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Tous les médias de la planète sont focalisés sur les prochaines élections américaines. Dans le pays même, c’est un matraquage idéologique quotidien qui dure depuis des mois, à travers les primaires, puis les conventions de chaque parti. Politiciens, leaders syndicaux, lobbies et organismes patronaux, associations diverses, clergé, défenseurs des droits de l’homme, mouvements anti-guerre, stars de cinéma, chanteurs se sont massivement mobilisés pour faire croire que cette élection était un enjeu majeur, "l’élection la plus importante de notre temps", selon les termes d’un leader démocrate et que le choix des électeurs allait engager non seulement l’avenir de l’Amérique mais aussi l’avenir de l’humanité. Les trois débats télévisés entre les deux candidats, George Bush Jr et John Kerry ont été intégralement retransmis et retranscrits partout, y compris en Europe. De "méga" ou "giga" concerts de rock ont été organisés aux quatre coins du pays pour drainer des foules énormes de jeunes en faveur du candidat Kerry. Le grand cirque que constituent tous les quatre ans les élections américaines a atteint aujourd’hui un paroxysme.
Kerry ou Bush : les mêmes objectifs impérialistes, les mêmes projets militaristes
L’indécision actuelle des sondages et les alertes aux "irrégularités possibles" permettent d’en faire par avance un suspense aussi grand qu’en 2000 entre Bush et son challenger Gore quand l’indécision étant restée à son comble trois semaines après le scrutin et que les voix ont dû être recomptées une à une dans certains Etats. Rarement on nous aura présenté un duel électoral aux Etats-Unis comme aussi âpre et tranché. Comme si l’électeur avait un vrai choix entre "un candidat de droite" et un "candidat de gauche". Pourtant, les différences entre Bush et Kerry sont minimes et résident surtout dans une "différence de style". Les désaccords les plus patents portent sur des questions comme l’avortement, l’homosexualité, l’environnement ou la bioéthique, permettant de coller sur l’un l’estampille "conservateur", et sur l’autre l’étiquette "progressiste". Mais, sur l’essentiel, ils partagent les mêmes objectifs et annoncent la poursuite de la même politique belliciste, prétendant défendre coûte que coûte la nation américaine. On trouve d’ailleurs chez Kerry les mêmes accents hystériques ultra-patriotards que chez son concurrent : "Pour nous, le drapeau américain est le plus puissant symbole de ce que nous sommes et de ce en quoi nous croyons. Il représente notre force, notre diversité, notre amour du pays. Tout ce que fait l’Amérique est grand et bon. Ce drapeau n’appartient pas à un président, à une idéologie, à un parti, il appartient au peuple américain." (Internationalism n°131, septembre/octobre 2004).
L’un comme l’autre entendent maintenir avant tout avec la même détermination et le même acharnement l’hégémonie menacée de l’impérialisme américain sur le monde face aux autres grandes puissances rivales. Si Kerry a critiqué l’intervention guerrière de Bush en Irak, c’est uniquement sur trois points : il a accusé son rival d’avoir eu recours à une propagande mensongère sur la présence d’armes de destruction massive en Irak, ce qu’il a appelé avec sa formule-choc : "une campagne de tromperie massive". Deuxièmement, il aurait fallu, selon lui, ne pas intervenir seuls mais entraîner toutes les puissances européennes dans la guerre en Irak (cette critique n’est pas propre au "camp des démocrates" mais a été émise depuis des mois par une partie du "clan républicain" lui-même). Enfin, il reproche à Bush de n’avoir pas su s’appuyer sur un plan solide et sérieux pour un contrôle et une occupation effective de l’Irak. En résumé, toutes ces critiques portent sur la forme, "la manière", nullement sur le fond. Non seulement, comme sénateur, il a voté sans aucune réserve les crédits de guerre et il a pleinement soutenu l’invasion de l’Irak mais il n’a pas d’autre politique à proposer que de poursuivre et d’intensifier l’effort de guerre en Irak. Non seulement Kerry défend les mêmes objectifs que Bush mais il n’a pas d’autre choix que de poursuivre la stratégie d’occupation en Irak et d’intensifier la fuite en avant des Etats-Unis dans ses aventures guerrières pour la défense des intérêts impérialistes de la bourgeoisie et de la nation américaines. Dans son discours d’investiture lors de la Convention démocrate, le candidat Kerry a d’ores et déjà lancé le même défi aux autres Etats qu’à l’ONU, sur les traces de Bush : "Je n’hésiterai pas à employer la force si elle est nécessaire. A toute attaque, le niveau de réponse doit être le plus adapté. Je n’accorderai jamais à une quelconque autre nation ou à un organisme international un droit de veto sur des questions qui concernent notre sécurité nationale". Par rapport à la croisade et à la traque anti-terroriste de Bush, il fait même de la surenchère en affichant sa détermination à "vouloir tuer les terroristes jusqu’au dernier". Si, à l’heure actuelle, l’un et l’autre disent la même chose, c’est parce qu’ils sont embarqués dans le même bateau, dans une même politique belliciste à tel point que c’est Kerry qui déclare vouloir construire et former une armée américaine plus forte et qui préconise d’augmenter ses effectifs de 40 000 hommes en doublant le chiffre des forces spéciales pour conduire les opérations anti-terroristes, de doter le pays de nouvelles armes et de favoriser le développement de la technologie militaire la plus moderne. Pas mal pour un candidat soutenu par les mouvements anti-guerre ! Dans le cadre de l’intensification de la militarisation de la société américaine, l’un comme l’autre soutiennent des projets pour renforcer l’arsenal répressif : - Bush, à travers le développement du Patriot Act qu’il a fait voter ; - Kerry, à travers le projet de mise en application immédiate des recommandations de la "Commission du 11 septembre" qui prône une réforme et une amélioration des services de renseignements avec un "renforcement de la sécurité des frontières" et davantage de moyens consacrés à l’espionnage et à la surveillance individuelle au nom de la défense de la sécurité des citoyens.
Deux candidats, un même programme anti-ouvrier
Sur le plan social, même si Kerry a beau jeu de marteler l’argument que Bush est le premier président depuis 72 ans à afficher une perte de 1,6 millions d’emplois sous son mandat et qu’avec un second mandat de son rival, les retraités étaient menacés de voir leurs pensions diminuer de 45 %, il n’a aucune perspective d’amélioration à proposer. Quand il déclare que Bush est le président responsable des plus importants déficits de l’histoire américaine et que lui-même se propose de réduire au plus vite l’endettement faramineux du pays, il tente de masquer que ce ne peut être qu’à travers de nouvelles coupes dans les budgets sociaux, comme tous les gouvernements de la planète y sont contraints par les lois mêmes de l’exploitation capitaliste. Quand il attaque la politique fiscale de Bush qui "favorise les plus riches", les suppressions d’avantages fiscaux qu’il préconise, même s’il devait en appliquer certaines, ne rendront jamais les pauvres moins pauvres et n’amélioreront en rien le sort de la classe ouvrière. Il est vrai qu’il n’y a jamais eu un enfoncement si spectaculaire dans la misère : en 2003, 1,3 millions d’Américains sont tombés sous le seuil de pauvreté au cours de l’année, établissant le total record de 36,3 millions vivant dans la misère (12,5 % de la population) dont 12,9 millions d’enfants ou d’adolescents de moins de 18 ans (soit un taux de 18% de la population infantile), et 45 millions de personnes sont privées de toute couverture sociale. Mais ce que Kerry se garde bien de rappeler c’est que ces chiffres n’ont cessé d’augmenter sous tous les présidents, qu’ils soient républicains ou démocrates depuis les années Reagan, et que c’est le démocrate Clinton qui a massivement réduit la couverure sociale à travers le programme Medicare.
Si cette campagne électorale américaine apparaît plus agressive que les précédentes, c’est avant tout parce qu’aucun candidat ne peut avancer quoi que ce soit de positif pour l’avenir. Il n'y a en effet aucune amélioration de la situation possible, ni sur le plan de la crise économique, ni sur le plan des conflits impérialistes. Chacun d’eux n’a qu’un recours possible pour se mettre en valeur : inspirer chez les électeurs potentiels la crainte de l’élection de son adversaire.
Peu importe qui est le vainqueur des élections. Les ouvriers n’ont absolument rien à gagner en se laissant entraîner dans ce vote parce que celui qui sera élu, quel qu’il soit, ne peut qu’envoyer toujours davantage d’enfants de prolétaires se faire trouer la peau sur tous les champs de bataille du monde pour défendre la politique impérialiste de la bourgeoisie nationale. L’un et l’autre ne peuvent de toutes façons qu’aggraver et rendre plus féroces les conditions d’exploitation, ils ne peuvent que faire payer toujours plus à la classe ouvrière l’aggravation de la crise économique mondiale. Et ces attaques vont continuer à éroder le niveau de vie et plonger dans la misère une partie croissante de la classe ouvrière américaine.
Wim (20 octobre)