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En 1984, c'est avec horreur que nous avions découvert le terrible bilan humain de l'explosion de l'usine Union Carbide à Bhopal, en Inde. En l'espace de trois jours, 8000 ouvriers moururent ! 350 000 dans les semaines et mois suivants, suite aux blessures ou aux effets de la pollution chimique ! Les conditions d'exploitation effroyables régnant dans ce véritable "bagne industriel" furent la première cause de cette hécatombe. La déflagration eut lieu la nuit alors que les ouvriers et leurs familles dormaient le long de l'usine, dans un immense bidonville. Déjà, à l'époque, la peau d'un ouvrier ne valait donc pas grand-chose mais depuis lors, ces bagnes industriels n'ont fait que proliférer aux quatre coins du monde, en Asie, au Moyen-Orient ou encore en Afrique.
Aujourd'hui, en Inde, au Bangladesh et en Turquie, des dizaines de milliers d'ouvriers travaillent sans relâche dans de gigantesques chantiers navals, rebaptisés "chantiers de la mort". La technique est simple et identique sur chacun de ces sites. Les paquebots à détruire sont lancés à pleine vitesse vers la plage ! Une fois ces géants de la mer échoués, des centaines d'ouvriers s'attellent à les démanteler avec... leurs mains et parfois un chalumeau. Aucune protection, aucune mesure de sécurité. Ces carcasses sont pourtant bourrées de produits chimiques dangereux, voire mortels, chargés le plus souvent d'amiante. Mais si toutes les nations du monde envoient leur flotte y mourir, c'est justement parce que ces conditions d'exploitations inhumaines assurent des "prix imbattables". C'est d'ailleurs dans ce genre de "chantiers de la mort" qu'a faillit finir le porte-avion le Clemenceau et qu'un des fleurons de la marine marchande française, le France, est en train d'y finir ses jours. Dans un rapport daté de 1995 sur le plus grand cimetière de bateaux au monde, le chantier d'Alang en Inde, l'ingénieur Maresh Panda décrivait déjà ainsi les conditions de vie et de travail des ouvriers : "Ils avaient des problèmes de peau dus au contact de matières toxiques, des problèmes respiratoires. Les cales peuvent contenir des gaz et les découpeurs les percent au chalumeau au risque d'explosions. Le sol est saturé de produits toxiques. Or, la plupart des travailleurs sont nu-pieds et peuvent se blesser. (...) Ils étaient à 20 ou 30 dans une même baraque, dormant sur des couchettes superposées. Ils pouvaient travailler vingt heures par jour." Dans une émission d'Envoyé spécial intitulée "Les fossoyeurs d'épaves" (1), un ouvrier témoigne de l'horreur qu'il vit au quotidien : les explosions en tout genre, les copains tués ou mutilés, la survie dans les cabanes de taules et les maigres repas, etc. Et pourtant, des familles entières font parfois des milliers de kilomètres pour pouvoir travailler ici, ce qui en dit long sur la misère de pans entiers de populations de la planète !
Aux Emirats Arabes Unis, à Dubaï, des millions d'ouvriers vivent la même horreur en construisant des gratte-ciels à perte de vue (2). La Chine, comme la Corée en son temps, déporte des millions de travailleurs vers les grands centres industriels. Au total, dans le monde, 2,2 millions d'ouvriers meurent chaque année au travail. Et encore, ce chiffre officiel donné par l'Organisation internationale du travail minimise de beaucoup et volontairement la réalité.
Voici le secret du "miracle économique" des "pays émergents". Dans les années 1980 et 1990, les bourgeoisies occidentales tentaient de bercer d'illusions la classe ouvrière en lui faisant miroiter les miracles allemand, japonais ou même taïwanais. Pour retrouver une bonne santé économique, il fallait les copier : rigueur et sérieux au travail, abnégation pour l'entreprise... Aujourd'hui, les seuls "modèles" qui restent à suivre, ce sont ces bagnes industriels.
Jeanneton (25 avril)
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Cette vidéo est publiée sur Dalymotion.
2) Lire nos articles "Dubaï, Bangladesh : La classe ouvrière se révolte contre l'exploitation capitaliste" et "Luttes ouvrières à Dubaï : un exemple de la montée de la combativité ouvrière au niveau international".