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A peine investi, le gouvernement Fillon-Sarkozy démarre sur les chapeaux de roue et prouve aux travailleurs que son titre de « droite décomplexée » n'est pas une plaisanterie. En effet, le nouveau gouvernement n'a même pas attendu la fin des élections législatives pour mettre en chantier une série d'attaques lourdes : heures supplémentaires, obstacles à l'accès aux soins, hausse des impôts indirects, suppressions massives de postes dans la fonction publique (notamment entre dix et vingt mille chez les enseignants)... Bref, un avant-goût pour l'avenir qui traduit finalement en acte ce « changement de vie » tant annoncé par la classe politique française tout au long des campagnes électorales de 2007.
Contre la classe ouvrière...
« Travailler plus pour gagner plus » : l'annonce phare du candidat Sarkozy sera donc le premier coup de boutoir.
En effet, depuis le 6 juin, un texte préparant la défiscalisation des heures supplémentaires a été déposé pour être adopté cet été et appliqué dès le 1er octobre. Avec cette détaxation, les heures supplémentaires coûteront aux employeurs (privé/public) presque la même chose que des heures ordinaires. Il serait dommage de ne pas en profiter ! La porte est donc grande ouverte et le signal donné aux employeurs pour qu'ils utilisent au maximum le contingent de 220 heures supplémentaires autorisées par an. Les salariés seront vite contraints dans ces conditions aux dépassements horaires mais, « gracieuse compensation », pour « gagner plus »... quelques euros de plus ! Les ouvriers de l'usine Kronenbourg à Obernai, en grève début juin, ont bien compris de leur côté qu'il s'agissait en fait de «Travailler plus pour mourir plus vite ». Alors que la loi facilitant le recours aux heures supplémentaires n'est pas encore entrée en vigueur, les salariés de Kronenbourg enchaînent, depuis le mois de mai, les semaines de 50 heures et ont l'impression de « passer leur vie au boulot ». « Cela fait quatre semaines que j'arrête de travailler à 6 h du matin le dimanche et que je reprends lundi à 6 h », expliquait un salarié.
Cette politique de défiscalisation, visant à alléger les charges patronales a toutefois son revers : où l'Etat va-t-il puiser ses recettes ? Très simple, il suffit de pressurer davantage la classe ouvrière. C'est Jean-Louis Borloo qui (bien malgré lui) a lâché le morceau sur le plateau de TF1 au soir du 1er tour des législatives : « On va regarder l'ensemble des sujets, y compris l'éventualité de la TVA. » L'augmentation de l'impôt indirect sur la consommation impliquant, de facto, une baisse drastique du pouvoir d'achat des ménages.
Aussi, en matière de soins, l'instauration d'une nouvelle franchise d'ici l'automne prochain viendra accentuer la longue marche de démolition du système de santé mise en œuvre à tour de rôle par la droite et la gauche.
Ainsi, chaque année, lors de la première visite chez le médecin ou à l'hôpital, lors du premier examen en laboratoire ou du premier achat de médicament, le malade devra payer une franchise avant de prétendre à un remboursement par la Sécu.
L'objectif ici est sans équivoque, faire des remboursements médicaux un parcours du combattant tel que les malades finiront par renoncer tout simplement à se soigner. En effet, d'ores et déjà, les réformes en vigueur depuis 2004 (déremboursement de médicaments, franchise de 1 euro sur tout acte médical 1, augmentation du forfait hospitalier qui atteint aujourd'hui 18 euros par jour) amènent de plus en plus de personnes à retarder leurs soins ou à accumuler des dettes vis-à-vis de l'hôpital.
...droite et gauche, du pareil au même !
Et si la gauche avait gagné les élections, l'avenir n'aurait-il pas été plus radieux... ou moins âpre ? Loin s'en faut !
Pour s'en convaincre, il suffit de voir l'échafaudage du gouvernement en charge de toutes ces attaques. En effet, dans celui-ci, quelques têtes (et pas des moindres) de la gauche (politique et associative) côtoient fraternellement les figures de la droite sarkozyste. Illustration, on ne peut plus brillante, de la formule de campagne de Ségolène Royal, le « gagnant, gagnant » ! Ainsi, non contente d'avoir endigué la vague bleue redoutée au 1er tour des législatives, la gauche se paye le luxe de gagner des sièges... au sein même du gouvernement Fillon II.
Jusqu'à présent, gauche et droite se succédaient au pouvoir tout en assurant la continuité des attaques sur les grands dossiers (santé, retraite, emploi, etc.). Aujourd'hui, le « nouveau style » présidentiel veut que ces coups contre la classe ouvrière soient portés collégialement par un gouvernement de droite où le confrère de gauche a sa place : Kouchner (l'humanitaire sans frontières), Jouyet (l'intime de l'ex-couple Hollande/Royal), Hirsch (le petit frère des pauvres qui a vite compris que charité bien ordonnée commence par soi-même) jusqu'aux derniers entrants du maire PS de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, à Fadela Amara (présidente de l'association « Ni Putes Ni Soumises », mais tout compte fait un peu « pute » quand même). La bourgeoisie avait pourtant insisté pour nous faire croire que la gauche et la droite « ce n'est pas blanc bonnet et bonnet blanc ». Une députée PS des Deux-Sèvres déclarait ainsi avant le 1er tour présidentiel que « la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose... ce sont deux façons de voir le monde, deux façons de distribuer le fruit du travail ». Ben voyons !
Aussi, l'extrême gauche dans l'entre deux tour, sur le thème du "Tout Sauf Sarkozy", nous avait fait passer exactement le même message.
Tant d'efforts, d'acharnement idéologique et patatras... des élus de la gauche font leur « coming out » en embrassant goulûment Sarkozy.
Le PS peut toujours expliquer que ce ne sont là que des Judas, de vils traîtres qui ont vendu leur « idéal social » au diable pour un plat de lentilles . Il n'empêche que la greffe n'aurait jamais été possible sans une compatibilité certaine.
Sarkozy n'aura eu d'ailleurs que l'embarras du choix dans le grand magasin de la gauche. Encore aujourd'hui les dirigeants historiques, et parmi les plus influents du PS, les DSK, Fabius ou Jack Lang, donnent la patte et remuent la queue sur le péron de l'Elysée dans l'espoir d'être honorés de quelque poste clef (présidence du FMI) ou autres missions ministérielles.
Malek Boutih (ancien président de SOS Racisme et membre du PS) s'est lui aussi habilement positionné en tête de gondole en accueillant la nomination de Fadela Amara comme une « bonne nouvelle » ! « On ne peut pas, au nom des clivages politiciens, condamner les personnes. »
Mais de quel clivage parle-t-il ? S'agit-il de celui opposant une gauche « historiquement ancrée dans le social », « étrangère » et « ennemie héréditaire» d'une droite « attachée aux patronat »... franchement, la supercherie qui avait déjà bien du plomb dans l'aile, vole désormais aussi bien qu'une enclume.
La hâte de ces quelques élus socialistes ou associatifs de gauche à rejoindre le gouvernement Fillon, après avoir mené campagne (férocement) contre Sarkozy, de même que la récente déclaration de Ségolène Royal avouant n'avoir jamais cru au programme du PS qu'elle défendait (notamment sur le SMIC à 1500 euros) en dit long sur le genre de convictions qui animent ces vedettes de la gauche, prétendus défenseurs de la classe ouvrière et des pauvres.
Finalement, la seule chose dont ils sont convaincus, et dont nous devons nous convaincre, c'est de leur appartenance, corps et âme, à la classe exploiteuse.
Jude (28 juin)
1 Le directeur de la CNAM vient de présenter par ailleurs un plan de redressement des comptes de la Sécu prévoyant de réaliser 1,455 milliard d'euros d'économie. Ainsi, la Sécu ne remboursera plus qu'à 50% les actes médicaux délivrés à des patients ne passant pas par un médecin traitant référent et le forfait de 1 euro qui ne pouvait être prélevé que pour un seul acte par jour pourrait l'être jusqu'à 4 actes par jour dans la limite d'un plafond annuel de 50 euros.