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Il y a encore deux ou trois mois, la "vache folle" passait pour un épisode presque oublié au milieu d'une série de scandales alimentaires, épisode dont le danger avait parait-il été quasiment éradiqué, au moins en France. C'était, nous a-t-on dit, un produit d'importation britannique qui, grâce aux bons offices du gouvernement français, ne menaçait désormais plus d'envahir les assiettes des prolétaires vivant de ce côté-ci de la Manche. Les mesures dites de "précaution" de l'Etat, allant des lois interdisant théoriquement l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation des ruminants à l'embargo prolongé sur le boeuf anglais contre l'avis de la commission européenne, nous garantissait contre tout risque de développement sur le territoire français de la maladie bovine et, partant, de la maladie humaine : cette terrifiante variante atypique de la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui lorsqu'elle se déclare après une longue incubation, condamne ses victimes à une mort certaine en moins d'un an. Entre temps, d'autres affaires touchant à notre nourriture quotidienne avaient eu le temps de voler la vedette à la vache folle, qu'il s'agisse du poulet à la dioxine, des fromages à la listeriose, des animaux d'élevage bourrés d'antibiotiques ou du Coca-Cola enrichi aux raticides, sans parler des campagnes régulières sur les OGM. Au mois de septembre, la publication de chiffres sur une nouvelle recrudescence des cas d'ESB en France a remis la question au premier plan des médias. En quelques jours, les mensonges hypocrites de la bourgeoisie française sur une prétendue meilleure sécurité alimentaire en France ont volé en éclats, au point que c'est maintenant le boeuf français qui a pris, chez les Etats concurrents de la France en Europe, la place du boeuf britannique comme synonyme de poison mortel.
A travers l'océan d'informations contradictoires, de chiffres et d'hypothèses plus ou moins "scientifiques" dont nous avons été abreuvés depuis lors, sans parler de l'évidente exploitation politicienne du scandale dans les règlements de compte entre l'Elysée et Matignon qui viennent encore ajouter à la confusion et aux doutes, il est quasiment impossible de se faire une idée très claire. Il y a cependant un fait qui s'impose : nous assistons au développement d'une épidémie bovine qui a commencé à se transmettre à l'homme et aucun expert n'est aujourd'hui en mesure d'affirmer qu'elle puisse être éradiquée ni de prédire l'ampleur que peut prendre le phénomène dans les années à venir. Les épidémiologistes britanniques avouent eux-mêmes ne pas savoir s'il y aura 100, 1000 ou 100 000 victimes en Grande-Bretagne.
Le vent de panique déclenché en quelques jours a pris une telle ampleur qu'elle a entraîné un effondrement brutal de la fili&e brutal de la filière de viande bovine, mis des centaines d'exploitations d'élevage au bord de la faillite et que des menaces sérieuses de licenciements dans les abattoirs et les industries de transformation de la viande pointent leur nez. Du coup, le gouvernement s'est empressé d'édicter une nouvelle loi, une de plus, concernant les farines animales, tandis que la machine médiatique, changeant de ton, s'escrimait à fustiger la "psychose collective irrationnelle" de la population et à "rassurer les consommateurs", ce qui, il faut le dire, est tout sauf ...rassurant.
Le capitalisme empoisonneur
Psychose ou pas, derrière la peur engendrée par ce nouveau scandale, il existe une réalité, qui a toujours été ressentie par des générations ouvrières,ons ouvrières, même si c'est plus ou moins confusément selon les époques : la classe capitaliste a toujours eu un mépris souverain pour les conditions alimentaires et sanitaires de ceux qu'elle exploite. Elle leur a toujours réservé les produits alimentaires de plus basse qualité, telle que la viande dite "de réforme", issue de l'élevage laitier ou les poulets de batterie, tous nourris aux fameuses farines, qui alimentent les supermarchés. Les scandales qui éclatent aujourd'hui révélant des empoisonnements alimentaires sciemment mis en oeuvre pour satisfaire la course au profit capitaliste, renvoient aujourd'hui directement à ce que dénonçait Engels dans son livre "La situation de la classe laborieuse en Angleterre" en 1845. Il montrait alors, dans des descriptions effrayantes, comment les prolétaires de Manchester et de Londres ne pouvaient accéder qu'à des aliments misérables, non seulement de faible qualité nutritive, mais carrément impropres à la consommation et mettant en danger leur santé: viandes avariées, farines mêlées de craie et de plâtre, par exemple.
Même s'il y a eu indéniablement depuis 150 ans, une amélioration globale de la situation alimentaire des prolétaires sur le plan sanitaire au moins, cette réalité d'une production et d'une distribution alimentaire de classe n'a jamais cessé d'être un fondement essentiel du capitalisme. La différence entre aujourd'hui et ce qui se passait en Angleterre dans la première moitié du 19e siècle, c'est que, depuis lors, c'est de manière bien plus systématique que le capital a développé une production alimentaire industrialisée qui, sciemment et scientifiquement, produit des aliments de basse qualité et de moindre coût pour les prolétaires et des produits de bonne qualité pour la classe bourgeoise.
En 1845, les empoisonneurs qui vendaient des aliments trafiqués aux ouvriers anglais étaient des petits épiciers de quartier sans scrupule et les bourgeois dule et les bourgeois d'alors, occupés à vanter les vertus du développement de l'industrie capitaliste, faisaient semblant d'ignorer leurs pratiques, alors qu'elles n'étaient qu'un maillon nécessaire de la logique impitoyable de l'exploitation salariée. Aujourd'hui ces petits épiciers ont depuis longtemps disparu. Ils ont laissé la place à une filière alimentaire industrielle moderne qui, de la production des matières premières agricoles à la grande distribution, en passant par la production et l'utilisation des fameuses farines animales, garantit à l'ensemble du capital qu'il y aura sur le marché de quoi entretenir, au coût le plus bas possible, la force de travail des prolétaires. Et quand ces mêmes filières se lancent, pour baisser encore les coûts, dans des pratiques scandaleuses, comme celles consistant à mêler des boues d'épuration aux aliments pour bétail, lorsque, pour augmenter la production dans l'industrie laitière à moindre coût, elles rendent les vaches carnivores et cannibales sans se préoccuper de vérifier d'abord les conséquences sanitaires de cette manipulation, quand, une fois ces conséquences mises au jour, elles continuent de le faire frinuent de le faire frauduleusement, les Etats bourgeois et leurs gouvernements font mine d'avoir ignoré tout cela comme le faisaient déjà les bourgeois anglais du 19e siècle. Ils font semblant de se poser en garants de la santé publique en dénonçant ici et là les abus trop voyants, comme les juges fustigés par Engels qui faisaient de temps en temps, pour la forme, des procès publics aux épiciers empoisonneurs.
Une logique inscrite dans les lois du capital
La production agro-alimentaire est depuis longtemps une industrie, n'en déplaise à la mythologie bucolique de la "bonne bouffe artisanale", et, dans certains pays comme la France ou les Etats-Unis, qui sont parmi les plus grands exportateurs agricoles, elle constitue un des champs de bataille les plus importants de la guerrimportants de la guerre commerciale qui se joue entre les Etats. C'est bien pourquoi, toutes les pratiques -frauduleuses ou légales-, qui sont mises en oeuvre en matière d'agro-alimentaire pour produire au moindre coût sur le marché mondial, face à une concurrence toujours plus violente, ne pourraient avoir lieu sans la complicité des Etats. La généralisation des farines animales en Europe ne s’est faite que pour éviter d’acheter les protéines nécessaires à l’alimentation du bétail aux Etats-Unis ou à d'autres pays. Et, d'ailleurs, les Etats ne se préoccupent finalement de la santé des populations que dans la mesure où celle-ci devient à son tour une arme de la guerre commerciale. Les contrôles, les lois protectionnistes, les "mesures de précaution" et autres balivernes de ceux qui voient dans l'Etat bourgeois le moyen de corriger les "abus du marché", ne servent qu’à renforcer la compétitivité des uns par rapport aux autres. Ainsi les études sur la malignité, vraie ou fausse, des hormones de croissance données aux bovins, tout comme les soupçons sur les OGM., sont une arme de la concurrence européenne vis-à-vis des Etatà-vis des Etats-Unis, de la même façon que le danger des farines animales ou de la listériose sont autant de défenses américaines contre les produits européens. Ce qui montre que ce n'est probablement qu'une petite partie de la réalité des scandales alimentaires qui est rendue publique dans les médias, cachant l'iceberg de pratiques qu'aucun concurrent n'a encore eu intérêt à dévoiler.
Mais l'aiguillon de la concurrence sur le marché mondial, exacerbée par la crise de surproduction, est également valable pour toutes les autres marchandises, qu'il s'agisse non plus de lait, de viande ou de céréales, mais de machines-outils, d'acier ou de produits pétroliers. Dans le cas des biens destinés à la consommation immédiate des prolétaires, il existe en outre un autre phénomène, profondément inscrit dans les rapports capitalistes. C'est un impératif pour le capital, pris globalement, de réduire toujours plus les coûts de leur production, et cela fondamentalement parce ndamentalement parce que le prix de ces biens de consommation sur le marché intervient de manière essentielle dans la détermination du coût de la force de travail. Moins chers sont les aliments destinés aux prolétaires sur le marché et plus bas peuvent être maintenus les salaires (c'est-à-dire la part des salaires dans le revenu global), tout en satisfaisant les besoins vitaux nécessaires à l'entretien de la force de travail.
Les justifications bourgeoises habituelles nous diront bien sûr que les bonds spectaculaires de productivité obtenus dans l'agriculture et l'industrie alimentaire ont été motivés par l'augmentation des besoins alimentaires des populations en général. Ils nous diront qu'il vaut mieux du lait et de la viande en abondance produits grâce à l'utilisation d'aliments pour animaux modernes même s'ils sont "quelquefois un peu trafiqués", que la famine et la disette qu'a pu connaître la société à d'autres époques. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que ce ne sont pa que ce ne sont pas les besoins alimentaires humains en soi qui ont motivé et qui motivent la recherche d'une productivité maximale avec des coûts de production les plus bas possible, mais le seul "besoin" que connaisse en dernière instance le capital : le maintien du profit extorqué sur le travail humain. Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'il ne faut pas chercher ailleurs le recours aux rebuts de l'équarrissage et aux boues d'épuration comme matière première à la production d'une denrée aussi basique et vitale que les produits laitiers. Ce qu'ils ne disent pas, c'est pourquoi, là où il n'est pas rentable ou pas possible, pour des raisons d'absence de marchés suffisants, d'intégrer la population dans les rapports d'exploitation salariée, le capital laisse tout simplement se développer la famine. Des régions entières de l'Afrique y sont ainsi régulièrement confrontées. Et, tandis que les surplus de la surproduction alimentaire de masse des pays développés dorment dans les hangars et les frigos, on expédie très "charitablement" aux crève la faim du tiers-monde les rebuts inexploitables par le capital, les viandes avariées, les médicaments pérdicaments périmés et autres laits pour bébés irradiés.
Les scandales alimentaires qui éclatent les uns après les autres aujourd'hui, révèlent simplement que cette logique implacable atteint maintenant un degré dément, qui vient s'ajouter à toutes les menaces que fait peser le maintien du système capitaliste sur l'existence même de l'humanité, au même titre que les menaces écologiques et guerrières.
De leur côté les diverses propagandes écologistes et "citoyennes" à la mode fustigent le "productivisme industriel", comme si c'était de l'industrialisation de la production de moyens de consommation, et des progrès dans la productivité du travail qui l'ont accompagné, que venait, en soi, le problème. Au contraire, ces progrès de la productivité du travail font partie du développement social historique et une soci&eace et une société communiste sera capable d'améliorer celle-ci bien au-delà encore que n'a pu le faire le capitalisme, dans le but tant de libérer les êtres humains des tâches les plus pénibles que de satisfaire pleinement leurs besoins, non seulement tels qu'on peut les percevoir aujourd'hui, mais qui seront ceux, toujours plus grands, d'une humanité enfin épanouie.