Depuis la fin des années 1980, le terrorisme occupe régulièrement la une de l’actualité internationale. Pour la bourgeoisie des grandes puissances, il est devenu” l’ennemi public numéro un”. Et c’est au nom de la lutte contre la barbarie du terrorisme que les deux principales puissances qui étaient à la tête des blocs de l’Ouest et de l’Est, les États-unis et la Russie, ont déchaîné la guerre en Afghanistan et en Tchétchénie.
De façon générale, le terrorisme se définit comme l’action violente de petites minorités en révolte contre la domination écrasante de l’ordre social existant et de son État. Ce n’eut pas un phénomène nouveau dans l’histoire. Ainsi, à la fin du 19e siècle, les populistes russes avaient fait du terrorisme un instrument de premier plan de leur combat contre la domination du tsarisme. Peu après, dans des pays comme la France et l’Espagne par exemple, il avait été repris à leur compte par certains secteurs de l’anarchisme. Tout au long du 20e siècle, le terrorisme a continué à se développer et a notamment accompagné de façon assez fréquente les mouvements d’indépendance nationale, comme on a pu le voir avec l’IRA irlandaise, I’ETA du Pays basque, le FLN pendant la guerre d’Algérie, l’OLP palestinienne, etc. Il a même été utilisé au lendemain de la seconde guerre mondiale par certains secteurs du mouvement sioniste en vue de la constitution de l’État d’Israël (Menahem Begin, un des plus célèbres premiers ministres d’Israël -et signataire des accords de Camp David en 1979- avait été dans sa jeunesse un des fondateurs de l’Irgoun, groupe terroriste juif qui s’était illustré par ses attentats contre les anglais).
Ainsi, le terrorisme, non seulement a pu se présenter (surtout à la fin du 19e et au début du 20e siècle) comme un moyen de la lutte des opprimés contre la domination de l’État, mais il a constitué (principalement au 20e siècle) un instrument de premier choix de certains mouvements nationalistes en vue de la constitution de nouveaux États. Il est clair qu’il ne peut rien exister de commun entre ces dernières formes de terrorisme et la lutte du prolétariat puisque celle-ci, qui est par essence internationaliste, n’a pas pour vocation de participer à la création de ces institutions bourgeoises que sont les États nationaux.
Qu’en est-il cependant de l’utilisation d’actes de terrorisme pour mener le combat contre l’État bourgeois? La question vaut d’être posée puisque, aussi bien certains mouvements anarchistes qui affirmaient lutter pour l’émancipation de la classe ouvrière, que, plus récemment, des groupes se réclamant de la révolution communiste ont revendiqué le terrorisme comme arme du combat de la classe ouvrière et ont pu, de ce fait entraîner derrière eux des groupes d’ouvriers sincères. Ce fut notamment le cas, au cours des années 1970, des Brigades Rouges en Italie.
En réalité ce terrain de la violence et de la lutte armée minoritaire, n’est pas celui de la classe ouvrière. C’est celui de la petite bourgeoisie désespérée, c’est-à-dire d’une classe sans devenir historique qui ne peut jamais s’élever à des actions de masse et qui est l’émanation de volontés individuelles et non de l’action généralisée d’une classe révolutionnaire. En ce sens, le terrorisme ne peut rester que sur un plan individualiste. “Son action n’est plus dirigée contre la société capitaliste et ses institutions, mais seulement contre des individualités (ou des symboles, telles les Tours jumelles, symbole de la puissance économique des États-Unis) représentatives de cette société. Il prend donc inévitablement l’aspect d’un règlement de compte, d’une vengeance, d’une vendetta, de personne à personne et non celui d’un affronte ment révolutionnaire de classe contre classe. D’une façon générale, le terrorisme tourne le dos à la révolution qui ne peut être que l’oeuvre d’une classe déterminée, engageant de larges mas ses dans une lutte ouverte et frontale contre l’ordre existant et pour la transformation sociale”. (Revue Internationale n° 15, “Terrorisme, terreur et violence de classe”).
Ainsi, le prolétariat ne peut jamais développer sa lutte contre le capitalisme à travers les méthodes conspiratives et individualistes propres au terrorisme. Le terrorisme, comme pratique, reflète parfaitement son contenu: quand il n’est pas un instrument de certains secteurs de la bourgeoisie elle-même, il est l’émanation des couches petites-bourgeoises. Il est la pratique stérile des couches sociales impuissantes et sans devenir.
De tous temps la classe dominante a utilisé le terrorisme comme instrument de manipulation, aussi bien contre la classe ouvrière que dans ses propres règlements de comptes internes.
Du fait que le terrorisme est une action qui se prépare dans l’ombre de la petite conspiration, il offre ainsi “un terrain de prédilection aux manigances des agents de la police et de l’État et en général à toutes sortes de manipulations et d’intrigues les plus insolites”. (Revue Internationale n° 15).
Déjà au siècle dernier, les actions terroristes des anarchistes avaient été utilisées par la bourgeoisie pour renforcer sa terreur d’État contre la classe ouvrière. On peut rappeler par exemple les “lois scélérates” votées par la bourgeoisie française suite à l’attentat terroriste de l’anarchiste Auguste Vaillant qui, le 9 décembre 1893, avait lancé une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des Députés, faisant une quarantaine de blessés. Cet attentat avait été manipulé par l’État lui-même. En effet, Vaillant avait été contacté par un agent du Ministère de l’Intérieur qui, s’étant fait passer pour un anarchiste, lui avait prêté de l’argent et expliqué comment fabriquer une bombe artisanale (avec une marmite et des clous) à la fois fracassante et pas trop meurtrière[1] [1]. Dans la mesure où l’aile gauche de la bourgeoisie (notamment les radicaux) aiguillonnée par le groupe socialiste, représenté au Parlement et dirigé par Jaurès, se serait inévitablement opposé aux restrictions du droit d’association, les secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie devaient contourner, avec un incroyable machiavélisme, les règles de la démocratie parlementaire pour faire adopter des mesures contre la classe ouvrière. L’attentat d’Auguste Vaillant avait ainsi servi de prétexte à la classe dominante pour faire voter immédiatement des mesures d’exception contre les socialistes réprimant la liberté d’association et de la presse.
De même, dans les années 1970, les gigantesques campagnes anti-terroristes orchestrées par la bourgeoisie suite aux affaires Schleyer en Allemagne et Aldo Moro en Italie ont servi de prétexte à l’État pour renforcer son appareil de contrôle et de répression contre la classe ouvrière.
Il a été démontré par la suite que la bande à Baader et les Brigades Rouges avaient été infiltrées respectivement par les services secrets de l’Allemagne de l’Est, la Stasi, et les services secrets de l’État italien. Ces groupuscules terroristes n’étaient en réalité rien d’autre que les instruments des rivalités entre cliques bourgeoises.
L’enlèvement d’Aldo Moro par un commando d’une efficacité militaire et son assassinat le 9 mai 1978 (après que le gouvernement italien ait refusé de négocier sa libération) n’étaient pas l’oeuvre de quelques terroristes illuminés. Derrière l’action des Brigades Rouges, il y avait des enjeux politiques impliquant non seulement l’État italien lui-même mais aussi les grandes puissances. En effet, Aldo Moro représentait une fraction de la bourgeoisie italienne favorable à l’entrée du PC dans la majorité gouvernementale, option à la quelle s’étaient fermement opposés les États-Unis. Les Brigades Rouges partageaient cette opposition à la politique du “compromis historique” entre la Démocratie Chrétienne et le PC défendue par Aldo Moro et faisaient ainsi ouvertement le jeu de l’État américain. Par ailleurs, le fait que les Brigades Rouges aient été directement infiltrées par le réseau Gladio (une création de l’OTAN qui avait pour mission de constituer des réseaux de résistance au cas où l’URSS envahirait l’Europe de l’Ouest) révèle que dès la fin des années 1970, le terrorisme a commencé à devenir un instrument de manipulation dans les conflits impérialistes.
Au cours des années 1980, la multiplication des attentats terroristes (comme ceux de 1986 à Paris) exécutés par des groupuscules fanatiques, mais qui étaient commandités par l’Iran, ont fait apparaître un phénomène nouveau dans l’histoire. Ce ne sont plus, comme au début du 20e siècle, des actions armées menées par des groupes minoritaires, visant à la constitution ou à l’indépendance nationale d’un État, mais ce sont des États eux-mêmes qui prennent en charge et utilisent le terrorisme comme arme de la guerre entre États.
Le fait que le terrorisme soit devenu un instrument de l’État en vue de mener la guerre marque un changement qualitatif dans l’évolution de l’impérialisme.
Dans la dernière période, on a pu constater que ce sont les deux principales puissances, les États-Unis et la Russie, qui ont utilisé le terrorisme comme moyen de manipulation pour justifier leurs interventions militaires. Ainsi, les médias eux-mêmes ont révélé que les attentats à Moscou de l’été 1999 avaient été perpétrés avec des explosifs fabriqués par des militaires et que Poutine, le chef du FSB (ex-KGB) à l’époque, en était probablement le commanditaire. Ces attentats étaient un prétexte pour justifier l’invasion de la Tchétchénie par les troupes russes.
De même, et comme nous l’avons amplement analysé dans notre presse, l’attentat du 11 septembre contre les Tours jumelles à New York, a servi de prétexte à la bourgeoisie américaine pour larguer ses bombes sur l’Afghanistan au nom de la lutte contre le terrorisme et contre les “États voyous”.
Même si l’État américain n’a pas directement commandité cet attentat, il est inconcevable d’imaginer que les services secrets de la première puissance mondiale aient été pris par sur prise, comme n’importe quelle république bananière du tiers-monde.
De toute évidence l’État américain a laissé faire, quitte à sacrifier ses Twin Towers et près de 3000 vies humaines. C’était le prix que l’impérialisme américain était prêt à payer pour pouvoir réaffirmer son leadership mondial en déclenchant l’opération “Justice illimitée” en Afghanistan. Cette politique délibérée de la bourgeoisie américaine consistant à laisser faire pour justifier son intervention militaire n’est pas nouvelle.
Elle avait déjà été utilisée en décembre 1941 lors de l’attaque japonaise à Pearl Harbor[2] [2] pour justifier l’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale et, plus récemment, lors de l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein en août 1990[3] [3] pour déchaîner la guerre du Golfe sous la houlette de l’oncle Sam.
Mais cette politique du “laisser faire” ne consiste plus, comme en 1941 ou en 1990, à laisser l’ennemi attaquer le premier selon les lois classiques de la guerre entre États.
Ce n’est plus la guerre entre États rivaux, avec ses propres règles, ses drapeaux, ses préparatifs, ses troupes, ses champs de bataille et ses armements, qui servent de prétexte à l’intervention massive des grandes puissances.
Ce sont les attaques terroristes aveugles, avec leurs commandos de kamikazes fanatisés, frappant directement les populations civiles qui sont utilisées par les grandes puissances pour justifier le déchaînement de la barbarie impérialiste.
L’utilisation et la manipulation du terrorisme ne sont plus seulement le lot de petits États, tels la Libye, l’Iran ou d’autres du Moyen-Orient. En balayant les règles classiques de la guerre, en devenant le lot commun de toutes les nations, petites ou grandes, le terrorisme comme moyen de la guerre entre États est devenu l’une des manifestations les plus criantes du pourrissement sur pied du système capitaliste.
Aujourd’hui, le terrorisme est inséparable de l’impérialisme. Cette forme que prend désormais la guerre impérialiste est le résultat du déchaînement du chaos mondial dans lequel est entré le capitalisme depuis l’effondrement du bloc de l’Est et la dislocation du bloc occidental. Cet événement, comme nous l’avons mis en évidence, a marqué de façon spectaculaire l’entrée du capitalisme dans la phase ultime de sa décadence, celle de la décomposition[4] [4].
Depuis que nous avons développé cette analyse au milieu des années 1980[5] [5] (5), ce phénomène n’a fait que s’amplifier. C’est bien ce que traduit le développe ment et l’utilisation, sans précédent dans l’histoire, du terrorisme à l’échelle planétaire.
Le fait même que “l’arme du pauvre” qu’est le terrorisme soit désormais utilisée par les grandes puissances dans la défense de leurs intérêts impérialistes sur l’échiquier mondial est particulièrement significatif de l’enfoncement de la société dans la décomposition capitaliste.
Jusqu’à présent la classe dominante était parvenue à repousser à la périphérie du capitalisme les manifestations les plus caricaturales de la décadence de son système et de sa crise. Il en avait été ainsi des manifestations les plus brutales de la crise économique du capitalisme qui avaient d’abord affecté les pays de la périphérie. En même temps que revient en force cette crise insoluble, touchant de plein fouet le coeur même du capitalisme, les formes les plus barbares de la guerre impérialiste font maintenant leur apparition dans les grandes métropoles comme New York ou Moscou.
Par ailleurs, cette nouvelle expression de la guerre impérialiste révèle la dynamique suicidaire de la société bourgeoisie en pleine putréfaction. En effet, l’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre s’accompagne de l’acceptation de sacrifices. Il en est ainsi non seule ment des kamikazes dont le sacrifice de leur vie est à l’image d’un monde qui se suicide, mais également de la classe dominante des États frappés par les attaques terroristes, telle la bourgeoisie américaine. La diffusion sur tous les écrans du monde des images hallucinantes des Tours jumelles s’écroulant comme des châteaux de cartes ne nous ont-elles pas renvoyé la vision d’un monde en pleine apocalypse ? En laissant faire les attentats du 11 septembre, la première puissance mondiale a délibérément décidé de sacrifier les Tours jumelles, symbole de sa suprématie économique. Elle a délibérément sacrifié près de 3000 citoyens américains sur son propre territoire national. En ce sens, les morts de New York ont non seulement été massacrés par la barbarie d’Al Qaida, mais ils l’ont été avec la froide et cynique complicité de l’État américain lui-même. Au-delà des vies humaines dont la bourgeoisie se moque éperdument, c’est encore sur le plan économique que se mesure surtout le sacrifice que l’État américain était disposé à faire pour justifier sa gigantesque démonstration de force en Afghanistan. Pour cela, l’oncle Sam était prêt à payer (et surtout à faire payer à la classe ouvrière) le prix de la reconstruction du Word Trade Center et de toute la désorganisation économique et sociale occasionnée par l’effondrement des Tours jumelles. L’utilisation du terrorisme comme arme de la guerre impérialiste, dans la période historique actuelle de décomposition du capitalisme, révèle que tous les États sont des “États voyous” dirigés par des gangsters impérialistes. La seule différence qui distingue les grands caïds, tel le parrain américain, et les petits malfrats poseurs de bombes, réside dans les moyens de destruction dont ils disposent pour déchaîner la guerre.
A New York, à Moscou, en Afghanistan, en Irak, au Moyen-Orient, à Bali, ce sont les populations civiles qui sont aujourd’hui terrorisées par la folie meurtrière du capitalisme.
Cette situation constitue un appel à la responsabilité du prolétariat mondial. Celui-ci est la seule force de la société capable, par sa lutte révolutionnaire pour le renversement du capitalisme, de mettre fin à la guerre, aux massacres, et à la terreur capitaliste sous toutes ses formes.
Louise
[1] [6] Voir Bernard Thomas, “Les provocations policières” (chapitre IV), Éditions Fayard, 1972.
[2] [7] Voir la Revue Internationale n° 108, Pearl Harbor 1941, les Twin Towers 2001, le machiavélisme de la bourgeoisie.
[3] [8] Voir notre brochure sur “La guerre du Golfe”.
[4] [9] Voir notre brochure sur “L’effondrement du stalinisme”.
[5] [10] Voir la Revue Internationale n° 57, “La décomposition du capitalisme” et n°62 et 107 “La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme.”
Selon le bilan officiel, la prise d'otages dans un théâtre en plein centre de Moscou entre le 23 et le 26 octobre dernier s'est soldée par la mort de 128 otages, dont 5 par balles et 123 des suites de l'inhalation d'un gaz diffusé par les forces de l'ordre. Près d'un mois plus tard, 27 ex-otages sont toujours hospitalisés dont 4 dans "un état grave". Et ce bilan ne tient pas compte des 41 membres abattus du commando, ni de quelque 80 personnes qui seraient portées "disparues" (selon un site Internet).
La première question à poser, c'est à qui profite le crime ? Il est clair
que malgré la bavure des gaz utilisés par les forces spéciales pour donner
l'assaut qui a directement provoqué la mort de la majorité des otages, le seul
bénéficiaire de l'opération a été le Kremlin.
Alors que la guerre en Tchétchénie s'enlisait depuis de longs mois, qu'elle
tendait à se transformer comme dans les années 1980 en "nouveau bourbier
afghan", source de démoralisation accrue pour les troupes russes et de
désintérêt, voire d'impopularité au sein de la population, l'événement a permis
de relancer une gigantesque campagne anti-terroriste dans tout le pays. Il a en
effet suscité un regain de peur permanente de nouvelles opérations terroristes
au sein de la population russe. C'était le meilleur moyen de resserrer les
rangs autour du nationalisme et de remobiliser une large union nationale autour
du président Poutine dont l'intransigeance (malgré le prix payé en vies
humaines durant l'assaut), symbole d'un Etat fort, est présentée comme la seule
en mesure d'assurer "la défense du peuple russe". Il faut d'ailleurs
rappeler que Poutine a bâti sa popularité et s'est fait élire sur ce seul
programme : restaurer l'autorité du pouvoir central en apparaissant comme le
champion de l'éradication du terrorisme tchétchène, ayant promis en septembre
1999 d'aller "buter les terroristes tchétchènes jusque dans les
chiottes".
Les nouvelles lois anti-terroristes que le gouvernement s'est empressé de faire
adopter par le parlement permettent non seulement de justifier le flicage et le
quadrillage en règle de la population, d'organiser un véritable état de siège
en poursuivant la chasse au faciès caucasien dans tout le pays, mais elles
délivrent aussi en la matière les pleins pouvoirs au gouvernement. Avec le
soutien de près des deux tiers de la population, l'Etat échappe désormais à
tout contrôle et à toute enquête avec notamment l'interdiction de la remise aux
familles des corps de terroristes tués ou la répression de "tout ce qui
peut nuire aux enquêtes antiterroristes ou les entraver".
La bourgeoisie russe justifie enfin la recrudescence de ses opérations
militaires en Tchétchénie, c'est-à-dire l'intensification effrénée des pires
massacres et des exactions de l'armée.
A tous les niveaux, la bourgeoisie est poussée à recourir systématiquement
au terrorisme. En Russie, la ficelle est si grosse que la presse elle-même,
nationale comme internationale, est amenée à s'interroger ouvertement sur la
manoeuvre manipulatrice, sur comment une cinquantaine de personnes ont pu se
rassembler et pénétrer dans un lieu public au coeur de la capitale en
transportant un arsenal impressionnant, dans une ville où un Tchétchène peut se
faire contrôler et arrêter plusieurs fois par jour dans la rue.
Parmi les hypothèses mises en avant dans Le Monde du 16 novembre sont évoquées
soit une infiltration du commando par les services secrets russes, soit que ces
derniers étaient au courant de l'opération et ont laissé faire dans le but de
relancer la guerre en Tchétchénie. En effet, selon certaines fuites, des agents
des services secrets avaient informé leur hiérarchie des mois à l'avance de la
préparation d'actions à Moscou par le groupe de Movsar Baraev, mais l'information
"se serait perdue comme toujours dans les méandres des échelons
supérieurs". On imagine pourtant mal une information de cette importance
passer inaperçue... Le 29 octobre, le quotidien Moskovski Komsomolets a cité un
informateur anonyme du FSB (ex-KGB) selon lequel le commando était depuis
longtemps "infiltré" par les services russes qui auraient directement
contrôlé quatre des preneurs d'otages.
Le commando était dirigé par le clan Baraev dont les hommes de main ont déjà
joué un rôle éminent dans la guerre en Tchétchénie. Sous couvert de défense
d'un islamisme radical, son ancien chef (assassiné il y a deux ans), oncle du
commandant des preneurs d'otages, entretenait des liens directs avec le
Kremlin. Ses troupes ont en effet été les seules à être épargnées au cours des
bombardements et des massacres de l'armée russe[1] [12].
C'est lui qui avait par ailleurs permis le massacre des principaux chefs de
guerre nationalistes tchétchènes encerclés dans Grozny en les attirant dans un
guet-apens, leur donnant le feu vert pour s'enfuir dans un passage où les
attendaient les troupes russes.
Il faut rappeler le pourquoi de la guerre en Tchétchénie. C'est un territoire
que la Russie ne peut pas lâcher sous peine de nouvelle implosion et d'ouvrir
la voie à des forces incontrôlables. La guerre en Tchétchénie devait servir
d'avertissement pour arrêter net les revendications indépendantistes d'une
multitude de petites républiques tentées de faire sécession avec le risque d'un
nouveau délitement des restes de la Russie, puissant facteur d'accélération du
chaos mondial.
A nouveau, comme lors des épisodes précédents du conflit tchétchène, la Russie
bénéficie aujourd'hui de la complicité et de l'accord tacite des bourgeoisies
occidentales qui, si elles se sont une nouvelle fois émues hypocritement sur
les méthodes brutales de la Russie, approuvent au fond l'opération. Lors du
sommet commun du 11 novembre à Bruxelles avec la Russie, Poutine a fait signer
"un plan d'action commun pour combattre le terrorisme" dans lequel
chaque partie s'engage à renforcer la coopération de leur police et de leur
justice pour livrer les terroristes, sur le même modèle que celui signé entre
l'Union Européenne et les Etats-Unis. Le secrétaire général de l'OTAN, Lord
Robertson, cautionnait d'ailleurs dans une conférence de presse l'argument de
Poutine : "Il devient de plus en plus clair que des éléments terroristes
extérieurs sont impliqués dans l'insurrection en Tchétchénie (...) La Russie a
le droit d'affronter les violations de la loi et de l'ordre sur son
territoire." Toutes les puissances occidentales expriment ainsi leur
soutien et le même intérêt fondamental : éviter par dessus-tout une nouvelle
désintégration de la Fédération de Russie.
La première guerre en Tchétchénie de janvier 1995 à fin 1996 a fait plus de 100
000 morts.
La deuxième guerre en Tchétchénie dès 1999 s'est illustrée par encore davantage
de barbarie : le siège et la quasi-destruction de la capitale, Grozny, par la
traque et les massacres des populations civiles par l'armée d'occupation dans
tout le pays, par l'exode massif des populations civiles se réfugiant dans des
camps de fortune dans les républiques voisines.
Dès l'été 1999, la Russie a systématiquement utilisé la provocation et le
terrorisme au service de la défense de ses intérêts impérialistes.
Ainsi, le chef de la branche islamiste radicale Bassaev (celui là-même qui a
finalement revendiqué la récente prise d'otages de Moscou) envahissait le
Daghestan aux côtés du Saoudien Khattab avec leurs bandes armées composées d'un
millier de Tchétchènes sous couvert de venir en aide à des islamistes locaux.
C'était le premier prétexte tout trouvé par Moscou pour relancer la guerre en
Tchétchénie. Le provocateur Bassaev était notoirement lié au milliardaire
mafieux Berezowski, ancien ami personnel du clan Eltsine. Le second élément
étroitement lié au premier et qui avait servi à justifier la deuxième guerre en
Tchétchénie en 1999 avait été la série d'attentats qui ont fait près de 300
morts à Moscou, au Daghestan et dans la ville de Volgodonsk au sud de la
Russie. L'implication directe dans tous ces attentats du FSB (les services
secrets russes) dont Poutine était l'ancien patron ne fait plus aujourd'hui
aucun doute (Le Monde des 17 et 18 novembre)[2] [13]. Cela
a permis l'arrivée comme premier ministre de Poutine, héritier désigné
d'Eltsine, faisant de la "guerre à mort contre le terrorisme
tchétchène" le tremplin de son élection comme président en décembre 2000.
Cela démontre que le terrorisme est devenu une arme privilégiée dans les règlements
de compte entre Etats et entre fractions bourgeoises (cf. article en première
page).
Mais les intérêts de la bourgeoisie russe à utiliser les actes terroristes
ne s'arrêtent pas là. Cela lui fournit surtout un argument de poids pour
pourchasser les bases et les nids terroristes dans les républiques voisines.
Elle vise en particulier la préparation d'une intervention militaire en
Géorgie, accusée de servir de "base arrière au terrorisme", et
s'avère un objectif majeur de la Russie.
Même si l'approvisionnement de la Russie en pétrole de la mer Caspienne
représentait une ressource économique majeure pour elle, l'appropriation de la
"rente pétrolière" n'est pas sa principale préoccupation. L'Etat
russe a perdu le contrôle des voies d'acheminement du pétrole en 2000 lorsque
les Etats-Unis ont remporté la mise avec l'accord sur l'oléoduc entre la
Turquie et la Caspienne, traversant les trois Etats du Sud-Caucase :
Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie, évitant ainsi un tracé à travers la Russie ou
l'Iran, malgré les efforts de Moscou pour torpiller cet accord. Les tentatives
d'intimidation russes le prouvent : pression depuis quelques années sur la
Géorgie (tentatives d'assassinat du président Chevarnadzé, ex-ministre de
Gorbatchev, notamment en février 1998), sur l'Azerbaïdjan (là aussi accusé de
servir de base arrière au terrorisme tchétchène) et l'Arménie (la main du
Kremlin est patente derrière la tuerie de 1999 en plein parlement arménien où
le premier ministre et le président de l'assemblée parlementaire furent
assassinés). Cependant le sud du Caucase est un axe stratégique central
beaucoup plus large auquel la Russie n'a pas renoncé, en particulier en faisant
pression sur la Géorgie qui en est le pivot central. L'occupation militaire de
la Géorgie permettrait à la Russie de récupérer une partie de son ancienne
influence impérialiste dans le sud du Caucase. Dans le cadre du chacun pour soi
qui domine les rivalités impérialistes actuelles, la Russie a engagé un
véritable bras de fer avec les Etats-Unis en revendiquant les mêmes droits
qu'eux d'envahir d'autres territoires au nom de la lutte antiterroriste.
L'attitude du Kremlin remet en cause l'accord tacite imposé par la Maison
Blanche : "A vous le contrôle du Nord-Caucase, à nous celui du Sud".
La prise d'otages de Moscou constitue un pas de plus vers une expédition
militaire en Géorgie, marquant une opposition russe au refus catégorique du
gouvernement américain de faire la moindre concession à la Russie sur le
Sud-Caucase. Il est édifiant que les deux principales puissances militaires de
la planète (pour la Russie, il s'agit surtout de son potentiel nucléaire encore
impressionnant) revendiquent les mêmes prérogatives.
Il y a une similitude frappante entre l'utilisation de l'alternative terrorisme
/ antiterrorisme aujourd'hui par la bourgeoisie russe depuis 1999 et celle de
la bourgeoisie américaine depuis le 11 septembre. Quels que soient les liens
réels ou la parenté entre Al Qaida et les islamistes tchétchènes radicaux, les parallèles
entre la bourgeoisie russe et la bourgeoisie américaine sont ici multiples,
notamment au travers des bénéfices que ces Etats ex-têtes de bloc, en butte au
chacun pour soi et à la contestation de leur autorité respective, peuvent
retirer des actions terroristes. La guerre en Tchétchénie est un modèle réduit
de la guerre en Afghanistan, à la différence notable près que les Etats-Unis
ont bel et bien posé les pieds en Asie Centrale alors que la Russie ne fait que
rêver de reprendre pied dans le Sud-Caucase d'où elle a été chassée.
La Russie comme caïd régional obéit aux mêmes règles et à la même logique
impérialiste que le grand parrain américain à l'échelle mondiale, la fuite en
avant dans les menées guerrière pour faire respecter sa domination sur les
puissances vassales. Comme pour les Etats-Unis, cette logique la conduit à
rallumer d'autres foyers de conflits interimpérialistes qui risquent de se
propager non seulement dans tout le Caucase mais bien au-delà. Cette poudrière
militariste et guerrière permanente qu'est devenu le monde capitaliste menace
d'entraîner des pans entiers de la planète dans un déchaînement de chaos
sanglant et de barbarie guerrière sans autre perspective pour les populations
prises en otages que de nouveaux massacres.
[1] [14] L'oncle de Mosvar Baraev,
Arbi, avait d'ailleurs obtenu un sauf-conduit de la part d'un responsable des
services secrets (limogé par la suite) lui permettant de circuler librement
dans la région en pleine guerre.
[2] [15] Des poseurs de bombes à Ryazan
pris sur le fait et arrêtés suite à une alerte d'un témoin se sont révélés être
des membres du FSB. Les explosifs trouvés avec eux étaient de même nature que
ceux utilisés lors des attentats, l'hexogène, dont l'armée a le monopole de
fabrication, de stockage et d'utilisation. Les agents ont été désavoués et
radiés par leurs chefs. Par la suite, les autorités ont déclaré qu'il ne
s'agissait que de sucre. Quelques temps après, en plein conflit tchétchène, cet
épisode a été purement et simplement enterré, le dossier étant devenu
"secret défense".
Après la
loi sur la "sécurité intérieure" de Sarkozy
(voir RI n°328), le projet de réforme de la loi de modernisation
sociale (LMS) promulguée par la "gauche plurielle",
et les projets de réforme des retraites et de la sécurité
sociale montrent clairement la détermination du gouvernement
Raffarin à accélérer les attaques contre la classe
ouvrière.
Raffarin et ses ministres ne s'en cachent pas et ne cessent de déclarer,
à travers les médias, qu'il faut se préparer à
la "rigueur", alors que dans tous les secteurs sont annoncés
des licenciements, sur fond de prévisions particulièrement
pessimistes concernant l'état de l'économie.
Mais ce discours de "vérité" de la droite annonçant
une politique d'austérité ouverte permet à l'ancienne
gauche plurielle de rebondir pour "dénoncer" cette
entreprise de "démolition des acquis sociaux et des mesures
positives de la gauche" (dixit Jack Lang). Qu'ont représenté
en réalité ces mesures de gauche ? La mise en place de
dispositions permettant le déploiement d'attaques en profondeur
de la classe ouvrière. Aussi, non seulement la droite est loin
de les jeter au panier, mais tout au contraire elle prend appui dessus
pour mettre les bouchées doubles dans les attaques contre la
classe ouvrière. Qu'on regarde par exemple la "loi de modernisation
sociale", sortie du chapeau de la gauche au moment des licenciements
chez Michelin, Lu-Danone, Mark and Spencer, etc., afin d'alimenter l'illusion
dans la classe ouvrière que cela pourrait constituer un moyen
d'empêcher les patrons de licencier. Cette loi "sociale"
n'a, dans la réalité, aucunement freiné les licenciements,
mis à part dans les petites entreprises, mais bien plutôt
permis de les faire passer plus facilement en chloroformant les ouvriers.
On l'a vu dans les grandes entreprises qui ont continué à
virer en masse leurs salariés ! Les annonces des derniers plans
de licenciement montrent bien qu'il n'était pas nécessaire
d'attendre le gel de la LMS proposé par Fillon.
C'était cela la vraie politique de la gauche : exhiber d'une
main des lois "sociales" aux intitulés ronflants pour
mieux frapper de l'autre.
Au premier semestre 2002, les entreprises françaises ont procédé
à 150 000 licenciements, portant à 2,4 millions le nombre
de sans-emploi officiel, dont 50% à peine sont indemnisés.
Qui était aux rênes du pouvoir jusqu'au 5 mai ? La gauche.
Depuis septembre 2001 (donc plus de huit mois sous le règne PS-PC-Verts),
le chômage aura augmenté de 20% dans la région la
moins touchée jusqu'alors, la région parisienne. Et cela,
alors même que les radiations en masse de chômeurs des listes
de l'ANPE augmentaient de 72,8%. Il faut d'ailleurs signaler que ce
procédé, dans l'art duquel le PS est passé maître,
a été tellement apprécié par la bourgeoisie
allemande qu'elle l'a copié outre-Rhin. Le PS peut prétendre
nous faire "découvrir" que la suppression de sept articles
de la LMS ouvre la porte à la multiplication de "charrettes
de licenciements" et le PC voir la preuve dans le projet Fillon
que cette loi était bien l'expression d'une "politique anti-droite",
tout cela n'est destiné qu'à brouiller les cartes. Il
en est ainsi des attaques contre les conditions de vie des chômeurs
-que la gauche "dénonce" aujourd'hui- comme des licenciements
massifs : la gauche, avant la droite, avait déjà accéléré
le mouvement. En effet, le PS n'a eu de cesse, lorsqu'il était
au gouvernement, à travers des "aménagements"
multiples du chômage (le plus récent étant le PARE),
de s'attaquer au chômage... en attaquant les chômeurs par
leur éviction pure et simple des statistiques, puis du circuit
du travail ou en installant des masses grandissantes d'ouvriers dans
une pseudo-assistance et la précarité réelle.
La "remise en cause" des 35 heures, vaste réforme "historique"
censée lutter contre le chômage, fait encore partie de
la panoplie des accusations de la gauche à l'encontre de la droite.
La gauche se vantait même d'avoir créé à
travers elle près de 2 millions d'emplois ! Une fois de plus,
il suffit de se pencher sur les chiffres du chômage et sur le
nombre de licenciements effectués depuis plus d'un an pour se
rendre compte qu'il s'agit d'un énorme mensonge. Mais la gauche
de la bourgeoisie n'est plus à cela près, son cynisme
et son culot constituant justement deux de ses forces permettant de
mieux mystifier les ouvriers. La loi Aubry, au-delà des discours
mensongers, c'est tout simplement la flexibilité accrue du travail.
Tout cela la droite ne peut pas le renier, elle ne peut qu'en remercier
la gauche … mais pas publiquement (voir RI n° 327).
Parallèlement à ce battage de la gauche, les syndicats
sont à l'offensive pour pourrir le terrain des luttes. Depuis
la manifestation d'EDF-GDF d'octobre (voir RI n°328), on les voit
organiser des journées d'action dans tout un tas de secteurs,
annonçant l'entrée dans une période où ils
vont prétendre contraindre le gouvernement Raffarin à
un bras de fer. D'ailleurs, devant la multiplication des conflits qui
s'annoncent fin novembre et début décembre, routiers,
paysans, fonction publique, etc., les médias nous répètent
que Raffarin cherche à tout prix à éviter "la
contagion des conflits". Le "spectre de 1995" est même
régulièrement et de plus en plus clairement mis en avant,
manière d'accréditer la détermination des syndicats
à en découdre. En réalité, il s'agit de
la poursuite d'une stratégie de dispersion et d'éparpillement
des ouvriers pour faire passer les attaques en évitant les tentatives
réelles de s'y opposer. S'ils multiplient les appels à
la mobilisation derrière eux, par secteurs, par corporations,
les uns après les autres avec des revendications spécifiques,
c'est afin de pousser à la division et à l'isolement et
mieux saboter les potentialités de riposte ouvrière. Et
lorsqu'ils prétendent faire "l'unité", c'est
en fait pour dévoyer les inquiétudes des ouvriers sur
de fausses questions comme celle de la "défense du service
public" (mobilisation du 3 octobre dernier) et pour orchestrer
la dispersion à travers la mise en avant d'une collection de
revendications spécifiques et de cas "particuliers".
C'est ce qu'ils préparent à nouveau avec la journée
d'action du 26 novembre, dont le résultat escompté est
le déboussolement, le sentiment d'impuissance. Initialement planifiée
par cinq fédérations de cheminots sur la question de "moyens
humains, matériels et financiers" et contre la libéralisation
du secteur ferroviaire, elle se transforme à présent en
une journée d'action de différents secteurs aux objectifs
informes, en un fatras où les revendications légitimes
sur les retraites dans la fonction publique vont être soigneusement
noyées au milieu de mystifications telles que la "défense
du service public" contre les privatisations et la "politique
ultralibérale" du gouvernement. Un tel amalgame présente
un triple avantage pour ces ennemis de la classe ouvrière. Tout
d'abord la mise en œuvre de la dispersion totale de la journée
d'action et de la manifestation, chaque syndicat appelant à la
mobilisation sur tel ou tel aspect catégoriel comme cela se dessine
pour les salariés d'Air France, de la RATP, de France Telecom
ou encore les hospitaliers. Puis la division entre différentes
catégories, tous les syndicats n'appelant pas forcément
à la manifestation à l'instar de la FSU qui veut mobiliser
les enseignants le dimanche 8 décembre. Enfin, l'isolement des
ouvriers du public de ceux du privé, faisant de la revendication
légitime des premiers sur les retraites une spécificité
ne concernant pas les seconds. Or, si les salariés du secteur
privé ont déjà connu une attaque en profondeur
contre leurs retraites - allongement de la durée de temps de
travail allié au développement du travail à temps
partiel - la perspective annoncée est d'imposer à tous
les ouvriers, du public comme du privé, 42 ans de cotisations.
Cette fausse unité est un véritable poison pour la classe
ouvrière, tout autant que les mobilisations ouvertement sectorielles.
Elle fait partie d'un travail de pourrissement de la conscience ouvrière
et du terrain de ses luttes, de manière à affaiblir ses
capacités de riposte face aux attaques massives à venir.
Il ne faut pas être dupes, suivre les syndicats, écouter
les sirènes de la gauche, c'est se livrer pieds et poings liés
à une aggravation sans précédent de toutes les
conditions de vie et de travail.
"C'est ainsi, dans le fracas de l'artillerie, dans l'obscurité, au milieu des haines, de la peur et de l'audace la plus téméraire, que naquit la nouvelle Russie (…) Pareils à un fleuve noir emplissant toute la rue, sans chants ni rires, nous passions sous l'Arche Rouge (…) De l'autre côté de l'Arche, nous priment le pas de course, nous baissant et nous faisant aussi petits que possible, puis, nous rassemblant derrière le piédestal de la colonne d'Alexandre (…) Après être restés quelques minutes massée derrière la colonne, la troupe, qui se composait de quelques centaines d'hommes, retrouva son calme et, sans nouveaux ordres, d'elle-même, repartit en avant. Grâce à la lumière qui tombait des fenêtres du Palais d'Hiver, j'avais réussi à distinguer que les deux ou trois cents premiers étaient des gardes rouges, parmi lesquels étaient disséminés seulement quelques soldats (…) Un soldat et un garde rouge apparurent dans la porte, écartant la foule : ils étaient suivis d'autres gardes, baïonnette au canon, escortant une demi-douzaine de civils qui avançaient l'un derrière l'autre. C'était les membres du Gouvernement provisoire (…) Nous sortîmes dans la nuit glacée, toute frémissante et bruissante de troupes invisibles, sillonnées de patrouilles (…) Sous nos pieds, le trottoir était jonché de débris de stuc de la corniche du Palais qui avait reçu deux obus du croiseur "Aurora". C'était les seuls dégâts causés par le bombardement. Il était trois heures du matin. Sur la Nevski, tous les becs de gaz étaient de nouveau allumés; le canon de 3 pouces avait été enlevé et seuls les gardes rouges et les soldats accroupis autour des feux rappelaient encore la guerre (…) A Smolny, des bureaux du Comité Militaire Révolutionnaire semblaient jaillir des éclairs, comme d'une dynamo travaillant à trop grande puissance."
"J'ai lu avec un immense intérêt et la même attention jusqu'au bout le livre de John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde. Je le recommande du fond du cœur aux ouvriers de tous les pays. Je voudrais que cet ouvrage fut répandu à des millions d'exemplaires et traduit dans toutes les langues, car il donne un tableau exact et extraordinairement vivant d'événements qui ont une si grande importance pour l'intelligence de ce qu'est la révolution prolétarienne, de ce qu'est la dictature du prolétariat."
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