Soumis par Revue Internationale le
Mais qu'en est-il de la multiplication des guerres locales et des massacres ? Pourquoi l'accroissement indéniable et la généralisation de la misère dans le monde ? Pourquoi l'augmentation du chômage et la dégradation des conditions d'existence du prolétariat ? Comment comprendre les famines, la recrudescence des épidémies, la corruption et l'insécurité croissantes ? D'où viennent les catastrophes dites naturelles et les menaces sur l'environnement à l'échelle planétaire ? Sinon du fait de la subsistance du capitalisme, de ces relations sociales, de ces rapports de production, qui n'ont que faire des besoins humains et répondent à la poursuite d'un seul objectif : le profit ; et “pas simplement la poursuite d'un profit tangible, mais d'un profit toujours croissant.” (2)
Face à cette objection on se trouve en présence de diverses réponses.
La “mondialisation” et la fable de la “démocratie”pour masquer le chaos capitalisteSoit tout cela ne seraP>Soit tout cela ne serait qu'une exagération de cassandres qui refusent de voir les bienfaits du système actuel. Cette réponse est en général celle des thuriféraires du capitalisme libéral. Pour ces derniers les conséquences désastreuses de la survie du capitalisme sont le prix normal à payer dans ce système social, le résultat intangible d'une loi de la nature qui implique l'élimination des plus faibles et le salut seulement pour les plus forts.
Soit tous ces fléaux du monde moderne à l'aube du 21e siècle sont réels mais ils sont considérés avant tout comme des excès ou des imperfections, comme les conséquences d'erreurs commises par des responsables trop âpres au gain et pas assez soucieux du bien de tous. Ce serait le résultat du capitalisme “sauvage”. Il faudrait donc, selon ces conceptions, un contrôle, une régulation bien pensée, organisée par les gouvernements, par les Etats, par des organismes locaux, nationaux et internationaux adéquats (par exemple sur le mode des fameuses ONG, les organisations dites non gouvernementales). Cela pourrait gommer les effets dévastateurs de ce système, le transformer , le transformer en une véritable organisation de “citoyens”, en faire un authentique hâvre de paix et de prospérité pour tous. Cette réponse est en général, avec des variantes, celle de la gauche de l'appareil politique de la bourgeoisie, de la social-démocratie et des ex-partis staliniens, des écologistes. C'est la conception de la mouvance “anti-mondialisation”. Et on y trouve également les courants gauchistes qui mettent en sourdine leur phraséologie révolutionnaire traditionnelle pour apporter une contribution radicale au concert de défense de la démocratie. C'est le cas de toutes sortes de chapelles trotskistes ou ex-maoistes, anarchistes ou libertaires, tous des courants divers plus ou moins défroqués du gauchisme socialiste, communiste, libertaire des années 1970-80. Au delà des différences, tout le monde se réclame donc aujourd'hui de la démocratie, de l'extrême droite à l'extrême gauche.
Les contestataires qui prétendaient autrefois critiquer le cirque parlementaire ont démasqué leur vraie nature de fervents défenseurs de la démocratie bourgeoise autrefois honnie. Beaucoup sont d'ailleurs aujourd'hui, prat aujourd'hui, pratiquement dans tous les pays, aux commandes de l'Etat, à des postes de responsabilité dans d'honorables institutions, organismes et entreprises, bien intégrés au système. Pour les autres, qui se sont maintenus dans une opposition plus ou moins radicale aux gouvernements et à ces mêmes institutions (3), ils dénoncent les excès et les erreurs du système, mais au fond ne posent jamais la véritable question de la nature de ce système.
Un des meilleurs exemples de cette idéologie nous est régulièrement fourni par le mensuel français Le Monde diplomatique. Ainsi, dans le numéro de janvier 2001 de ce journal, on trouve que “Le nouveau siècle commence à Porto Alegre [au Brésil où se tient le 1er Forum social mondial fin janvier 2001]. Tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, contestent ou critiquent la mondialisation néolibérale vont se réunir... (...) Non pas pour protester comme à Seattle, à Washington, à Prague et ailleurs, contre les injustices, les inégalités et les désastres que provoquent, un peu partout dans le monde, les excès du néolibéraéolibéralisme. Mais pour tenter, dans un esprit positif et constructif cette fois, de proposer un cadre théorique et pratique permettant d'envisager une mondialisation de type nouveau et affirmer qu'un autre monde, moins inhumain et plus solidaire, est possible.” (4)
Et dans le même numéro, on trouve un article de Toni Negri, figure emblématique de Potere Operaio (5), qui développe l'idée qu'aujourd'hui il n'y a plus d'impérialisme mais un “Empire” capitaliste !? Le propos semble rester fidèle à la “lutte des classes” et à la “bataille des exploités contre le pouvoir du capital”. Mais ce n'est qu'une apparence. L'article prétend surtout inventer une sorte de nouvelle perspective à la lutte des classes. Ce qui l'amène tout droit sur un vieux terrain éculé : la nécessité de la défense de la démocratie en lieu et place de celle de la “révolution” ; l'identification de citoyens en lieu et place de l'identité de classe du prolétariat. “Ces luttes exigent, outre un salaire garanti, une nouvelle expression de la démocratie dans le contrôle des conditions politiques de itions politiques de reproduction de la vie. (...) la plupart de ces idées sont nées lors des manifestations parisiennes de l'hiver 1995, cette "Commune de Paris sous la neige" (!) qui exaltait (...) l'auto-reconnaissance subversive des citoyens des grandes villes.”
Quelles que soient les intentions subjectives de ces protagonistes de la contestation du système capitaliste, de ces défenseurs de la perspective de la démocratie, tout cela sert d'abord et avant tout objectivement à entretenir des illusions sur la possibilité de réformer ce système ou de le transformer graduellement.
Ce que la classe ouvrière a besoin de comprendre, contre ces vieilles idées réformistes remises au goût du jour, c'est que l'impérialisme, ce “stade suprême du capitalisme” comme disait Lénine, règne toujours en maître. Qu'il touche “tous les Etats, du plus petit au plus grand” comme disait Rosa Luxemburg. Qu'il est à la base de la multiplication des guerres locales et de la prolifération des massacres à travers le monde dans toutes les zones de conflits militaires. Face aux nombreuses questions et inqui&ea questions et inquiétudes sur l'inanité et l'absurdité du monde actuel, face à l'absence grandissante de perspective qui imbibe toute la société, face à cette ambiance pesante de vie au jour le jour, face au chacun pour soi, à la décomposition du tissu social, à la déliquescence de la solidarité collective, la classe ouvrière a besoin de comprendre que la perspective du capitalisme n'est pas un monde de citoyens qu'une bonne démocratie pourra faire vivre dans la paix, dans l'abondance et la prospérité. Ce que la classe ouvrière a besoin de comprendre c'est que la société actuelle est et reste une société de classes, un système d'exploitation de l'homme par l'homme, dont le moteur est le profit et le fonctionnement dicté par l'accumulation du capital. Que la démocratie est une démocratie bourgeoise, la forme la plus élaborée de la dictature de la classe capitaliste.
Ce qui a changé depuis 1991 ce n'est pas que le capitalisme aurait triomphé du communisme et se serait donc imposé comme le seul système social viable. Ce qui a changé c'est que le régime capitaliste et imp&eacuiste et impérialiste du bloc soviétique s'est effondré sous les coups de la crise économique et face à la pression militaire de son ennemi, le bloc occidental. Ce qui a changé c'est la configuration impérialiste de la planète qui régissait le monde depuis la seconde guerre mondiale. Ce n'est pas le communisme ou un système en transition vers le communisme qui s'est effondré à l'Est. Le véritable communisme, qui n'a encore jamais existé, reste à l'ordre du jour. Il ne pourra être instauré que par le renversement révolutionnaire de la domination capitaliste par la classe ouvrière internationale. Il est l'unique alternative à ce que promet la survivance de la société capitaliste : l'enfoncement dans un chaos indicible qui pourrait signifier à terme la destruction définitive de l'humanité.
La “nouvelle économie” en perdition, la crise ininterrompueAlors que les festivités de l'an 2000 s'étaient tenues sous les auspices de l'euphorie de la “nouvelle économie”, l'année 2001 a commencé par une inquiétude clairement affichée sur la saichée sur la santé économique du capitalisme mondial. Les nouveaux gains prodigieux promis n'ont pas été au rendez-vous. Au contraire, après un an de déboires et de désillusions, les champions du e-business et de la net-économie ont multiplié les faillites et licencié à tour de bras, dans un contexte général morose. Quelques exemples : “Avec le refroidissement de la nouvelle économie, il y a eu une rafale d'annonces de licenciements. Plus de 36 000 emplois des "pointcom" ont été supprimés dans la seconde moitié de l'an dernier, y inclus 10 000 le mois dernier.” (6)
Nous avons analysé à plusieurs reprises dans les colonnes de cette Revue internationale la situation de la crise économique (7). Nous ne reviendrons pas en détail sur ces analyses dont les conclusions sont à nouveau confirmées aujourd'hui. En décembre dernier, les grands magazines de la presse internationale titraient “Chaos” (8) et “Un atterrissage brutal ?” (9). Au delà des grandes phrases rassurantes et creuses, la bourgeoisie a besoin de savoir ce qu'il en est vraiment des profits qu'elle peut ets qu'elle peut espérer de ses placements. Et il faut bien se rendre à l'évidence. La “nouvelle économie” n'est rien d'autre qu'un avatar de la “vieille économie”, c'est-à-dire tout simplement un produit non pas de la croissance mais bien de la crise de l'économie capitaliste. Le développement des communications via Internet n'est pas la “révolution” promise. L'utilisation à grande échelle d'Internet, aussi bien au niveau des échanges commerciaux et des transactions financières et bancaires qu'au sein des entreprises et des administrations, ne change rien aux lois incontournables de l'accumulation du capital qui exigent le bénéfice net, la rentabilité et la compétitivité sur le marché.
Tout comme n'importe quelle innovation technique, l'avantage compétitif procuré par l'utilisation d'Internet disparaît très rapidement à partir du moment où cette utilisation se généralise. Et, de plus, dans le domaine de la communication et des transactions, pour que la technique fonctionne et soit efficace, cela suppose que toutes les entreprises soient connectées. Et donc l'innovation que constitue l'utilisation de ce r l'utilisation de ce réseau contient elle-même la fin du propre avantage qu'elle est censée constituer !
Au départ, la grande “révolution technologique” de l'Internet devait permettre un développement colossal du “modèle” B2C, un acronyme qui signifie “business to consumer”, c'est-à-dire procurer un rapport direct du producteur au consommateur. En fait il s'agit tout bêtement de pouvoir consulter des catalogues et passer des commandes par correspondance électronique via Internet plutôt que par courrier ! Belle innovation ! Révolution technologique nous disait-on ? Très rapidement le B2C a été abandonné au profit du B2B, le “business to business”, la mise en rapport direct des entreprises entre elles. Le premier “modèle” misait sur des gains procurés par une vente par correspondance par courrier électronique, somme toute peu profitable puisque dédiée essentiellement à la consommation des ménages. Le second était censé mettre en rapport direct les entreprises. Les gains devaient alors provenir de deux “débouchés”. D'un côté les entreprises pouvaient gagtreprises pouvaient gagner de l'argent ou plutôt réduire leurs dépenses du fait de la réduction des intermédiaires dans leurs relations. Ce n'est déjà pas un vrai débouché mais une simple réduction des dépenses ! D'un autre côté on devait assister à l'ouverture d'un fabuleux “marché”, celui constitué par la nécessité de fournir sur Internet les services adéquats (annuaires, listes, catalogues, applications informatiques, moyens de paiement, etc) ; en fait le retour par la fenêtre des... intermédiaires qu'on venait de chasser par la porte. Merci Internet ! Là aussi il a bien fallu se rendre à l'évidence, le profit n'était pas au rendez-vous. Ces “modèles” économiques ont vite été abandonnés. 98 % des start ups de ces trois dernières années, ces entreprises de la “nouvelle économie” supposées constituer l'exemple de l'avenir radieux du développement capitaliste, ont disparu. Dans celles qui ont subsisté, les salariés, un temps euphoriques face à leur enrichissement (virtuel !) par les dividendes de stock options gétions généreusement octroyées et qui ne comptaient plus leurs heures de travail, ont déchanté. Il est significatif que les syndicats, qui délaissaient cette main d'oeuvre jusqu'à maintenant, arrivent en force sur le secteur. Non pas que le syndicalisme soit soudain devenu un défenseur des travailleurs (10), mais bien plutôt parce qu'il serait dangereux de laisser se développer librement la réflexion parmi des travailleurs brutalement dégrisés
Cette idéologie de la net-économie est une claire illustration de l'impasse de l'économie bourgeoise, du déclin historique des rapports de production capitalistes. Dans cette idéologie le profit devait paraît-il désormais être tiré du développement du commerce et non plus directement de la production. Le marchand devait en quelque sorte prendre le pas sur le producteur. Mais qu'est-ce que cette idéologie sinon l'aspiration au retour à un capitalisme de marchands tel qu'il existait à la fin du... Moyen âge. A l'époque le capitalisme commençait à se développer par l'essor du commerce, lequel allait briser les entraves des rapports de production féodaux qui eeacute;odaux qui enfermaient les forces productives dans le carcan du servage. Aujourd'hui, et depuis plus d'un siècle déjà, le marché mondial est entièrement conquis par le capitalisme et le commerce mondial engorgé par une surproduction généralisée qui ne parvient pas à trouver de débouchés suffisants. Le salut du capitalisme ne viendra pas d'un nouvel essor du commerce qui est complètement impossible dans les conditions historiques de l'époque actuelle.
Nous n'avons considéré dans cet article que la net-économie, parce que son effondrement au cours de l'année 2000 a été l'aspect le plus médiatisé de la crise économique capitaliste. Mais, comme poursuit le magazine cité plus haut, “les suppressions d'emplois sont allées bien au delà de la planète "pointcom". Il y a eu plus de 480 000 licenciements en novembre. General Motors licencie 15 000 ouvriers avec la fermeture d'Oldsmobile. Whirlpool réduit ses effectifs de 6300 ouvriers, Aetna en fait partir 5000.” (11) En effet l'année 2001 s'ouvre avec une accélération considérable de la crise. Aux Etats-Unis des mesures d'u-Unis des mesures d'urgence ont été prises par A. Greenspan, le patron de la Réserve fédérale, pour essayer de conjurer le spectre de la récession. La “nouvelle économie” a fait long feu et la crise de la “vieille économie” se poursuit inexorablement. Endettement colossal à tous les niveaux, attaques toujours plus fortes des conditions de vie du prolétariat à l'échelle internationale, incapacité d'intégrer dans les rapports de production capitalistes des masses croissantes de sans-travail, etc., telles sont les conséquences fondamentales de l'économie capitaliste. Les Etats, les banques centrales, les Bourses, le FMI, en général toutes les institutions financières et bancaires et tous les “acteurs” de la politique mondiale s'efforcent de réguler le fonctionnement chaotique de cette “économie de casino” (12), mais les faits sont têtus et les lois du capitalisme finissent toujours par s'imposer.
Tout comme dans le domaine économique où les différents discours servent surtout à masquer le déclin historique du capitalisme et la profondeur de la crise, dans le domaine de l'impérialisme les discoursrialisme les discours sur la paix servent à cacher un chaos grandissant et des antagonismes démultipliés à tous les niveaux. La situation actuelle au Moyen Orient en est un claire illustration
La paix dans l'impasseau Moyen-OrientLorsque cette Revue internationale paraîtra, le plan que Clinton essayait de faire passer à tout prix avant de quitter les affaires sera resté lettre morte comme c'était prévisible.
Les protagonistes de ce “processus de paix” ne savent pas vraiment eux-mêmes comment faire face à la situation. Chacun essaie de défendre au mieux ses positions sans qu'aucune des parties soit capable de proposer une issue stable et viable à l'imbroglio que constitue la situation de guerre endémique qui perdure dans cette région du monde. L'Etat d'Israel est bien décidé à lâcher le moins possible de ses prérogatives et l'Autorité palestinienne sous la houlette d'Arafat ne peut accepter quoi que ce soit qui apparaîtrait comme une capitulation de ses ambitions.
L'Etat d'Israel défend une position de force acquise depuis sa fondation en 1947, au travers de plusieurs guerres contre les Etats arabes voisins (Jordanie, Syrie, Liban(Jordanie, Syrie, Liban et Egypte), avec le soutien indéfectible des Etats-Unis. Bastion de la résistance du bloc impérialiste occidental à l'offensive menée depuis les années 1950 par le bloc impérialiste russe, via les Etats arabes qui s'inféodèrent à l'URSS, l'Etat d'Israel s'est forgé un place de gendarme de cette région du monde qu'il n'est pas prêt de se laisser contester.
Mais depuis l'effondrement du bloc impérialiste russe il y a dix ans, la situation a évolué. Les Etats-Unis ont réorienté leur politique au Moyen-Orient. La guerre du Golfe en 1991 avait pour objectif d'imposer la reconnaissance du statut de superpuissance mondiale des Etats-Unis face aux velléités des alliés du bloc occidental comme la Grande-Bretagne, la France, et surtout l'Allemagne, de prendre leurs distances avec leur parrain devenu encombrant. La discipline de bloc n'était désormais plus de mise puisque la menace du bloc adverse avait disparu. Mais la guerre du Golfe avait aussi un second objectif, celui d'imposer la mainmise totale des Etats-Unis sur le Moyen-Orient.
Dans la période du partage du monde en deux grands blocs impérialistes, l'administration amédministration américaine pouvait tolérer que ses alliés tiennent des positions influentes sur la scène impérialiste dans certaines régions du monde. Elle pouvait même déléguer à certains d'entre eux la charge de mener une politique extérieure qui, même si elle manifestait parfois des oppositions aux intérêts américains, était de toute façon contrainte de s'inscrire dans l'orbite du bloc occidental. Au Moyen-Orient, la Grande-Bretagne pouvait ainsi avoir une influence prépondérante au Koweit, la France au Liban et en Syrie, l'Allemagne et la France en Irak, etc. En 1991, la guerre du Golfe donnait le signal de la volonté des Etats-Unis de reprendre en charge totalement par eux-mêmes la “pax americana”. La conférence de Madrid en octobre 1991 puis les négociations d'Oslo à partir du début 1993 allaient déboucher sur la signature de la déclaration de principe israélo-palestinienne à Washington en septembre 1993, sous la seule autorité des Etats-Unis, sans les anciens alliés. En mai 1994, Arafat et Rabin signaient au Caire l’accord d’autonomie Gaza-Jéricho et l'armée israélienne entamait un retrait entamait un retrait pour permettre l'arrivée triomphale de Yasser Arafat à Gaza en juillet 1994.
Mais cette évolution allait provoquer de la part d'une fraction significative de la bourgeoisie israélienne une véritable rupture avec la politique des Etats-Unis, pour la première fois de la courte histoire de ce pays. En novembre 1995 Rabin était assassiné par “un extrémiste”. C'était la période où le Likoud de Netanyahou devait sérieusement entraver les plans de la diplomatie américaine. Les Etats-Unis allaient reprendre la main en mai 1999 par le retour aux affaires du Parti travailliste avec Ehoud Barak comme premier ministre, ce qui devait aboutir à l'accord de Charm el-Cheikh entre Arafat et Barak en septembre 1999. Pourtant, le sommet de Camp David de juillet 2000, supposé constituer le couronnement de la capacité des Etats-Unis à imposer leur paix au Moyen-Orient, capote et s’achève sans accord. Dans cet épisode, la politique de l'un des anciens alliés, la France, constitue ouvertement une tentative de sabotage de la politique des Etats-Unis que ceux-ci dénoncent d'ailleurs ouvertement comme telle. Et, en Israël même, c'est le retour en forcele retour en force de la résistance au “processus de paix” à l'américaine, avec la fameuse visite d’Ariel Sharon, vieux faucon du Likoud, sur l’esplanade des Mosquées en septembre 2000, ce qui va donner le signal de nouveaux affrontements violents qui gagnent rapidement la Cisjordanie et la Bande de Gaza. En octobre 2000, un nouveau sommet de Charm el-Cheikh qui prévoit l’arrêt des violences, la création d’une commission d’enquête et la reprise des négociations, n'aboutit à rien sur le terrain où l’Intifada et la répression continuent.
Aujourd'hui, la situation n'est donc plus la même que celle des guerres ouvertes comme la Guerre des six-jours de 1967 ou la Guerre du Kippour de 1973 quand l'armée israélienne affrontait directement les armées des Etats arabes, au sein desquelles participaient les différents Fronts de libération de la Palestine. Elle n'est pas non plus la même que celle de la guerre de 1982 où Israël avait envahi le Liban et avait encouragé les massacres en masse des réfugiés des camps palestiniens de Sabra et Chatila par les milices chrétiennes, ses alliés (plus de 20 000 victimes en quelques jours)es en quelques jours). Il s'agissait encore d'une situation où dominait avant tout le clivage fondamental entre les grands blocs impérialistes, au delà des oppositions circonstancielles pouvant exister au sein des forces du même bloc. Et même si Yasser Arafat, depuis sa première venue à la tribune des Nations Unies en 1976, essayait de s'attirer les bonnes grâces de la diplomatie américaine, il restait encore et toujours, aux yeux de cette dernière, suspect de connivence avec “l'Empire du mal” - expression du président américain de l'époque, Reagan, pour qualifier l'URSS.
Aujourd'hui, il y a des clivages partout. La bourgeoisie israélienne ne se considère plus indéfectiblement liée à la tutelle des Etats-Unis. Déjà, dès la guerre du Golfe en 1991, une fraction significative de celle-ci, dans l'armée notamment, s'était élevée contre l'interdiction qui avait été faite à Israël de riposter militairement aux tirs de missiles irakiens sur son territoire. Alors que l'armée israélienne était (et est encore) une des plus efficaces et opérationnelles, l'humiliation d'être contrainte à la pate à la passivité et de s'en remettre pour sa défense à l'Etat-major américain avait été une pillule très amère. Ensuite, le “processus de paix” qui met quasiment sur un pied d'égalité israéliens et palestiniens, qui impose le retrait de l'armée israélienne du sud Liban, qui envisage de céder le plateau du Golan, etc., n'est pas du tout du goût de la fraction la plus “radicale” de la bourgeoisie israélienne. Et ce “processus de paix” n'est pas non plus facilement acceptable comme tel pour le parti travailliste de Barak. Même si ce parti est plus proche des Etats-Unis que le Likoud et qu'il a surtout une vision à long terme plus réaliste de la situation du Moyen-Orient, il est le parti de la guerre, celui qui a mené l'armée et les principales campagnes militaires. Il est d'ailleurs celui sous l'autorité duquel se sont le plus développées les fameuses implantations des colons en territoire palestinien ! Contrairement aux idées reçues et aux mystifications, la gauche, le parti travailliste n'est pas plus porté à “la paix” que la droite, le Likoud. S'il existe des nuances, il n'y a pas de divery a pas de divergence fondamentale entre ces deux fractions de la bourgeoisie israélienne. Il y a toujours eu unité nationale dans la guerre comme dans la “paix” (les accords de paix avec l'Egypte avaient été menés par la droite dans les années 1970).
Mais il n'y a pas que l'Etat d'Israel qui soit susceptible d'avoir des velléités de jouer son propre jeu et d'essayer de s'affranchir de la tutelle des Etats-Unis. La Syrie a pu mettre la main sur le Liban moyennant un marchandage de son attitude “neutre” dans la guerre du Golfe en 1991. Pour autant il est exclu, de son point de vue, d'accepter l'annexion du plateau du Golan conquis par Israël en 1967. Là aussi il y a matière à friction. Et au sein même de la bourgeoisie palestinienne, l'organisation du Fatah d'Arafat et les organisations plus radicales sont loin d'être d'accord entre elles. Toute la région, à l'image de la situation mondiale, est en proie à la montée du chacun pour soi. L'influence largement prépondérante de la diplomatie américaine est en fait très superficielle, recouvrant un grand nombre de barils de poudre toujours prêts à exploser dans le contexte de surarmement de tous les rarmement de tous les protagonistes de la région.
Quant aux autres grandes puissances impérialistes, si elles ne peuvent pas ouvertement saboter les initiatives des Etats-Unis sous peine de se voir mises hors jeu, comme c'est le cas actuellement de la diplomatie française, si toutes sont officiellement rentrées dans le rang pour soutenir le “processus de paix”, ceci n'exclut pas qu'en sous-main elles entreprennent des actions visant à faire capoter le plan Clinton, ou tout autre plan de la diplomatie américaine d'ailleurs. Arafat lui-même en appelle parfois à l'implication de l'Union européenne dans les négociations car il aimerait bien ne pas dépendre seulement des Etats-Unis pour sa survie politique. Ceci dit, ce n'est pas avec l'UE qu'il va discuter, mais avec l'Administration américaine.
Dans ce chacun pour soi qui domine aujourd'hui, à part les Etats-Unis qui font tout pour maintenir leur statut de seule superpuissance militaire de la planète et hormis l'Allemagne qui poursuit en arrière-plan une politique impérialiste discrète et masquée pour accroître son influence qui avait été complètement bridée depuis la 2e guerre mondiale pendant la & mondiale pendant la “guerre froide”, aucune autre des grandes puissances ne peut avoir de vision à long terme. Et aucun des Etats moins puissants non plus. Chacun s'efforce de défendre ses intérêts nationaux, de se défendre là où il est attaqué, en particulier en sapant et en semant le désordre dans les positions de l'adversaire. Aucun d'eux n'est capable aujourd'hui de mettre en place une politique constructive et durable. Au Moyen Orient, l'heure n'est pas à la stabilisation de la situation. Même une “paix armée” comme elle a pu perdurer en Europe de l'Est pendant la “guerre froide” n'est plus possible aujourd'hui.
Quant à la possibilité de la création de l'Etat palestinien, l'incommensurable absurdité de la configuration du projet lui-même ferait presque apparaître l'organisation des bantoustans de l'Apartheid en Afrique du sud comme une structure sociale rationnelle ! Il y a les Territoires sous contrôle exclusif de l'Autorité palestinienne : c'est sur la carte quelques grosses taches en Cisjordanie avec la bande de Gaza, mais pas tout entière. Il y a les Territoires sous contrôle mixte, où Israël est responsable de la sénsable de la sécurité : d'autres taches en Cisjordanie seulement. Et le tout se situe dans l'environnement des Territoires de Cisjordanie sous le contrôle exclusif d'Israël, avec des routes spécialisées pour protéger les colonisations israéliennes... Comment peut-on faire croire qu'une telle aberration contienne une once de progrès, un iota de satisfaction des besoins des populations, quelque chose à voir avec un prétendu “droit des peuples à disposer d'eux-mêmes”.
Toute l'histoire de la décadence du capitalisme a déjà montré combien tous les Etats nationaux qui n'avaient pas pu atteindre leur maturité au cours de la phase d'ascendance du mode de production capitaliste n'ont pas pu constituer un cadre économique et politique solide et viable à long terme, comme la Yougoslavie et l'URSS l'ont montré en se délitant. Les Etats hérités de la décolonisation partent en lambeaux en Afrique. La guerre fait rage en Indonésie, au Timor oriental. Le terrorisme sévit au sud de l'Inde au Sri Lanka. La tension est extrême à la frontière indo-pakistanaise, entre la Thaïlande et la Birmanie. En Amérique du sud, la Colom du sud, la Colombie est en proie à une déstabilisation permanente. La guerre est endémique entre Pérou et Equateur. Partout des frontières sont contestées car elles n'ont pas de réelle solidité faute d'avoir pu être vraiment acceptées et reconnues depuis le 19e siècle.
Dans ce contexte, non seulement “la patrie palestinienne ne sera jamais qu'un Etat bourgeois au service de la classe exploiteuse et opprimant ces mêmes masses, avec des flics et des prisons” (13), mais de plus cet Etat ne pourra être qu'une aberration, un Etat-croupion, un symbole non pas de la formation d'une nation mais de la décomposition dont est porteuse la survivance du capitalisme dans la période historique actuelle. Et le partage des souverainetés dans un entrelacement indescriptible de zones, de villes et de villages, de routes, attribués aux uns et aux autres, ce n'est pas un “processus de paix”, c'est un champ de mines pour aujourd'hui et pour demain, où tout peut être porteur de conflit à tout instant. C'est une situation où l'irrationalité du monde actuel est poussée à l'extrême.
oOo
Le 21e siècle commence avec uve;cle commence avec une nouvelle accélération des conséquences dramatiques pour l'humanité de la survivance du mode de production capitaliste. La prospérité promise par la “nouvelle économie” tout comme la paix promise au Moyen Orient ne sont pas au rendez-vous. Elle ne peuvent pas l'être car le capitalisme est un système décadent, un corps malade sous perfusion, qui ne peut entraîner dans sa décomposition actuelle que vers le chaos, la misère et la barbarie.
MG.
1. “Ideas: No, Economics Isn’t King”, F. Zakaria, Newsweek, Janvier 2001.
2. Rosa Luxemburg, L'accumulation du capital, Tome II, “IV. Critique des critiques ou : ce que les épigones ont fait de la théorie marxiste”, Ed. Maspéro 1967, p.141.
3. En réalité, ils ont pour la plupart des postes “officieux” (en France par exemple : Krivine de la Ligue communiste révolutionnaire, trotskiste, ou Aguiton, fondateur du syndicat “de base” SUD PTT) et même des fonctions de conseillers occultes des administrations de la gaucministrations de la gauche de la bourgeoisie.
4. Le Monde diplomatique, janvier 2001, “Porto Alegre”, I. Ramonet.
5. Groupe d'extrême-gauche extra-parlementaire italien dans les années 1960-70.
6. Time, 10 janvier 2001, “This Time It's Different”.
7. Voir ces dernières années les articles “La nouvelle économie : une nouvelle justification du capitalisme” (n° 102), “La fausse bonne santé du capitalisme” (n° 100), “Le gouffre qui se cache derrière la "croissance ininterrompue"” (n° 99), la série d'articles “Trente ans de crise ouverte du capitalisme” (n° 96, 97 et 98).
8. Newsweek, 18 décembre 2000.
9. The Economist, 9-15 décembre 2000.
10. Voir notre brochure Les syndicats contre la classe ouvrière.
11. Time, ibid.
12. Voir “Une économie de casino”, Revue internationale n° 87.
13. “Ni Israël, ni Palestine, les prolétaires n'ont pas de patrie”, Prise de position publiée dans toute la presse territoriale du CCI, en français dans Révolution internationale n° 307 et Internationalisme n° 269.
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Notes en anglais
1. “2000 was not really the first year of the 21st century. In substantive terms, the 21st century began in 1991 with the fall of Soviet communism, the collapse of the bipolar order and the rise of global capitalism as the uncontested ideology of our age.” (“Ideas: No, Economics Isn’t King”, F.Zakaria, Newsweek, Jan. 2001)
6. “As the new economy has cooled, there has been a steady drumbeat of layoff announcements. More than 36,000 dotcom employees were cut in the second half of last year, including some 10,000 last month.” (Time, January 10, 2001, “This Time It's Different”)
11. “But the firings went well beyond dotcomland. There were more than 480,000 layoffs through November. General Motors is laying off 15,000 workers with the closing of Oldsmobile. Whirlpool is trimming 6,300 workers; Aetna is letting go 5,000.” (Time, idem)
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