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Il y a quatorze ans, suite à l'effondrement du bloc de l'Est,
George Bush père, avec à sa suite toute la bourgeoisie
occidentale, nous promettait un "nouvel ordre mondial" fait
de paix et de prospérité. Le moins que l'on puisse dire,
et la situation en Irak en constitue certainement l'exemple actuel le
plus criant, c'est que c'est bien à un chaos croissant auquel
nous assistons depuis lors.
Depuis le début du mois d'avril, la guerre en Irak se généralise
à tout le pays. Le meurtre le 31 mars à Fallouja de quatre
employés américains de la compagnie privée de sécurité
Blackwater et la mutilation de leurs corps symbolise l'ouverture qualitative
d'une nouvelle phase du conflit en Irak. Les armées de la coalition,
et en tout premier lieu les Etats-Unis, ont à faire désormais
avec la révolte armée des Sunnites, mais encore, et c'est
un fait nouveau, avec celle des Chiites, qui se rangent de plus en plus
massivement sous la bannière du jeune chef religieux Moqtada
Al-Sadr. Le Wall Street journal s'interroge :"Celui-ci serait-il
la pièce maîtresse d'un front islamique national unissant
les Arabes sunnites et chiites contre les intrus étrangers ?"
L'enlisement de la politique guerrière impérialiste des
Etats-Unis en Irak risque ainsi de provoquer une alliance de circonstance
lourde de conséquences pour toute la région et qui aurait
été totalement impensable il y a quelques mois encore.
Les perspectives américaines de s'appuyer sur la majorité
chiite en Irak pour tenter de calmer un tant soit peu le chaos, et de
contrôler le CIG (Conseil Intérimaire de Gouvernement irakien),
sont véritablement mises à mal. Ce plan américain,
de plus en plus irréaliste, s'appuie en effet sur la capacité
de l'ayatollah Al-Sistani de contrôler la population chiite majoritaire
en Iran. La réalité de la généralisation
de la guerre et du chaos à tout le pays démontre que la
situation échappe de plus en plus au contrôle de l'impérialisme
américain.
Malgré la nécessité de continuer à développer
la campagne idéologique justifiant leur présence armée
en Irak, l'administration d'Etat américaine est bien obligée
de reconnaître en partie l'enlisement de ses forces armées.
C'est ainsi que Donald Rumsfeld, ministre de la Défense américaine,
n'a pu que déclarer : "C'est une dure épreuve
pour notre détermination mais nous saurons faire face."
Mais il devait aussi admettre à contrecoeur : "La rébellion
chiite pose un sérieux problème." De fait, toutes
les villes irakiennes comme Fallouja, Bagdad, Nadjaf, Kut sont en proie
à la guerre, aux massacres et au chaos.
L'affaiblissement du leadership américain s'étale maintenant
tous les jours sur tous les écrans de télévision
du monde. La politique impérialiste de l'administration Bush
est un échec cuisant.
L'affaiblissement accéléré du leadership américain
Les Etats-Unis, malgré l'écrasante supériorité
militaire qu'ils ont par rapport au reste du monde, n'ont pas les moyens
d'imposer leur loi en Irak. Et ceci d'autant plus que l'affaiblissement
du leadership américain aiguise, sur la scène internationale,
l'appétit féroce de tous les autres impérialismes.
Dans la situation de déliquescence de la nation irakienne, des
groupes armés et terroristes, prolifèrent dans tout le
pays. Ces groupes armés, plus ou moins autonomes, n'obéissent
plus qu'à une seule règle, bouter hors d'Irak l'ogre américain.
Ces groupes ont d'ailleurs exprimé leur radicalisation par la
multiplication de prises d'otages civils, avec menace et mise à
exécution d'assassinats si les Etats belligérants ne retiraient
pas leurs troupes d'Irak. Au moment ou nous écrivons cet article,
un otage italien vient d'être sauvagement assassiné. Mais
plus encore, ce qui est caractéristique de l'ensemble des tensions
impérialistes, sous l'emprise du chacun pour soi, et qui se concrétise
aujourd'hui en Irak, est le rôle joué par Moqtada Al-Sadr.
Le lien étroit qu'entretien celui-ci avec l'Iran est bien connu.
Il semble très probable que la politique insurrectionnelle des
Chiites actuellement en Irak soit soutenue activement par ce pays. L'Iran
répond ainsi directement à la pression américaine
exercée à son encontre. Malgré cela l'affaiblissement
de l'Oncle Sam est tel que ce dernier est amené à demander
officiellement l'aide de Téhéran. Afin de mesurer réellement
le niveau d'effritement de la puissance américaine, il n'est
pas négligeable de se rappeler les déclarations arrogantes
jetées à la face du monde au moment de la période
d'entrée en guerre en Irak, il y a un an. Le 9 avril 2003 devant
la convention annuelle de l'American Society of News Editors, Dick Cheney,
vice-président américain, affirma qu'en aucune circonstance,
les Etats-Unis ne remettraient à l'ONU le contrôle de l'occupation
en Irak : "Le président a clairement fait savoir que
nous ne le ferons pas (...) Nous voulons seulement qu'elle y joue un
rôle majeur (...) Notre objectif est de créer et faire
fonctionner aussi vite que possible une autorité intermédiaire
qui soit composée d'Irakiens, et de leur transférer l'autorité
à eux et non pas aux Nations Unies ou à tout groupe extérieur."
A ce moment là l'Irak était inclus dans un "axe du
mal" ou les Etats "voyous" comprenaient notamment la
Corée du Nord, la Syrie et l'Iran. Ces pays étaient accusés
publiquement de posséder des armes de destruction massive et
d'être des organisateurs du terrorisme. Ils étaient alors
clairement désignés comme les cibles militaires potentielles
de l'après-Irak. Si peu de temps après, on peut voir ce
qu'il en est dans la réalité. Ce sont bel et bien les
Etats-Unis qui sont en situation de demander assistance à l'Iran.
Kamal Kharazi (chef de la diplomatie iranienne ) a affirmé :
"Les Etats-Unis ont réclamé l'aide de Téhéran
pour tenter de régler la crise et faire baisser la violence grandissante
en Irak." (dépéche de l'AFP du 6 avril). De son
coté le chef de la délégation iranienne actuellement
à Bagdad a déclaré : "Nous sommes ici pour
avoir une idée claire de la situation et une meilleure compréhension
de ce qui se passe, il n'y a pas de médiation." Les
choses sont claires pour tous ces bandits impérialistes. Tout
a un prix. Et aujourd'hui, en situation de faiblesse, c'est aux Etats-Unis
d'en payer le montant. Le développement de la guerre et du chaos
en Irak ne laisse rien présager de bon pour l'avenir. L'armée
américaine se doit en priorité de réduire à
l'impuissance les chiites qui obéissent à Moqtada Al-Sadr.
Pour cela, ils ont massé d'importantes troupes à proximité
de Nadjaf et dans la ville proche de Koufa. Une intervention dans la
ville sainte de Nadjaf serait un facteur de déstabilisation très
important en Irak, mais également au-delà des frontières
de ce seul pays. Ce serait un pas important dans l'enfoncement dans
la décomposition en cours dans toute la région. Une attaque
massive américaine sur Nadjaf se traduirait par le fait que :
"Tous les membres chiites du Conseil intérimaire de gouvernement
irakien (CIG), y compris les laïcs, se dresseront contre une telle
attaque et refuseront de coopérer avec l'Autorité provisoire
de la coalition.." (Courrier International du 15 avril) Tel
serait également le cas du chef religieux modéré,
l'ayatollah Al-Sistani, représentant jusqu'ici le seul appui
pour les Etats-Unis dans tout le pays.
Il ne semble y avoir aucune porte de sortie pour l'impérialisme
américain en Irak. Une majorité de la bourgeoisie américaine
s'est d'ailleurs rangée à ce point de vue. C'est pour
cela que celle-ci pousse en avant, de toutes ses forces, en vue des
prochaines élections présidentielles, la candidature du
démocrate John Kerry. La bourgeoisie américaine est obligée,
pour tenter de limiter la casse en Irak, et d'essayer de légitimer
une solution politique (ceci contrairement à la période
du déclenchement de la guerre). Elle est contraite de faire appel
à ses principaux rivaux impérialistes que sont la France,
l'Allemagne ou la Russie au sein de l'ONU. Le temps où les Etats-Unis
proclamaient que dans leur lutte contre "l'axe du mal" et
les pays "voyous", l'Amérique n'avait besoin de personne,
est sans doute révolu. Mais même dans le cas ou John Kerry
arriverait au pouvoir et remplacerait l'administration Bush, rien ne
serait réglé pour autant. Le New York Times (revue de
presse de Courrier International du 8 avril) signale : "John
Kerry, lui, était bien présent à Washington, mais
il essayait d'esquiver la question irakienne en s'efforçant d'axer
ses interventions sur l'économie américaine. Face à
l'insistance des journalistes le questionnant sur son avis, il s'est
écarté de son discours préparé pour se lancer
dans l'une de ses plus virulentes critiques sur la politique de Bush
en Irak. Mais il était incapable de préciser ce qu'il
ferait s'il était lui-même aux commandes". Cependant
la situation des Etats-Unis en Irak oblige John Kerry lui-même
a envisager la nécessité de laisser les troupes américaines
en Irak. Cette incapacité de la bourgeoisie américaine
à entrevoir comment freiner son affaiblissement au plan mondial
a également été manifeste dans la conférence
de presse de George Bush le mardi 13 avril, le Los Angeles Times note
en effet comme significatif le fait que "confronté à
une situation en Irak qui lui échappe de plus en plus, Bush ait
insisté sur sa détermination à faire de ce pays
une démocratie stable, sans dire comment il fallait s'y prendre."
Mais plus encore, parlant du désarroi dans lequel est plongée
la bourgeoisie américaine, lors de cette même conférence
un journaliste lui a demandé quelles leçons il tirait
des événements depuis le 11 septembre 2001, raconte le
Washington Post "Il (G. Bush) s'est arrêté de parler,
a secoué la tête, a paru s'interroger avant de rester sans
réponse a une question qu'il avait pourtant dû beaucoup
travailler avec ses conseillers en préparant la conférence
de presse. Au final, la seule chose qu'il ait pu dire est :"Je
suis sûr qu'une réponse va me venir à l'esprit dans
les conditions très particulières de cette conférence
de presse où il faut toujours avoir réponse à tout.
Mais pour l'instant, ça ne vient pas." " (extraits
de la revue de presse de Courrier International du 15 avril.)
Une seule alternative est possible :
révolution communiste ou destruction de l'humanité
Quels que soient, d'une part, le prochain résultat des élections
américaines et, d'autre part, l'ampleur de la réorientation
de la politique impérialiste des alliés, l'accélération
de l'affaiblissement de l'impérialisme américain ne peut
être qu'un facteur d'approfondissement du chaos en Irak et de
la décomposition de toute la société à l'échelle
mondiale. Un tel niveau de désarroi et d'aveu d'impuissance de
la toute première puissance capitaliste du monde en est un signe
flagrant. Les mois qui viennent vont s'inscrire en lettre de sang en
Irak. L'entrée en guerre des Chiites dans ce pays est un facteur
lourd de conséquences quant à la déstabilisation
potentielle de toute la région, de l'Iran à l'Arabie Saoudite
où ils représentant une très forte partie de la
population. De plus, alors qu'en Afghanistan le gouvernement Karzaï
et les troupes américaines ne contrôlent de fait que la
capitale Kaboul et ses alentours, l'administration américaine
est obligée de faire bonne figure devant la politique expansionniste
de Sharon et de l'Etat israélien en Cisjordanie. Le silence embarrassé
d'une grande partie de la bourgeoisie américaine à l'ONU
face à la dénonciation par l'Allemagne, la France et la
Russie de la politique de Sharon en dit long sur les objectifs de ces
puissances impérialistes, principales concurrentes des Etats-Unis.
Laisser les Etats-Unis s'enliser au maximum en Irak, et en profiter
partout dans le monde pour faire avancer leurs propres intérêts,
voilà la seule préoccupation de ces derniers.
L'impuissance de la classe bourgeoise américaine face au bourbier
irakien est une concrétisation de la déliquescence générale
de cette société capitaliste. Cette dernière va
également jusqu'à affecter les bourgeoisies les plus puissantes
du monde, y compris sur le plan de la politique guerrière. Le
prolétariat se doit de comprendre que cette société
capitaliste en décomposition ne peut qu'allumer d'autre Irak
aux quatre coins de la planète, y compris au cœur du capitalisme
mondial. L'évolution de la situation de ce pays rappelle une
nouvelle fois que l'avenir se jouera pour l'humanité entre communisme
ou destruction de toute forme de civilisation à la surface de
cette planète.