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Depuis son indépendance en 1956, la population du Soudan n'a connu que la guerre et la misère. Mais à partir de 2003, une odeur de sang et de mort va se répandre au Darfour comme jamais auparavant. Cette province du Soudan, à peu près grande comme la France, ne compte que 200 kilomètres de route asphaltée, aucune infrastructure. On n'y trouve rien, si ce n'est du pétrole ! De fait, cette région n'est qu'un immense mouroir, livré aux pires atrocités. "L'histoire de cet homme qui a fui le village de Kurma, à 65 kilomètres d'El-Fasher, résume à elle seule, ce que veut dire la vie au Darfour ! En février 2004, des Janjawids, ces cavaliers armés, ont fondu sur ce village d'agriculteurs, brûlé les maisons, violé les femmes." (Courrier International du 24 juin). La presse bourgeoise déverse jusqu'à la nausée ces témoignages de massacres. Aucun être humain normalement constitué ne peut rester indifférent devant autant d'horreur. En quatre ans, il y aurait eu 200 000 morts et deux millions de déplacés. Plus de 230 000 d'entre eux auraient fui de l'autre côté de la frontière tchadienne, vivant dans des camps sans aucune ressource et en proie à la violence quotidienne de bandes armées sans foi ni loi.
Et, comme d'habitude, tous les vautours impérialistes participent frénétiquement à la curée, le plus répugnant étant sans nul doute les discours humanitaires déclamés sur un ton indigné par les "grands de ce monde" afin de justifier leur politique barbare. L'humanitaire est toujours le parfait alibi pour les campagnes guerrières.
Le Darfour, enjeu des rivalités impérialistes internationales
Même s'il en prend les apparences et que ces apparences sont amplifiées médiatiquement, même si c'est localement que la population souffre, le conflit au Darfour n'est pas en soi un événement local ou régional. Ce sont les intérêts impérialistes à l'échelle de la planète qui déterminent les enjeux de ce drame.
Depuis plus de 50 ans, le Tchad, l'Erythrée ou l'Ouganda, la France, Israël ou les Etats-Unis, tous se vautrent à tour de rôle ou simultanément dans des conflits qui ravagent le Soudan. Ce pays, proche de la péninsule arabique, borde les eaux de la mer Rouge et a pour pays frontalier l'Egypte. Sa position lui confère donc une importance géostratégique qui attise les convoitises impérialistes. Et aujourd'hui, ce qui déclenche une telle flambée guerrière est sans aucun doute l'arrivée d'un nouveau venu dans l'arène, la Chine. En effet, profitant de l'affaiblissement américain, suite au fiasco de la guerre en Irak, la Chine avance ses pions partout où elle le peut. La Chine ne peut pas encore rivaliser avec les plus grandes puissances pour se faire une place significative au Moyen-Orient. Elle est donc pour l'instant contrainte de se rabattre sur les zones de seconde importance, notamment en Afrique. Et sur ce continent, le Soudan est pour ce nouveau vautour impérialiste une cible stratégiquement primordiale. Il faut savoir que le Soudan possède les plus vastes ressources de pétrole inexploitées d'Afrique. L'exploitation de l'or noir y a débuté en 1960, mais ce n'est qu'en 1993 que la production a véritablement commencé. Actuellement, il y est produit près de 750 000 barils par jour. Toutes les grandes puissances de ce monde ont besoin de pétrole pour faire tourner leur économie. Mais surtout, aujourd'hui plus que jamais, le pétrole est une arme stratégique.
Pour chacune des grandes puissances, contrôler les zones d'approvisionnement en pétrole, c'est en priver directement les principaux adversaires, c'est affaiblir d'autant leur puissance guerrière et impérialiste. Pour la France ou les Etats-Unis notamment, ce qui ne peut pas être contrôlé doit tout simplement être détruit. Telles sont les raisons cachées du génocide en cours au Darfour.
Plus concrètement, la Chine protège aujourd'hui sans vergogne le régime soudanais d'Omar El-Béchir et les milices armées "janjawids", en place depuis 1989. C'est pourquoi, depuis 1997 et l'embargo décrété à l'égard du Soudan par les Etats-Unis pour cause de lutte contre le terrorisme, ce pays s'oppose à toute mesure de rétorsion à son égard. Il est de notoriété publique que la Chine fournit massivement des armes au régime de Khartoum. Le 10 mai dernier, Pékin promettait encore d'envoyer sur place 275 ingénieurs militaires. De l'autre côté, les Etats-Unis veulent mettre à mal le pouvoir soudanais, qu'ils ne peuvent pas contrôler, par une manœuvre claire qui consiste à soutenir militairement tous les mouvements armés qui s'opposent au régime d'El-Bachir. Quant à la France, déjà massivement implantée militairement aux alentours directs du Soudan par la présence de 1200 soldats au Tchad et des centaines d'hommes surarmés et suréquipés en République centrafricaine et au Gabon, il s'agit maintenant directement de tenter de renforcer son rôle et sa présence au Darfour, tout en tentant d'empêcher le chaos de s'étendre dans ses zones d'influence limitrophes.
L'hypocrisie des impérialismes français et américain
La cause humanitaire a toujours constitué un alibi de choix des puissances impérialistes pour justifier leurs interventions militaires et occulter les massacres qui s'en suivent.
Pour alimenter cette macabre mise en scène, la bourgeoisie a, d'ailleurs, toujours pu compter sur la participation active des guignols du « show-business ». Conscients ou non de leur rôle, marionnettes ou cyniques arrivistes, les acteurs, les chanteurs et autres bonnes âmes célèbres s'empressent toujours d'envahir les écrans de télévision pour pleurer sur le sort des populations et appeler à la réaction internationale. On se souvient des années 1980 marquées par l'engagement des artistes américains pour l'Afrique (le célèbre « USA for Africa ») auquel la France avait réagi avec orgueil en chantant quelques mois plus tard pour l'Ethiopie. Vingt ans après, on mesure le succès de ces opérations à l'aune de la misère et de la barbarie qui ont continué imperturbablement de ravager le continent.
Aujourd'hui, France et Etats-Unis se retrouvent ponctuellement ensemble dans un bras de fer diplomatique les opposant à la Chine afin de faire reconnaître officiellement à la communauté internationale l'existence d'un génocide au Darfour, reconnaissance qui offrirait à ces carnassiers un blanc-seing pour déployer leurs forces dans la région et participer à la boucherie générale.
Dans cette bataille, les Julien Clerc, Samuel Le Bihan et autres Brad Pitt prennent leur place en lâchant leurs larmes de crocodiles en même temps que leur supplique... « Save Darfour ! » Plus directement encore, l'actrice Angelina Jolie, ambassadrice du Haut Commissariat pour les Réfugiés à l'ONU (ce repaire de brigands impérialistes), en visite au Tchad, a reçu pour mandat d'« alerter l'opinion publique », suivie en cela de près par George Clooney, auteur du reportage Urgences Darfour. Dans ce dernier, l'acteur hollywoodien se montre très persuasif : « Qu'on ne s'y trompe pas, c'est le premier génocide du 21e siècle, et si l'on permet qu'il se poursuive ce ne sera pas le dernier ». D'où la nécessité d'envoyer les troupes... et le massacre de continuer.
Dans un cadre encore plus officiel, le ministre français des affaires étrangères, le très médiatique et narcissique Bernard Kouchner, commis voyageur de l'impérialisme tricolore, a entrepris sous couvert d'humanitaire (sa grande spécialité) un périple qui l'a conduit du Mali au Tchad pour terminer sa tournée à Khartoum afin d'y présenter officiellement ce qui a été baptisé "l'initiative française". Il est proposé, sous couvert de mise en place de corridors humanitaires au Darfour, d'envoyer au sein d'une force internationale, un contingent de soldats français qui assureraient ainsi de fait le maintien d'une forte présence de l'impérialisme français dans cette province soudanaise.
Dernier acte en date de cette répugnante comédie : la rencontre internationale à Paris du 25 juin. En effet, tous avaient à la bouche les belles déclarations d'intentions sur l'aide nécessaire aux peuples pour, en réalité, sous ce langage diplomatique, s'écharper et défendre bec et ongles leurs propres intérêts. Par conséquent, derrière le discours officiel de Kouchner nous déversant immédiatement après la réunion son auto-satisfaction accompagnée de son habituel poison humanitaire, il est clair qu'aucune position commune et de paix ne pouvait sortir de cette conférence. Au contraire ! Cette rencontre au sommet n'aura permis que d'exacerber encore un peu plus les tensions et les velléités guerrières, la France y réaffirmant particulièrement sa volonté renouvelée de s'engager militairement.
Il est parfaitement visible que personne n'est en mesure aujourd'hui de contrôler le Soudan. La période de domination sans partage de ce pays par des puissances extérieures, comme cela a pu exister par le passé, est totalement révolue. Dans cette région du monde, comme dans le reste de l'Afrique noire, la tendance inexorable est au développement de l'instabilité et du chaos. Ethiopie, Somalie, Zaïre, région des Grands Lacs, la liste s'égrène et les massacres deviennent permanents. Pour toutes les puissance impérialistes, y compris la Chine, la France ou les Etats-Unis, la seule politique durable en Afrique est celle de la terre brûlée, des puits de pétrole en feu, de la destruction et de la barbarie.
Tino (26 juin)