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L'année 2005 aura commencé sous le signe d'une reprise des appels à la mobilisation de la part des syndicats en France comme le pays n'en avait plus connu depuis juin 2003. Coup sur coup, étaient organisées trois "journées d'actions" : le 18 janvier à la Poste, le 19 à la SNCF, le 20 dans l'ensemble du secteur public. Et six confédérations syndicales sur sept appellent le public et le privé à manifester conjointement le 5 février "pour la défense des 35 heures". A quoi correspond ce "réveil" syndical qui contraste avec la passivité extrême des syndicats depuis la défaite de la lutte ouvrière du printemps 2003 ?
Mais d'abord deux autres questions se posent : quels sont les besoins pour la classe ouvrière aujourd'hui ? Que proposent les syndicats ?
Les besoins de la classe ouvrière
La remontée de la combativité ouvrière qui s'est exprimée au niveau international à travers les luttes en France et en Autriche en 2003, aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne en 2004 (voir l'article sur les leçons sur la lutte à Opel en page 3) a déjà démontré que la classe ouvrière n'a pas disparu et que ses luttes n'appartiennent pas à un passé révolu. Face à l'aggravation de la crise économique et aux attaques de la bourgeoisie, elle est de plus en plus contrainte partout de se battre pour défendre ses conditions de vie. Les prolétaires n'ont pas d'autre choix que de lutter et, s'ils ne le font pas, la bourgeoisie continuera à cogner de plus en plus fort.
Ce n'est qu'en reprenant le chemin de la lutte que la classe ouvrière peut développer le sentiment et la conscience d'appartenir à une même classe aux intérêts politiques et économiques communs, prendre confiance en elle-même et développer son unité et sa solidarité face à des attaques qui touchent l'ensemble de prolétaires, secteur public comme secteur privé. Et ce n'est que par la lutte massive que la classe ouvrière peut s'opposer aux attaques de la bourgeoisie.
Aujourd'hui encore, les revendications et les besoins qui s'affirment pour les ouvriers sont partout les mêmes face attaques qu'ils subissent :
- augmentation des salaires pour faire face à la hausse durement ressentie du coût de la vie, avec la ponction toujours plus lourde des taxes (prélèvements sociaux, hausse de tarifs publics, des loyers, des impôts, des assurances),
- augmentation des effectifs pour faire face aux conditions de travail qui se dégradent, à une productivité, à une flexibilité accrues.
Ces revendications sont partout ressenties comme une nécessité vitale, alors qu'aujourd'hui, l'ensemble de la classe ouvrière est confrontée. simultanément à une attaque massive contre le salaire social : après les retraites, les prolétaires subissent les effets du cumul des mesures adoptées sur la sécurité sociale.
Une étude publiée dans Le Monde du 30 décembre 2004 montre que les conditions de travail se sont considérablement dégradées en dix ans, par exemple le nombre d'ouvriers travaillant la nuit (entre minuit et 5 h du matin) a doublé. La flexibilité des lois Aubry enchante les patrons : "cette ultra-réactivité au marché est louée par tous les patrons, qui avouent pour certains n'avoir jamais imaginé, 'même dans leurs rêves les plus fous, arriver à un tel degré de flexibilité" (Libération du 12 janvier). En privé, un syndicaliste cédétiste déclare "les entreprises ont tout ce qu'il faut en magasin pour la flexibilité. On s'interroge parfois quand on les entend demander encore plus de souplesse dans le travail " et un autre de la CGT constate que, grâce à la loi sur les 35 heures, "les salaires sont bloqués et les entreprises ont gagné en productivité et allègement de charges. Voilà pourquoi elles se taisent sur les 35 heures" (Idem). Les lois Aubry sur les 35 heures avaient permis d'atteindre un objectif majeur pour la bourgeoisie : généraliser l'introduction de la flexibilité dans les contrats de travail. En même temps, la réduction du temps de travail contenue dans cette législation a été largement compensée par l'augmentation de la productivité et par le blocage des salaires. Aujourd'hui, cette attaque peut être menée plus loin par le gouvernement actuel. Elle est poursuivie et intensifiée par un nouveau rallongement du temps de travail au milieu d'un chantage désormais permanent au licenciement ou à la délocalisation pour faire accepter de nouveaux sacrifices.
Les syndicats pourrissent le développement nécessaire de la conscience ouvrière
Alors, reposons la question : que proposent les syndicats ? Précisément de se mobiliser autour de la défense des 35 heures et sa soi-disant remise en cause par le gouvernement actuel. C'est sur ce thème qu'ils appellent à manifester le 5 février. Mais ils appellent aussi, comme ils l'ont fait au cours des journées d'action de janvier, à se mobiliser pour "la défense du service public, "contre la privatisation" de ces services en poussant les ouvriers à se placer sous l'aile protectrice de l'Etat bourgeois. C'est pourtant ce même Etat bourgeois qui dirige, oriente et démantèle la protection sociale et orchestre ces "réformes", qui taille des coupes claires dans les effectifs comme n'importe quelle autre entreprise par souci de compétitivité entre nations, avec les mêmes critères de rentabilité, qui bloque les salaires de ses fonctionnaires et qui est responsable de la hausse du coût de la vie.
La plupart de ces mesures ont été mises en place depuis que la gauche était au gouvernement : hausse de la CSG, du forfait hospitalier, déremboursement des frais médicaux . par exemple le forfait hospitalier institué par le "ministre du PC Ralite en 1982 a été depuis lors multiplié par cinq ;
La fonction des syndicats n'est pas de "défendre les ouvriers" contre les attaques de la bourgeoisie mais bien de servir les intérêts de l'ennemi de classe, de la bourgeoisie et de son Etat pour saboter et dévoyer les besoins réels de la classe ouvrière, pour les détourner sur un terrain exploitable par la bourgeoisie.
Comment ils s'y prennent ?
Par exemple, alors qu'au nom de la "modernisation", la Poste a entrepris de fermer 6 000 bureaux "non rentables" (soit la moitié de son parc) notamment dans les villages et les petites communes et de les remplacer par des "points Poste" confiés à des petits commerçants locaux quelques heures par semaines et de supprimer 20% de ses effectifs (60 000 emplois), les syndicats détournent l'attention de cette attaque pour la polariser sur la "privatisation" de ce secteur et la "détérioration du service public".
Suite au viol d'une contrôleuse dans un TER, les syndicats comme le gouvernement ont cherché à orienter et à cristalliser la grève spontanée de solidarité qui a perturbé le réseau pendant plusieurs jours sur le problème de la sécurité dans les trains alors qu'il s'agissait d'une réaction élémentaire d'indignation et d'exaspération des cheminots face à la dégradation de leurs conditions de travail et à la taille dans leurs effectifs. C'est pour la même raison que certains guichetiers parisiens de la SNCF se sont mis en grève pour protester contre la mise en place de "guichets automatisés", qui supprime leur emploi.
Ces mouvements sociaux interviennent d'ailleurs alors qu'un accord avait été signé en octobre dernier entre 4 syndicats sur 6 (dont la CGT) et la direction pour limiter le droit de grève et éviter les "grèves-surprise" au nom de la défense du "service public et de l'usager"
Dans le secteur hospitalier, alors que manque de moyens et d'effectifs est général, les syndicats cherchent à isoler les infirmiers du secteur psychiatrique sous prétexte d'insécurité plus grande et de "dangerosité particulière du métier" et ils font partir en lutte un hôpital comme celui de Villejuif en mettant en avant des revendications spécifiques.
Les syndicats effectuent toujours le même sale travail de sabotage de la lutte et de division des ouvriers. C'est ce qu'ils ont fait au cours des luttes du printemps 2003, de concert avec le gouvernement en embarquant les travailleurs de l'Education nationale dans des revendications spécifiques à ce secteur, semant l'illusion que la lutte d'un seul secteur pouvait faire reculer le gouvernement pour faire passer l'attaque la plus générale sur les retraites et épuiser la combativité du secteur enseignant dans une grève longue conduisant à la démoralisation la plus profonde (voir notamment RI n°336, juin 2003 et n°337, juillet-août 2003).
Leur stratégie actuelle s'inscrit dans la même lignée qui ne peut mener qu'à la défaite. Dans la manifestation parisienne du 20 janvier, hospitaliers et enseignants étaient mobilisés à part dès le matin et ont rejoint ensuite le cortège général de la fonction publique en début d'après-midi, dans lequel chacun était solidement encadré, défilant derrière la banderole d'un syndicat, chaque syndicat organisé par branche ou secteur, chaque secteur divisé à son tour par site. Pour le 5 février, la mobilisation annoncée comme "nationale" et "unissant" privé et public se retrouve organisée de fait à l'échelle régionale et éparpillée dans toutes les grandes villes.
Il s'agit donc pour les syndicats :
- d'une part, de prendre les devants par rapport à un mécontentement social grandissant pour le canaliser, l'encadrer face à des attaques générales tous azimuts qui se déchaînent sur les salaires, les effectifs, les conditions de vie et de travail qui sont un terrain favorable au développement d'une lutte unitaire et solidaire ;
- d'autre part, d'occuper le terrain pour pourrir et dévoyer le mûrissement de la réflexion à l'œuvre au sein de l'ensemble de la classe ouvrière sur le fait que partout, dans tous les secteurs, dans tous les pays elle est attaquée de la même manière. C'est le développement de cette réflexion, de cette prise de conscience qui ne peut déboucher que sur la remise en cause du système capitaliste et la nécessité de se battre contre lui pour assurer la défense de ses conditions de vie que les syndicats entreprennent de pourrir.
L'agitation syndicale actuelle ne sert qu'à chercher à entraver le développement de la réflexion en profondeur de la classe ouvrière sur les enjeux de la situation : comment se battre et s'organiser elle-même face aux attaques de la bourgeoisie ?
W (27 janvier)