Soumis par CCI le
Selon la bourgeoisie le fascisme constituerait une espèce "d’aberration historique", une manifestation des forces obscurantistes complètement étrangères au capitalisme et à son mode de vie "civilisé". Il serait à l'origine de la seconde guerre mondiale, et c'est donc tout naturellement qu'elle lui fait endosser la responsabilité de la barbarie sans nom de ce conflit et de l'holocauste.
Un tel mensonge, qui vise en premier lieu la classe ouvrière, n'est égalé que par celui de la nature soi-disant socialiste des pays de l'Est avant l'effondrement du bloc impérialiste russe.
Fascisme et démocratie bourgeoise deux expressions de la dictature du capital
La réalité est tout autre. La propagande bourgeoise s'appuie sur les horreurs bien réelles du fascisme pour escamoter la responsabilité du "camp d'en face" dans les atrocités du deuxième conflit mondial. Ainsi la nature de la seconde Guerre mondiale, qui comme la première était un conflit impérialiste pour le repartage du monde, a-t-elle été travestie par les mensonges bourgeois qui lui ont donné l'apparence d'un combat entre le "bien et le mal".
En mettant sous le boisseau les crimes des alliés pendant ce conflit, la bourgeoisie cherche à innocenter le camp démocratique et à dédouaner le capitalisme de la barbarie sans nom dans laquelle ce système décadent plonge l'humanité depuis le début du siècle.
Le camp démocratique n’a, en vérité, rien à envier à celui du fascisme et aux horreurs des camps de concentration nazis.
L'histoire de ce siècle l'accable : la première guerre mondiale et ses vingt millions de morts, la seconde guerre mondiale (cinquante millions de morts) et ses centaines de milliers de victimes des bombardements alliés sur Dresde et Hambourg, du feu atomique sur Hiroshima et Nagasaki, sa responsabilité dans les centaines de conflits locaux intervenus pendant la guerre froide opposant le bloc de l'Ouest à celui de l'Est, dont la guerre du Viêt-nam, le conflit en Afghanistan, etc., et depuis l'effondrement du bloc de l'Est, la guerre du Golfe et le développement du chaos à une échelle inconnue jusqu'alors.
Etat fasciste, stalinien ou démocratique une expression du capitalisme d'Etat
Loin de constituer une aberration au sein du capitalisme, le fascisme n'est que l'expression, comme la démocratie ou le stalinisme, de la tendance au développement du capitalisme d'Etat propre à la période de décadence du capitalisme. Une telle tendance exprime la réaction de ce système pour faire face à l'irruption des contradictions sur les plans impérialistes, économiques et sociaux qui menacent la cohésion de la société.
L'avènement du fascisme dans certains pays est lié au fait que, la classe ouvrière y ayant subi une profonde défaite, il n'est plus nécessaire de maintenir des institutions démocratiques dont la seule fonction, depuis le début de ce siècle, est justement de mystifier le prolétariat pour le soumettre et le battre. La défaite du prolétariat est donc une condition à l'instauration du fascisme et non pas sa conséquence.
C'est aux fractions de gauche de la bourgeoisie qu'il incombe d'écraser le prolétariat. Une fois cette mission accomplie, la gauche cède sa place, le plus "démocratiquement" du monde, au fascisme.
L'écrasement de la classe ouvrière au niveau international, suite à la défaite de la vague révolutionnaire de 1917-23, rend possible la marche à la guerre dans les années 30.
Dans les principaux pays, poussée inexorablement dans la voie du militarisme par les lois aveugles du capitalisme, la bourgeoisie se prépare à la guerre, l'impasse que constitue la crise économique ne lui laissant d'autre alternative que cette fuite en avant vers un deuxième holocauste mondial.
Dans un pays comme l'Allemagne, où la classe ouvrière a subi plus profondément que partout ailleurs (sauf en Russie) le poids de la défaite idéologique et de la défaite physique -qui lui a été infligée par la social-démocratie- le fascisme s'impose comme étant la forme la plus adaptée pour mener à bien les transformations sociales radicales permettant d'accélérer le renforcement du capitalisme d'Etat requises par la marche accélérée à la guerre.
L'antifascisme, idéologie du capital pour embrigader la classe ouvrière dans la guerre
Ainsi, ce n'est pas le fascisme qui est à l'origine de la seconde guerre mondiale, mais la marche vers la guerre, véritable mode de vie du capitalisme décadent, qui a engendré le fascisme. Quant à l'antifascisme, en offrant aux ouvriers du camp démocratique un prétendu terrain de mobilisation pour se protéger des horreurs du fascisme, il n'est dans la réalité que le moyen utilisé par la bourgeoisie pour les enrôler comme chair à canon dans la guerre, au service d'un camp impérialiste contre un autre. A l'opposé de l'internationalisme prolétarien qui avait constitué le cri de ralliement de la classe ouvrière mondiale pour mettre un terme à la barbarie de la première guerre mondiale, l'antifascisme ne constitue en rien un moyen pour la classe ouvrière de défendre ses intérêts de classe, contrairement au mensonge trotskiste ou stalinien, mais bien le meilleur moyen de la livrer pieds et poings liés à la bourgeoisie "démocratique".
Depuis 68, la bourgeoisie agite le danger fasciste pour affaiblir la lutte de classe
Bien que le resurgissement du prolétariat sur la scène internationale, à la fin des années 60, ait barré la route à un cours vers une nouvelle guerre mondiale, et donc à la nécessité historique d'instauration de régimes de type totalitaire ou fasciste, on a vu néanmoins se succéder depuis lors des campagnes de la bourgeoisie "démocratique" mettant en avant la nécessité de lutter contre le danger fasciste, notamment face à la montée de l'extrême-droite dans un certain nombre de pays. Ces campagnes sont l'occasion pour les forces démocratiques, en particulier celles de gauche et d'extrême-gauche, d'appeler la classe ouvrière à se mobiliser pour "faire barrage au fascisme", "afin qu'il ne revienne pas au pouvoir comme dans les années 30". Contrairement aux années trente, ces campagnes n'ont pas pour vocation d'embrigader pour la guerre impérialiste une classe ouvrière non défaite et donc non disposée à accepter les sacrifices de la défense nationale. Elles constituent néanmoins un danger contre lequel il faut mettre en garde les ouvriers. En agitant l'épouvantail du fascisme, il s'agit pour la bourgeoisie de se protéger contre le développement de la lutte de classe. Sa propagande est en réalité destinée à embrouiller la conscience des ouvriers et à dévoyer leur lutte hors du terrain de la défense intransigeante de leurs conditions de vie contre les attaques capitalistes, le seul terrain qui permette l'unité croissante de la classe ouvrière et le développement de sa perspective révolutionnaire. Elle les pousse à soutenir l'Etat démocratique, lequel n'est autre que l'instrument de la dictature du capital. Ainsi, tous ceux qui, aujourd'hui comme hier, appellent les ouvriers à se mobiliser contre le fascisme remplissent la fonction d'affaiblir et désarmer la classe ouvrière, en lui faisant oublier que c'est contre la classe dominante, comme un tout, qu'elle doit diriger son combat, et non pas contre certaines de ses fractions en s'alliant à certaines autres.
Les apports fondamentaux de la Gauche communiste
C'est parce qu'elle a été capable d'élaborer une telle analyse du fascisme, et de son corollaire, l'antifascisme, que la Gauche communiste[1] a pu rester fidèle aux principes internationalistes lors de la seconde guerre mondiale, comme l'avait été avant elle la gauche de la deuxième internationale face à la première guerre mondiale. Confrontée à l'épreuve fatidique que constitue la guerre, elle a ainsi pu se maintenir, seule, dans le camp du prolétariat et ses positions programmatiques inspirent depuis lors l'essentiel des positions politiques du camp révolutionnaire.
Le premier conflit mondial avait été à l'origine de la première vague révolutionnaire mondiale qui obligea la bourgeoisie à mettre fin aux hostilités afin d'endiguer le risque de l'extension de la révolution russe en Europe. Par contre, dans les années 30, la profondeur de la contre-révolution résultant de la défaite du prolétariat mondial, interdit toute possibilité de surgissement révolutionnaire du prolétariat. Néanmoins, pour l'avant-garde révolutionnaire, la modification radicale de la situation ne devait en rien remettre en cause les principes fondamentaux de l'internationalisme prolétarien face à la perspective du prochain conflit mondial. Face à celui-ci, il n'y avait aucun camp à choisir, ce qui signifiait combattre tant la bourgeoisie du camp fasciste que celle du camp démocratique.
Durant cette période tragique contre-révolutionnaire, c'est à la Gauche communiste qu’il revient de maintenir haut et fort le drapeau de l'internationalisme prolétarien et d'oeuvrer à la défense et à l'enrichissement du programme communiste. En effet, les partis communistes (PC), qui dans la première vague révolutionnaire avaient été à l’avant-garde du combat contre l’ordre bourgeois et les partis socialistes traîtres, sont à leur tour en train de trahir. Une fraction de "l’Opposition de gauche" au stalinisme, le courant trotskiste, adopte , quant à elle, des positions du plus en plus opportunistes qui la conduiront à trahir pendant la seconde Guerre mondiale.
Dès 1926 les principes fondamentaux du positionnement politique de la Gauche communiste d'Italie sont déjà définis : rejet de la théorie du socialisme dans un seul pays, de la défense de la démocratie, du front unique et de l’antifascisme[2].
Ainsi que l’indique le nom de sa revue Bilan[3], cette activité se base sur la conviction que "tirer le bilan des événements de l’après-guerre c’est établir les conditions de la victoire du prolétariat dans tous les pays". Après la défaite, il faut "parachever l’oeuvre que nous a léguée la révolution russe". A cette fin, "tout en se basant sur les fondements de l’Internationale Communiste (IC)", elle cherchera la connaissance profonde des causes de cette défaite "sans aucun interdit non plus qu’aucun ostracisme".
Contre ceux qui prétendaient que les prolétaires devaient soutenir les forces bourgeoises démocratiques pour empêcher l’arrivée du fascisme, Bilan démontrait dans les faits comment les institutions et les forces politiques "démocratiques", loin de s’être dressées en Allemagne en rempart contre la montée du fascisme, firent le lit de celui-ci[4].
Quelles perceptives aujourd'hui pour la classe ouvrière ?
L’avenir de l’humanité est entre les mains du prolétariat et de lui seul. C’est bien pour faire obstacle à cette réponse prolétarienne et à la menace bien réelle qu’elle représente contre son ordre, que la classe dominante déploie ses campagnes idéologiques de défense de l’Etat démocratique et ses mobilisations antifascistes. C’est la conscience et la perspective révolutionnaire de la classe ouvrière qu’elle cherche à attaquer en proposant de fausses réponses à la faillite ouverte de son système. Aujourd’hui que les mythes de la "paix" et de la prospérité ont fait long feu, la classe dominante essaie d’entretenir et de faire adhérer les prolétaires à celui qui lui reste : l’illusion de la "démocratie". Ce prétendu rempart à la barbarie n’est en réalité qu’un poison anti-ouvrier qui n’a toujours servi qu’à désarmer les prolétaires.
Si une menace pèse aujourd’hui sur l’humanité, c’est celle du maintien en vie de ce système de misère et de barbarie. Et le danger le plus grand pour la lutte de la classe ouvrière aujourd’hui et pour sa capacité à mener à bien sa tâche de destruction du capitalisme, ce ne sont pas "les fascistes", réels ou supposés, mais bien les pièges "démocratiques" de la classe dominante.
[1] Il existe principalement deux pôles de la Gauche communiste : la gauche italienne et la gauche germano-hollandaise. C'est essentiellement à cette première, nettement plus conséquente sur le plan politique organisationnel, que nous nous référerons dans cette brochure.
La gauche italienne, en exil et fuyant les geôles de Mussolini, se constitue en 1928 à Pantin en Fraction de Gauche du Parti communiste d’Italie et existera comme telle jusqu’à sa dissolution en 1945.
Pour davantage d'information sur les Gauches communistes voir nos livres La Gauche communiste d'Italie et La Gauche hollandaise.
[2] C'est dans des conditions extrêmement difficiles qu'elle va développer son action militante. Arrêtés en Italie, ses militants sont envoyés dans les geôles fascistes ou relégués dans les îles Eoliennes. En France, la plupart de ses membres, des ouvriers immigrés italiens ayant derrière eux une longue expérience militante, trempés par la répression fasciste et le combat politique contre la droite du parti, sont confrontés à des situations précaires. C'est souvent dans l’illégalité, exposés à la répression des forces politiques et policières des différents camps en présence (démocrates, staliniens et nazis) qu'ils développeront leur activité et qui vaudra à certains d'entre eux de finir dans les camps de concentration nazis.
Pour davantage d'information, consulter notre livre La Gauche communiste d'Italie.
[3] Bilan est la publication en français de la Fraction de Gauche italienne en exil entre 1933 à 1938.
[4] Les travaux des courants de la Gauche communiste sur le fascisme et l'antifascisme constituent une référence fondamentale pour toute étude de ces questions se situant en défense des intérêts de la classe ouvrière. C'est la raison pour laquelle, ces courants ont été pendant très longtemps soigneusement et systématiquement ignorés par tous les idéologues au service de la bourgeoisie. Ce n'est que très récemment que ces derniers ont parlé de la Gauche communiste : la campagne contre le "négationnisme" a été le prétexte de tout une opétation de dénigrement du seul courant qui ait maintenu une position internationaliste durant la seconde Guerre mondiale. Ils n'hésitèrent pas, à cette fin, à amalgamer ses positions à celles de l'extrême droite.