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Au delà des vœux mielleux du Président pour 2008, la bourgeoisie française s'apprête à taper aussi fort qu'elle le pourra sur la classe ouvrière. Prise à la gorge par l'aggravation brutale de la crise économique mondiale, elle doit maintenant s'attaquer définitivement à tous les "avantages acquis". Et cela d'autant plus que, depuis plus de vingt ans, elle n'a pas été en mesure d'imposer à la classe ouvrière une politique de démantèlement de "l'État providence" à la hauteur des nécessités du capital national.
Le retard de la bourgeoisie française
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements de la plupart des pays d'Europe occidentale ont mis en place ce qu'on a désigné "l'État providence" : couverture des dépenses de santé, indemnisation du chômage, pensions de retraite. Ce n'est nullement par philanthropie que la classe exploiteuse a mené une telle politique mais bien pour rationaliser l'exploitation de la classe ouvrière. La santé gratuite (ou à faible coût) pour les salariés était destinée à garantir l'entretien d'une force de travail à qui on demandait des efforts considérables afin de reconstruire une économie en ruines du fait de la guerre. L'indemnisation du chômage, sous couvert de "solidarité", ne coûtait pas très cher à la bourgeoisie à une époque de plein emploi. Quant à la prise en charge des pensions de retraite pour les vieux travailleurs (en général après 65 ans), elle ne coûtait pas très cher non plus du fait de l'espérance de vie des ouvriers à cette époque, espérance de vie affectée pour beaucoup d'entre eux par les terribles épreuves de la guerre. Une des meilleures illustrations de la rationalité parfaitement capitaliste de ces mesures c'est qu'elles ont été mises en place aussi bien par des gouvernements dirigés par des partis de gauche (comme en Grande-Bretagne) que par des gouvernements contrôlés par la droite, comme en Allemagne ou en France (où le général De Gaulle était le chef du gouvernement).
Cependant, depuis le début des années 1980, les bourgeoisies des principales puissances européennes concurrentes de la France, telles l'Angleterre et l'Allemagne se sont attachées à démanteler "l'Etat providence". La raison en est simple, à la fin des années 1960/début des années 1970, la crise économique mondiale du capitalisme entre dans une nouvelle phase d'approfondissement. Finie la période du "miracle économique" de l'après-guerre. A nouveau, une réalité implacable s'impose : faire en sorte que chaque capitalisme soit le plus compétitif possible sur l'arène de la guerre commerciale mondiale. Pour la bourgeoisie de tous les pays, il s'agit de faire baisser autant que possible le coût du travail. Autrement dit, la classe ouvrière doit commencer à se serrer la ceinture. La bourgeoisie se doit d'imposer dorénavant une austérité grandissante. Mais pour cela, elle lui faut d'abord s'attaquer à la résistance des ouvriers qui avaient déjà commencé à réagir face à la dégradation de leurs conditions de vie. Ainsi, les années 70 ont vu se développer une très forte combativité ouvrière dans le plus vieux pays capitaliste du monde, la Grande-Bretagne, dont l'économie était une des plus affectées par la crise mondiale. La bourgeoisie anglaise a confié à madame Thatcher la sinistre besogne de casser les reins d'un des prolétariats les plus combatifs du monde. La "Dame de fer", comme l'avait surnommée la bourgeoisie, s'y est employée avec zèle, notamment en provoquant et en entraînant les mineurs britanniques dans une lutte extrêmement longue et dure. Cette lutte sera finalement défaite par la capacité de la bourgeoisie à l'enfermer dans un complet isolement corporatiste avec une contribution de premier ordre des syndicats. La défaite infligée à ce secteur très important de la classe ouvrière dans ce pays, accompagnée d'autres défaites majeures dans d'autres secteurs comme celui de l'imprimerie, a permis à la bourgeoisie britannique d'avoir les mains libres pour lui imposer une austérité sans précédent et de démanteler "l'État providence".
Les raisons profondes de cette difficulté
Dans la majorité des pays occidentaux développés, cette politique d'austérité était brutalement déployée par des gouvernements de droite, le rôle de la gauche consistant, dans l'opposition, à saboter les luttes défensives de la classe ouvrière. Mais en France, du fait de toute une série d'archaïsmes de l'appareil politique de la classe dominante[1], l'arrivée à contretemps de la gauche au pouvoir, avec l'élection de Mitterrand en 1981, allait durablement freiner la capacité de la bourgeoisie de ce pays à mener des attaques aussi fortes et profondes que ses principaux concurrents. Les partis de gauche (partis socialiste et communiste) ne pouvaient pas du jour au lendemain faire au gouvernement, sous peine de se discréditer brutalement, exactement le contraire de tout ce qu'ils avaient annoncé pendant des années dans l'opposition. De ce fait, il a fallu attendre plusieurs années pour que se mette en place progressivement en France une réelle politique d'austérité (rebaptisée "rigueur" pour les besoins de la cause)[2]. Quant à la politique de "libéralisation" de l'économie développée dès la fin des années 1970 dans les principaux pays européens, elle a dû attendre plus longtemps encore. Cette politique pour la bourgeoisie présentait un double avantage. En premier lieu, elle plaçait les ouvriers travaillant dans les secteurs étatisés de l'économie non plus directement en face du seul Etat capitaliste, mais en face d'une multitude de patrons, ce qui favorisait la division et l'éparpillement des luttes. En second lieu, elle permettait d'introduire des modèles de gestion des entreprises plus concurrentiels. Il est plus facile de licencier dans ces secteurs que dans celui du secteur public. En France, c'est finalement le gouvernement de gauche Jospin, au cours des années 1990, qui privatisera franchement des secteurs entiers de l'économie française poussée par des accélérations de la crise économique mondiale. Dans ce domaine pourtant si important pour la bourgeoisie, la France capitaliste aura pris un retard certain.
Ainsi, malgré les effets ravageurs de la crise, le capital français a dû supporter, au moins jusqu'à présent, que les ouvriers en France partent à la retraite à 60 ans (une des principales promesses de Mitterrand en 1981 qu'il a dû satisfaire) quand l'âge de départ se situe à 65 ans et plus chez ses principaux concurrents, tout en continuant également, malgré les nombreuses attaques déjà effectuées sur ce plan, a maintenir un minimum de couverture de santé pour la classe ouvrière.
C'est fondamentalement cette incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques décisives contre "l'État providence" qui explique la situation de son économie plombée à la fois par un déficit de l'État de plus en plus catastrophique et un déficit croissant de son commerce extérieur. Au moment où, du fait de l'aggravation de la crise, le chômage pèse de manière croissante sur les finances publiques et que s'amenuisent les cotisations sociales, l'État est incapable de boucler ses budgets. Ses dépenses pèsent sur le prix des marchandises produites (à travers notamment des impôts) ce qui les rend de moins en moins compétitives sur le marché mondial. Lorsque le premier ministre Fillon déclarait, il y a quelques mois, que l'État français était en faillite sur un ton volontairement alarmiste, il ne faisait que traduire ouvertement cette urgence pour le capital français.
La bourgeoisie française face à la lutte de classe
L'incapacité de la bourgeoisie française à porter des attaques anti-ouvrières à un niveau suffisant ne résulte pas seulement de ses archaïsmes politiques qui ont provoqué la venue de la gauche au pouvoir en 1981. Elle résulte aussi de la capacité de la classe ouvrière en France à réagir aux attaques à laquelle elle est confrontée. Cela fait plusieurs dizaines d'années que la bourgeoisie se rappelle la surprise et l'angoisse qu'elle a vécue au moment de la grève ouvrière massive de mai 1968. Cette lutte massive représentait l'expression la plus forte de la reprise de la lutte ouvrière internationale après des dizaines d'année de contre-révolution. Pratiquement tous les pays d'Europe furent touchés par cette nouvelle vague de lutte internationale mais c'est en France, et de loin, que le prolétariat exprima au plus haut point sa combativité et sa capacité de lutter. Tout au long de la période qui nous sépare de 1968, cette capacité du prolétariat français allait se manifester. Que l'on se souvienne des luttes dans la sidérurgie à la fin des années 1970. Enfin, il y a à peine plus d'un an, la lutte exemplaire des jeunes générations contre le CPE venait rappeler à nouveau, si nécessaire, cette réalité. Cette force de la classe ouvrière en France a entravé la capacité de la bourgeoisie française à démanteler totalement "l'Etat providence".
Ce n'est donc pas par hasard si Sarkozy déclarait il y a quelques mois : "Je veux en finir avec l'esprit de mai 68". Ce cri du cœur que veut la bourgeoisie, et le plus rapidement possible, c'est casser totalement la Sécurité sociale, réduire les pensions de retraite en dessous même du minimum vital. C'est "dégraisser" comme le disent si bien les bourgeois, toutes les administrations et autres fonctions publiques de centaines de milliers de prolétaires fonctionnaires qui y travaillent. C'est flexibiliser au maximum le travail. C'est-à-dire mettre chaque travailleur à la disposition de ses exploiteurs. Mais plus encore que ses prédécesseurs de droite comme de gauche qui se sont succédés depuis 1968 à la tête de l'Etat, le gouvernement Sarkozy devra faire face à la capacité de réaction croissante de la classe ouvrière. Au moment où la lutte de classe se développe dans de nombreux pays du monde le prolétariat français aujourd'hui placé à la pointe de cette vague de luttes se trouve en mesure de faire face aux nouvelles attaques déjà programmés et annoncées par l'Etat bourgeois.
Face à la nouvelle accélération brutale de la crise économique, tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, n'ont fondamentalement qu'une seule politique : attaquer toujours davantage la classe ouvrière[3]. La seule limite à l'exploitation de la classe ouvrière, c'est la capacité de résistance des prolétaires et de refus des "sacrifices" que la bourgeoisie et ses gouvernements, de gauche comme de droite, cherchent à leur imposer. La crise met ainsi à nu l'antagonisme fondamental et irréductible entre la classe exploiteuse et la classe exploitée. En conséquence, pour la bourgeoisie, la seule feuille de route, c'est d'attaquer toujours plus fort. Pour la classe ouvrière, le seule perspective, c'est le développement des luttes.
Tino (24 janvier)[1]) Archaïsmes qui sont résumés dans la formule : "la France a la droite la plus bête du monde".
[2]) Il n'est pas inutile de rappeler que le Premier ministre socialiste qui a opéré le "tournant de la rigueur" n'était autre que Laurent Fabius, chef de file actuel de la "gauche" du PS.
[3] La gauche et les gauchistes quand ils proposent "de prendre l'argent dans la poche des riches", ne mettent en avant qu'une pure mystification idéologique car l'idée de relance de la production par la "consommation populaire" est une parfaite aberration dans le système capitaliste car la part de profit réinjecté dans l'économie s'amenuiserait alors que c'est une nécessité pour le fonctionnement du système capitaliste car ce qui caractérise le capitaliste, ce n'est nullement son train de vie c'est de réinvestir ses profits dans la production.