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Au lendemain du lundi de Pentecôte, une propagande nauséabonde a eu lieu à l’échelle internationale pour faire croire à la classe ouvrière qu’elle est constituée d’égoïstes irresponsables. Les ouvriers y sont présentés comme des individus pour qui seul le bonheur personnel et immédiat compte au détriment des autres. La lecture des différents quotidiens de la planète est tout simplement édifiante. "Deux ans après la catastrophe et la honte nationale qu’a connu la France durant l’été 2003, des centaines de Français, qui soutiennent, en paroles, la ‘solidarité avec les personnes âgées, refusent de céder un jour de vacances" (The Independent). "Les Français ignorent la condition malheureuse des personnes âgées pour prendre un jour de vacances" (Daily Telegraph). "La majorité des Français a préféré se distraire en ce jour traditionnellement férié plutôt qu’être solidaire" (Clarin, quotidien argentin). Et les journaux français ne sont pas en reste. Le Monde daté du 14 mai distille le même sentiment de culpabilité : "La grande journée de solidarité prévue lundi 16 mai est devenue un imbroglio politique et social assez caractéristique de l’exception culturelle française. Alors que tout, dans ce dossier, est parti de l’émotion considérable née du décès de 15 000 personnes, essentiellement des personnes âgées, lors de la canicule d’août 2003, tout converge aujourd’hui en une fronde ouverte contre la loi qui institue cette fameuse journée de travail offerte pour lever des fonds destinés aux personnes isolées et aux handicapés. Le grand élan de générosité initial a fait pschitt ."
Ce n’est pas un hasard si la bourgeoisie attaque ainsi idéologiquement la classe ouvrière. Elle tente de détruire ce qu’elle hait et craint le plus, la solidarité prolétarienne. Car justement, depuis quelques années, face aux attaques qui ne cessent de pleuvoir, les ouvriers retrouvent progressivement leur unité, tissent à nouveau peu à peu leurs liens de classe. Les luttes à Opel en Allemagne, la réaction des cheminots après l’agression d’une de leur camarade en France (lire RI n°354 et 355) constituent une petite partie des nombreux éléments qui démontrent cette tendance. Et la bourgeoisie saisira la moindre occasion pour briser cette dynamique, instiller la méfiance et la division dans la classe ouvrière.
La propagande culpabilisatrice menée par la bourgeoisie est un amoncellement de mensonges répugnants. Pourquoi le prolétariat n’a-t-il pas participé pleinement, comme un seul homme, à cette journée censée améliorer la prise en charge des personnes âgées et des handicapés ? Tout simplement parce que cette journée est apparue pour ce qu’elle est, une vaste fumisterie ! La classe ouvrière ressent dans sa chair la dégradation continuelle de ses conditions de vie. La profondeur de la crise économique pousse la bourgeoisie à attaquer sans répit le prolétariat, à intensifier toujours plus son exploitation. Ces dernières années, en diminuant de façon drastique les retraites, l’accès aux soins et les indemnités chômage, la classe dominante a d’ailleurs franchi un nouveau cap, celui de rendre précaire et incertaine la survie même de sa main d’œuvre. La classe ouvrière active, chômeuse ou à la retraite, subit une dramatique paupérisation. C’est tout le sens des 15 000 morts de l’été 2003 !
La suppression d’un jour férié n’a donc rien à voir avec une quelconque solidarité. Au contraire, elle fait partie de ce cortège d’attaques. Son but n’est absolument pas d’améliorer en quoi que ce soit les prises en charges médicalisées des personnes âgées. Aux yeux de la bourgeoisie, la vie d’un retraité n’a aucune valeur puisque celui-ci ne peut plus être exploité. Il est un travailleur hors d’usage, un poids pour le capital. Cette journée supplémentaire de travail ne créera pas un seul lit, pas une seule embauche d’infirmière, d’aide-soignante ou de gérontologue. On peut même être certain que les soins et leur remboursement vont continuer à se dégrader. Certes, ce lundi de Pentecôte non chômé a permis de verser 2 milliards d’euros environ pour cette année 2005 dans une nouvelle caisse tout spécialement constituée, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Mais sur le terrain, cela n’induira en rien une augmentation des crédits. Il est en effet déjà prévu que la Sécurité Sociale diminue ce qu’elle consacre aux personnes âgées et aux handicapés selon le bon vieux principe des vases communicants. Ce qui est versé d’un côté est retiré de l’autre, tout simplement. Plus fort encore. Une partie de l’argent va carrément être placé au lieu de venir combler la pénurie médicale partout criante. Le Secrétaire d’Etat a même eu le culot de justifier cette immense arnaque sans le moindre état d’âme : "Nous avons de l’argent. Au lieu de tout dépenser à mauvais escient (sic !), nous le plaçons. Cela nous rapportera d’ailleurs des intérêts". Ainsi, quand les Chirac, Raffarin et consorts pleurent le cœur sur la main les 15 000 morts et instaurent une journée de ‘solidarité’, le cynisme atteint des profondeurs sans fond ! Et il ne faut pas croire que les partis de gauche, drapés de leurs valeurs humanistes, portent une autre perspective. L’arnaque de Raffarin n’est qu’une resucée de la vignette automobile instituée par le socialiste Guy Mollet en 1956, déjà elle aussi au nom de l’aide aux personnes âgées. Les protestations actuelles du PS ne portent en réalité que sur la forme de l’attaque. Ce que ce groupe déplore, c’est la maladresse du clan chiraquien contre la classe ouvrière. Il est vrai que le Parti Socialiste est passé maître dans l’art de l’esbroufe et de la duperie. Les déclarations de François Hollande en sont un parfait modèle. A grands cris, il juge cette "mesure injuste et imbécile", puis il promet que "si en 2007 nous devions revenir aux responsabilités, nous déciderions de revenir au jour férié", pour enfin proposer ‘sa’ solution "un financement juste […] par le biais de la fiscalité". En d’autres termes, augmenter les impôts, saigner encore un peu plus la classe ouvrière, mais de manière ‘équitable’ !
Finalement, ce qui pourrait apparaître surprenant, c’est le peu de réaction de la classe ouvrière contre cette énième attaque. Il est vrai que la suppression d’un jour férié est sans commune mesure avec l’ampleur de la dégradation des conditions de vie induite par les réformes sur les retraites ou la Sécurité Sociale. Néanmoins, c’est un coup supplémentaire asséné par la bourgeoisie ; cette loi aggrave encore un peu plus les conditions d’exploitation du prolétariat. Il n’y a pourtant eu aucune manifestation réelle, aucune grève significative. Au contraire, ce qui a régné en ce jour de Pentecôte, c’est la division et la cacophonie.
La bourgeoisie a effectivement tout mis en œuvre afin de créer un sentiment de dispersion et d’impuissance chez les ouvriers. Bien sûr, le gouvernement Raffarin avait un intérêt tout particulier à cette dispersion ouvrière. Il n’était pas question pour lui qu’ai lieu une importante manifestation à 15 jours du référendum. Mais il y a une raison bien plus profonde. Face au processus en cours au sein de la classe ouvrière, de la lente mais réelle maturation de sa conscience et de sa combativité, l’ensemble de l’appareil politique de la bourgeoisie s’est saisie de la confusion ponctuelle du prolétariat créée par l’énorme battage médiatique sur le référendum (voir l'article de première page) pour enfoncer un coin. Contre le développement de la solidarité et de la réflexion ouvrière, la classe dominante a exploité une brèche, un moment de déboussolement momentané pour diviser, déboussoler, rajouter un peu de confusion dans la tête des ouvriers. C’est donc main dans la main que le gouvernement, la gauche et les syndicats ont créé un « bordel organisé » en produisant autant de situations différentes qu’il y a de boîtes en France.
D’abord, l’Etat a permis à certains de ses secteurs de ne pas travailler ce jour ou alors en contrepartie de compensations particulières. La Pentecôte a finalement été férié pour la SNCF. Les salariés de la RATP présents ont touché une prime de près de 100 euros. Les conseils généraux d’Ile-de-France, de Champagne-Ardenne, de Picardie, les conseils généraux du Nord, du Pas-de-Calais, du Tarn, des Landes de Seine-et-Marne et des Hautes Pyrénées ont accordé une journée de congé exceptionnelle.
Le message étatique à l’ensemble de la bourgeoisie a donc été fort. Il fallait diviser la classe ouvrière, la diluer dans une multitude de situations particulières. Des grandes entreprises ont ainsi fait ‘cadeau’ de la journée à leur salariés, entre autres : TF1, Shell, Neuf Télécom. D’autres l’ont décomptée comme un jour de RTT : Basf, le siège de Renault, la Société Générale, le Crédit Lyonnais…
Mais le travail n’aurait pas été complet sans l’apport des syndicats. Ils ont effectivement été les premiers acteurs de la confusion sur le terrain. La bourgeoisie française peut encore une fois tirer son chapeau et dire un grand merci à ses chiens de garde. Chaque centrale a proposé des modes d’action différents. La CGT a appelé à des arrêts de travail, FO à des arrêts de travail et à des grèves suivant les situations, l’UNSA a soutenu toute initiative et la CFDT a déclaré la grève anti-constitutionnelle. Et pour finir d’atomiser les ouvriers, "les syndicats, soucieux de garder une dimension festive à leurs manifestations en ce lundi de Pentecôte d’un nouveau genre, avaient appelé à des pique-niques en famille, parties de pêche et autres repas champêtres ‘revendicatifs’" (Le Monde du 17/05/05). Un chef d’œuvre de division syndicale !
Cette journée de Pentecôte laisse un goût amer. Il en ressort un sentiment d’éclatement, une absence de réaction, l’impression de s’être fait avoir sans réagir. C’est le résultat de tout le travail de sape du gouvernement, de la Gauche et des syndicats. Néanmoins, les rancœurs s’accumulent et les attaques qui vont continuer à s’abattre sur une classe ouvrière redressant peu à peu la tête préparent d’importants lendemains de luttes qui porteront bien haut le drapeau de la solidarité prolétarienne.
Pawel (23 mai)