activité passée, et de l’Internationale, et de l’Opposition.
Pour examiner à fond les problèmes fondamentaux qui se posent à elle, la Conférence d’unification ne saurait être écourtée ni brusquée.
Ceci se produira nécessairement si la date de Pâques, déjà prématurée peut-être, se trouve encore avancée.
Si la Conférence s’égare dans de faux chemins, ce contre quoi nous la mettons dès maintenant en garde, elle ne sera capable d’aboutir dans le meilleur des cas, qu’à une organisation partielle et débile des forces oppositionnelles actuellement dispersées, organisation susceptible de remporter peut-être quelques succès provisoires, mais incapable de constituer un noyau solide capable avec le développement de l’histoire de grandir et de mener le prolétariat à la victoire révolutionnaire.
Le groupe démissionnaire
de la Fraction de gauche
Note
Le groupe de l’Opposition communiste de gauche de la banlieue ouest a reçu quelques réponses de groupes étrangers qui avaient été informés de la tenue de la Conférence et avaient été invités à apporter leur collaboration aux bulletins de discussion.
D’autre part, le groupe a échangé quelques lettres avec les groupes et individualités participants.
Nous ne publions pas tous ces documents faute de temps et de moyens matériels. Nous nous limitons aux simples réponses des groupes en France et à une lettre que le camarade Treint a expressément demandé de publier.
Toutes ces réponses ainsi que la lettre du camarade Treint nécessiteraient une mise au point. Le Comité intergroupes de préparation de la Conférence l’a faite en son sein et ses décisions (voir ci-dessus) tiennent compte de toute cette correspondance.
Rapport sur la
question russe,
présenté par la Gauche communiste
Les contradictions de la Révolution russe
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L'obligation impérieuse s’impose aux marxistes de ne pas considérer la Révolution russe comme un fétiche religieux, mais de l’envisager dialectiquement dans ses contradictions.
Les conditions objectives qui, en produisant selon le mot de Lénine “la rupture du maillon le plus faible dans la chaîne de l’impérialisme”, avaient favorisé en Octobre 1917 la prise du pouvoir par le prolétariat sur la plus grande partie du territoire de l’ancien empire des tsars, devaient rendre plus malaisées les tâches postérieures à la prise du pouvoir.
Le retard historique de l’ancienne bourgeoisie russe, économiquement dépendante du capital étranger, et politiquement subordonnée à un système despotique asiatique féodal dont le propriétaire foncier restait la figure centrale, avait permis au prolétariat de prendre la tête de la révolution démocratique en conduisant les larges masses paysannes à l’assaut de l’ancien régime. La révolution démocratique agrai-re et la révolution prolétarienne socialiste se trouvaient ainsi amenées à coïncider.
Mais au lendemain de l’expropriation politique et économique des anciennes classes dirigeantes, le prolétariat était appelé à faire face à un héritage négatif de la bourgeoisie. La bourgeoisie russe s’était montrée incapable de donner une solution aux problèmes historiques de sa propre révolution : la liquidation des survivances de la barbarie féodale et primitive, le développement des forces productives, de la technique et de la culture, l’institution d’un régime de démocratie politique. Le prolétariat devait payer les dettes historiques d’une bourgeoisie défaillante. En prenant comme point de départ cet héritage négatif, il devait maintenir et consolider son hégémonie politique sur une immense masse paysanne petite-bourgeoise hostile au socialisme et pour qui la révolution se réduisait au partage démocratique des terres.
Le retard dans le développement des forces économiques et politiques du capitalisme s’était nécessairement réfléchi dans la structure de classe du prolétariat.
Le prolétariat russe s’était constitué au rythme du développement de l’industrie fécondée par les investissements de capitaux étrangers, rythme rapide, mais plus lent que celui de la surpopulation paysanne et de l’exode des campagnes vers les villes. Puissamment concentré dans quelques foyers industriels, il restait cependant une faible minorité de la population travailleuse dont la plus grande masse était dispersée dans les occupations de la vie rurale. C’était un prolétariat jeune, de formation récente, encore mal dégagé de la gangue de ses origines paysannes et artisanales.
Les conditions créées par le climat politique du despotisme tsariste avaient permis la formation au sein du Parti bolchevik d’une élite révolutionnaire marxiste consciente des destinées historiques du prolétariat, aguerrie dans une lutte perpétuelle et souvent riche d’une sérieuse expérience internationale. Mais elles avaient entravé le développement des véritables organisations de masse permanentes du prolétariat. Les syndicats ouvriers, faibles, instables et dispersés n’avaient pu jouer dans leur ensemble leur rôle historique d’éducateur primaire de la classe ouvrière. Ils n’avaient pu créer le milieu propre à la démocratie prolétarienne. Le problème pratique des rapports à établir entre la masse prolétarienne et son avant-garde révolutionnaire n’avait pas reçu de solution satisfaisante.
Les soviets qui se formaient spontanément en période révolutionnaire étaient le rassemblement temporaire de toutes les forces de la révolution démocratique du prolétariat aussi bien que de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes unis dans un front commun contre l’ancien régime. Ils n’étaient pas les institutions permanentes de la démocratie prolétarienne. Organes spontanés de la révolution démocratique, ils pouvaient être le levier de la classe ouvrière pour la conquête du pouvoir, mais ils ne pouvaient demeurer la base ferme de sa dictature. La démocratie soviétique, avec l’énorme prépondérance qu’y prenait l’élément paysan et les traditions d’origine paysanne au sein de la classe ouvrière elle-même, portait le danger historique d’une dégénérescence petite-bourgeoise, prélude de la restauration du capitalisme sous des formes nouvelles (l’insurrection de Kronstadt). Au nom des intérêts historiques du prolétariat socialiste, le Parti bolchevik devait être amené à appesantir sur elle sa main de fer.
Dans les conditions d’isolement créées par le reflux de la vague révolutionnaire mondiale d’après-guerre qui avait porté dans ses flancs la Révolution russe, l’héritage négatif de la bourgeoisie, la faiblesse numérique et organique de la classe ouvrière devaient peser lourdement sur les destinées ultérieures de la dictature prolétarienne.
Le prolétariat russe, après avoir brisé l’appareil gouvernemental et militaire du despotisme tsariste, s’est trouvé impuissant à empêcher la résurrection sur ses ruines d’un nouvel appareil bureaucratique qui, selon le processus classique décrit par Engels, “de serviteur de la société à ses origines, devait progressivement en devenir le maître”.
Le développement et la puissance de l’appareil bureaucratique d’Etat était, dans l’ancien régime tsariste, le produit spécifique des contradictions d’une société de transition entre le féodalisme et le capitalisme où la classe des boyards avait déjà perdu le pouvoir tandis que la bourgeoisie capitaliste ne l’avait pas encore conquis. Il puisait sa force dans les intérêts à la fois solidaires et antagonistes des propriétaires fonciers et des capitalistes.
Le nouvel appareil bureaucratique s’est reconstitué au lendemain de la Révolution d’octobre à la fois avec les cadres dirigeants que le prolétariat avait tirés de son sein, et avec les débris d’une partie des cadres des anciennes classes dirigeantes ralliées au nouveau régime comme auxiliaires techniques (spécialistes de l’industrie et de l’armée). Il ne faut pas y voir une simple survivance de la période du communisme de guerre, de la centralisation des pouvoirs entre les mains d’un appareil et de la rigoureuse discipline militaire imposées par les nécessités économiques et politiques de la guerre civile. Les germes de bureaucratisme, qui existaient pendant cette période, n’étaient, selon l’expression de Trotsky dans Cours nouveau qu’un “jeu d’enfant” auprès “du monstrueux développement de l’appareil bureaucratique qui devait se produire en pleine période de paix”, après l’instauration de la Nouvelle politique économique.
L’appareil du communisme de guerre était étroitement contrôlé par la masse du Parti soulevée par la grande tension de la période révolutionnaire. Le développement du bureaucratisme coïncide au contraire avec la lassitude des masses, avec le retardement de toutes les forces du contrôle populaire, avec le processus de réaction consécutif à la fin de la période révolutionnaire en Russie comme dans le monde entier.
Le bureaucratisme post-révolutionnaire n’est pas non plus une survivance de l’ancien régime ramené à la faveur du processus de réaction. Il apparaît comme le produit des contradictions du nouveau régime, de la nouvelle société de transition entre le capitalisme et le socialisme reposant sur les intérêts à la fois solidaires et antagonistes du prolétariat socialiste des villes et de la petite bourgeoisie parcellaire des campagnes aux aspirations pré-capitalistes. C’est dans les contradictions que la nouvelle bureaucratie a puisé sa force. Sur cette base, l’Etat soviétique devait se développer progressivement “d’Etat prolétarien à déformations bureaucratiques”, comme Lénine le définissait déjà en 1920, en “Etat bureaucratique à survivances prolétariennes communistes”, selon la formule de Rakovsky en 1930.
Il reste à apprécier la nature et la portée de cette transformation.
L’usurpation bureaucratique
et la nature de classe
de l’Etat soviétique
Le problème de la nature de classe de l’Etat soviétique constitue une question capitale pour l’Opposition de gauche, non seulement en raison de son intérêt théorique mais aussi à cause de ses conséquences pratiques. De la reconnaissance ou du refus d’admettre le caractère ouvrier de l’Etat soviétique actuel dépendent deux manières distinctes d’envisager la régénérescence du mouvement communiste international : l’une qui se fonde sur l’espoir tenace d’un remaniement des cadres dirigeants de la politique soviétique qui permettrait d’affranchir la IIIe Internationale des erreurs systématiques du stalinisme ; l’autre pour qui la condition de toute véritable régénération communiste se trouve dans la rupture des liens organiques qui subordonnent le mouvement ouvrier révolutionnaire à la bureaucratie soviétique dont les intérêts ne coïncident plus avec ceux du prolétariat mondial.
Le camarade Trotsky, pour établir le caractère ouvrier de l’Etat soviétique actuel, malgré ses déformations bureaucratiques, s’appuie sur le schéma construit par Marx pour les rapports entre l’Etat et la société en régime capitaliste. L’Etat n’est qu’une superstructure. La nature de classe de l’Etat dépend des rapports de production et d’échange qui s’établissent dans l’infrastructure économique de la société. Il en résulte que le caractère ouvrier de l’Etat soviétique ne saurait être contesté tant que subsisteront la socialisation de la grande industrie, la nationalisation de la terre et le monopole du commerce extérieur.
La bureaucratie soviétique, bien que le camarade Trotsky reconnaisse qu’elle possède “le pouvoir réel”, qu’elle ait “reconstitué de nombreux caractères de la classe dirigeante” et qu’elle soit considérée comme telle “par les masses laborieuses”, ne saurait être cependant considérée par lui “du point de vue marxiste” comme une véritable classe (“Vers le capitalisme ou vers le socialisme”, Lutte de classes n° 23-24, 1930). La bureaucratie n’est jamais que l’agent d’exécution de la classe économiquement dominante, agent plus ou moins infidèle, subissant plus ou moins la pression des autres classes. La bureaucratie soviétique subit tour à tour la pression de la petite bourgeoisie des campagnes et celle de la bourgeoisie mondiale et la contre-pression du prolétariat soviétique et du prolétariat mondial.
Le danger que fait subir au régime soviétique la tendance bureaucratique de l’appareil d’Etat ne réside pas dans la bureaucratie elle-même, mais dans la contre-révolution bourgeoise dont elle fait le lit. La bureaucratie est incapable d’une politique véritablement indépendante. “A mesure qu’elle s’affranchit de sa dépendance à l’égard du prolétariat, elle tombe de plus en plus sous la dépendance de la bourgeoisie” (Contre le courant, 22 mars 1929 : “La crise du bloc centre-droite”).
Il en résulte “un régime de dualité de pouvoir” idoine et symétrique de celui qui s’était établi en 1917 pendant la période kérenskyste, un rapport de forces qui reste encore positif pour le prolétariat, mais qui évolue de plus en plus dans un sens défavorable. Mais le “kérenskysme à rebours” ne permet pas plus de nier le caractère ouvrier de l’Etat soviétique, malgré la dictature stalinienne, que le processus idoine ne permettait de nier le caractère bourgeois du régime kérenskyste. Il n’existe en effet jamais d’Etat neutre, de véritable point d’équilibre dans un rapport de forces sociales.
Par la suite, le camarade Trotsky, pour expliquer l’offensive bureaucratique contre l’ensemble de la paysannerie et la conversion du stalinisme à une politique d’industrialisation, malgré la liquidation “du parti en tant que parti”, a été amené à admettre que tandis que l’infrastructure économique de la dictature prolétarienne s’affermit, sa superstructure politique peut continuer à s’affaiblir et à dégénérer. Proposition difficilement intelligible lorsqu’on admet la thèse marxiste selon laquelle “la politique n’est que l’économie concentrée”, et, à plus forte raison, lorsqu’il s’agit d’un régime où la direction de l’économie est l’essentiel de la politique.
Les obscurités et les contradictions de la thèse du camarade Trotsky tiennent à son point de départ. En réalité, les rapports entre l’Etat et la société, entre l’infrastructure économique et sa superstructure politique, ne peuvent être envisagés de la même façon en régime capitaliste et dans le régime institué par la Révolution d’octobre. Il en résulte des possibilités toutes différentes pour la possibilité donnée à la bureaucratie de s’ériger en classe dirigeante.
En régime capitaliste, la gestion de l’appareil d’Etat par une bureaucratie n’implique pas la gestion des moyens de production et d’échange qui reste une fonction privée des propriétaires fonciers et des capitalistes dont ils sont la propriété non seulement juridique, mais réelle. Pour cette raison, et uniquement pour cette raison, la bureaucratie civile et militaire la plus puissante et la plus indépendante en apparence ne saurait jamais s’ériger, en régime capitaliste, en classe dirigeante.
Lorsque, par l’abolition des garanties démocratiques, la société capitaliste perd en apparence le contrôle politique direct de son propre appareil d’Etat, les classes économiquement dirigeantes conservent avec la propriété privée des moyens de production et d’échange, le pouvoir économique qui reste le pouvoir véritable. Elles conservent par là même tous les moyens de contrôle politique indirect qui assurent en fait leur domination aussi bien sous un régime démocratique que sous un régime dictatorial, et qui le masquent en même temps.
Les conflits entre la société capitaliste et la bureaucratie ne sauraient donner lieu à une véritable lutte de classes. En effet, d’une part, la bureaucratie, qui ne possède en propre aucune base économique, ne saurait se passer du mécanisme de l’exploitation capitaliste où elle trouve le fondement de son existence parasitaire ; d’autre part, les capitalistes et les propriétaires fonciers, minorité de la société, ne sauraient se passer de l’appareil d’Etat pour maintenir leur hégémonie sur le peuple travailleur.
Il n’en est plus de même si l’on considère un régime où les moyens de production et d’échange deviennent au point de vue juridique la propriété collective du peuple travailleur. L’Etat se trouve investi de la fonction d’administrer la vie économique de la société.
Dans ces conditions, la garantie pour que le titre juridique du peuple travailleur sur les moyens de production et d’échange reçoive un contenu réel, se trouve dans une transformation complète des rapports traditionnels entre l’Etat et la société.
L’Etat, comme puissance distincte de la société, et placé au-dessus d’elle, doit tendre à disparaître et à se résorber dans la société dès la prise du pouvoir par le prolétariat.
L’éligibilité de toutes les fonctions exécutives aussi bien que législatives, l’amovibilité et la responsabilité permanentes de tous les membres de l’appareil d’Etat devant le contrôle populaire, l’institution d’un maximum de traitement des fonctionnaires ne pouvant dépasser le salaire d’un ouvrier qualifié, doivent saper les fondements de l’existence d’une bureaucratie professionnelle privilégiée, maîtresse de la société. La police et l’armée permanente placées par les anciennes classes dirigeantes au-dessus de la population désarmée doivent faire place à la force armée des travailleurs. Tel est l’enseignement fondamental de Marx, d’Engels et après eux de Lénine sur le caractère véritable d’une dictature révolutionnaire du prolétariat.
Le dépérissement de l’appareil d’Etat est la condition de tout véritable acheminement vers le socialisme. Dans aucun texte de Marx, d’Engels ni de Lénine, ce processus ne se trouve renvoyé aux calendes grecques et à l’ère du communisme intégral. La théorie stalinienne selon laquelle le dépérissement de l’Etat a pour condition préalable le renforcement au maximum de l’appareil d’Etat soustrait au contrôle de la société, est la plus honteuse falsification du marxisme et du léninisme.
Les conséquences d’une évasion de l’appareil d’Etat en dehors du contrôle démocratique de la société ne peuvent être les mêmes pour le régime capitaliste et pour le régime soviétique.
La bureaucratie soviétique, en s’érigeant en caste pratiquement inamovible, en se multipliant par la voie de la cooptation, de l’avancement, derrière un système électoral fictif, en n’admettant d’autres formes de contrôle que celles des instances supérieures sur les instances inférieures, s’approprie “le pouvoir d’État en propriété privée” (Rakovsky).
Mais la nature de l’Etat sur lequel elle se développe lui permet en même temps de s’approprier les moyens de production et d’échange, sur lesquels, en l’absence de toute garantie démocratique, le titre juridique du peuple travailleur devient fictif et purement formel.
La bureaucratie concentre ainsi entre ses mains la totalité du pouvoir réel, économique aussi bien que politique. Elle se constitue une base économique originale qu’elle trouve dans le pouvoir d’Etat lui-même : la socialisation des moyens de production sans le contrôle ouvrier. Sur cette base, s’instituent de nouveaux rapports de production entre la bureaucratie et le peuple travailleur. La bureaucratie dirige à son gré le rythme de l’accumulation, impose arbitrairement les conditions de travail, restreint arbitrairement la consommation du peuple travailleur. Elle dévore le fonds de consommation des anciennes classes dirigeantes qu’elle empêche de se transformer en salaire collectif des travailleurs.
Contrairement à la thèse menchéviste reprise encore par Lucien Laurat qui voit le germe de l’usurpation bureaucratique dans le rôle joué par le Parti bolchevik dans la Révolution d’octobre, la destruction de l’avant-garde marxiste consciente des destinées historiques du prolétariat a été la condition de cette usurpation. “La liquidation du Parti bolchevik en tant que parti”, suivant la formule de Trotsky, la suppression de son rôle d’instrument de contrôle du prolétariat sur son propre appareil d’Etat, sa transformation en simple appendice passif de l’appareil d’Etat émancipé de tout contrôle, devait permettre à la bureaucratie de s’affranchir de la tutelle prolétarienne à l’ombre de laquelle elle avait grandi. L’usurpation bureaucratique n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel démocratique serein : elle a cependant son point culminant en 1927 dans l’intervention de la Guepeou pour mettre fin à toute discussion intérieure au Parti.
Mais, en abolissant par la terreur policière (exils, déportations, emprisonnements, assassinats administratifs), et aussi par la terreur économique (chômage forcé des opposants, retraits des cartes de coopératives) toute vie politique à l’intérieur du parti et de la classe ouvrière, la bureaucratie détruisait le véritable fondement de la dictature prolétarienne.
L’usurpation bureaucratique n’est pas la contre-révolution bourgeoise, pas plus que Thermidor n’était la contre-révolution monarchiste et féodale. Elle n’efface pas Octobre davantage que Thermidor n’effaçait 1789.
La bureaucratie soviétique a grandi et s’est développée sur les conquêtes du prolétariat qu’elle dût maintenir contre les ennemis intérieurs et extérieurs par le jeu même de ses propres intérêts conservateurs, comme le faisait la bourgeoisie thermidorienne.
L’usurpation bureaucratique n’est pas non plus un régime de dualité de pouvoir inverse et symétrique de celui qui s’était établi en 1917 pendant la période kérenskyste. Entre la faiblesse légendaire du gouvernement Kérensky et l’énorme pouvoir de contrainte économique et politique dont dispose la bureaucratie soviétique, il n’y a pas en réalité de commune mesure.
La bureaucratie soviétique s’est développée sur le fondement des conquêtes du prolétariat. Pour s’affranchir de sa dépendance à l’égard du prolétariat, elle devait commencer par s’appuyer sur une politique de concessions aux tendances pré-capitalistes de la petite bourgeoisie des campagnes. A cette tactique correspond la formation du bloc du centre et de la droite dans le Parti. Mais une telle alliance et une telle politique ne pouvaient être que temporaires. Au lendemain de sa victoire sur l’avant-garde marxiste qui défendait les véritables intérêts du prolétariat et du socialisme, la bureaucratie devait être amenée par le jeu même de ses intérêts conservateurs à se retourner contre ses anciens alliés, dont le triomphe eût menacé les bases de son existence. Tel est le mécanisme social de l’usurpation bureaucratique qui éclaire les tournants successifs du centrisme. La tactique de louvoiement de la bureaucratie n’exclut pas mais suppose une politique indépendante et distincte de celle du prolétariat et de celle de la paysannerie. Entre la tactique du plan, telle que la préconisait l’Opposition de gauche et celle que devait exécuter la bureaucratie, après sa rupture avec la droite, il n’y a pas seulement une différence de rythme et de méthode, mais aussi une différence de nature et de buts sociaux.
La politique économique de la bureaucratie est tout entière dominée par le souci d’élargir au maximum dans le minimum de temps la base économique de l’appareil d’Etat afin d’assurer son indépendance à l’extérieur aussi bien qu’à l’intérieur.
Sa politique d’industrialisation orientée par la préoccupation dominante de l’indépendance économique dans le cadre de l’Etat national, relègue à l’arrière-plan tous les problèmes spécifiques à la dictature prolétarienne : l’équivalence dans les échanges entre les villes et la campagne, base de l’union entre le prolétariat et la paysannerie, le relèvement du niveau de vie des travailleurs parallèlement à l’accroissement de la productivité du travail. Ses principaux succès sont remportés dans le domaine des rythmes gigantesques d’accumulation achetés au prix d’une compression systématique de la consommation des travailleurs.
Il en est de même de la politique de la collectivisation qui, en l’absence de bases techniques suffisantes et du libre choix des travailleurs de la terre qui constitueraient sa raison d’être au point de vue socialiste, n’est plus que la mainmise administrative de l’appareil d’État sur toute économie paysanne indépendante. La bureaucratie relègue à l’arrière-plan le problème de la dissociation du bloc paysan, de l’alliance entre le prolétariat et la paysannerie pauvre, et elle n’hésite pas à heurter de front l’ensemble de la paysannerie.
La politique du plan, entre les mains de la bureaucratie, est moins une économie dirigée dans le sens socialiste du mot, qu’une économie soumise à l’arbitraire d’une autorité dirigeante. Selon Marx, dans le 18 Brumaire, le bureaucratisme du Premier Empire est : “la forme inférieure et brutale d’une centralisation qui est encore infestée de son contraire : l’anarchie féodale”. Le bureaucratisme est la forme inférieure d’une direction consciente de l’économie qui est encore infestée de son contraire : le despotisme anarchique de l’autorité patronale. La tâche de la bureaucratie est le gouvernement des hommes. Le but du socialisme est la substitution de l’administration des choses au gouvernement des hommes. La bureaucratie n’aborde le problème de l’administration des choses que par le biais qui lui est propre : la contrainte brutale imposée aux hommes.
Le processus par lequel la bureaucratie soviétique s’est transformée en nouvelle classe dirigeante est le processus classique de l’usurpation qui donne naissance à des différences sociales à partir de simples différences fonctionnelles. La différence entre les fonctions de directive et les fonctions d’exécution se trouve à l’origine de la formation historique de toutes les classes : l’usurpation bureaucratique reproduit dans des conditions nouvelles l’usurpation du chef de guerre de la société primitive qui se transforme en seigneur féodal, et celle du maître qui se transforme en patron capitaliste.
Il reste que les chances de durée de cette classe nouvelle historiquement coincée entre le prolétariat et la bourgeoisie, à l’époque de leurs luttes finales sont extrêmement limitées.
La bureaucratie soviétique
et le prolétariat mondial
La théorie de l’édification socialiste dans un seul pays est devenue l’idéologie officielle imposée par l’Etat soviétique à toutes les sections de la IIIe Internationale. Elle ne doit pas seulement être dénoncée d’une manière théorique comme révision du marxisme, mais il faut aussi la critiquer dans ses fondements sociaux. La théorie du socialisme dans un seul pays est en réalité l’idéologie de classe spécifique de la bureaucratie, qui découle à la fois de ses origines révolutionnaires et de ses aspirations conservatrices. Elle mesure la divergence qui existe entre les intérêts de la bureaucratie soviétique et ceux du prolétariat mondial. C’est cette divergence qui se trouve à l’origine des erreurs systématiques de la IIIe Internationale.
La bureaucratie soviétique s’est développée sur le fondement des conquêtes du prolétariat. Elle ne peut renier ses origines révolutionnaires. Elle reste en ce sens solidaire du prolétariat et de la paysannerie révolutionnaires d’Octobre contre les anciennes classes dirigeantes expropriées par la révolution, qui demeurent l’ennemi commun des trois classes de la société soviétique, malgré leurs intérêts antagonistes. La Révolution russe n’a pas seulement exproprié les anciennes classes dirigeantes russes, mais elle a aussi exproprié une fraction de la bourgeoisie mondiale qui avait participé à l’édification capitaliste de l’ancienne Russie. Elle a fermé un marché et détruit l’équilibre mondial du capitalisme. Elle a été pour les nations et pour les classes assujetties par la domination capitaliste un exemple d’une valeur internationale. Pour toutes ces raisons, la bureaucratie soviétique, malgré son rôle d’usurpateur, reste encore dans une très large mesure antagoniste de la bourgeoisie mondiale. Elle est amenée par là à continuer à chercher un appui dans le prolétariat, et spécialement dans le prolétariat révolutionnaire galvanisé par l’exemple révolutionnaire d’Octobre.
Mais les intérêts de la bureaucratie soviétique ne sont plus que des intérêts nationaux et conservateurs : ils ne coïncident plus avec ceux du prolétariat révolutionnaire mondial. La bureaucratie soviétique a affermi sa puissance usurpatrice à la faveur du répit accordé à la bourgeoisie mondiale par le reflux de la vague révolutionnaire. Elle s’efforce de contenir le mouvement ouvrier révolutionnaire dans la limite où il reste une menace constante pour la domination de classe d’un capitalisme qui s’engagerait dans la voie d’une agression contre l’Etat soviétique. Elle subordonne les intérêts généraux et historiques du prolétariat international à ses intérêts particuliers et transitoires. Elle n’hésite pas un instant à sacrifier les intérêts de la révolution mondiale aux intérêts étroits et mal entendus de la Révolution russe. Cette attitude se vérifie aussi bien dans les tournants sectaires que dans les tournants opportunistes qu’elle impose à la politique de la IIIe Internationale. En 1926, la bureaucratie soviétique a sacrifié l’essor indépendant du PC anglais au maintien de l’alliance avec les chefs briseurs de grève des trade-unions dans lesquels elle avait trouvé des soutiens sérieux de l’Etat soviétique. Elle a sacrifié le Parti communiste et la Révolution chinoise à l’espoir vain d’une alliance sérieuse entre l’Union soviétique et l’Etat nationaliste bourgeois en lutte contre les impérialismes européens. Le tournant déterminé par l’échec de cette politique (gouvernement conservateur en Angleterre, agression du militarisme chinois contre le chemin de fer de l’Est) ne révise pas son caractère fondamental.
La politique de la troisième période n’est au fond qu’une mobilisation générale du prolétariat révolutionnaire autour du mot d’ordre central de la défense de l’URSS privée du soutien de ses ex-soutiens réformistes et nationalistes. Le caractère criminel de cette politique éclate enfin lorsque, derrière le sectarisme qui s’oppose au front unique de la classe ouvrière en Allemagne, apparaît le souci de freiner la lutte décisive qui détruirait dans le monde l’état d’équilibre à la faveur duquel la bureaucratie soviétique a pu maintenir son monopole usurpateur. Coincée historiquement entre le prolétariat et la bourgeoisie, la bureaucratie redoute également le prolétariat et la révolution mondiale.
Telle est la signification internationale de la politique du socialisme dans un seul pays. Dans cette politique et dans les intérêts dont elle s’inspire, se trouvent les raisons de la faillite de la politique de la IIIe Internationale. La rupture organique entre le mouvement ouvrier révolutionnaire mondial et l’appareil d’Etat soviétique est la condition de toute régénération communiste internationale. De même, en Russie soviétique, suivant la juste formule de Rakovsky “le mot d’ordre de l’unification de tous les communistes révolutionnaires peut être réalisé seulement par la masse du parti dans la lutte contre la bureaucratie centriste” (déclaration de 1930).
Une telle attitude n’entraîne pas le moins du monde le refus d’admettre les obligations internationales du prolétariat à l’égard de la Révolution russe. L’usurpation bureaucratique n’efface pas Octobre. Même entre les mains de la bureaucratie, les conquêtes du prolétariat restent les premières bases historiques du socialisme. Le devoir du prolétariat mondial de défendre l’Union soviétique contre toute agression de la réaction blanche ou de l’impérialisme mondial, reste entier, mais en toute indépendance et sans perdre de vue un seul instant ses buts généraux : la révolution mondiale et l’avènement d’une société sans Etat et sans classes.
Les véritables intérêts de la Révolution russe ne sont pas ceux qu’entend la bureaucratie soviétique. La véritable ligne de défense de la Révolution russe passe par la révolution mondiale, car c’est seulement à l’échelle mondiale que les contradictions historiques de la Révolution russe trouveront une solution.
Conclusions
1. Les conditions objectives qui ont favorisé la prise du pouvoir par le prolétariat russe devaient rendre plus malaisées les tâches postérieures à la prise du pouvoir dans les conditions d’isolement créées par le reflux de la vague révolutionnaire.
2. La dégénérescence bureaucratique de l’Etat soviétique a ses causes profondes dans l’ensemble des contradictions de la Révolution russe, dans l’héritage négatif de la bourgeoisie, dans la faiblesse du prolétariat et dans son isolement international au sein d’une masse paysanne et petite-bourgeoise.
3. Le pouvoir d’Etat soviétique sur les moyens de production et d’échange, en l’absence des garanties de la démocratie prolétarienne, ne permet plus d’affirmer le caractère ouvrier de cet Etat. La bureaucratie usurpatrice des conquêtes du prolétariat est une nouvelle classe dirigeante pourvue d’une base économique originale : la socialisation des moyens de production sans le contrôle ouvrier.
4. La bureaucratie soviétique louvoie entre la bourgeoisie et le prolétariat mondial. Cette politique originale est déterminée par ses origines révolutionnaires et ses buts conservateurs.
5. La divergence entre les intérêts de la bureaucratie soviétique et ceux du prolétariat mondial est à la source des erreurs systématiques de la IIIe Internationale (politique du socialisme dans un seul pays).
6. L’usurpation bureaucratique n’est pas la contre-révolution bourgeoise. Entre les mains de la bureaucratie, les conquêtes du prolétariat restent les premières bases historiques du socialisme. Le devoir pour le prolétariat de défendre en toute indépendance l’Union soviétique contre toute agression de la réaction blanche ou de l’impérialisme, reste entier.
7. La révolution mondiale seule peut donner une solution aux contradictions de la Révolution russe.
Rapport sur les
relations entre l’Opposition de gauche
et les partis staliniens,
présenté par le Groupe de la Gauche communiste
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Depuis le début de l’Opposition jusqu’à son stade actuel, ses rapports avec la direction de l’IC ont évolué en liaison étroite avec les transformations économiques et sociales qu’a subies l’URSS. Ce n’est pas ici le lieu d’exposer le caractère de ces transformations internes du pouvoir prolétarien depuis la Révolution d’octobre jusqu’à nos jours, mais on ne peut passer sous silence ses transformations, puisqu’en dernière analyse, ce sont elles qui ont déterminé toute la politique de l’IC. Rappelons brièvement les étapes qu’a suivies l’Opposition et la nature de ses rapports avec la direction du Parti bolchevik et de l’IC.
En 1923 et 1924, l’Opposition dirigée par Trotsky a lutté contre la bureaucratisation des cadres du Parti et de l’Etat soviétique. Dans ce qui n’est à cette époque qu’une lutte de tendances au sein du prolétariat révolutionnaire, on commence déjà à distinguer les divergences d’intérêts sociaux entre l’appareil qui se bureaucratise d’une part et la masse prolétarienne, d’autre part, mise de plus en plus dans l’incapacité d’exercer un contrôle démocratique.
Ce que l’on appelle le “zinoviévisme” n’est que le prolongement dans l’IC de la cristallisation bureaucratique où en est parvenu l’appareil d’Etat soviétique. La bolchévisation des partis, faite mécaniquement, sans égards aux niveaux organique et idéologique des adhérents, n’avait pour but que de supprimer la vie politique des différents partis de l’IC, de leur enlever toute initiative et toute responsabilité dans la marche des événements. C’est ainsi que le remplacement des sections locales qui avaient sans doute beaucoup d’inconvénients, mais dont l’existence permettait une certaine critique et un certain contrôle de la base, sur la politique de la direction, leur remplacement par des cellules, la plupart fictives, et dont l’immense majorité restèrent sans vie politique, tout cet éparpillement brutal des forces politiques du parti a eu le résultat qu’on pouvait en attendre : il a supprimé la vie politique dans les sections de l’IC, et derrière une façade pseudo-démocratique de discipline formelle, il a consolidé l’influence d’une clique bureaucratique. Le Ve congrès de l’IC (1924) illustre clairement les résultats politiques de cette bureaucratisation : on n’y cherche plus à déterminer la ligne d’action révolutionnaire après un examen objectif et attentif de la conjoncture politique, mais seulement à couvrir sous une phraséologie de circonstance les responsabilités de l’IC dans les échecs révolutionnaires répétés (Allemagne, Bulgarie, etc.). Cependant, la direction centriste de l’IC tolère encore d’une manière relative la présence d’une opposition dans les rangs des partis. Il faut attendre la mainmise complète de Staline et de son appareil sur le PCR et sur l’IC, il faut en arriver aux exclusions de 1927, à la répression féroce contre les bolcheviks-léninistes pour constater que le PCR “n’existe plus comme parti” (Trotsky). L’intrusion de la police dans les luttes intérieures sape le caractère prolétarien du PCR. Il ne s’agit plus dès lors “d’un mauvais régime intérieur”, mais d’une lutte très violente contre les intérêts historiques et universels du prolétariat défendus âprement par l’Opposition de gauche, et les intérêts transitoires et nationaux de la bureaucratie soviétique. Dans cette lutte, dans la destruction de l’Opposition qui l’a suivie, le PCR se transforme. De parti dirigeant du prolétariat suivant la conception léniniste, exerçant son contrôle permanent sur les organisations d’Etat, il est devenu, et devient de plus en plus partie intégrante de l’appareil d’Etat et un instrument de la domination bureaucratique sur la classe ouvrière. Depuis 1927, la dictature bureaucratique dans l’IC, comme dans l’Etat soviétique, s’est faite de plus en plus étroite et brutale.
Les dirigeants chassent impitoyablement tout militant qui n’est pas prêt d’accepter les décisions contradictoires des différents plénums et comités centraux. A ce terrorisme intérieur, qui est un des aspects les plus caractéristiques de la dictature bureaucratique, s’ajoute comme il était facile de le prévoir les transformations idéologiques conformes aux intérêts de la nouvelle caste dominante en URSS. A la conception internationaliste du marxisme s’est substituée la conception nationaliste du “socialisme dans un seul pays”. A la lutte, à la propagande pour la Révolution mondiale, s’est substituée la lutte et la propagande exclusives en faveur de la “défense” de l’URSS. A la critique marxiste, à la dialectique révolutionnaire, “objet d’horreur pour la bourgeoisie” (Marx)... et pour la bureaucratie stalinienne, s’est substitué le dogmatisme servile pour la plus grande gloire des bureaucrates dirigeants et de leurs intérêts de caste.
Ces deux aspects organique et politique de la situation actuelle de l’IC montrent à tous les marxistes que l’IC ne constitue plus l’avant-garde révolutionnaire, l’état-major clairvoyant qu’avait forgé Lénine, mais un appendice de la bureaucratie soviétique destiné à sa propre défense et à sa propre apologie.
Caractères de l’IC
Nous venons de voir que les différents partis communistes ne sont guère plus que des organisations de défense de la bureaucratie soviétique. Cela implique de leur part une attitude qui, en général, ne permet pas de “représenter les intérêts du mouvement intégral”, rôle que Karl Marx et F. Engels attribuaient aux communistes dans le Manifeste. De là cette succession impressionnante d’erreurs (en se plaçant du point de vue du prolétariat révolutionnaire) que l’opposition ne cesse de dénoncer depuis dix ans. De là cet isolement croissant des PC dans une situation souvent favorable, au milieu des masses hostiles ou indifférentes. De là cette politique de zigzags étrangers aux variations de la conjoncture politique, copie servile des réactions de la bureaucratie soviétique défendant son existence contre les revendications ouvrières d’une part, et contre l’emprise de la bourgeoisie d’autre part.
Certes, devant les masses ouvrières inéduquées, l’IC se présente dans la plupart des cas avec un visage révolutionnaire et prolétarien. Elle réussit parfois à entraîner derrière elle les ouvriers les plus combatifs, les meilleurs du prolétariat (cela est un fait d’évidence). Mais partout où elle parvient à jouer un rôle révolutionnaire de quelque importance, elle envoie les masses à une mort inutile (Chine) ou les achemine vers la plus honteuse capitulation (Allemagne). L’agitation, le verbalisme de l’IC, et même la répression qu’elle subit de la part de la bourgeoisie, toute cette façade révolutionnaire, ne doivent pas obscurcir le jugement des véritables communistes sur ce qu’elle représente actuellement ; sa phraséologie communiste ne peut servir à masquer le contenu national-bureaucratique de toute sa politique. Et c’est cela seul qui peut motiver notre jugement.
Mais ici, une question se pose : comment se peut-il qu’une organisation défendant des intérêts qui ne coïncident pas exactement avec ceux du prolétariat, puisse conserver cette façade révolutionnaire et un certain prestige, au moins dans quelques pays ?
A notre avis, cela tient à plusieurs causes :
1. Il ne faut pas oublier que la bureaucratie s’est développée sur les bases d’une révolution prolétarienne victorieuse, révolution qui n’a pu survivre qu’à cause d’une lutte acharnée contre les bourgeoisies coalisées de l’univers. Elle s’oppose aux différentes bourgeoisies sur le terrain économique, comme sur le terrain de l’héritage politique, de même que s’opposait aux monarchies féodales la bureaucratie bourgeoise de Bonaparte, issue de la révolution démocratique. Les partis communistes officiels n’ont pour but, pour ainsi dire exclusif, que de servir de moyens de pression et d’agents d’exécution entre ses mains. Cela suffit à les opposer d’une manière systématique souvent aveugle et parfois absurde aux partis de la social-démocratie internationale, qui, eux, représentent véritablement l’influence bourgeoise dans le prolétariat.
L’antagonisme actuel entre les PC officiels et les partis socialistes, après avoir été la conséquence de profondes différences de principe, n’est plus qu’un reflet de l’antagonisme existant entre la bureaucratie soviétique et la bourgeoisie mondiale. Il ne survivrait pas à une politique d’alliance entre l’URSS et les pays impérialistes, soit que les PC staliniens se fondent avec la social-démocratie, soit qu’ils s’effondrent sous le poids de leurs contradictions.
2. Pour maintenir leur prestige sur la partie avancée du prolétariat, les staliniens spéculent sur les traditions glorieuses du Parti bolchevik et de la Révolution d’octobre. En se représentant comme le continuateur de Lénine, leur chef Staline draine au profit de sa clique de parvenus les admirations et les enthousiasmes les plus profonds et les plus sains du prolétariat. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’adhésion des masses au communisme s’est faite plutôt sous la forme d’un amour sentimental et mystique de la Révolution bolchevique qu’à cause d’une compréhension aiguë de l’avenir social et économique du peuple travailleur. Nous ne nions pas l’importance historique de grands mythes pour le rassemblement des énergies révolutionnaires. Mais celui-là est un piètre communiste qui ne veut ni ne sait élever les passions des masses à la hauteur de la connaissance scientifique que procure le marxisme. La tâche des bureaucrates staliniens est au contraire d’empêcher par tous les moyens possibles la formation d’une conscience critique du prolétariat ; ces gens n’ont qu’une terreur, c’est que le prolétariat ne se mette à raisonner avant d’accepter, à juger au lieu de croire. C’est là une attitude qui ravale les staliniens au niveau des esprits réactionnaires les plus avérés, et c’est une raison de plus pour comprendre tout ce que renferme d’ironie sinistre les plans d’éducation du Parti !
Nous avons dit que le prestige de la bureaucratie était emprunté à celui
de la Révolution d’octobre ; mais on ne peut vivre éternellement de la renommée
des morts qu’on a détroussés : aussi assiste-
t-on aux efforts déployés par les dirigeants staliniens pour substituer à
l’auréole des premières années de l’Union soviétique, la légende dorée et bien
bureaucratique du Plan quinquennal considéré comme ouvrant une ère nouvelle
dans l’humanité ! La propagande des partis officiels en dehors d’une tendance
spontanée au réformisme hurlant hérité des errements petits-bourgeois du passé,
se réduit à une apologie bruyante et intéressée du régime stalinien.
3. Une des causes, et non des moindres, de l’influence de l’IC dans les masses, est l’existence de la social-démocratie, cet agent de l’influence bourgeoise dans les rangs ouvriers. La trahison permanente de la social-démocratie alimente les rangs staliniens, de même que son réformisme larvé favorisait avant-guerre l’anarcho-syndicalisme. On peut dire aujourd’hui en paraphrasant une opinion de Lénine sur l’anarchisme, que le stalinisme “est la rançon de l’opportunisme socialiste”.
Qu’aucun parti communiste sérieux n’ait pu se constituer pour porter des coups mortels au cadavre toujours debout de la social-démocratie, cela tient d’abord à la faible éducation marxiste des masses, ensuite au sabotage consciemment perpétré par la bureaucratie stalinienne. L’histoire du PC français est significative à cet égard : il n’est sorti des bras de la petite-bourgeoisie que pour tomber dans ceux de la bureaucratie. Aussi, la constitution d’une avant-garde communiste, suivant la conception léniniste, reste en France et dans la plupart des pays capitalistes dans le domaine de l’avenir.
Résumons maintenant les raisons qui expliquent à nos yeux le maintien et l’influence révolutionnaire des partis staliniens dans les pays capitalistes.
Ce sont : la politique d’opposition à la bourgeoisie et à ses laquais socialistes, menée par la bureaucratie, le prestige adroitement exploité de la Révolution d’octobre, enfin la politique de trahison de la social-démocratie combinée au faible niveau idéologique des masses.
Mais la façade communiste du stalinisme ne peut cacher aux yeux d’un véritable révolutionnaire que :
L’IC est responsable de la défaite de la révolution en Allemagne et en Bulgarie (1923), du désastre de la Révolution chinoise (1927), de la stagnation de la Révolution espagnole (1932), et enfin de la capitulation honteuse du prolétariat devant le fascisme, capitulation qui approche à grands pas. Enfin l’IC est directement responsable de la passivité et de l’incapacité organique et idéologique du prolétariat devant une crise de régime qui est sans précédent dans l’histoire.
L’IC actuelle
et l’Internationale d’avant-guerre
Nous avons parlé des deux aspects sous lesquels se manifeste la politique bureaucratique, l’idéologie stalinienne d’une part, le régime intérieur des partis d’autre part. Historiquement on ne peut séparer ces deux manifestations qui sont liées comme l’oxygène et l’hydrogène dans une goutte d’eau ; mais pour faciliter notre analyse, examinons d’abord les méthodes de lutte contre l’idéologie révisionniste des staliniens indépendamment du régime intérieur qu’ils imposent aux militants, et reportons-nous à l’époque antérieure à la guerre.
La IIe Internationale avait quitté le terrain du marxisme révolutionnaire conséquent. En théorie elle adoptait l’idéologie opportuniste et conciliante du centrisme de Kautsky, dont le but était de masquer les difficultés, d’escamoter les problèmes de la lutte révolutionnaire et de la prise du pouvoir, cela tout en restant fidèle à la lettre d’un marxisme étroit et desséché. En pratique, c’était bien pire encore ; la tendance réformiste de Bernstein avait en fait triomphé. L’appareil politique et syndicaliste n’était qu’une lourde machine bureaucratique dont tous les efforts consistaient à s’intégrer de plus en plus dans les rouages de l’Etat bourgeois. Il est clair que bien avant son effondrement de 1914, la IIe Internationale ne représentait plus les intérêts historiques du prolétariat mondial. Si son idéologie était une concession à ses origines, sa politique pratique s’inspirait avant tout des intérêts de caste de la puissante aristocratie d’Angleterre et d’Allemagne. A la tête des formidables organisations du travaillisme anglais et de la social-démocratie allemande siégeait une bureaucratie ouvrière depuis fort longtemps détachée de la production, et formant une sorte d’armature rigide et extérieure aux aspirations prolétariennes.
Malgré cela, Lénine et les bolcheviks, en dépit de leur scission constante avec les mencheviks, ne songeaient même pas à sortir de la IIe Internationale. Bien plus, ils sous-estimaient la lutte tenace menée contre le centrisme équivoque par la Gauche allemande de Liebknecht et de Rosa Luxembourg. Cette Fraction de gauche n’avait d’ailleurs pas d’équivalent dans les autres partis étrangers, et luttait pour son propre compte. Aucune de ces tendances qui continuaient l’esprit révolutionnaire du marxisme, ne pensaient à constituer une Internationale nouvelle. Elles savaient que les partis social-démocrates étaient dans la plupart des pays capitalistes d’Europe, sauf en France et en Espagne, la seule force organisée de la classe ouvrière, et que toute sécession d’avec la social-démocratie eût mené à un isolement de l’avant-garde révolutionnaire. Certains pensent aujourd’hui que ce fût une erreur de ne pas créer avant le désastre de 1914 une organisation internationale révolutionnaire ? Nous ne le pensons pas, car une telle organisation eût rapidement, dans les pays de démocratie bourgeoise, dégénéré en secte ; mais, ce qui nous semble une erreur historique très grave, c’est que les éléments marxistes révolutionnaires n’aient pas été capables de mener une lutte internationale unifiée, avec une plate-forme commune et une liaison organique, qui, bien qu’existant seulement au sein de l’Internationale eût survécu à son effondrement. Telle est la leçon qui se dégage des luttes au sein de la IIe Internationale.
Pouvons-nous comparer la situation d’avant-guerre avec celle d’aujourd’hui dans l’Internationale communiste ? Celle-ci a abandonné le marxisme révolutionnaire en fait tout en s’en réclamant dans l’idéologie. Elle a desséché l’enseignement de Lénine comme la IIe avait catéchisé Karl Marx. Elle a substitué aux intérêts de tout le prolétariat ceux d’une caste bureaucratique en URSS. Ce sont là sans conteste des ressemblances qui pourraient justifier des attitudes analogues de la part des marxistes. Certains sont d’un avis contraire, en affirmant que l’Internationale communiste est mille fois moins dégénérée que la IIe Internationale d’avant-guerre. Ce n’est pas notre avis. Nous ne chercherons pas à savoir si le “socialisme dans un seul pays” est plus ou moins réactionnaire que le révisionnisme de Bernstein, mais il nous parait peu probable que l’IC survive à l’explosion d’un nouveau 1914. La différence entre les deux organisations provient surtout de ce fait que la direction réformiste de la social-démocratie d’avant-guerre puisait sa force et son inertie dans l’embourgeoisement des catégories supérieures du prolétariat des grands pays capitalistes, embourgeoisement qui avait sa cause dans la conjoncture ascendante du capital et l’expansion impérialiste de cette époque. La bureaucratie est en URSS une classe qui possède les moyens de production et l’appareil d’Etat avec les moyens de répression que cela comporte. Elle n’a pas de liens économiques avec le prolétariat des pays capitalistes ; elle se superpose à lui et en reste isolée. Par suite, son hégémonie dans l’IC garde un caractère coercitif et étranger aux préoccupations immédiates du prolétariat. De là vient aussi la différence fondamentale entre le régime intérieur de la social-démocratie d’avant-guerre et le régime intérieur stalinien. Non seulement, la IIe Internationale n’a jamais chassé de ses rangs la Gauche allemande ou les bolcheviks russes, mais ces camarades pouvaient collaborer à sa presse et parler à ses congrès en toute liberté. Au contraire, la direction stalinienne a chassé, déporté ou emprisonné tous les opposants de sa politique. C’est une différence capitale que nous devons avoir présente à l’esprit, dans l’examen des rapports entre l’opposition et l’IC.
Car, sans le régime intérieur imposé par les staliniens, il est évident pour chaque oppositionnel que sa place serait dans les rangs de l’IC pour les mêmes raisons que les marxistes d’avant-guerre sont restés au sein de la IIe Internationale.
Les staliniens qui chassent l’opposition savent qu’une lutte de fraction menée dans l’IC sur la base du centralisme démocratique, aurait abouti à leur liquidation complète. Ce n’est pas de son plein gré que l’Opposition se trouve coupée des partis communistes ; les staliniens le savent bien ; et par là ils démontrent que les intérêts de la bureaucratie régnante leur sont plus sacrés que ceux du prolétariat.
La tactique et les perspectives
de l’Opposition
C’est donc le régime intérieur qui empêche l’opposition de mener une lutte loyale et disciplinée dans les rangs de l’IC, et le régime intérieur est une des preuves les plus formelles de l’emprise bureaucratique sur les rouages et sur les buts politiques de l’IC. En quoi consiste dans ces conditions la politique de Fraction ? L’absence de démocratie intérieure est si complète que toute fraction organisée au sein du parti y est pratiquement impossible. Seuls quelques individus peuvent par hasard et en se cachant échapper à la police du parti. Dans ces conditions, se déclarer fraction du parti n’est pas une constatation de fait, mais un vœu pour l’avenir, ou, pour les plus optimistes, une perspective historique certaine. Il est évident qu’on ne peut définir une organisation ou organiser sa propagande en se fondant sur l’accomplissement problématique d’un désir de ses adhérents. Quant à la perspective de réintégration de l’Opposition, c’est-à-dire à la création d’une fraction légale dans l’IC, cette perspective nous paraît absurde si on tient compte de la structure de l’IC et de l’Etat soviétique. les gens qui voient dans la lutte entre le stalinisme et l’Opposition une question de personnes ou une différence d’opinion, peuvent sans contradiction soutenir ce point de vue. Mais nous doutons qu’on puisse considérer de tels gens comme des marxistes. Nous qui voyons dans ce conflit une lutte de classes, nous ne pouvons admettre une prétendue conversion de la bureaucratie. Il est certain que sous la pression des événements, le cadre bureaucratique volera un jour en éclats, mais ce fait ne sera certainement pas la conséquence d’une atténuation ou de la légalisation de la lutte qu’elle mène contre l’Opposition ; bien au contraire, il sera le résultat d’un antagonisme croissant entre les intérêts et la politique de la bureaucratie et ceux du prolétariat. Parler du redressement de l’IC en y sous-entendant le redressement de la bureaucratie stalinienne, c’est tromper le prolétariat plus ou moins consciemment.
Vouloir le redressement de l’Internationale en l’arrachant à l’emprise de la bureaucratie soviétique, et en la nettoyant de toute bureaucratie, c’est tout autre chose, et ce point de vue qui est le nôtre, ne diffère pas sensiblement du point de vue de ceux qui croient à la nécessité d’une organisation neuve qui reprendrait à son compte les principes des quatre congrès de l’IC, et la tradition révolutionnaire du bolchevisme. La différence réside en une question de mots à laquelle on ne saurait attacher une grande importance.
La Ligue communiste défend sur le plan théorique la position de Fraction. Quand elle veut passer à l’application de cette position, elle n’aboutit qu’à une politique absurde, pleine de suivisme et de contradictions vis-à-vis du Parti. Tels ont été les résultats de sa politique dans les domaines syndical (lutte sectaire contre l’opposition unitaire), électoral (recommandations d’appliquer la tactique classe contre classe). La Ligue et l’Opposition internationale n’ont vraiment réussi que dans le plagiat des méthodes staliniennes de direction.
Aux antipodes de cette attitude, se trouvent les tendances qui veulent se constituer en second parti (Urbahns en Allemagne, Hennaut en Belgique, etc.). “Du moment qu’aucun travail sérieux de fraction n’est possible, disent-elles, il faut travailler à constituer un second parti".
Contre cette opinion, il n’y a, à notre avis, aucune objection de principe, mais nous ne pouvons suivre ces camarades pour des raisons concrètes très précises.
En effet, il ne suffit pas de la bonne volonté d’une poignée de gens pour fonder un parti ; il faut avant tout des circonstances historiques favorables qui peuvent varier suivant le temps et le lieu. Il est peut-être possible de fonder des partis communistes indépendants en Espagne et en Belgique par exemple, où les partis officiels sont faibles, sans traditions dans le prolétariat, et où aucun prestige acquis dans les luttes antérieures ne vient compenser le discrédit croissant qui enveloppe les méthodes staliniennes. Cela est tout à fait impossible au moins dans les circonstances actuelles, dans les pays où subsistent des partis ayant quelque importance (Allemagne, France).
Un parti nouveau, à plus forte raison, une Internationale nouvelle, ne peuvent se développer que dans la mesure où les partis existants ne satisfont plus aux besoins de la masse (et pas seulement de l’avant-garde).
Des organisations dispersées plus ou moins spontanées naissent et se développent dans les périodes historiques, où les anciennes organisations ayant fait faillite, le prolétariat secoue son apathie en cherchant une voie nouvelle. Nous n’en sommes pas encore là dans les grands pays capitalistes ; mais l’Opposition dont le rôle est de développer et de sauver le communisme, se doit, en se constituant en groupe indépendant, de surveiller attentivement cette évolution prochaine et de la polariser vers le communisme. Cela signifie-t-il que l’opposition doit renoncer à convaincre les membres honnêtes du parti stalinien ? Nous ne le pensons pas, bien au contraire. L’Opposition, en se débarrassant du point de vue formaliste et étroit de la Ligue communiste et du Secrétariat international, en renonçant à convertir ou à réformer une clique bureaucratique sans principes et sans pudeur, n’en sera que plus à l’aise pour montrer aux ouvriers communistes la politique détestable ou criminelle des dirigeants staliniens. C’est dans une indépendance complète de l’Opposition vis-à-vis des organisations staliniennes, et c’est en préconisant l’indépendance de classe de l’avant-garde communiste vis-à-vis de toute autre classe ou caste dont les intérêts ne coïncident pas avec ceux du prolétariat que l’opposition pourra remplir sa mission : redresser le mouvement communiste en le rendant à se buts finaux : la révolution mondiale et la construction d’une société sans classes.
Conclusions
1. La politique stalinienne et le régime intérieur de l’IC sont les conséquences de la mainmise complète de la bureaucratie soviétique sur le mouvement ouvrier révolutionnaire des pays capitalistes.
2. La politique stalinienne fait systématiquement passer les intérêts de cette bureaucratie avant ceux du prolétariat.
3. Dans ces conditions, l’IC, malgré sa façade révolutionnaire, ne répond plus à la conception léniniste d’une avant-garde consciente du prolétariat international.
4. La bureaucratie soviétique ne peut pas plus se réformer que toute autre bureaucratie apparue dans l’histoire, elle ne peut être que vaincue et brisée dans la lutte de classes.
5. Dans ces conditions, il est vain et puéril de vouloir redresser les cadres dirigeants de l’IC tant que celle-ci s’appuiera sur l’appareil d’Etat soviétique.
6. Le redressement de l’Internationale, effectué sous la pression du prolétariat révolutionnaire, ne peut se concevoir que par une rupture organique avec la bureaucratie soviétique aboutissant à la constitution d’une organisation indépendante de cette bureaucratie.
7. L’Opposition communiste de gauche a pour but de travailler à reconstruire l’avant-garde communiste internationale indispensable à l’émancipation prolétarienne.
8. Dans ce but, l’Opposition de gauche doit être unifiée sur les plans national et international avec une plate-forme commune s’inspirant des thèses adoptées par les quatre premiers congrès de l’IC et des expériences révolutionnaires qui ont suivi, sur la base du centralisme vraiment démocratique.
9. L’Opposition ne renonce pas à travailler au sein du PC dans la mesure du possible pour amener les adhérents sincères du PC à la conception d’un redressement nécessaire du mouvement communiste. Elle doit manœuvrer pour ne pas faire chasser inutilement les adhérents et sympathisants qu’elle a dans les rangs du PC.
Dans ses attaques contre les dirigeants staliniens, l’Opposition doit éviter les critiques purement générales ou négatives, et au contraire, opposer sans cesse à la politique détestable ou criminelle des staliniens la politique d’une véritable avant-garde communiste, afin d’élever par tous les moyens le niveau idéologique des militants.
10. L’Opposition rejette comme prématurée dans la conjoncture actuelle du mouvement révolutionnaire, la formation de nouveaux partis communistes de masses, en marge des PC réellement existants.
11. Dans les pays où la dégénérescence du communisme officiel est considérable, l’Opposition de gauche se doit d’envisager avec les autres tendances communistes les conditions de l’unification des forces communistes sur la base d’un travail de masse.
Groupe de
l’Opposition de gauche de la banlieue ouest
Résolution sur la question russe
1. L’Opposition de la banlieue ouest (ancien 15e rayon) approuve dans ses grandes lignes l’analyse critique donnée par la Gauche communiste sur les contradictions de la Révolution russe.
2. Cependant elle ne saurait faire siennes entièrement les conclusions présentées à la fin de ce rapport, notamment en ce qui concerne l’appréciation fournie sur le caractère de l’Etat soviétique et les conséquences qui en découlent logiquement.
3. Le groupe pense au contraire que “le caractère ouvrier de l’Etat soviétique ne saurait être contesté tant que subsisteront la socialisation de la grande industrie, la nationalisation de la terre et le monopole du commerce extérieur”.
4. Par suite de l’absence de démocratie, de vrai contrôle des travailleurs sur l’ensemble des organismes de l’Etat, le bureaucratisme n’a cessé de se développer en URSS. Par ses liaisons, ses amitiés, sa force, ses privilèges, la bureaucratie soviétique en vient à jouer un véritable rôle de classe, dont les intérêts s’opposent de plus en plus aux intérêts de la classe ouvrière. Cependant, la paysannerie seule peut devenir dans le moment présent une force de Thermidor.
5. D’autres facteurs que la révolution mondiale peuvent intervenir en URSS pour donner une solution aux contradictions de la Révolution russe : la guerre, des révoltes paysannes, etc.
6. Nier le caractère ouvrier de l’Etat soviétique, si précaire soit-il et si dangereusement compromis, c’est fatalement s’engager sur la voie du 2e parti en URSS, dans la voie de la IVe Internationale, et en France dans l’organisation du 2e parti.
Le Groupe de l’opposition communiste de gauche de la banlieue ouest a voté les points 1, 2, 4, 5 et 6 des conclusions du rapport de la Gauche communiste. Elle a, par contre, repoussé les points 3 et 7.
Fraction de gauche
(Opposition)
Les problèmes de l’unification
La conquête des masses
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Quand on parle de l’impuissance des masses – et ici il ne saurait s’agir que des masses exploitées du prolétariat – il est bien entendu
qu’il ne s’agit pas de leur impuissance par rapport à leur rôle historique, tel que le conçoit notre conception marxiste, mais de la qualité de leur esprit de classe, de leur degré de combativité, de leur subjectivisme révolutionnaire, vus sous l’angle de la lutte politique et de l’objectivisme historique d’une époque comprise entre la fin de la guerre 1914-1918 jusqu’à aujourd’hui.
L’époque de l’impérialisme ne peut être que l’époque de la lutte de classes accentuée et il n’est de communiste sérieux qui n’en soit d’accord.
Mais si les formulations théoriques les plus audacieuses en même temps que les plus véridiques précèdent le mouvement des choses et aident à son analyse, elles ne sauraient commander le rythme de son évolution jusqu’en ses conclusions définitives.
Nous prévoyions lors des grandes tempêtes d’après-guerre un rythme rapide dans l’évolution et l’activité des masses ouvrières, et, cela va de soi, nous en tirions toutes les déductions révolutionnaires. Mais le rythme se ralentit sous le choc des premiers échecs, marqua le pas, changea de nature. De la quatrième vitesse, on passa sans transition à la première et de là à la marche arrière.
L’histoire a-t-elle donc demandé à la classe ouvrière un effort pour lequel elle n’était pas prête ? Il ne saurait s’agir de cela qui n’est que misérables arguties à l’usage de réformistes. La vérité est, simplement, que l’idée révolutionnaire dont parle Marx ne s’était qu’insuffisamment emparée des masses, portées en avant par leur solidarité pour la Révolution russe et leur haine de la guerre.
*
On ne peut nier les immenses progrès accomplis, dans les masses ouvrières, par le communisme, dans cette courte période historique d’après-guerre comparée à l’histoire du mouvement prolétarien, longue de plus d’un siècle ; mais il serait aussi vain de nier que des couches prolétariennes et semi-prolétariennes n’ont pas su se soustraire aux horizons bornés de l’esprit petit-bourgeois, de son nationalisme, de son démocratisme parlementaire, de sa culture, de ses traditions d’ordre et de paix sociale ; et que ce fardeau là a entravé la marche de la révolution. C’est la social-démocratie qui fût la meilleure expression politique et qui l’est encore de ces couches attardées de travailleurs, qu’elle exploite politiquement au bénéfice de la bourgeoisie.
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Si la social-démocratie, actuellement, a reconquis une grande influence sur les masses prolétariennes, il en serait dangereux de conclure que l’esprit réformiste s’exerce chez les travailleurs socialistes qui suivent les chefs dans les mêmes limites. Les fautes accumulées par l’IC ont permis aux chefs social-démocrates de se refaire une virginité et d’effacer de la mémoire de trop nombreux travailleurs le souvenir de leur responsabilité dans la guerre 1914-1918.
C’est un fait inattendu, et difficilement prévisible à l’époque des premiers congrès de l’IC, que cette restauration à un tel degré de la IIe Internationale dans une période de préparation à la guerre et de guerres des impérialismes exacerbés.
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Mais il serait faux de dire, que par exemple, le IVe congrès de l’IC n’a pas tenu compte des changements intervenus dans les rapports entre les Etats capitalistes et qu’il n’a pas lancé les mots d’ordre correspondant à son analyse de la situation mondiale. Il suffira de marquer ici que le mot d’ordre des Etats-Unis soviétiques d’Europe souligne le souci manifesté par l’IC d’un prolétariat qui, à la veille de la révolution allemande avortée de 1923, prêtait une oreille trop complaisante aux sirènes réformistes du pacifisme.
Ainsi se trouve confirmé que la lutte contre l’impuissance des masses revêt la nécessité d’une lutte sans merci contre l’idéologie réformiste. Il n’est pas pour un parti communiste, qui doit garder sa complète indépendance, d’autres moyens de rester en contact avec elles sur tous les terrains de leur activité.
*
La situation actuelle appelle plus que jamais la réalisation de l’unité syndicale (Congrès de fusion ou rentrée en bloc dans la CGT par la CGTU et la FA) et la pratique du front unique véritable (condamnation de la tactique “classe contre classe”).
La Fraction de gauche a une position par rapport à ces deux problèmes, connue depuis longtemps. Le groupe n’insistera donc pas.
Nous pensons que les différents problèmes : parti autonome, parti de masses, travail dans les syndicats, coopératives, anciens combattants, classes moyennes, paysannerie, ne peuvent être l’objet de points de vue irréconciliables entre oppositionnels de gauche.
Par contre, nous pensons que le système d’organisation du parti doit, davantage que cela ne fût fait jusqu’à présent, être mis à l’étude dans les groupes oppositionnels.
Le groupe du Redressement communiste dont nous continuons la filiation politique avait déjà posé la question et y avait répondu par une condamnation de l’organisation actuelle du Parti.
Personne ne peut nier, devant les résultats lamentables de la “bolchévisation”, traduite dans le domaine de l’organisation par la création des cellules, qu’il faut revenir à la section locale, avec la cellule comme organisme de travail.
La lutte pour redresser le Parti communiste français et l’IC rejoint la lutte pour la conquête des masses ouvrières sur le terrain de :
1. l’unité syndicale,
2. le front unique,
3. la réorganisation du parti.
Les problèmes de
l’unification
(contribution à la discussion)
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La politique de masses pratiquée par l’Internationale communiste dans la période qui a suivi la guerre a reçu sa consécration officielle dans les débats et résolutions de ses congrès mondiaux. Même lorsqu’il s’agit des quatre premiers congrès de l’IC, dont les analyses et les thèses forment, aujourd’hui encore, la base principielle de l’Opposition de gauche, on ne peut se refuser, à la lumière des expériences tirées de l’histoire, d’opérer certaines clarifications.
Elles s’imposent par cette constatation que, dans les premières années de l’existence de l’IC, l’enthousiasme révolutionnaire a trop souvent tenu la place de la critique consciente, de l’analyse sûre, de l’objectivité. On a pris alors pour réalisables les meilleures intentions du monde et la tendance à surestimer les forces et à sous-estimer celles de l’adversaire a souvent et trop longtemps prévalu. Il s’agit là de fautes de jeunesse inévitables, nées de l’ambiance révolutionnaire d’après-guerre, d’une part, de l’inexpérience des partis communistes, d’autre part.
Ces leçons d’hier sont trop précieuses pour que l’Opposition de gauche ne s’applique pas à en tirer tous les profits, à un moment où l’histoire tout court et celle du mouvement ouvrier s’apprêtent à répéter 1914.
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La guerre et ses conséquences avaient créé les conditions historiques propres à la création d’une nouvelle Internationale ouvrière. Les masses prolétariennes délivrées, peu à peu, sous le fouet des événements, de la psychose nationaliste, estimèrent à sa juste valeur la trahison manifeste de la IIe Internationale en août 1914. Le mouvement révolutionnaire déborda les vieux cadres politiques et syndicaux atrophiés et, se plaçant à la hauteur de la situation objective, la classe ouvrière s’ébranla et se répandit en vagues révolutionnaires qui menacèrent d’emporter définitivement le régime capitaliste en Europe.
Mais, ainsi qu’en témoignent les thèses du troisième congrès de l’IC : “la première période du mouvement révolutionnaire, après la guerre, est caractérisée par sa violence élémentaire, par l’imprécision très significative des buts et des méthodes”...
*
Les défaites subies par le prolétariat dans les années qui suivirent la guerre sont incontestablement dues à son impréparation théorique.
La période de prospérité du capitalisme avait fait le lit douillet du réformisme. Ce n’est qu’après le massacre de millions des leurs que les ouvriers réfléchirent sur les causes de la guerre impérialiste et ses buts, qu’ils brisèrent les vieux tableaux et idoles réformistes pour passer à l’action. Seulement, une doctrine révolutionnaire de masses ne s’improvise pas et, quelle qu’ait été l’influence exercée sur le prolétariat mondial, particulièrement pour le prolétariat européen, par la Révolution d’octobre, l’histoire nous a appris qu’on ne triche pas avec elle et qu’on ne saurait substituer avec succès l’empirique formation de cadres prolétariens, même au milieu des conditions objectives les plus favorables, à la nécessité souveraine d’une formation théorique vraiment communiste des cadres de l’armée révolutionnaire.
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Lors de l’Exécutif élargi de mars-avril 1925, Zinoviev rappelait que Lénine, au 3e congrès de l’IC, avait marqué que le mouvement révolutionnaire n’avait pas “suivi la ligne droite que nous avions prévue”... et le secrétaire de ce temps de l’IC ajoutait : “Le marxisme, le léninisme, nous donnent infiniment, mais ils ne peuvent remplacer ce qui est fourni exclusivement par l’expérience historique de la révolution elle-même”.
En un mot, il faut se pénétrer de cette idée que personne n’a jamais dressé de questionnaire, avec réponses toutes faites aux demandes formulées, dans l’ordre stratégique et tactique, par les événements. Il ne nous reste qu’à comprendre la leçon des faits.
C’est ainsi qu’il nous a été révélé que le capitalisme mondial disposait après la guerre de forces et de moyens de résistance plus puissants que l’IC elle-même ne se les imaginait. Le capitalisme en Europe, aurait sans doute succombé sous les coups de la révolution, compte tenu du manque de préparation idéologique des cadres révolutionnaires, s’il n’avait pas trouvé l’appui plus efficace auprès du capitalisme d’outre-Atlantique. C’est peut-être là le facteur, entre autres, dont il ne fût pas suffisamment tenu compte. Le capitalisme américain, en tentant de coloniser une partie de l’Europe, n’a joué que la carte de sa propre défense en aidant au rétablissement de l’équilibre rompu du capitalisme européen menacé par la révolution.
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De nouvelles conditions objectives sont alors survenues. Le capitalisme a repris confiance en ses destinées et, ainsi que le marque le 3e congrès (1921), les dirigeants de la bourgeoisie passent à l’offensive contre les masses ouvrières “tant sur le front économique que politique”. Et cette stabilité partielle relative du capitalisme européen se poursuivra, se maintiendra, malgré les menaces révolutionnaires en Allemagne (1923), la crise française de 1924-25 et le formidable mouvement anglais de 1926, jusqu’à la crise actuelle qui débuta en 1929. A cette demi-restauration du capitalisme dans le monde, entre 1921 et 1929, a correspondu un accroissement des influences réformistes syndicales et politiques dans le mouvement ouvrier mondial. Cet accroissement a été favorisé par la politique centriste de l’IC dont la première manifestation sérieuse éclata en 1924 quand Staline parla du “socialisme dans un seul pays”.
Les variations de la conjoncture mondiale ont amené l’IC à rectifier sa position tactique dès 1921 ; mais cette rectification porte encore la marque de la tendance à sous-estimer les forces capitalistes. On peut dire à ce sujet que la création de l’ISR (Internationale syndicale rouge), décidée par le 3e congrès, relève d’une fausse appréciation des rapports de force entre les éléments réformistes et révolutionnaires se disputant, à cette époque, l’influence dans les rangs du prolétariat, et des rapports de force entre celui-ci et la bourgeoisie.
La création de l’ISR, en 1921, ne pouvait répondre aux nécessités objectives de la situation d’alors que si elle avait été formée, non comme une centrale syndicale à côté de la centrale d’Amsterdam, mais comme une organisation ayant la tâche, à l’intérieur de la centrale réformiste, de rassembler les minorités révolutionnaires syndicales, de concentrer, de lier, de coordonner leurs efforts pour la lutte victorieuse contre le réformisme sans provoquer de scission funeste à la classe ouvrière.
L’IC n’a pas suffisamment résisté aux courants gauchistes et anarcho-syndicalistes qui se sont développés dans les syndicats et qui ont abouti à des scissions malheureuses comme en France et en Tchécoslovaquie, notamment.
Toutes les formulations heureuses qu’on peut trouver dans les résolutions du 3e congrès, relatives au mouvement syndical, n’effacent pas les grossières fautes de tactiques qui furent commises.
Par exemple, la formation des CSR [???], en France, créés non pas sur la base d’une tendance idéologique luttant pour conquérir la majorité dans la CGT unique, mais sur la base d’une organisation ayant une vie propre à l’intérieur de la CGT, a été une grosse faute. Cette faute a permis aux réformistes (motion Dumoulin) de provoquer au congrès de Lille, la scission de la centrale syndicale française, sans aucun bénéfice durable pour l’influence communiste dans les syndicats.
Certes, un parti communiste doit s’attacher fortement à pénétrer de toute son idéologie révolutionnaire le mouvement syndical. La création de fractions communistes à l’intérieur des syndicats doit s’opérer sous son contrôle. Mais les faits nous apprennent qu’il faut s’éloigner comme de la peste de toute mesure bureaucratique et sectaire, de toute combine ou machination tendant à remplacer la véritable influence communiste dans les syndicats par un mécanisme d’absolutisme dans l’organisation et l’action syndicales.
*
Les fautes opportunistes et aventuristes (qui sont sœurs d’ailleurs) ne peuvent être évitées qu’autant qu’un parti communiste subit de l’intérieur le contrôle constant et permanent de sa base. C’est la pratique du centralisme démocratique ou démocratie ouvrière, appliqué à tous les degrés de l’organisation qui peut seulement permettre d’éviter les lourdes fautes dont fourmille l’histoire de l’IC de ces dernières années.
Ces fautes, l’Opposition de gauche les a souvent dénoncées au cours de ses luttes contre les centristes. Fautes opportunistes en Allemagne (1923) ; en 1926 (Comité anglo-russe – résolution de Berlin) ; proposition de Kaganovitch, au nom de la direction de l’IC, de liquider sans garantie l’ISR ; 1927 (politique du bloc des quatre classes en Chine et étranglement de la révolution). Fautes aventuristes : mouvement insurrectionnel de Canton, politique dite de la troisième période.
Résolution dur les
rapports de l’avant-garde communiste
avec les masses ouvrières
Groupe de l’Opposition communiste de gauche de la banlieue ouest
A. Bases historiques et théoriques de la politique de masses de l’IC à sa formation.
B. Historique des positions de l’IC dans la lutte de classes.
C. Historique du développement des points de vue des Oppositions communistes et syndicalistes sur la politique de masses de l’avant-garde (cette étude ne peut être faite qu’au travers d’une discussion large au sein de l’Opposition)
D. Rôle de l’avant-garde communiste dans la lutte de classes.
E. Ce que nous entendons par syndicats de masses.
F. Le rôle des communistes dans les syndicats tels qu’ils sont actuellement :
a) dirigés par les communistes
b) dirigés par les réformistes, chrétiens, etc.
Front unique – L’unité syndicale – Le mouvement des chômeurs.
A. Bases historiques et théoriques
de la politique de masses de l’IC
à sa formation
La guerre de 1914 démontra l’impuissance et la trahison des organisations du prolétariat : syndicats et partis politiques. Seul le Parti bolchevik russe, grâce à Lénine, eût une attitude véritablement marxiste. Dans les autres pays, seulement quelques individualités appartenant à des groupements politiques et syndicaux réagirent contre la trahison de la IIe Internationale.
Trois années après 1914, Lénine et le Parti bolchevik menaient le prolétariat russe à la victoire. Avec la fin de la guerre commençait une période de crise révolutionnaire qui, partant des pays les plus durement éprouvés, en tout premier lieu les pays vaincus, se propagea dans le monde entier.
La lutte des masses prolétariennes fût dirigée contre le régime capitaliste et pour le pouvoir politique. Cette lutte se fondait ainsi avec la lutte politique de l’avant-garde communiste qui, en Russie, venait d’être victorieuse. La Révolution russe était le centre révolutionnaire du monde.
La vague révolutionnaire se développa jusqu’en 1923 (Allemagne et Balkans). Le prolétariat s’approcha de très près de ses objectifs historiques (Hongrie, Allemagne).
Les masses ouvrières avaient besoin pour diriger leurs luttes de cadres prolétariens éclairés par une doctrine révolutionnaire complète.
Or, dans les grands pays industriels de l’Europe et dans les premières années de l’après-guerre, non seulement il n’y avait pas de parti révolutionnaire homogène et expérimenté, mais les chefs des organisations révolutionnaires existantes étaient violemment hostiles à la révolution prolétarienne et leur influence était encore grande. Ce qui explique, sous la formidable poussée des masses, les scissions dans les vieilles organisations, la formation d’oppositions révolutionnaires, la constitution de nouveaux syndicats, de conseils d’usines, de soviets même et la fondation des partis communistes dont la doctrine était une transposition de celle de Lénine et non une doctrine formée dialectiquement par une accumulation des luttes collectives passées. Si bien que la seule doctrine révolutionnaire d’action politique de masse, celle de Lénine, n’était profondément assimilée que dans le groupe des bolcheviks russes, au sein duquel elle s’était élaborée.
Dans tous les autres pays, les minorités révolutionnaires et les vrais chefs prolétariens étaient profondément imprégnés par les idées traditionnelles du socialisme d’avant-guerre et du syndicalisme révolutionnaire dont l’insuffisance est manifeste pour la direction des grandes luttes politiques.
Le facteur subjectif, “une organisation et des militants éprouvés”, qui joue un rôle essentiel dans les luttes des masses, prenait dans une période d’insurrection internationale du prolétariat, une importance décisive et il est clair que l’échec de la révolution mondiale procède de l’inexistence dans chaque grand pays industriel d’Europe d’un parti révolutionnaire animé par une doctrine achevée issue de son expérience propre.
C’est ainsi que si la lutte prolétarienne a pu être poussée très loin en Russie, il faut, en dehors du moteur des conditions objectives évidemment, en créditer l’impulsion énorme donnée à la concentration des forces révolutionnaires par le Parti bolchevik russe et à la cristallisation idéologique qu’il a opérée autour des points essentiels de sa doctrine.
Lénine, qui avait misé sur la révolution mondiale, voyait clairement la faiblesse extrême du mouvement révolutionnaire comme conséquence au manque d’expérience des partis communistes et il devait ainsi pousser à la création de la IIIe Internationale pour centraliser la direction des luttes du prolétariat mondial en s’opposant aux Internationales II et II½, accélérer le groupement des courants révolutionnaires autour des conceptions de lutte adéquate à la conjoncture sociale, éviter les catastrophes et développer rapidement l’expérience des partis communistes.
Le PCR se trouvait ainsi être le parti dirigeant du mouvement international. Il devait l’orienter sur la base de son expérience propre. Mais quelle était cette expérience?
Sous le tsarisme, aucune organisation ouvrière de masses ne pouvait subsister, sauf dans les périodes de grande activité révolutionnaire (1905, 1917) et où elles s’imposaient sous la forme politique de soviets ou de syndicats à tendance.
Les luttes des ouvriers par leur caractère politique conscient rejoignaient et dépassaient les luttes de la petite bourgeoisie contre l’autocratie et le grand capital, mais ce parallélisme d’action tendait à corrompre idéologiquement la partie militante de la classe ouvrière et faire dévier l’action révolutionnaire de sa voie propre.
Lénine poursuivait donc sans arrêt sa lutte contre les déviations opportunistes et dégageait une doctrine politique spécifiquement ouvrière.
En résumé, la tactique léniniste avait un caractère spécifiquement politique et ne comportait pas la notion d’une tactique syndicale de masse indispensable à la réalisation du rôle dirigeant d’un grand parti révolutionnaire dans les pays industriels à superstructure démocratique.
B. Historique des positions de l’IC dans la lutte de classes
Période révolutionnaire
Aussitôt formée, la IIIe Internationale envisage le problème de la conquête des syndicats et des masses ouvrières, car si la IIe Internationale était pratiquement ruinée dans l’esprit des travailleurs, les centrales syndicales étaient encore fortes et moins directement atteintes dans leur prestige que les sections de la IIe Internationale. Les chefs traîtres trouvaient dans les organisations syndicales un refuge et un moyen de freiner le développement des luttes révolutionnaires en invoquant le prétendu caractère perpétuellement apolitique de l’action syndicale.
Mais les conditions objectives et l’état d’esprit des ouvriers étaient tels que ces derniers se tournaient vers les syndicats, non pour y pratiquer une lutte réformiste, mais pour réaliser l’action révolutionnaire consciente. Ainsi, en France, la CGT groupa en quelques mois 1 500 000 adhérents et possédait en 1919 deux millions de membres. A la période insurrectionnelle spontanée de 1918/19 succédait la période de l’organisation de la révolution par les partis communistes et les syndicats rouges.
L’ISR fût donc créée en 1920 dans une conjoncture politique révolutionnaire qui nécessitait la concentration en une tendance unique de tous les éléments révolutionnaires du mouvement syndical international.
L’ISR était donc une Internationale syndicale politique et devait de ce fait mener par sa propagande une lutte idéologique énergique contre le réformisme, le confusionnisme anarchiste et toutes les traditions périmées du syndicalisme d’avant-guerre.
L’ISR extériorisant et s’appuyant sur une doctrine révolutionnaire achevée se développa dans la période de la lutte politique des masses. Son programme et son idéologie étaient au niveau de la conscience du prolétariat, elle ne rencontra donc aucune résistance parmi les syndicalistes révolutionnaires, mais par contre de violentes réactions éclatèrent du fait des éléments spécifiquement anarchistes ou réformistes qui s’opposaient politiquement au communisme.
L’ISR avait la physionomie d’une organisation politique de masse. Le cadre dans lequel était enfermé sa tactique de masse ne pouvait subsister que grâce à une progression continue du mouvement révolutionnaire. Toute régression de ce dernier, en dissociant l’action de l’ensemble du prolétariat de l’activité des communistes, devait entraîner ou l’affaiblissement de l’ISR ou un remaniement profond de sa tactique et de ses statuts.
Période de reflux révolutionnaire et de stabilisation relative du capitalisme
Cependant, la bourgeoisie des différents pays, après avoir résisté à la vague révolutionnaire en Europe centrale et occidentale, poursuivait au milieu de grosses difficultés et avec l’aide du capitalisme américain la réadaptation de l’économie aux conditions normales et rétablissait le marché mondial.
A la première réaction du prolétariat basée sur les souffrances de la guerre, se substituait et se superposait partiellement et progressivement la lutte de masse contre la misère due à l’exploitation patronale, misère aggravée, suivant les pays, par les convulsions économiques, les tensions impérialistes et les violences contre-révolutionnaires.
La mouvement ouvrier retrouvait peu à peu donc sa base directement économique qui rattachait les divers aspects de l’action de masse aux conjonctures particulières dans les différents pays.
L’échec de la grève politique de 1920 en France, la liquidation du mouvement de 1923 en Allemagne, le développement du fascisme en Italie, en Europe centrale et orientale, le renforcement de la position des chefs trade-unionistes en Angleterre, d’une façon générale la stabilisation de la FSI et l’organisation des forces contre-révolutionnaires indiquait que nous entrions dans une période nouvelle du mouvement révolutionnaire et que le capitalisme allait connaître une ère de stabilisation relative.
A la ruine des idées spécifiquement bourgeoises et social-démocrates comme conséquence de la guerre et de la faillite de la IIe Internationale, succédait une restauration partielle de l’influence bourgeoise sur la classe ouvrière par le canal des sophismes de la social-démocratie rénovée.
C’est ainsi qu’à l’encontre des groupes impérialistes qui ne pouvaient développer qu’un chauvinisme officiel, la social-démocratie pouvait seule présenter sur le plan idéologique un front international unifié, face à la doctrine bolchevik de la révolution mondiale.
Le surimpérialisme, inspiré de la doctrine du capitalisme organisé et des réalités de la prépondérance américaine, la propagande pour la SDN et le BIT, la théorie de la démocratie industrielle avec les lois de socialisation, le contrôle ouvrier et l’arbitrage obligatoire, une réédition de la formule “l’Etat au-dessus des classes” étaient fondus dans un corps de doctrine pseudo-ouvrière qui fixait des perspectives sociales et systématisait une politique de collaboration étroite entre la social-démocratie et la bourgeoisie dirigeante.
Il est évident que les pratiques politiques inspirées de la doctrine social-démocratie d’après-guerre devaient se rattacher très étroitement aux tâches économiques de la bourgeoisie. Or, il est clair que le rétablissement de la vie sociale ne pouvait s’opérer sur les anciennes bases et avec les seuls moyens du capitalisme européen.
Cette double nécessité fût provisoirement satisfaite par l’intervention de l’impérialisme américain dont les ressources financières et les prévisions politiques évitèrent la chute imminente de la bourgeoisie allemande.
En outre, par la rationalisation, le capitalisme yankee prétendait rétablir la vie économique sur un plan nouveau et sauver le régime. Le développement de la rationalisation aux Etats-Unis en 1921, son introduction sur le plan national en Allemagne après 1923, les orientations économiques et politiques auxquelles donna naissance parmi les bourgeoisies des pays industriels, la fusion qui s’opéra entre la propagande générale des réformistes et la théorie patronale de rationalisateurs, les bouleversements profonds qu’elle réalisa dans les processus de production, dans les échanges, dans l’infrastructure financière des groupes capitalistes et dans la technique de la concentration capitaliste, les cortèges de lois d’asservissement qui l’accompagnent et la pénétration toujours plus grande de l’Etat dans le domaine privé, tout cela fait apparaître la nationalisation comme un phénomène social propre à une époque déterminée du développement des forces de production du régime capitaliste.
A travers un grand travail de reconstruction économique et grâce aux illusions qu’elle provoqua initialement dans les masses, la rationalisation permit à la bourgeoisie un déplacement profond dans les rapports de classes.
Ceci posait problème parallèlement et sous un jour nouveau l’entraînement des ouvriers dans la lutte révolutionnaire.
Lénine comprit très bien qu’un tournant décisif devait être amorcé dans le travail des communistes, malgré que la vague révolutionnaire fût encore très haute. Il en détermina le sens et conclut à un affaiblissement de l’activité politique des masses pour la période qui s’ouvrait.
C’est déjà au 3e Congrès de l’IC (fin 1921) que Lénine et Trotsky posaient les bases doctrinales d’un cours nouveau dans la politique de l’Internationale. En premier lieu, l’hypothèse émise par Marx d’après laquelle le capitalisme connaîtrait des crises cycliques jusqu’à la révolution prolétarienne était longuement démontrée.
Ce n’était pas fortuitement que Lénine développait un point de doctrine. Ce travail de clarification était étroitement lié à la préparation d’une orientation nouvelle, qui devait introduire la notion d’une tactique syndicale de masse basée sur l’action directe de classe des travailleurs et dont le contenu politique aurait été déterminé par la variation des conjonctures économiques et par le développement même des luttes ouvrières. C’était le point de départ d’une révision complète de la structure et de la tactique de l’IC.
On comprendra l’importance et la difficulté de cette opération politique lorsqu’on se souvient que l’ISR avait été fondée en période révolutionnaire ascendante, que sa charte et statuts exigeaient de tous les membres l’adhésion orale à la doctrine communiste et qu’elle menait la lutte sur les mêmes bases d’action et de propagande que la IIIe Internationale.
Lorsque la doctrine politique de Lénine cristallise en débordant du plan russe, autour de ses principes les courants du mouvement révolutionnaire mondiale parce que seule vraiment complète, elle le fait dans une conjoncture sociale insurrectionnelle et sa carence syndicale dans une période de stabilisation relative du capitalisme ne pouvait apparaître qu’avec le développement même de la dépolitisation correspondante des luttes ouvrières.
La disparition de Lénine dans un moment où les bases nouvelles du travail des communistes dans les masses aurait dû s’exprimer dans un bouleversement profond du travail syndical se traduisit par une perpétuation des pratiques du “communo-syndicalisme” dont le principe est incontestablement orthodoxe par rapport au cadre de la doctrine de Lénine forgée dans l’avant-guerre, mais incompatible avec l’esprit même du marxisme-léninisme dont les bases scientifiques exigent un enrichissement doctrinal issu de la lutte révolutionnaire effectuée dans chaque pays et dans des conditions nouvelles.
La tactique syndicale des communistes en France - P.C. et CGTU
Au cours de la période révolutionnaire de la fin de la guerre et des premières années de l’après-guerre (1917-1921), les dirigeants syndicaux corrompus par la bourgeoisie ont réussi dans tous les pays industriels à utiliser l’appareil syndical au freinage du mouvement révolutionnaire des masses. En France, ils ont parachevé leur mainmise complète sur la CGT en chassant de son sein les ouvriers révolutionnaires, en provoquant la scission syndicale. La CGTU fût créée dans ces conditions.
Dans les années qui suivirent, la faible activité extérieure du PCF s’exerça presqu’exclusivement sur le plan politique : le PC tenta de mobiliser les masses directement sur les mots d’ordre révolutionnaires, en négligeant à peu près totalement l’action syndicale.
Dans le domaine fondamental de l’action syndicale, les communistes limitèrent leur activité à la propagande communiste au sein des syndicats de la CGTU où l’influence anarcho-syndicaliste était encore profonde et surtout à la conquête mécanique des postes syndicaux, conquête qui permit au PC d’associer la CGTU à toutes ses manifestations politiques.
La stabilisation relative du capitalisme international en 1923-24 et l’essor à peu près ininterrompu de la production en France de 1924-1930 avec la hausse également continue du prix de la vie (celui-ci a doublé en 6 ans) créèrent des conditions particulièrement favorables pour les luttes des masses.
Pourtant les grèves sont restées en France pendant cette période relativement peu nombreuses et généralement isolées. La crainte de la répression patronale et étatique, de la perte du salaire, le rôle de briseurs de grève des syndicats cégétistes, ne peuvent suffire à expliquer cette passivité et cette dispersion, et ne le peuvent d’autant moins que dans une région industrielle aussi importante que la région parisienne, l’influence cégétiste était quasi inexistante et l’influence communiste prépondérante.
Un nouveau facteur historique a joué un rôle capital : bien que groupant et influençant les éléments les plus combatifs du prolétariat et bien que dirigée par des communistes, la CGTU n’accomplissait pas son rôle animateur des grèves, elle se contentait de prendre la direction des grèves spontanées et pratiquait la surenchère appuyée par un verbalisme outrancier.
D’autre part, les grèves spontanées étaient elles-mêmes freinées par le fait que les militants les plus combatifs, les plus conscients de l’usine, les communistes et les sympathisants, avait toute leur attention tournée vers l’agitation politique. L’étude attentive des revendications immédiates des diverses catégories d’ouvriers de l’usine, la préparation patiente de la grève par une propagande syndicale correspondant au niveau moyen des masses, la liaison entre les usines d’une même firme ou d’une même branche d’industrie n’étaient pas effectuées.
L’exploitation de plus en plus poussée des ouvriers et leurs revendications immédiates n’étaient guère exprimées qu’en liaison avec l’agitation politique, elles étaient envisagées avant tout comme base de la propagande révolutionnaire et accessoirement comme base de l’action.
Comme conséquence directe, le PC se substituait de plus en plus à la CGTU dans l’expression des revendications immédiates. Dans le plan de la propagande centrale, il pouvait utiliser à cet effet l’Humanité, grand organe quotidien de masses, alors que la propagande de la CGTU ne s’exprimait directement que dans la VO hebdomadaire très peu lu, et quelques organes corporatifs.
Mais c’est surtout sur la base de l’entreprise que le PC se substituait presque complètement à la CGTU. L’organisation du PC sur la base des cellules d’usine (1924) avait précédé de plusieurs années la création des sections syndicales d’usine.
Ce fût le journal de la cellule qui fît toute la propagande syndicale. Celle-ci se limita d’ailleurs bien souvent à un appel passe-partout en fin d’article : “adhérez à vos organisations de classe, le PC et la CGTU”.
Lorsqu’à la suite du congrès de Bordeaux de la CGTU en 1927, des sections syndicales furent organisées dans les différentes usines, cet état de choses ne s’améliora pas. Les sections syndicales ne possédèrent qu’exceptionnellement un organe. Le journal de la cellule devint en même temps le journal de la section syndicale. Ceci eût pour effet d’afficher en permanence devant la masse des ouvriers et ouvrières, devant ceux qui étaient sous l’influence socialiste ou confédérée, comme devant ceux, beaucoup plus nombreux, qui étaient sous l’influence bourgeoise directe, que la CGTU étaient organiquement liée avec le PC, que la CGTU était un syndicat communiste, reprenant tous les mots d’ordre politiques du PC, que la CGTU n’était qu’une autre forme du PC.
L’adhésion au syndicat prenait désormais la valeur d’une adhésion morale au PC.
Les sections syndicales restaient squelettiques. Les quelques grèves spontanées ou quasi-spontanées qui se produisaient ne renforçaient pas l’organisation. Les communistes s’habituaient à limiter leur activité dans l’usine à l’édition du journal de la cellule.
Le gauchisme paresseux de la base du PC venait ainsi compléter la fausse tactique syndicale du sommet du PC.
Les effets de cette carence du PC furent l’inaction des masses, la diminution progressive des effectifs de la CGTU, le tarissement du recrutement prolétarien du PC, la diminution de ses effectifs, la perte d’influence sur les masses (manifestations de moins en moins suivies), en dernière analyse la perte du contact avec les masses et le renforcement de l’appareil bureaucratique dirigeant du PC.
Pendant une première phase, la perte du contact avec les masses eût pour conséquence logique l’accumulation d’erreurs de toutes sortes. La méthode de présenter les manifestations manquées comme des succès fût utilisée à jet continu pour encourager artificiellement les masses à l’action.
De l’analyse juste que la situation économique permettait une large action des masses, on tirait la conclusion fausse de l’essor révolutionnaire des masses. Chaque grève était représentée comme ayant des objectifs politiques conscients : lutte contre la guerre, contre la répression, défense de l’URSS.
La politisation était à l’ordre du jour : le rôle dirigeant du PC était officiellement consacré à la fois dans un congrès de la CGTU et au cours de diverses grèves.
Toute tentative de différencier la propagande révolutionnaire de son rôle de fraction animatrice des syndicats était combattue comme tendance opportuniste.
Face aux ruines accumulées, la bureaucratie dirigeante du PCF a exécuté un premier tournant en 1930-31, vite liquidé (le congrès de la CGTU confirma toutes les erreurs passées sauf les plus criardes), puis un second tournant en 1932. Ce tournant syndical se place dans le tournant général de l’IC qui, après l’aventurisme de la troisième période, revient à l’opportunisme dont le congrès d’Amsterdam fût un frappant exemple.
L’IC cherche à reprendre contact avec les masses, mais elle révèle son impuissance bureaucratique qui est la caractéristique essentielle de son activité.
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En ce qui concerne la tactique dans les syndicats réformistes, l’IC passa également de l’opportunisme au sectarisme, du Comité anglo-russe à la formation systématique de syndicats rouges (3e période).
Ces écarts expliquent pourquoi la formation d’Oppositions syndicales révolutionnaires fût un phénomène épisodique en France.
En Allemagne, la RGO mena une activité aussi sectaire que la CGTU en France et n’avait pour but que la création de syndicats rouges tels le syndicat des métallurgistes de Berlin qui très rapidement se réduisit à quelques milliers de membres.
Toutes les OSR qui furent créées par le parti firent directement de la propagande communiste au sein des syndicats réformistes, facilitant ainsi aux chefs réformistes l’exclusion des éléments révolutionnaires des syndicats.
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Le sectarisme du parti dans les organisations de masses autres que les syndicats fût tout aussi néfaste. Dans les coopératives, dans les organisations sportives ouvrières, les communistes se coupèrent des ouvriers non révolutionnaires et restèrent très rapidement les dirigeants d’organisations restreintes de sympathisants communistes.
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Les tendances opportunistes du parti ont leur origine dans les efforts faits pour reprendre directement le contact avec les masses, lorsque vint le reflux de la vague révolutionnaire.
D’autre part, le sectarisme pratiqué dans les organisations de classe du prolétariat sépara les membres du parti de la masse ouvrière, ce qui favorisa les tendances à faire directement appel aux ouvriers.
Ces tendances amenèrent à grouper dans le parti des ouvriers sympathisants qui ne pouvaient élever leur niveau idéologique ni leur expérience assez rapidement et devenaient ainsi l’appui passif de la bureaucratie dirigeante.
La notion du parti avant-garde était dénaturée. Le recrutement ne fût soumis à aucune garantie (adhésions par l’Huma et dans les réunions électorales) les pratiques opportunistes ne trouvèrent ainsi plus qu’une faible minorité d’opposants.
Aux premières difficultés de la lutte de classes, de tels partis de masse se dégonflent rapidement.
D. Rôle de l’avant-garde communiste dans la lutte de classes
Nous distinguons les différents rôles suivants du Parti :
a. action politique indépendante du parti,
b. clarification communiste de la lutte des classes,
c. animation de la lutte de classe (rôle des fractions).
a) Par action indépendante du parti, nous entendons :
La propagande révolutionnaire directe, auprès des militants ouvriers surtout car c’est essentiellement sur eux qu’elle porte.
L’action politique contre la guerre – appel direct aux masses pour des manifestations d’avant-garde pendant les périodes non-révolutionnaires, mais susceptibles entraîner effectivement les masses pendant une montée révolutionnaire.
Utilisation de la démocratie bourgeoise pour la propagande révolutionnaire et pour l’appui de la lutte de classe, ce qui revient à dénoncer par la propagande et par la pratique cette démocratie bourgeoise. Bien entendu l’utilisation du Parlement et les conseils municipaux exige le contrôle des militants du parti dans ces organismes bourgeois et exclut tout opportunisme tendant à laisser croire aux ouvriers que la lutte de classe est compatible avec la démocratie bourgeoise qui n’est qu’une forme de dictature capitaliste. L’expérience prouve que le parlementarisme et plus particulièrement le municipalisme corrompent facilement les militants ouvriers s’ils ne sont pas rattachés solidement à la lutte de classe et sous le contrôle permanent des organisations ouvrières.
Front unique avec d’autres partis politiques ouvriers (social-démocratie) mais sans aliéner l’indépendance absolue du parti, et exceptionnellement dans des situations telles qu’elles poussent le prolétariat à réaliser son unité d’action, ce qui, par conséquent et grâce au front unique, oblige la social-démocratie à agir ou à se démasquer.
Propagande légale et illégale contre le militarisme bourgeois et le colonialisme.
b) Par clarification communiste de la lutte des classes, nous entendons :
Dans sa presse, dans tous ses organes, par toute sa propagande, le parti doit analyser d’une façon marxiste les rapports des classes, l’évolution de leurs luttes en montrant l’issue révolutionnaire pour le prolétariat.
La propagande parmi les paysans, certaines couches des classes moyennes, les salariés petits-bourgeois, doit être menée sous ce jour.
Evidemment c’est essentiellement la clarification des luttes de la classe ouvrière que le parti doit faire de façon à épauler l’activité des fractions communistes et des communistes individuellement dans les organisations de masses.
C’est en tant que parti et par les organes du parti, extérieurement aux syndicats que les communistes tirent les leçons révolutionnaires de la lutte de classe : démonstration de l’insuffisance de certains mots d’ordre, critiques des méthodes d’action, dénonciation et prévision du rôle de l’Etat dans les luttes ouvrières, etc.
c) animation de la lutte de classe – rôle des fractions
Les communistes sont des militants ouvriers animant la lutte de classe et les organisations ouvrières. Communistes, c’est-à-dire conscients du but à atteindre et des meilleurs moyens d’y parvenir, ils se concertent pour mieux orienter et diriger les luttes du prolétariat.
C’est par le canal des fractions qu’ils parviennent à jouer ce rôle d’animation de la lutte de classe.
De cette conception léniniste du rôle dirigeant, le parti a tiré la conquête mécanique des directions des organisations de masses, conquête qui ne pouvait en général se faire qu’en vidant ces organisations de tous les ouvriers non communistes ou sympathisants.
E. Ce que nous entendons par syndicat de masses
1. Des syndicats de masses devraient pouvoir grouper tous les ouvriers pour la défense effective de leurs revendications immédiates, pour la défense de leur niveau d’existence.
Le régime de démocratie intérieure de tels syndicats devrait comporter : la liberté d’expression des tendances, la discipline à la majorité dans l’action et pour le choix des méthodes d’action.
2. Les méthodes d’action découlant de l’expérience de tout le mouvement ouvrier de France et des autres pays industriels sont :
– l’action directe de masse contre le patronat et les pouvoirs publics (menaces de grèves, grèves sous formes diverses, manifestations de masse) ;
– l’action directe ne peut être efficace, surtout dans la période actuelle, que si elle est soigneusement préparée et étendue non seulement à tous les ouvriers et employés d’une même firme, mais s’il y a lieu à tous les ouvriers ou salariés d’une branche d’industrie ou d’une région ou même transformée en grève générale plus large ;
– les syndicats et fédérations d’industrie doivent s’efforcer de créer et d’animer dans chaque usine, chaque entreprise, une section syndicale qui cherche à grouper et entraîner l’ensemble des ouvriers de l’usine.
Les sections syndicales devraient posséder leur organe : le journal de la section syndicale.
Ces syndicats de masse devraient également avoir un organe central de masses qui ne soit pas comme la V.O. le journal de la fraction communiste.
F. Le rôle des communistes
dans les syndicats tels qu’ils sont actuellement
a) dirigés par les communiste
Par le canal des fractions et pas mécaniquement, il faut revenir à une tactique systématiquement unitaire, inlassablement unitaire.
Le rôle des communistes est, dans la période actuelle, de pousser à la préparation minutieuse des grèves, à la préparation et à l’organisation de leur élargissement rapide qui est un gage du succès.
b) dirigés par les réformistes, chrétiens, etc.
– Lutter pour l’emploi de méthodes d’action directe, contre les pourparlers et la collaboration de classe.
– Lutter pour le front unique.
– Lutter pour l’unité syndicale.
L’unité syndicale
Nous devons tendre à réaliser l’unité d’action de la majorité du prolétariat.
L’expérience de la période révolutionnaire d’après-guerre prouve que l’unité syndicale organique se brise lorsque la lutte devient aiguë. Les réformistes qui veulent à tout prix sauver le régime sont les initiateurs de la scission. Les révolutionnaires, de leur côté, ont dû créer l’ISR pour grouper internationalement les tendances révolutionnaires qui entraînaient la majorité du prolétariat.
L’unité syndicale à tout prix est donc une erreur ainsi que l’histoire du mouvement révolutionnaire le montre clairement.
Lorsque la période révolutionnaire prît fin, la politique des communistes devait être de garder le contact avec la majorité de la classe ouvrière et de tendre à ce que celle-ci reste unie dans son action. Mais ce n’est plus possible avec l’état de scission, sauf occasionnellement par le moyen du front unique.
Or l’unité organique paraît être à certains moments indispensable à l’unité d’action. C’est du moins cette idée qui dans ces derniers temps est largement répandue dans la classe ouvrière.
Etant donné la nécessité historique pour les dirigeants réformistes d’être au besoin des scissionnistes lorsque le régime capitaliste est menacé (crise actuelle), les révolutionnaires ne doivent donc pas craindre de tout tenter pour réaliser l’unité afin de mieux démasquer les chefs réformistes au cours de l’action.
Ainsi la position des communistes dans les syndicats doit elle être essentiellement unitaire. Toutefois les révolutionnaires et nous autres communistes plus encore, devons lutter contre l’idée que si l’unité n’est pas réalisée, l’action est impossible.
Notre position doit être de dire aux masses salariées : l’action est nécessaire parce que le patronat renforce son exploitation ; l’unité, les chefs réformistes ne la veulent pas, il faut cependant agir ensemble tout de suite, opposer le front unique d’abord et si possible réaliser l’unité au travers de notre action.
Le front unique dans l’action
de classe
En l’état de scission des organisations syndicales, les communistes doivent défendre dans ces organisations une position d’unité syndicale. Et tout en bataillant pour l’unité syndicale, ils doivent militer pour réaliser tout de suite l’unité d’action au moyen du front unique.
Bien entendu, nous entendons par front unique, le front unique d’organisation à organisation sous le contrôle des membres de chaque organisation.
Dans les entreprises, un tel front unique doit se concrétiser par la création de Comités d’unité d’action formés des sections syndicales ou des syndiqués de chaque organisation.
Les nécessités de la lutte (décisions sur les méthodes d’action et la conduite de la lutte) et du recrutement syndical posent évidemment et à la base la réalisation de l’unité syndicale.
La réalisation du front unique écarte toute surenchère et tout verbalisme tant en ce qui concerne les revendications que les moyens d’action.
Le mouvement des chômeurs
La crise qui secoue le monde capitaliste depuis déjà plus de trois années a amené un développement inouï du chômage, lequel existait à l’état chronique dans quelques pays, depuis la crise de 1920-21 et le développement de la rationalisation.
Une partie importante du prolétariat se trouve être hors des entreprises et perd contact avec la production. Cette masse de travailleurs inemployés s’augmente des couches nouvelles qui accroissaient auparavant le nombre des travailleurs (jeunes, paysans). L’ensemble de ces chômeurs peut être la proie du fascisme.
Il importe essentiellement que les chômeurs restent liés à leurs camarades qui travaillent.
L’exemple de l’Allemagne est plein d’enseignements à ce sujet. Par sa politique stupide dans le mouvement syndical, le PCA a laissé les réformistes écarter les chômeurs des syndicats et quoique groupant directement un certain nombre de ceux-ci à celle des ouvriers au travail. Le rôle des Comités intersyndicaux et des unions locales est à cet égard très important.
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La crise oblige les capitalistes à exploiter toujours davantage les travailleurs, aussi la moindre résistance de ces derniers revêt-elle une forme de lutte aiguë, amenant immédiatement la participation de l’Etat aux côtés du patronat : gardes mobiles, répression, arbitrage obligatoire, etc.
C’est dans de telles conditions que l’Opposition de gauche doit redresser le mouvement communiste et préciser les rapports de l’avant-garde avec les masses. Il est évident qu’une étude des fautes commises dans la période de stabilisation relative du capitalisme n’est pas suffisante pour définir la tactique de masse d’un véritable parti communiste. L’élaboration d’une politique de masses pour la période de crise générale du capitalisme est une des tâches de l’Opposition de gauche.
Fédération
parisienne de la Fraction de gauche :
Vers la construction d’une véritable Fraction de gauche en France
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Nous croyons tout d’abord devoir détruire une légende qui concerne notre Fraction. Il paraîtrait que nous serions opposés à concevoir une possibilité de travail commun avec des organismes qui n’accepteraient pas les positions politiques que nous défendons.
S’il en est qui pensent pareille chose, ils se trompent lourdement. Ce que nous voulons en réalité c’est que les groupes politiques de gauche se donnent des positions principielles, ou que tout au moins, ils veuillent déclarer qu’il y a nécessité à élaborer des documents fondamentaux.
C’est seulement après pareil travail qu’il nous paraît être possible de confronter les points de vue divergents et ainsi seulement notre fraction aurait la possibilité de contracter des liaisons politiques définitives.
L’unification s’est donc faite en France en dehors de la Ligue communiste. S’il fallait établir les raisons pour lesquelles la Ligue est restée étrangère à l’unification, pourrait-on se borner à dire qu’elles dépendent uniquement des manœuvres effectuées par cette organisation ? En outre, serait-il possible de rattacher les diverses scissions qui se sont produites au sein de la Ligue communiste, et qui aujourd’hui ont trouvé leurs conclusions dans l’unification des formes dissidentes de la Ligue, à des manœuvres politiques ?
Une telle explication nous paraît être en contradiction avec les enseignements élémentaires du marxisme. Effectivement l’expérience prouve que toutes les manœuvres qui ont vu le jour dans la Ligue ont résultés de l’incapacité de cet organisme à donner une solution communiste de principe aux problèmes de la lutte de classe du prolétariat français. Il reste donc à déterminer s’il est possible et nécessaire de lutter contre les manœuvres, prises en elles-mêmes comme s’il s’agissait d’entités politiques particulières, ou bien s’il faut s’attacher à la source même du mal qui fût la cause des crises de l’opposition.
Au point de vue politique, quelles sont les bases politiques de l’Opposition unifiée ? Au cours des débats précédant l’unification il a été possible de constater qu’une proposition fût donnée de prendre les 13 points élaborés par l’Opposition de gauche internationale (léninistes-bolcheviks) et d’accepter ceux-ci comme base politique de l’Opposition unifiée. Il paraîtrait que cette proposition émana des camarades disant vouloir lutter contre les manœuvres de la Ligue et qui, à leur tour, faisaient ainsi une manœuvre pour embarrasser la direction de la Ligue. Mais passons sur ce point et essayons de retirer de cette proposition d’adoption comme base de 13 points la signification politique indispensable. La diarrhée de scission au sein de la Ligue, les débats pour l’unification, l’unification elle-même, tout cela devait donc aboutir à l’existence de deux organisations se revendiquant l’une et l’autre du même document de base. Ainsi le dernier document, présenté par la Gauche communiste, n’offre pas non plus de divergences sérieuses avec les positions politiques de l’Opposition de gauche et sa section française.
Nous croyons devoir laisser à d’autres, à ceux qui ne feraient pas preuve d’un esprit de responsabilité communiste, le soin de se dire, et de dire aux ouvriers que trois ans de crise de la Ligue ainsi que le fait de l’existence de deux organisations séparées, ne dépend que de l’intervention d’une force démoniaque dont le camarade Trotsky ne parvient pas à se débarrasser, en l’espèce le camarade Molinier lequel, certes, n’a même pas l’envergure d’un Méphistophélès et qui, bien au contraire, ne sait manipuler que des jouets d’enfants que l’on prend pour des armes à feu.
Pour nous, il est clair que les difficultés actuelles ne pourront être surmontées qu’à une seule condition. Il faut que l’Opposition unifiée s’attelle à la tâche ardue et difficile qui consiste à se relier aux traditions révolutionnaires en France et à reprendre l’héroïque héritage des Communards de 71.
En particulier, il faudra considérer que la scission avec les opportunistes à Tours ainsi que la proclamation de la formation de la section française de l’IC n’ont pas signifié une solution définitive au problème de la construction d’un véritable parti communiste.
La trahison de 1914 ne vît pas en France la création d’une fraction marxiste comme ce fût le cas en Allemagne et en Italie. Le processus de formation d’un parti communiste ne pouvait pas de ce fait suivre son cours normal : une fraction se développant en nouveau parti comme ce fût le cas en Russie et en Italie. Le Comité pour la IIIe Internationale de Souvarine-Loriot-Rosmer fût totalement submergé par la majorité amorphe de l’ancien Parti socialiste, et même en restant à la direction du Parti communiste constitué il ne pouvait pas, sans aide sérieuse – qui ne vint pas – de la part de l’IC, former les cadres réels pour la victoire du prolétariat.
En 1923, la lutte contre le “trotskisme” et ses résultats en France : l’élimination des fondateurs du Parti, devait enlever toute possibilité de construire enfin l’organisation d’avant-garde de la classe ouvrière au sein du parti sans la constitution d’une Fraction de gauche. Toutes les grandes expériences de classe de l’après-guerre en France demandaient à être analysées et traduites dans des documents politiques par l’opposition, réaction marxiste au centrisme de l’IC, et ainsi seulement aurait été constitué l’organisme historique appelé à solutionner les problèmes de la crise communiste et à conduire demain les luttes du prolétariat français.
L’Opposition débute en France par des cercles de littérature politique, antérieurement les syndicalistes révolutionnaires qui, à la fondation du Parti, s’orientaient vers le communisme et avaient adhéré à celui-ci, s’en séparèrent à nouveau vers de nouvelles formes du syndicalisme.
L’exil du camarade Trotsky devait représenter une occasion favorable au regroupement des forces de l’Opposition. A cette époque, l’erreur capitale consista, en France, dans une élimination complète du travail d’analyse politique indiqué ci-dessus et, par la proclamation stérile de l’inutilité de pareil travail puisqu’il était considéré comme suffisant de donner une adhésion aux 4 premiers congrès de l’IC.
Et ainsi, à la marche des événements, la Ligue communiste, résultant d’une conglomération de groupes oppositionnels de gauche, ne pût opposer que les 4 premiers congrès de l’IC qui ne pouvaient contenir la résolution des problèmes spécifiques à la lutte du prolétariat français. Au surplus, les 4 premiers congrès n’ayant pas donné de solution définitive aux problèmes de la bataille pour le triomphe du communisme et ayant en outre ébauché une résolution tactique qui devait être suivie par la défaite allemande de 1923, un tel programme politique ne pouvait donc qu’engendrer les crises connues par la Ligue et devait aboutir aux expressions politiques les plus contradictoires.
Pendant la conférence d’unification, qui peut signifier un pas positif pour la construction de l’organisation communiste indispensable, deux méthodes se sont affrontées. Celle qui consistait à mettre délibérément de côté toutes les expériences du prolétariat français, à élaborer un manifeste, courir vers l’élaboration d’une résolution de constitution, qui ne fait que répéter des notions politiques déjà établies sur le mouvement communiste international et qui est muette sur les luttes du prolétariat en France, son passé, son avenir, devait finir par prévaloir. Par contre, la voie préconisée par notre Fraction, qui consistait à ne pas jeter d’exclusive contre n’importe quel groupe oppositionnel, à considérer chacun d’eux comme un courant reflétant des opinions du prolétariat français, et comme des réactions prolétariennes au centrisme, fût rejetée.
Nous proposions d’appeler tous ces groupes à une confrontation politique dans le but d’établir une plate-forme reposant sur les bases de l’IC : le 2e congrès.
Certes, notre méthode de travail aurait été plus longue et plus laborieuse, mais les résultats auraient été positifs et le prolétariat français aurait enfin eu son organisation de classe. Nous constatons, à notre grand regret, que l’unification s’est faite avec le même système déjà expérimenté en 30 et qui donna les résultats lamentables que nous connaissons.
Il est encore temps que, pour ne pas s’exposer aux mêmes errements que la Ligue communiste, nous adressions un appel très vif à l’Opposition unifiée afin qu’elle utilise les leçons du passé, qu’elle aborde avec ardeur et décision les problèmes difficiles et afin qu’elle puisse jeter hardiment les bases de la fraction de gauche du PCF, de l’organisme marxiste des travailleurs.
Mai 1933
Contribution de la
Fédération parisienne de la Fraction de gauche du PCI
à la Conférence d’unification des groupes communistes de gauche
1. Les groupes : Gauche communiste, Fraction de gauche, minorité de la Ligue communiste, Opposition de gauche de la banlieue ouest (15e rayon), constatant que l’éparpillement des différents groupes de l’opposition de gauche est une des caractéristiques de la crise communiste tant en France que sur le terrain international. Cet éparpillement est dû : 1) au fait que chaque groupe est la conséquence d’une réaction particulière du prolétariat français à la dégénérescence des partis communistes et de l’Internationale communiste ; 2) au fait qu’aucun groupe n’a cherché à approfondir les causes de la crise communiste en établissant une plate-forme politique en connexion avec l’expérience de la lutte des classes en France, liée au déroulement de la lutte de classes dans tous les pays ; 3) au fait que la conception et les méthodes qui ont prévalu lors de la constitution de la Ligue communiste en France et du Secrétariat international ont vicié la nature et la consistance même d’une véritable Fraction communiste de gauche.
Enfin, l’aventurisme organisatoire et politique qui ont prédominé tant dans la Ligue communiste que dans le Secrétariat international.
2. Les groupes susnommés ont pris acte au cours de la Conférence d’unification qu’aucune divergence de principe n’existe entre eux ; les divergences politiques existantes n’étant pas de nature à rendre incompatible la coexistence dans une même organisation, d’autant plus que ces divergences doivent être examinées à la lumière d’une véritable action commune sur la base d’une intervention active dans la lutte du prolétariat français. En conséquence de quoi, décident de dissoudre les différentes organisations particulières et de créer une seule organisation : la Fraction de gauche du Parti communiste français.
3. La nécessité de la constitution de la Fraction de gauche du Parti communiste français se détermine :
a) par la dégénérescence des partis communistes et de l’IC. Dégénérescence qui a trouvé ses prémisses dans la défectueuse constitution des partis communistes à leur origine et des défaites du prolétariat international (Allemagne 21 – Hongrie, Bulgarie, Italie, Allemagne 23) et son aboutissement au 15e congrès du Parti communiste russe et du 6e Congrès mondial (altération des bases fondamentales des principes du marxisme révolutionnaire régénéré par Lénine qui avait porté la victoire de la Révolution d’octobre et à la constitution de l’Internationale ; socialisme dans un seul pays, etc.) et trouveront leur conclusion inévitable dans la trahison ouverte des partis communistes des intérêts de la révolution communiste mondiale.
b) Cette dégénérescence s’explique aussi par la non-préparation des partis communistes à répondre aux problèmes de la révolution communiste dans les pays capitalistes en connexion avec la coexistence d’un Etat prolétarien d’une part et des Etats capitalistes d’autre part, et aux nouveaux problèmes issus de la crise capitaliste dans le monde entier après la guerre impérialiste de 1914-1918.
4. Les bases politiques fondamentales de la Fraction de gauche du Parti communiste français sont les thèses et résolutions du 2e congrès de l’Internationale communiste.
5. Les tâches de la Fraction de gauche du PCF sont :
a) Réexamen sur la base des principes marxistes établis au 2e Congrès de l’IC de toute l’expérience du prolétariat international, dont elle se rappelle et revendique en entier.
b) Cet examen doit être fait en relation avec toutes les défaites du prolétariat international et en connexion avec les caractéristiques de la situation actuelle, des luttes passées et présentes du prolétariat français contre sa propre bourgeoisie en particulier, et sur l’échelle internationale dans le but d’enrichir les armes du prolétariat international contre le capitalisme.
c) Par son activité au sein du prolétariat et par sa volonté de résoudre les problèmes de la crise communiste, forger des cadres capables de répondre aux exigences de la lutte révolutionnaire quand des événements de grande envergure se présentent, ou par la trahison ouverte des partis officiels nécessité sera faite aux fractions de gauche de reconstituer les partis communistes.
d) Sur la base des principes ci-dessus exposés, une intervention active dans toutes les manifestations de la lutte de classe en France, la Fraction de gauche procédera à l’élaboration d’une plate-forme politique qui synthétisera l’expérience du prolétariat français et international, qui s’efforcera d’être aussi la réponse de l’avant-garde consciente du prolétariat français, face à la bourgeoisie et à la bureaucratie centriste en même temps qu’elle sera le prémisse indispensable pour la création des cadres qui devront conduire demain le prolétariat français à sa victoire d’Octobre.
6. La Fraction de gauche du PCF considère que tous ces groupes communistes détachés du parti communiste sont l’expression de réaction existante dans le prolétariat français contre le centrisme et par le fait même que les assises politiques de la Fraction de gauche sont à déterminer, éditera un bulletin de discussion intergroupes et éléments qui se réclament des mêmes principes sur lesquels se base la Fraction de gauche.
7. Sur le terrain international, la Fraction de gauche se maintiendra en liaison avec tous les groupes et organisations communistes qui œuvrent, même sur des bases différentes, dans la directive centrale de la solution de la crise communiste.
Dans ce sens elle préconise la parution d’une revue internationale sous la responsabilité de la Fraction de gauche du PCF, la Gauche communiste allemande et la Fraction de gauche du PCI, où seront publiés et controversés les différentes expériences du prolétariat international, pour faciliter la formation des cadres bien aguerris pour la révolution communiste internationale.