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Le vendredi 12 mars, le lendemain des attentats de Madrid, Raffarin passe le plan Vigipirate du niveau d'alerte jaune au niveau orange - et même rouge dans les gares et aéroports. 1500 militaires y sont affectés. Dès le 15 mars, 11 800 personnes ont été contrôlées dans 1233 gares d'Ile-de-France. 2500 hommes ont été engagés dans cette opération. Dans les trains, les passagers subissent des contrôles renforcés et sont menacés d'amende s'ils laissent leurs bagages non directement à leur portée. Les journaux nous informent que les "experts" antiterroristes craignent de nouveau attentats en Europe. La France et l'Allemagne stigmatisent le mardi 16 mars le manque de "volonté politique" et poussent à prendre des mesures européennes. Ainsi les ministres européens de la justice et de l'intérieur se réunissent en session extraordinaire le vendredi 19 mars à Bruxelles puis, deux jours plus tard, la diplomatie représentée par les ministres des affaires étrangères de l'UE propose, le lundi 22 mars, de réactiver la cellule antiterroriste d'Europol. Gijs de Vries devient le nouveau "Monsieur Antiterrorisme" de l'Union européenne. Les dispositifs de contrôles se renforcent partout en Europe et même à l'autre bout du monde où le Japon et l'Australie se découvrent vulnérables à Al-Qaida.
En plus du déploiement quotidien dans les gares, aéroports et centres-ville, la bourgeoisie profite de chaque occasion (déplacement de chef d'Etat, intervention papale…) pour montrer ses forces d'intervention dans de véritables répétitions générales. Par exemple, lors de la visite de Raffarin à Lyon le mois dernier, un dispositif démesuré est déployé : camions anti-émeutes sur lesquels sont fixées, à l'avant, des grilles destinées à repousser la foule (et certainement pas des terroristes !). Or cette armada de guerre civile est pourtant positionnée sur un boulevard adjacent d'un jardin public (parc de la Tête d'Or) loin de toute foule.
Ce redéploiement du dispositif policier de la bourgeoisie répond-il au besoin de protection de la société face à un danger impalpable comme elle le prétend ou cache-t-il d'autres intentions ?
Le surarmement policier, ostensiblement affiché dans les gares et les centres-ville, rappelle chaque jour à la classe ouvrière la situation de terreur à laquelle elle est confrontée. N'a-t-on pas tué froidement plus de 200 de leurs frères de classes et mutilé plus de 1500 d'entre eux alors que, comme eux, ils se rendaient sur les lieux de leur bagne salarié pendant que leurs enfants allaient au lycée ou à l'université ? En déployant son dispositif antiterroriste, la bourgeoisie cherche avant tout à terroriser la classe ouvrière en créant une atmosphère de psychose : à tout moment, dans le hasard le plus arbitraire, une autre tuerie du même type pourrait avoir lieu en Europe, à Paris comme à Madrid. Ce mélange de peur des attentats et de terreur devant les armes de l'Etat bourgeois vise à inoculer à la classe ouvrière un sentiment d'impuissance.
L'objectif est clair : impressionner la classe ouvrière (et non les terroristes). Mais ce n'est pas seulement à l'échelle nationale que la classe dominante met aujourd'hui à profit la terreur provoquée par les attentats de Madrid pour renforcer son appareil policier. En renforçant la cellule antiterroriste Europol, ce sont tous les prolétaires des pays d'Europe occidentale qu'elle cherche à intimider.
"Il faut, hélas, l'admettre, et en mesurer les conséquences : l'Union européenne, frappée à Madrid, est entrée à son tour, le jeudi 11 mars, dans l'ère sinistre du terrorisme de masse. Comme les Etats-Unis, après le 11 septembre 2001, et avec les Etats-Unis, elle va devoir faire face à un adversaire insaisissable. Cet adversaire n'a ni revendication particulière, comme peut en avoir l'ETA aujourd'hui ou l'IRA hier, ni territoire particulier. Il s'en prend aux sociétés démocratiques, attaquées pour ce qu'elles sont : ouvertes, fluides, respectueuses de l'Etat de droit" (Le Monde du 16 mars 2004). Le Monde résume ainsi le message que la bourgeoisie s'efforce de faire passer : pour se protéger de la menace terroriste, il faut s'en remettre à l'Etat démocratique et resserrer les rangs derrière la défense de la démocratie.
Tous les Etats dans le monde ont toujours eu pour souci majeur celui d'accroître leur propre influence dans l'arène mondiale, mais jamais celui de protéger la vie de leur population. C'est ce que la bourgeoisie cherche pourtant à faire croire aux prolétaires à travers la propagande autour de la démocratie en danger. Elle cherche ainsi en premier lieu à masquer les véritables causes de la guerre et du terrorisme. Par ailleurs, elle ne néglige pas, au passage, de renforcer son appareil de répression contre son principal ennemi : la classe ouvrière. En blindant son Etat policier sous couvert de lutte anti-terroriste, elle se prépare aussi à la répression des révolutionnaires et à affronter le développement des luttes ouvrières face aux attaques massives que toutes les bourgeoisies européennes sont et vont être de plus en plus contraintes de porter avec l'aggravation de la crise économique.
En réalité, ce n'est pas la démocratie mais l'humanité qui est en danger. La classe ouvrière doit comprendre que le terrorisme est un pur produit du capitalisme, une arme de la guerre impérialiste dans ce système en pleine décomposition. Elle ne doit pas se laisser intimider par le climat de terreur et le quadrillage policier du plan Vigipirate. Les flics et l'armée ne sont pas là pour la protéger, mais pour protéger l'Etat capitaliste, l'Etat de ses exploiteurs.
Cet Etat démocratique ne peut lui assurer aucune "sécurité". Au contraire. C'est l'insécurité croissante, l'aggravation de la misère et de la barbarie guerrière qui attend les prolétaires s'ils s'en remettent à cet Etat bourgeois. Les prolétaires ne doivent se faire aucune illusion : la bourgeoisie n'a jamais hésité à utiliser, et elle utilisera encore, son appareil de répression contre eux dès que leurs luttes commenceront à menacer l'ordre capitaliste. Sam (11 avril)