L’enfoncement de l’économie mondiale dans une récession qui n’a d’égale que celle des années 1930, signe la faillite irrémédiable du capitalisme. Face à l’aggravation de la crise, la classe dominante, en France comme dans tous les pays, n’a pas d’autre alternative que de poursuivre et renforcer ses attaques contre toutes les conditions de vie de la classe ouvrière.
Licenciements massifs dans les entreprises privées, suppressions de postes dans la fonction publique, baisse des salaires et du pouvoir d’achat, diminutions des prestations sociales, etc., aucun secteur, aucune catégorie socio-professionnelle n’est aujourd’hui épargnée par les coups de boutoir de cette crise économique.
La bourgeoisie veut nous faire croire que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, qu’il suffit de “moraliser” le capitalisme, de lutter contre les abus des patrons et de mettre en place une meilleure gestion du système pour sortir du tunnel. A condition bien sûr que chacun y mette un peu du sien et que les travailleurs acceptent quelques sacrifices pour aider les gouvernements à sortir de l’impasse.
Tous ces discours ne sont que des mensonges ! Toutes les fractions de la classe dominante, son gouvernement, son patronat, ses partis politiques de gauche comme de droite et ses “experts” savent pertinemment que ce système est gangréné jusqu’à la moelle et que les sacrifices d’aujourd’hui ne peuvent qu’appeler d’autres sacrifices demain.
Les jeunes générations de prolétaires ne se font d’ailleurs aucune illusion : elles savent très bien que la seule perspective que leur offre le capitalisme, c’est le chômage, la précarité des petits boulots et la misère.
C’est justement face à cet avenir totalement bouché que partout, dans les entreprises du public et du privé, de même que parmi les étudiants et lycéens, la colère continue à monter.
Depuis le début de l’année, il ne se passe pas un jour sans qu’une grève n’éclate dans telle ou telle entreprise pour des augmentations de salaire, contre les licenciements et la dégradation générale des conditions de travail. Et cette situation ne concerne pas seulement la France, mais tous les pays et tous les continents.
Face aux attaques tous azimuts, face au chômage et à l’aggravation de la misère, les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de se battre pour la défense de leurs conditions de vie et pour l’avenir de leurs enfants.
Mais comment peut-on lutter efficacement, construire un rapport de force en notre faveur face aux attaques du capital, de son patronat et de son gouvernement ?
Le seul moyen d’obliger la bourgeoisie à reculer et à freiner ses attaques, c’est de lutter massivement, tous unis, en brisant toutes les divisions corporatistes, par secteur et par entreprise. Si nous nous battons chacun dans notre coin en mettant en avant nos propres revendications spécifiques, nous allons inévitablement à la défaite, paquet par paquet.
Pour se battre tous unis, il faut mettre en avant des revendications communes à tous, et dans lesquelles tous les travailleurs de toutes les entreprises peuvent se reconnaître et se retrouver. Si nous restons enfermés derrière les revendications qui ne concernent que les salariés de notre entreprise, nous ne parviendrons jamais à développer une lutte massive et à obtenir la solidarité active des autres entreprises.
Si nous nous battons tous seuls à l’intérieur de nos “boîtes” en menant des actions radicales comme celles de la séquestration des patrons, le gouvernement et le patronat ne reculeront pas. Nous irons inévitablement à la défaite et à la démoralisation.
C’est la solidarité de tous les travailleurs qui doit être le ciment de notre combat. Pour cela, il faut sortir de nos “boîtes”, étendre la lutte en allant massivement dans les entreprises les plus proches afin de pousser les autres travailleurs à s’engager eux aussi dans un seul et même mouvement.
Il faut aussi aller dans tous les lieux publics où peuvent se tenir des meetings et des assemblées générales auxquelles doivent pouvoir participer tous les travailleurs, les chômeurs, les étudiants. Il faut discuter collectivement de la situation à laquelle nous sommes tous confrontés afin de décider des actions à mener.
Dans les manifestations organisées à l’appel des syndicats, nous devons mettre en avant des mots d’ordre unitaires et unificateurs (et non pas défiler derrière les banderoles de “sa” boîte ou de “son” syndicat).
Souvenons-nous que si les travailleurs de la Guadeloupe ont réussi à obtenir gain de cause et ont pu faire reculer la bourgeoisie sur les 200 euros d’augmentation de salaires, c’est grâce à leur détermination à aller jusqu’au bout, en développant une lutte massive où tous les secteurs étaient mobilisés et unis.
La grève des travailleurs de la Guadeloupe nous a montré le chemin à suivre.
Ne nous laissons pas diviser par tous les simulacres de lutte ! Refusons toute “négociation” par entreprise, par secteur, par région !
Seule la lutte massive, solidaire et unie paie !
RI
Sur le site Web de la “Cité des Sciences et de l’Industrie”, a été placé le commentaire suivant, émanant d’une certaine Delphine Gardey, historienne au CNRS : “C’est de la faute aux mouvements ouvriers ! Là-dessus, le mouvement ouvrier n’a pas été formidable, parce qu’il a été aussi extrêmement anti-féminin et antiféministe à ses débuts, notamment sous l’inspiration de Proudhon, et la revendication “A travail égal, salaire égal” a mis du temps à être acceptée par les syndicats révolutionnaires, qui pouvaient voir dans le travail féminin une forme de concurrence ; de plus les hommes ne souhaitaient pas démissionner du pouvoir domestique dont ils étaient finalement les détenteurs au sein de l’espace domestique ouvrier. Il y a eu une lutte au sein des foyers avec des répercutions importantes sur la vie des femmes et leur possibilité d’avoir des salaires dignes de ce nom.”
Ce commentaire appelle une brève réponse de notre part.
Il est vrai que le mouvement ouvrier en France a été marqué par la misogynie de Proudhon. Mais, même s’il a eu du mal à se dégager progressivement des préjugés de l’époque, le mouvement ouvrier n’est pas responsable d’une vision inégalitaire de sexes, comme le prétend Madame Gardey !
Ces préjugés, dont Proudhon s’était fait le porte-parole, ont eu, certes, une certaine influence en France, en Espagne, en Italie et en Belgique (en Grande-Bretagne, la classe ouvrière était surtout influencée par Owen).
Le mouvement ouvrier ne se développe pas d’emblée avec une pleine clarté et est forcément marqué par les préjugés ambiants et l’idéologie de la classe dominante. Néanmoins, dès ses origines, il n’a pas été marqué seulement par les préjugés sexistes de Proudhon, mais aussi par Fourier qui faisait également partie des socialistes utopistes. Or, contrairement à Proudhon, Fourier était, quant à lui, pour l’égalité des sexes.
D’après Delphine Gardey, le mouvement ouvrier serait responsable du sexisme, ce qui est totalement faux ! Dès le début, le mouvement ouvrier a mené un combat pour éliminer les préjugés bourgeois. Le syndicalisme révolutionnaire en France, en Espagne, en Italie a été inspiré en partie par le proudhonisme, car l’idéologie patriarcale était beaucoup plus puissante dans les pays latins que dans ceux d’Europe du nord.
En réalité, il semble que Delphine Garrey s’évertue surtout à séparer la lutte des femmes du mouvement ouvrier. Les “féministes” n’ont jamais compris que les femmes ne pourront se libérer de l’oppression sexiste que par la lutte contre l’exploitation capitaliste, en se situant d’un point de vue de classe en tant que prolétaires.
Marx et Engels (notamment dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État) avaient déjà démontré que l’oppression des femmes n’est qu’une reproduction de l’exploitation de la classe ouvrière. C’est ce qu’avaient compris également Charles Fourier et Auguste Bebel.
Et c’est justement parce que la lutte des femmes fait partie intégrante de la lutte de la classe exploitée que les partis socialistes au xixe siècle (notamment le parti allemand) comportaient des sections féminines regroupées dans l’Internationale des femmes.
Sur cette question, nous renvoyons nos lecteurs à notre article de mars 2008, “Journée Internationale des femmes : seule la société communiste peut mettre fin à l’oppression des femmes [2]” (RI, no 388).
Sofiane
Nous poursuivons ici notre série d’articles commencée dans le n° 400 de RI sur cette “nouvelle” organisation au sein du paysage politique en France qui se présente comme “Nouveau parti anticapitaliste”. Avant même d’entreprendre un retour vers la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et d’analyser ce qu’a représenté le “mouvement trotskiste”, où la LCR elle-même plonge ses racines, il nous paraît indispensable d’examiner quels sont les liens et les différences entre le NPA et la LCR qui lui a donné naissance.
La crise du capitalisme révèle aujourd’hui de façon criante sa faillite. Face à l’explosion des inégalités sociales, des plans de licenciements, de la précarité, se développent non seulement une colère, une exaspération et une combativité mais aussi une réflexion consciente, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires, qui les poussent vers le refus d’un système d’exploitation qui mène l’humanité à sa perte. C’est dans ce contexte qu’émerge ce nouveau parti, le NPA, qui suscite un élan de sympathie et connaît un certain succès dans la mesure où il se présente, surtout auprès des jeunes, comme un “parti de luttes” et délivre un message mettant en accusation le système capitaliste.
Effectivement, le NPA dresse d’abord dans l’exposé de ses “Principes fondateurs” un état des lieux des méfaits du capitalisme où il met en évidence que “le capitalisme met l’humanité et la planète en danger” et déclare que “les ravages de la domination capitaliste donnent toute son actualité à l’alternative ’socialisme ou barbarie’” en reprenant à son compte l’expression d’Engels et de Rosa Luxemburg. Mais est-ce que ce nouveau parti permet de faire fructifier réellement le développement actuel de la lutte des classes et apporte une véritable perspective révolutionnaire capable de sortir la société de l’impasse où la condamne le capitalisme ? Que dit son “programme” ?
Dans les “Principes fondateurs du NPA”, on trouve en préambule cette déclaration : “La seule réponse à la crise globalisée du capitalisme, le combat dont dépend l’avenir de l’humanité, c’est le combat pour un socialisme du xxie siècle démocratique, écologique et féministe.”
Et la suite est un long catalogue de recettes maintes fois avancées (notamment par la LCR) pour réformer le système, mieux le gérer, alignant une longue série de droits démocratiques à défendre et de revendications pour une meilleure gestion économique, sociale et environnementale du capitalisme : nationalisation des services publics et des ressources naturelles, promulgation de décrets pour interdire les licenciements, “appropriation sociale du produit du travail” (c’est à-dire autogestion des entreprises), expropriation sans indemnisation des grands groupes capitalistes sous le contrôle des salariés et de la population, redistribution des richesses sous contrôle de l’Etat mais aussi respect des droits démocratiques des minorités, “lutte contre toute forme de sexisme, de racisme, de discrimination (sexuelle, religieuse ou ethnique) et d’oppression”. Il s’agirait donc, dans son Programme (présenté comme “provisoire”), d’instaurer “plus de démocratie” pour déboucher sur une “meilleure répartition”, “plus équitable”, des richesses. L’urgence ? Ce serait, selon lui, de mettre en avant un... “Programme d’urgences sociales, démocratiques et écologiques”... qui n’a rien de nouveau ni de révolutionnaire mais qui est un “copié-collé” du programme de la LCR, lui-même largement inspiré par les méthodes du “Programme de transition” trotskiste de la IVe Internationale en 1938) (1). Ce programme, conduit à une séparation “tactique” entre d’un côté un “programme minimum” réformiste, à mettre en place immédiatement, et de l’autre un lointain “programme maximum” révolutionnaire. Mais cette séparation, en fait, isole la lutte économique des prolétaires (pour la défense de leurs conditions de vie) de la lutte politique dont ils sont porteurs comme seule force capable de renverser le capitalisme ! Et finalement, la boutique à l’enseigne du NPA nous propose, à la place de faire la révolution, ce cocktail fait de revendications hétéroclites. Bien entendu, le NPA ne déclare jamais renoncer à la révolution, mais il n’évoque cette perspective que dans un seul passage dans ses “Principes”, au milieu de ses recettes pour “lutter efficacement” contre le capitalisme. On trouve ainsi cette affirmation : “Une domination de classe ne peut pas être éliminée par voie de réformes. Les luttes peuvent permettre de la contenir, de lui arracher des mesures progressistes pour les classes populaires, pas la supprimer. En 1789, la domination de classe privilégiée de l’Ancien Régime n’a pas été abolie par des réformes. Il a fallu une révolution pour l’éliminer. Il faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme.”
Non seulement la prétendue “révolution sociale” que le NPA évoque pour un lointain avenir est repoussée aux calendes grecques mais, de plus, elle est calquée sur le modèle de la révolution bourgeoise, permettant ainsi de masquer la différence fondamentale de nature de classe entre bourgeoisie et prolétariat.
Alors que la bourgeoisie a déjà conquis le pouvoir économique sous l’Ancien Régime, le prolétariat n’a aucun pouvoir économique dans la société capitaliste où il reste toujours une classe exploitée. Comme nous l’avons maintes fois affirmé : “Alors que la révolution bourgeoise constituait, fondamentalement, le couronnement politique de la domination économique bourgeoise sur la société qui s’était étendue progressivement et fermement sur les vestiges de la société féodale décadente, le prolétariat ne détient aucun pouvoir économique au sein du capitalisme (...) Les seules armes qu’il puisse utiliser sont sa conscience de classe et sa capacité à organiser sa propre activité révolutionnaire.” (Revue internationale no 1, 2e trimestre 1975).
Dans les faits, le NPA ne s’adresse aux éléments en recherche “d’un parti révolutionnaire” que pour les attirer à lui, notamment les plus jeunes, sur le même modèle que la LCR (2) qui ciblait à ses débuts un milieu plus spécifiquement étudiant, nettement moins prolétarisé à l’époque. Le NPA “cherche à organiser massivement des jeunes dans le nouveau parti”. Pour cela, il organise des campagnes intensives de recrutement dans les lycées et à l’université. Cela ne sert qu’à appâter ces jeunes pour obscurcir leur conscience, saper et pourrir la réflexion de ces jeunes générations ouvrières qui veulent changer le monde, en les entraînant dans l’impasse du réformisme. Dans ce cadre, le changement de nom opéré de “LCR” au “NPA” apparaît significatif. Pourquoi ? Il est clair que, même si ce changement d’appellation n’a été approuvé qu’à une courte majorité lors du vote des délégués, l’abandon des termes “communiste” et “révolutionnaire” n’est pas fortuit. Ce quasi-abandon de toute référence au communisme et à la révolution traduit en fait ses objectifs essentiels.
Si le NPA a doublé le nombre de ses adhérents par rapport à la LCR, c’est en raison d’une “ouverture”, et il faut se poser la question : dans quelle direction ? Le NPA cherche à ratisser plus large et, pour cela, il se veut “rassembleur”. Il tend ainsi ouvertement la main à tous ceux qui sont effarouchés ou rebutés par les termes de “communisme” et surtout de “révolution”, à tous ceux qui ne “croient pas à la révolution”. Il cherche par conséquent à intégrer en son sein ceux qui pensent qu’il faut seulement et avant tout lutter pour de “vraies réformes”, qu’il faut “faire quelque chose” et apporter des “propositions concrètes” pour s’opposer aux effets les plus ravageurs du “libéralisme économique”.
L’argument le plus courant qui nous est opposé dans les discussions avec des sympathisants du NPA se résume à ce discours : “Vous critiquez ce qu’ils proposent mais eux font au moins quelque chose. Se regrouper pour agir dans le sens d’améliorer le sort des exploités et des opprimés, c’est toujours mieux que rien. Au lieu de se diviser dans des querelles dogmatiques de chapelles ou d’organisations, il faut unir les efforts de tous les ouvriers de bonne volonté. De toutes façons, tout le monde se retrouvera pour lutter ensemble, même au moment de la révolution, parce que, quel que soit le parti auquel on adhère, il faut se rassembler dans la mesure où une même volonté et une même sincérité existent chez chacun pour lutter contre le capitalisme”.
Il faut être clair. Il ne s’agit nullement de mettre en cause la sincérité ou la volonté de lutte des adhérents ou des sympathisants du NPA. Mais la nature de classe d’une organisation n’est pas liée à une adhésion sincère d’une majorité des ouvriers à celle-ci. Les expériences traversées et accumulées par la classe ouvrière ont également démontré la fausseté d’une vision d’union des bonnes volontés qui est chaque fois cruellement démentie par l’histoire du mouvement ouvrier tout au long du xxe siècle.
• Ainsi en 1914, le courant réformiste et le courant révolutionnaire coexistaient certes encore dans le mouvement ouvrier et c’est le courant réformiste qui était largement majoritaire, alors que des millions de travailleurs adhéraient au parti social-démocrate. C’est le réformisme de la social-démocratie qui a ouvert la voie à la trahison des intérêts du prolétariat et à son ralliement à la “défense de la patrie”, qui a permis l’embrigadement de millions d’ouvriers et leur massacre dans la Première Guerre impérialiste mondiale.
• En 1919, c’est cette même majorité de la social-démocratie qui a servi de rempart au maintien de l’ordre capitaliste face à la vague révolutionnaire, et c’est parce qu’elle était auréolée de son étiquette de “parti ouvrier et progressiste” qu’à la tête de l’Etat bourgeois, elle a pu noyer dans le sang l’insurrection ouvrière à Berlin et faire assassiner des centaines de militants révolutionnaires, dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht.
• Dans les années 1930, ce sont les partis staliniens qui, au nom de la IIIe Internationale, ont mené une politique systématique d’extermination des anciens bolcheviks et des ouvriers révolutionnaires. Les militants les plus combatifs, les plus sincères et les plus dévoués au sein de ces partis se sont retrouvés dans le camp des victimes ; mais dans cette tragédie, beaucoup de militants sincères, trompés par leur parti, ont également marché derrière les crapules staliniennes, dans le camp des massacreurs et des bourreaux et se sont retrouvés parmi les exécutants involontaires de la contre-révolution.
Le PS et le PC ont été composés d’ouvriers dévoués et combatifs dont l’engagement était totalement sincère alors que ces ex-partis ouvriers perpétraient les pires crimes et étaient à travers leur programme devenus des partis à la solde de la bourgeoisie. Cela démontre du même coup qu’il ne faut pas juger une organisation sur ce qu’elle prétend être mais voir à quels intérêts de classe répond le programme qu’elle défend et la politique qu’elle mène.
Nous pouvons affirmer que le NPA est une simple “excroissance” de la LCR parce que la seule cohérence de son programme n’est pas celle d’organisations qui défendraient les intérêts de classe du prolétariat et qui ne pourraient s’affirmer comme révolutionnaires qu’en combattant fermement les illusions réformistes, mais obéit à la logique des partis bourgeois.
En fait, la création du NPA correspond à un besoin pour la bourgeoisie de sécréter des partis qui se présentent comme des amis ou des défenseurs des ouvriers pour contrôler, enrayer, dévoyer le développement de ses combats de classe et obscurcir sa conscience de la nécessité du renversement révolutionnaire du capitalisme. Ce besoin est d’autant plus nécessaire que les partis sociaux-démocrates et les partis staliniens sont de plus en plus discrédités et sont incapables aujourd’hui de tenir ce rôle, comme le met en évidence le NPA lui-même qui postule à en prendre la relève.
W (20 avril)
1)
Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ce sujet dans un
article ultérieur, quand nous aborderons la partie historique
consacrée à la LCR.
2) C’est la JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire) fondée au printemps 1966 par des étudiants après leur exclusion de l’Union des étudiants communistes (téléguidée et noyautée par le PCF stalinien) qui est même à l’origine de la LCR.
Depuis des mois, alors que les attaques brutales pleuvent et que la colère des ouvriers monte, les syndicats n’ont cessé de diviser, d’organiser des rassemblements dispersés dans le temps et l’espace, d’abuser de manœuvres dilatoires pour espacer les manifestations, saucissonner les luttes.
Un tel sabotage, de plus en plus évident aux yeux des prolétaires conscients, suscite réflexion et questionnement. Face à cela, les syndicats et les gauchistes, dont le NPA fraîchement moulu, soulignent qu’il ne faut “pas attendre pour lutter”. Evidemment, chacun dans son coin ! Les luttes qui se multiplient malgré tout se retrouvent isolées et cadenassées par les syndicats et leurs complices gauchistes. Parmi de nombreux exemples, nous voulons souligner celui hautement symbolique de la grève des postiers des Hauts-de-Seine.
A plus d’un titre, ce conflit est révélateur d’un véritable travail de sape. Plusieurs salariés de La Poste, dont le célèbre leader du NPA Besancenot, se sont mis en grève contre une réforme de la distribution du courrier. On apprend cependant que cela fait deux mois que les postiers “marinent dans leur jus” contre un projet de réorganisation des tournées. La grève, initiée par SUD-PTT, soutenue également par la CGT et CFTC, est restée complètement isolée. Sur cette longue période, le mouvement limité d’abord à la ville de Boulogne-Billancourt est resté confiné à quelques communes du département. Qu’ont fait les syndicats ? Qu’a fait le très charismatique Besancenot et son NPA ?
Ont-ils appelé à étendre le mouvement aux autres secteurs en lutte ou à chercher la solidarité des autres salariés ? Aucunement. Pour s’en convaincre, il suffit de laisser la parole à un syndicaliste qui décrit ce qui ne peut que traduire un verrouillage syndical complet : “Nous sommes environ 150 postiers dont Olivier Besancenot, lui-même facteur dans les Hauts-de-Seine, à occuper le hall de La Poste. Nous allons pique-niquer sur place avec des merguez jusqu’à ce que la direction nous reçoive” (1). Une intervention de Besancenot sur le lieu de travail confirme cette même stratégie d’enfermement. Son radicalisme ne tolère qu’une extension… celle du secteur !
Qu’on en juge par les quelques extraits significatifs de ses propos reportés d’une vidéo amateur (2) : “On voudrait s’adresser aux collègues du centre de tri (…) on est parti pour rester un bout de temps ici (…) on a une revendication qui nous est commune, vous les centres de tri et nous la distribution : c’est l’oseille (…) Nous ce qu’on veut c’est qu’un moment donné il y ait des négociations quotidiennes (…) nous on est là, on va pas bouger (…) nous on va pas reprendre le boulot tant que la boîte n’aura pas lâché quelque chose (…) les bénéfices de la boîte on n’en voit pas la couleur (…) comme la boîte ne veut rien entendre, nous on monte d’un cran aussi…”. La boîte, et rien que la boîte !
Alors que le NPA nous ressasse à volonté dans les manifestations et au travers des discours de son beau parleur Besancenot que ce qu’il faut pour se défendre, “c’est la grève générale”, voilà sur le terrain de la lutte ce que ce “radicalisme” miraculeux produit en réalité : l’enfermement dans son entreprise et dans le pire isolement, le tout assaisonné de la chanson syndicale la plus traditionnelle !
Tout ceci confirme ce que nous disions dans un article récent à propos du NPA et de son leader télévisuel : “En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein des différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible” (3). Pour développer et étendre leurs luttes, les ouvriers ne peuvent donc que compter sur leurs propres forces. En aucun cas ils ne doivent se laisser endormir sur place par les “vieilles recettes” syndicales, même “relookées”, qui s’avèrent toujours être un piège mortel.
WH ( 3 avril)
1) Déclaration de Yvon Melo, représentant de Sud-PTT, Source : AFP Libération du 13 mars 2009.
2) Nos lecteurs peuvent vérifier par eux-mêmes ces propos sur la vidéo du site : http ://bellaciao.org/fr/spip.php ?article82239#forum308849.
3) Voir notre série d’articles en cours sur l’histoire du NPA sur notre site et dans notre presse.
Suite à une loi promulguée par le gouvernement le 14 décembre 2006, le corps des infirmières et infirmiers libéraux et hospitaliers est placé sous la houlette d’un “Ordre national infirmier”, créé de toutes pièces par l’Etat et les syndicats représentant les infirmières libérales, dont en particulier le Syndicat national des professions infirmières et la fameuse Coordination infirmière née lors des luttes de la santé en 1988.
Cet Ordre se veut être une sorte de pendant de l’Ordre des médecins et a pour justification de modifier le “statut” des infirmières en leur ouvrant l’accès à des masters ou doctorats en soins infirmiers, à l’instar de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons ou au Canada. Cet Ordre, nouvelle maffia professionnelle comme l’Ordre des médecins, a été mis en place sans aucune consultation des personnels concernés, sinon de leur adresser des bulletins de vote pour des candidat(e)s sortis du néant et parfaitement inconnus. Plus de 80 % d’entre eux n’ont pas répondu à cette demande qui ne correspond à aucun besoin, sinon celui de mettre en carte ce corps de métier sous prétexte de “valorisation” ! De façon générale, il a été donc totalement et clairement rejeté par les infirmières, avec une “représentation” de membres “élus” à moins de 20 % de la profession, mais qui imposeront on ne sait quelles nouvelles règles, au nom de la “déontologie” soignante infirmière. Au sein de cette catégorie de personnel de plus en plus soumise à des contraintes légales où “la qualité des soins accordés au patient” est devenue la tasse de thé du discours officiel, et tandis que les moyens qui lui sont accordés sont de plus en plus maigres et lamentablement exsangues, il est clair que le but est d’encadrer cette catégorie de personnel afin de la “responsabiliser” au maximum et lui faire porter à terme le chapeau des “erreurs” éventuelles de soins. L’éthique soignante, l’obligation de moyens par les soignants, c’est comme la confiture, moins on en a les possibilités matérielles, plus on en parle.
Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, qui réduit avec une virulence sans faille au strict minimum les personnels hospitaliers, n’a d’ailleurs de cesse de répéter que, dans les hôpitaux et autres cliniques, ce n’est pas une question de “moyens” mais “d’organisation” si rien ne va plus. Il suffit d’ailleurs de se rendre aux urgences de n’importe quel hôpital pour évaluer in vivo combien infirmières, infirmiers, aides-soignantes et médecins se prélassent mollement au rythme exaltant des pin-pons des ambulances.
L’Ordre infirmier existe donc bel et bien aujourd’hui, en-dehors de et contre la volonté même de la profession. Et, arnaque ultime, on demande dès à présent à cette catégorie de personnel de cotiser obligatoirement à hauteur de 75 euros par an et par tête de pipe pour faire exister cet Ordre infirmier !
C’est se moquer du monde ; d’autant que les hospitaliers, qui connaissent des conditions de travail profondément dégradées, n’ont connu aucune valorisation de salaire depuis 2005, et encore à l’époque, de 0,3 % de leur salaire. Mais le gouvernement, soutenant à pleine voix cet Ordre nouveau, va exiger à travers ses instances comme les DDASS (Directions départementales des affaires sociales et sanitaires), que l’ensemble des personnels concernés fassent leur chèque.
Fort heureusement, les syndicats, défenseurs patentés et attitrés de l’intérêt des salariés, donnent dès à présent de la voix. Alors qu’ils n’ont parlé que du bout des lèvres de l’annonce de constitution de cet Ordre infirmier, pourtant déjà en gestation depuis 2005, SUD, FO, CFDT et CGT ne cessent de produire au sein des hôpitaux des tracts “dénonçant” cette sale affaire. Pour la CFDT, on peut lire : “L’Ordre infirmier : chronique d’un racket annoncé” (annoncé, en effet, de longue date) ; pour FO : “Payer pour travailler, hors de question” ; et pour SUD : “Les IDE taxées à 75 euros”. Enfin, pour la CGT, il s’agit d’une “escroquerie à la profession”.
Le radicalisme du verbe est à l’encan. Ainsi, la CFDT calcule que le budget de fonctionnement de l’Ordre infirmier correspond approximativement à 1000 postes infirmiers par an, postes dramatiquement absents pour assurer des soins à la population, sans se positionner plus que cela, tandis que FO lance un courageux mot d’ordre de “grève de la cotisation”. Comment ? Mystère et boule de gomme. Quant à SUD-Santé, qui s’insurge que la cotisation représente “75x480 000 IDE = 36 000 000 euros”, “les IDE (Infirmières diplômées d’Etat) n’ont pas à payer les frais de bouche, d’hébergement, ni les locaux (luxueux), ni les voyages en première classe. Ces soi-disant élus de l’ordre (20 % de votants) ne nous représentent pas. C’est un ordre inutile et réactionnaire, à la solde du gouvernement et des futures ARS (Agences régionales de santé)”. On ne peut que souscrire à tous ces cris de révolte de Sud-Santé et de ses petits copains d’autres syndicats. Cet Ordre infirmier est en effet réactionnaire et surtout l’émanation d’une idéologie profondément corporatiste. Mais, sans jeu de mot, c’est l’hôpital qui se fout de la charité !
La France compte le taux de syndicalisés le plus bas des pays développés d’Europe : 8 %, c’est-à-dire une minorité très faible des salariés. Pourtant, c’est à hauteur de 190 millions d’euros que les syndicats en France sont soutenus par l’Etat (chiffres de 2003), sur la part des dépenses publiques, à savoir des impôts des salariés, dont 92 % estiment ne pas ressentir le besoin de se syndiquer. De plus, il faut ajouter à ces sommes non négligeables le fait que la France est en revanche le pays d’Europe qui compte le plus de permanents syndicaux comparativement au nombre de syndiqués. Tout cela sans compter que ces “salariés” syndiqués comptent moult heures de formation, ou “syndicales”, destinées prétendument à “défendre” leurs collègues. Et puis, il y a aussi les congrès.
Ce que déplore probablement Sud-Santé dans son tract, c’est que les hôtels et autres buffets pantagruéliques auxquels ils sont invités très régulièrement aux frais de la princesse, c’est-à-dire des ouvriers, durant ces congrès, en plus des subventions écœurantes qui les tiennent à bout de bras, ne sont pas assez bien pour eux, et que les “frais de bouche”, “les hébergements” et “les voyages” ne sont pas du niveau de confort mérité par ces dignes représentants des intérêts de la bourgeoisie.
Enfin, il faut rappeler que ces mêmes syndicats sont les meilleurs acteurs du corporatisme le plus crasse qu’ils exhalent dans les rangs ouvriers, infirmiers, ou autres. Aussi, en définitive, si l’Ordre infirmier était géré par les syndicats, il n’y aurait plus de problème.
Wilma (22 avril)
Depuis quelques mois, ce genre de petites phrases foisonne dans la presse :
• “Lorsque les suppressions d’emplois se multiplient, la crise est un défi pour les syndicats européens : comment contenir la colère sociale qui commence à monter dans certains pays comme la France ?”(“Les syndicats européens malmenés par la crise”, le Monde du 7 avril).
• “Les syndicats essaient de canaliser tant bien que mal le mécontentementet donc de préserver l’ordre social”(“Lettre ouverte à mes amis de la classe dirigeante”, AlainMinc (1),le Figaro du 23 mars).
• “Quant aux syndicats, ils font le job en mettant en valeur leur responsabilité, c’est-à-dire leur capacité à canaliser la révolte...”(“Manifs : l’impuissance face à la colère”, Marianne,le 20 mars).
Les syndicats sont censés être des “professionnels de la lutte”. Officiellement, c’est à eux que revient la tâche de défendre la classe ouvrière, en organisant la grève quand cela est nécessaire. Or, si une chose est bien claire dans ces citations, c’est que la classe dominante compte sur eux pour faire tout le contraire :“Contenir la colère”, “canaliser le mécontentement”,“canaliser la révolte”, “préserver l’ordre social”…
De quel côté les syndicats sont-ils vraiment ? Si certains ouvriers se le demandent encore, la bourgeoisie semble, elle, le savoir parfaitement : du sien ! (2)
Pawel(24 avril)
1)Conseiller politique, entre autres, de Sarkozy.
2)Nous avons consacré de multiples articles pour montrer que la division et l’isolement des luttes ouvrières menées par les syndicats n’étaient pas le fruit d’“erreurs” de la part de ces officines mais bel et bien une stratégie volontaire et orchestrée par leurs soins. Pour comprendre pourquoi, quand et comment les syndicats ont changé de camp, nous encourageons nos lecteurs à lire notamment notre article “Dans quel camp sont les syndicats [5] ”.
Les étudiants sont de plus en plus préoccupés par leur propre situation et de plus en plus déconcertés et indignés à cause de l’avenir que la classe dominante leur réserve. Cela n’est pas du tout étonnant : ce sentiment s’accroît de jour en jour et partout dans le monde (voir les mobilisations des étudiants et des travailleurs en France et en Grèce (1)) surtout parmi les prolétaires et dans les couches les plus pauvres de la société. Beaucoup de ces prolétaires sont des parents ou des proches de ces mêmes étudiants, tous touchés par l’avancée implacable de la crise qui les condamne avec de plus en plus de dureté à des conditions de vie vraiment insupportables. Mais cette crise les pousse aussi à la réflexion, à se demander quelle issue il y a, si le capitalisme est capable d’assurer autre chose que toujours plus de misère, de chaos et de barbarie.
Chaque jour qui passe, ces étudiants sont de plus en plus “chauds”, même si pour le moment ils gardent la tête froide, c’est-à-dire qu’ils réfléchissent. Leur méfiance vis-à-vis des “solutions” qu’on leur propose s’accroît et, surtout, ils ne paraissent pas disposés à tout accepter : un futur incertain quant à la possibilité de trouver un travail, des crédits qui les “hypothéqueraient” en les ligotant à vie...
Il y a aussi cette énorme indignation contre la brutale répression commise par les Mossos d’Escuadra de la Généralité (2) de Catalogne dirigée par la “coalition tripartite” (3), à laquelle participe la version catalane de la prétendue “radicale” et “amie des ouvriers” Izquierda unida (Gauche unie). La férocité de la répression contre les jeunes (tabassages, arrestations musclées, expulsions…) montre clairement ce qu’on peut attendre de n’importe quel gouvernement, qu’il soit de droite ou qu’il se présente comme “progressiste” et “social”.
Si les étudiants restent enfermés dans le carcan d’une “lutte universitaire”, s’ils restent seuls, l’État bourgeois pourra les isoler et les forces de répression du gouvernement régional tripartite pourront leur taper dessus en toute impunité avec la complicité des autorités administratives, de la presse et de tout le “monde officiel”.
Mais si les étudiants, comme ils ont commencé à le faire, étendent leur lutte aux enseignants, aux travailleurs d’autres secteurs, aux lycéens, leur force, comme celle de tous les exploités, sera énorme et les gouvernants devront reculer. Le fait que les étudiants aient été présents à la grande manifestation de l’enseignement qui a eu lieu à Barcelone le 18 mars (plus de 30 000 manifestants), même s’ils n’auraient pas dû rester séparés de la manifestation mais y être pleinement intégrés, fut un grand pas en avant.
La situation est difficile, cela va être encore plus dur pour les uns et les autres, mais peu à peu la confiance en soi va s’accroître ainsi que la détermination pour affronter les attaques de la crise et de l’État qui essaye de la gérer, que ce soit à travers le “Plan Bologne” ou n’importe quel autre.
A la suite de l’expulsion musclée de l’Université occupée et de la charge violente de la police dans la soirée du 18 mars qui s’est soldée par de nombreuses arrestations et une soixantaine de blessés parmi les quelques cinq mille manifestants présents, les étudiants réagirent rapidement en organisant une manifestation en solidarité. Le Gouvernement catalan a été obligé de présenter des excuses et de pousser à quelques démissions dans son ministère de l’Intérieur. Depuis lors, les étudiants continuent à aller de l’avant, en faisant des assemblées, des grèves et des occupations, des réunions avec des groupes sociaux qui les soutiennent, en débattant, en échangeant des informations avec d’autres universités, dont certaines ont répondu en manifestant en solidarité avec eux (à Madrid, Valence, Gérone...).
Les étudiants, qui ont affirmé haut et clair “qu’ils ne sont pas des délinquants, pas des révoltés sans perspective et pas non plus de la chair à canon pour les bureaucrates et les mossos”, sont toujours déterminés à parvenir “grâce à un large mouvement étudiant, car l’union fait la force”, à “non seulement faire reculer les attaques du capital – Plan Bologne ou Tartempio –” mais aussi à “une société juste, tolérante, solidaire et libre”, car “nous nous sentons capables de changer la réalité dans laquelle nous vivons” (extraits de Quelles réflexions... sur les événements du 18 mars à Barcelone, un tract distribué dans la manifestation du 26).
Les étudiants ont donc convoqué une manifestation pour le 26 mars. Ils comptaient sur la solidarité de ceux qui, comme eux, affrontent la réalité du “c’est pire chaque jour qui passe” et sans la moindre perspective d’amélioration : de leurs propres camarades, des enseignants, de tous ceux qui partagent leurs préoccupations et leurs efforts, de tous ceux qui sont à leur côté et qui savent qu’ils seront, demain, aux côtés de toute la classe ouvrière. Face à eux il y avait bien plus que quelques dizaines de mossos qui les attendaient l’arme au poing, prêts à parer “à toute éventualité”. Le tout préparé par une intense propagande lancée par la Généralité dans tous les médias, selon laquelle “de tels actes” était illégaux et qu’elle allait prendre des mesures appropriées pour y faire face, “comme il se doit”.
Place de l’Université, nous attendions, inquiets, mais de pied ferme ; on a pu voir que les étudiants étaient sûrs d’eux, qu’ils tenaient la situation en main. Les mossos nous fermaient l’accès de l’itinéraire prévu et les organisateurs ont eu le courage de décider un itinéraire alternatif vers un lieu plus tranquille.
Ce fut une manifestation bien différente des processions folkloriques des syndicats : pas de sifflets assourdissants, pas de gueulantes par haut-parleur ni de slogans à l’emporte-pièce : les manifestants pouvaient se parler, choisir des slogans et des réponses appropriées et inventives contre le gouvernement et ses exécutants du ministère de l’Intérieur, c’est-à-dire les mossos qui s’étaient défoulés à coups de matraque les jours précédents sur tout ce qui bougeait. Depuis les balcons fusaient des encouragements de solidarité avec les manifestants, des applaudissements. Les locaux des partis du gouvernement ont été couverts de graffitis dénonciateurs contre ses responsables.
D’autres personnes se sont peu à peu jointes à la manifestation, de sorte qu’à la fin plus de 10 000 personnes étaient rassemblées et, comme en Grèce, toutes générations confondues : des étudiants, des parents, et aussi des travailleurs d’âges différents... Le Plan Bologne ne va certainement pas être retiré de sitôt, les souhaits des jeunes manifestants ne vont sans doute pas se réaliser facilement, mais cette manifestation était une victoire importante : tout le monde est reparti avec la nette impression que le combat va se poursuivre et que le débat doit continuer, pour échanger aussi les expériences, pour ainsi continuer un combat qu’ils ne considèrent surtout pas comme terminé. Les étudiants mobilisés insistent sur le fait qu’ils vont continuer à se rencontrer jusqu’aux vacances dans quelques “Campus-assemblée”, dans les quartiers.
Est-ce que cette lutte s’intègre dans une perspective de luttes massives dans d’autres secteurs (enseignants, industries, fonctionnaires, services, actifs et chômeurs…) ? Oui, nous en sommes convaincus. Beaucoup de ceux qui étaient présents en étaient aussi convaincus (même si nous n’avons pas entendu des appels et des slogans explicites dans ce sens). Les conditions pour développer cela se consolident, toute la dynamique du mouvement va dans ce sens. L’intervention de la classe ouvrière, son expérience, sa solidarité, sont très importantes pour nourrir ce processus. Les étudiants doivent compter là-dessus. En fin de compte, ils savent qu’ils feront partie de la classe ouvrière. Beaucoup d’entre eux savent qu’ils en font déjà partie.
Traduit de Acción proletaria, publication du CCI en Espagne (28 mars)
1) Cf. Revue internationale nº 136 : “Les révoltes de la jeunesse en Grèce confirment le développement de la lutte de classe [6]”.
2) La police régionale du gouvernement catalan.
3) Ce gouvernement est dirigé par une coalition de gauche : socialistes, catalanistes républicains et anciens staliniens (avec “Verts” inclus), auxquels appartient d’ailleurs le conseiller (ministre) de l’Intérieur, Joan Saura, qui dirige la police et qui déclare aujourd’hui (01/04), face à l’indignation provoquée par la répression, que la “réponse des policiers était “disproportionnée”... [ndt].
Depuis la signature des accords de paix entre le FMLN (1) et le gouvernement du Salvador en janvier 1992 qui certifia la reconversion de ce mouvement de guérilla, autrefois très connu, en parti politique légal d’opposition, avec à la clé une large participation au sein de la police nationale, cette fraction de la bourgeoisie s’est employée à fond dans la construction d’une démocratie “plurielle” si nécessaire pour contrôler la classe ouvrière, et qui était inexistante au Salvador, à l’instar d’une grande partie de l’Amérique latine. Maintenant, les ex-guérilleros, avec leur candidat Mauricio Funes (2), viennent d’être élus à la tête du gouvernement après s’être présentés aux élections présidentielles du 15 mars 2009 face au candidat Rodrigo Ávila, du parti de droite Alianza republicana nacionalista (ARENA). Un marketing coloré, des discours pleins d’espoir, des actes massifs de prosélytisme, avec des milliards à la clé, voilà le cadre qui a servi à cette gauche électorale à entraîner le plus grand nombre de travailleurs vers les urnes avec l’illusion que “leur voix” réussisse le miracle d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le contexte économique et social du pays (avec une population d’un peu plus de 7 millions d’habitants) (3) est similaire à celui des autres pays de cette région du monde ; la dégradation des conditions de vie des travailleurs n’est pas seulement insupportable à cause de la misère matérielle et de la réduction alarmante des ressources et l’augmentation imparable du chômage, mais aussi à cause d’une décomposition sociale qui dépasse l’entendement, qui affecte la société tout entière : une violence quotidienne entre bandes, des assauts et des kidnappings, des abus de la part de la police et de l’armée, etc. (4) Devant un tel panorama, la bourgeoisie a prétendu que, grâce au vote de tous les secteurs du pays, un engagement national va naître pour travailler coude à coude vers une solution.
Après s’être occupé des tâches de pacification et de réorganisation de l’économie, de la politique et de l’appareil répressif, les ex-guérilleros se sont lancés avec succès à la conquête du fauteuil présidentiel pour boucler l’engagement qu’ils ont signé il y a dix-sept ans au château de Chapultepec (5) dans la ville de Mexico ; selon les mots de Schafik Handal, le rôle du FMLN était de : “... moderniser l’État et l’économie, construire un pays pluraliste... qui permette aux Salvadoriens d’utiliser à fond leur proverbial goût du travail et leur créativité pour ainsi faire décoller le développement...” (16 janvier 1992). Autrement dit, le FMLN voudrait nous faire croire que quand il se met à la tête de l’économie bourgeoise nationale, l’exploitation devient comme par magie “créative” (sic).
Le FMLN “n’a pas trahi ses origines et ses objectifs révolutionnaires”. Son action actuelle est en effet en continuité avec celle de ses origines, son idéologie et sa pratique de guérilla durant près de douze ans. Son origine et son idéologie sont celles des Forces populaires de libération nationale, et d’autres organisations qui, avec le Parti communiste salvadorien, stalinien pur sucre, construisirent un cocktail d’organisations paysannes et urbaines très influencées et inspirées par la prétendue “révolution cubaine” ; leurs étendards étaient celles de la “récupération” de la terre ou la démocratisation du gouvernement contre la fraude électorale ou la dictature militaire. Déçues par la légalité et réprimées par l’État, elles décidèrent d’assumer la lutte de guérilla. En fin de compte, leur action est celle de la petite bourgeoisie qui, en Amérique latine, a essayé de “remettre en place un projet de développement national contre les fractions nationales apatrides et l’impérialisme américain”. Leur naissance se trouve complètement en dehors du terrain du mouvement ouvrier : leur programme est la lutte pour le “renversement de la dictature néo-fasciste”. Même s’ils veulent établir un “gouvernement de type socialiste-révolutionnaire”, ce n’est, concrètement dans la réalité des faits, que le même scénario que celui écrit par le sandinisme au Nicaragua : la défense pure et simple du régime bourgeois et de l’économie nationale.
La pratique politique du FMLN est pleinement celle de la bourgeoisie : la guérilla exprimait l’action typique des couches et des classes sans avenir, des actions armées minoritaires qui prétendent, souvent en désespoir de cause mais aussi aux ordres d’un camp impérialiste qui veut affaiblir le camp dominant dans la région, remplacer l’action des travailleurs, une action consciente et massive. Le rôle actuel du FMLN, en tant que parti de gauche au sein de l’appareil d’État, est parfaitement cohérent avec son passé. Il n’existe ni “trahison” ni “dévoiement” de son “essence” ; le FMLN n’a fait que s’adapter aux temps nouveaux pour continuer à servir le capital. Le FMLN, comme les sandinistes au Nicaragua, a négocié son futur politique pour ne pas disparaître de la scène.
La chute du bloc impérialiste de l’URSS laissa dans un état d’abandon une multitude de mouvements de guérilla en Amérique latine, ainsi qu’ailleurs dans le monde et même des pays entiers comme Cuba. Voilà le contexte qui explique les négociations de paix entre le FMLN et le gouvernement du Salvador avec la médiation des pays comme le Mexique qui essayent aussi de jouer un rôle de premier plan dans la nouvelle configuration du monde et dans l’arrière cour de l’Oncle Sam (6). Avec la disparition du sponsor économique, militaire et idéologique du bloc russe, les farabundos décidèrent de négocier pour ainsi s’assurer leur survie dans la recherche de la prise du pouvoir, même si, alors, cela devait se faire dans un cadre d’une participation au jeu parlementaire. En fait, à quelques différences près, c’est le même schéma qui s’est produit avec les sandinistes au Nicaragua : ceux-ci ont instauré un gouvernement de gauche à la suite d’un putsch militaire (1979), mais ils décident de s’entendre avec leurs rivaux à travers la négociation d’un processus électoral, à la suite d’une décennie de “guerre de basse intensité” (1980-1990) et d’être passés dans l’opposition (7).
(ou “l’affrontement entre les grandes puissances par groupes interposés pendant la Guerre froide.”)
L’auréole romantique des guérillas en Amérique latine, surgies en particulier pendant la période de la guerre froide après la Seconde Guerre mondiale, pâlit face à l’évidence historique : elles n’ont été que de simples pions sous la coupe du bloc stalinien. L’ancienne URSS, tête de bloc, avait toujours voulu planter quelques lances dans l’arrière-cour des États-Unis, pour renforcer le rôle de Cuba qui était sa tête de pont. Même s’il était impossible pour l’URSS de disputer sérieusement le leadership à la puissance américaine, il lui était toujours avantageux de maintenir une certaine instabilité dans sa chasse gardée, pour ainsi l’obliger à prélever des ressources, des efforts militaires, etc., des zones stratégiques du monde où se jouaient véritablement les intérêts géopolitiques des blocs impérialistes. La politique extérieure des États-Unis pendant toute cette période leur a été pleinement favorable en faisant échouer toutes les tentatives et en réduisant le risque à la seule île “mythique” de Castro.
Pour la classe ouvrière, ces affrontements ne furent qu’une suite de sacrifices monstrueux, enfermée qu’elle était entre deux factions de la bourgeoisie, utilisée systématiquement comme chair à canon pour la défense des intérêts de ses propres exploiteurs. Et lorsque certaines de ces forces de libération nationale ont réussi à atteindre le pouvoir d’État, l’expérience fut tout aussi tragique. Ces champions du nationalisme organisèrent les institutions de l’État derrière un masque socialiste et populiste pour convaincre les ouvriers d’accepter encore plus de sacrifices sur l’autel de l’économie nationale. Et quand les travailleurs ont pu se mettre en lutte contre ces conditions de surexploitation, ces régimes se sont chargés de l’en empêcher et de la briser avec la pire violence.
C’est une longue histoire que celle de ce genre d’organisations prétendument “amies” des travailleurs. Ce que nous voyons aujourd’hui au Salvador est l’énième démonstration du caractère bourgeois non seulement de l’idéologie de ces organisations, mais aussi de leur programme et de leur pratique “guérillériste”. Pendant des années cette pratique a stérilisé les énergies ouvrières, de tant de jeunes paysans et prolétaires qui se sont enrôlés dans leurs rangs, sur un terrain complètement pourri. Et aujourd’hui, ils jouent toujours le même rôle de promoteurs de la démocratie électorale bourgeoise, et redorent le blason du vote grâce à leur “passé glorieux” d’héritiers de la vieille “voie armée”, devant l’épuisement accéléré des vieux partis qui fait que la bourgeoisie connaît le plus grand mal à entraîner les travailleurs vers les urnes.
Les masses exploitées d’Amérique centrale ont été prises pendant toutes les années 1980 dans l’étau économique, militaire et idéologique formé par des gouvernements de droite et la guérilla. Les générations qui ont subi ce joug contre-révolutionnaire, ainsi que les ouvriers des générations plus jeunes, doivent tirer les leçons de ce passé, en reconnaissant le caractère bourgeois du FMLN, avec tout son masque et ses discours radicaux, hier en tant que parti d’opposition et aujourd’hui de gouvernement.
Traduit de Revolución mundial, publication du CCI au Mexique
1) Le FMLN (Frente Farabundo Marti de liberación nacional) fut fondé à la fin de 1980, prenant le nom d’Agustín Farabundo Martí, un des organisateurs du soulèvement paysan et indigène de 1932 dans lequel participa aussi le stalinisé Parti communiste du Salvador.
2) C’est un journaliste “indépendant” très populaire qui n’appartient pas au FMNL. C’est un fait très répandu et pratiqué par tous les partis, de droite, de centre ou de gauche, qui mettent en avant des comiques, des vedettes en tout genre, des très respectables leaders d’opinion, etc., pour essayer de convaincre de leurs meilleures intentions.
3) En fait, près de 3 millions de Salvadoriens vivent aux USA. Les envois de ces émigrants représentent la deuxième ressource dans le PIB d’un des pays les plus pauvres de l’Amérique latine. Dans le contexte actuel, cette ressource va se contracter.
4) C’est bien simple : le Salvador est le pays latino-américains avec le taux le plus élevé de morts violentes.
5) Les
Accords de paix de Chapultepec furent signés le 16 janvier 1992
entre le Gouvernement pro-américain du Salvador et le FMLN, ils ont
mis fin à douze années d’une guerre civile particulièrement
sanglante (100 000 morts).
6) On peut rappeler le groupe “Contadora” né en 1983, au sein duquel il n’y avait pas que les intérêts impérialistes des grandes puissances qui comptaient, mais aussi ceux des petits requins de la région comme le Mexique, la Colombie, le Venezuela et même le Panama.
7) À la suite des élections en 2006, ces mêmes sandinistes sont revenus au pouvoir. Voir Revolución mundial nº 96 (2007), “Nicaragua: regresan los sandinistas al gobierno para dar continuidad a la explotación y opresión”.
Le premier week-end d’avril s’est tenu, de chaque côté du Rhin, le dernier sommet de l’Otan. Les dirigeants de cette organisation, véritables brigands impérialistes, Obama, Merckel et Sarkosy en tête, ont pu ainsi traverser sous l’œil des caméras complaisantes la passerelle qui relie Baden-Baden en Allemagne à la ville de Strasbourg en France. Une nouvelle fois, nous étions tous conviés à admirer la très grande cordialité et entente supposée régner entre tous ces requins. Ce sommet s’est en fait tenu soixante ans après la création de cet organisme international. Dans quel but et par qui a-t-il été créé ? A quoi a-t-il servi dans la réalité pendant toute cette période ? Depuis cette époque, le monde a bien évolué et les rapports impérialistes mondiaux se sont profondément modifiés. Cependant, l’Otan est toujours là. Mieux encore, un nombre croissant de pays demandent à y entrer. A quoi sert donc dans la période actuelle cet organisme vieux maintenant de plusieurs dizaines d’années ? Pour répondre à ces questions, il nous faut aller au-delà des apparences et des discours officiels relayés par l’ensemble des médias bourgeois.
Le nouveau président américain, le très démocrate Obama, a déclaré à ce sommet que la priorité des Etats-Unis en matière de politique étrangère ou anti-terroriste était de renforcer l’intervention militaire en Afghanistan. Il a donc décidé d’y envoyer 21 000 nouveaux soldats et, dans cette optique, l’Otan recherche quatre nouvelles brigades. Le jour de l’ouverture du sommet, le président américain avait donné le ton de la nouvelle tactique impérialiste américaine, ce qu’il appelle la “politique de la main tendue” ! Il y a ainsi affirmé haut et fort que l’Amérique n’entendait pas faire seule la guerre aux talibans et à la nébuleuse Al-Qaeda, demandant aux Européens notamment de faire un effort tout particulier. Mais à l’évidence, ceux-ci sont restés particulièrement discrets sur l’envoi de nouvelles troupes, préférant parler hypocritement d’aide à la reconstruction, à la police et à l’armée afghanes. Il y a bien que le seul Sarkozy pour y avoir manifesté sa décision d’y envoyer de nouvelles troupes françaises en échange d’un retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan., commandement qu’elle avait quitté en 1966 sous la présidence du général de Gaulle afin d’affirmer le désir de la France de ne pas subir passivement la tutelle américaine. En fait, ce retour de la France dans le commandement intégré se fait au moment même où les Etats-Unis se trouvent en pleine continuation du processus d’affaiblissement de leur leadership mondial. Ce sommet a d’ailleurs été une manifestation claire de cette perte d’influence, même pour cette organisation essentiellement militaire qui a toujours été un instrument de leur domination impérialiste.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, les bourgeoisies de tous les pays les plus développés ont voulu faire croire à l’ensemble de la classe ouvrière, meurtrie par cinq années de conflits généralisés, que le monde allait rentrer dans une période de paix et de prospérité. Il suffisait de se retrousser les manches et de se mettre tous avec ardeur au travail. Seulement voilà, le monde rentrait au contraire dans une nouvelle période de développement des tensions impérialistes. Une fois achevé l’écrasement militaire de l’Allemagne et du Japon, l’opposition guerrière entre les puissances impérialistes fascistes et celles se réclamant de l’anti-fascisme et de la démocratie étaient closes. Mais instantanément en apparaissait une nouvelle qui allait constituer le cadre de vie du capitalisme mondial et des guerres incessantes qui ont émaillé toute la période jusqu’en 1989 avec l’effondrement du bloc soviétique. De fait, le monde allait se diviser en deux blocs impérialistes. D’un côté, se mettait en place le bloc occidental avec à sa tête la superpuissance américaine, secondée notamment par l’ensemble des pays d’Europe occidentale, de l’autre se construisait le bloc soviétique. Celui-ci était lui-même dirigé par l’URSS de Staline et la bourgeoisie russe, qui tenait sous sa coupe l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Est. Pendant plus de quarante ans, ces deux blocs impérialistes allaient s’affronter par pays interposés ou fractions armées bourgeoises locales se disputant elles-même la direction de leur propre pays. Faire ici la liste des conflits qui ont pendant toute cette période ensanglantés toute une partie de la planète serait sans fin. Citons pour mémoire les guerres de Corée et du Vietnam mais aussi celles qui ont frappées de façon permanente des régions entières comme le Moyen-Orient ou l’Afrique, guerres et génocides utilisés, orchestrés et même parfois organisés directement par ces deux blocs. Tous ces conflits allaient faire en réalité plus de morts que la Seconde Guerre mondiale.
Mais le maintien d’une cohésion au niveau de chaque bloc nécessitait d’imposer la discipline en leur sein et donc l’alignement de chaque pays appartenant à l’un ou l’autre bloc derrière leur leader respectif. D’un côté, l’URSS imposa le Pacte de Varsovie dans tous les pays sur lesquels elle avait la main mise. De l’autre, les Etats-Unis, sortis victorieux et tout puissant de la guerre mondiale, en firent autant grâce à l’Otan. Cette dernière était une organisation politico-militaire qui se constitua officiellement en 1949 et compte actuellement 28 pays membres. Dans un premier temps, l’objectif affiché de cette organisation est exprimé clairement dans son article 3. Celui-ci permet aux Etats-Unis d’aider au développement militaire de l’Europe, comme il le fait par ailleurs au plan économique. Il s’agissait pour l’Amérique de dresser une barrière en Europe occidentale face au bloc soviétique. Mais le rôle de l’Otan va rapidement évoluer et, le 4 avril 1949, est signé le Traité de l’Atlantique Nord à Washington. Ce pacte militaire stipule que toute attaque contre un des membres de cette organisation entraînerait automatiquement une réaction de tous les Etats membres. Ce traité doit souder ces derniers derrière les Etats-Unis. L’URSS ne s’y trompe pas et va immédiatement affirmer “que le traité est un instrument de l’impérialisme américain”. Les principaux pays occidentaux sont signataires de ce traité qui fonde l’Alliance, y compris par l’Allemagne de l’Ouest en 1955. Pour faire face au bloc soviétique, des forces militaires massives vont être stationnées dans de très nombreuses régions du monde, forces terrestres, navales et aériennes, sans compter l’armement nucléaire massif pointé sur l’URSS. Tel est le sens exact de la présence très nombreuse de troupes militaires membres de l’Otan en Europe et surtout en Allemagne de l’Ouest. C’est donc en tant que bras armé du bloc occidental et sous commandement effectif américain que cette alliance a été formée et a existé jusqu’en 1989, date de l’effondrement de l’URSS et de tout le bloc soviétique.
Face à la perte d’un ennemi commun, le bloc de l’Ouest allait lui-même éclater ; il n’avait en effet plus de raison d’exister. Comme son corollaire le Pacte de Varsovie, on pouvait donc s’attendre à la disparition pure et simple de l’Otan, son rôle étant révolu. Or, cette organisation s’est au contraire maintenue et plus encore, elle s’est renforcée d’anciens pays du bloc soviétique tels que la Pologne, la Hongrie ou la République Tchèque, ou de régions comme celle de l’ex-Allemagne de l’Est. En 2004, sept autres pays intègrent l’Otan : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Et aujourd’hui ce sont des pays comme la Géorgie, l’Ukraine, l’Albanie et la Croatie qui posent leur candidature. Bon nombre de ceux-ci sont, de fait, d’anciens vassaux de l’URSS disparue. Pour eux, il s’agit ainsi de tenter de se prémunir de la menace toujours pesante de l’ours russe, après l’expérience de plus de quarante ans de domination soviétique féroce. Mais l’évolution du rôle politico-militaire de l’Otan n’en a pas moins été spectaculaire et irréversible.
A partir de la deuxième guerre en Irak en 2003, l’affaiblissement du leadership des Etats-Unis s’étale au grand jour. La conséquence en sera que chaque puissance impérialiste va alors de plus en plus ouvertement contester les Etats-Unis et leur domination. Ce sera notamment le cas de la France et de l’Allemagne. Pour les Etats-Unis, maintenir leur contrôle sur l’Otan devient alors une nécessité, d’autant que leur autorité est clairement défiée régulièrement à l’ONU. Et ceci d’autant plus que la Chine, rivale potentielle, s’est considérablement renforcée ces dernières années au niveau impérialiste et que la Russie, tout en ne pouvant pas retrouver la puissance qui était la sienne du temps de l’URSS, n’en reste pas moins une puissance impérialiste non négligeable. Les Etats-Unis sont donc contraints de continuer de faire vivre l’Otan car c’est dans cette organisation qu’ils peuvent continuer à faire pression, notamment, sur les pays européens afin de les entraîner avec eux dans la guerre comme actuellement en Afghanistan.
Et pourtant, preuve de l’affaiblissement de leur leadership impérialiste, même le contrôle qu’ils effectuent sur cette organisation, créée pour eux et par eux (le “machin” américain comme l’appelait de Gaulle), est en train de s’affaiblir irrémédiablement ; de plus en plus, chaque puissance tente d’exploiter l’Otan à ses propres fin quitte à aller à l’encontre des intérêts américains. L’exemple le plus spectaculairement dramatique dans ce domaine, avant la guerre actuelle en Afghanistan, a été en 1999 l’intervention militaire de l’Otan dans les Balkans permettant ainsi à des pays comme les Etats-Unis, la France, l’Allemagne ou l’Angleterre d’y envoyer ces forces militaires pour y défendre chacun leur propre intérêt impérialiste.
Chacun de ces pays, y compris la puissance américaine, est allé ainsi s’enfoncer dans le bourbier des Balkans, sans aucune capacité réelle de stabilisation ou de reconstruction de cette région. Cette guerre, comme celle actuellement en Afghanistan, concrétise encore l’affaiblissement de l’Otan et du leadership américain. C’est ce processus qui s’est encore étalé au grand jour dans le sommet qui vient de se tenir par la difficulté de nommer le très pro-américain Ramussen, ancien président danois, en tant que secrétaire de l’Otan face à l’opposition de la Turquie. Cette dynamique générale ne peut que s’accélérer et s’approfondir dans l’avenir, conduisant cette organisation à devenir de plus en plus le théâtre de l’affrontement de tous les grands requins impérialistes et de la montée de la contestation de la domination impérialiste américaine.
Tino (23 avril)
“La bourgeoisie sait que la crise va s’approfondir, que le chômage va exploser et que cela ne va pas durer des mois mais des années. En conséquence, avec le temps, la faillite du système apparaîtra chaque jour davantage. Ceci non seulement renforcera la conscience de classe, mais minera aussi les soutiens de la bourgeoisie. (...) L’efficacité du dispositif répressif du maintien de l’ordre ne peut donc que diminuer alors que, dans le même temps, la classe ouvrière va se renforcer. C’est ce qui explique fondamentalement que la bourgeoisie souhaite l’affronter avant qu’elle ne soit trop affaiblie politiquement et matériellement. Il est donc vital pour elle d’enrayer ce processus de prise de conscience. (...) C’est pourquoi nous voyons monter systématiquement les provocations en fin de manifestations, les interpellations, les gardes à vue, les délits pour outrage etc. Elle essaie d’exaspérer toute la population et pas seulement les ouvriers, les employés. Elle veut que se déroulent des mouvements violents mais isolés. Au contraire, elle ne veut pas se trouver avec des mouvements sociaux qui s’exprimeraient dans un contexte de forte solidarité et de compréhension même imparfaite de la faillite du système capitaliste. (...) Ainsi à Strasbourg, c’est volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “blacks blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents. Les CRS auraient pu intervenir, mais ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Pour préparer le terrain politique à la prise de mesures de répression en vue d’une situation sociale tendue, il faut rendre impopulaires les manifestations “violentes” et placer la population dans l’attente de l’intervention des policiers. Voilà pourquoi on a choisi un quartier ouvrier, pourquoi on a laissé les vandales agir sans intervenir, sans faire aucune interpellation. Il faut que ce soit les ouvriers eux-mêmes qui appellent à plus de répression. Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Nous tenons d’abord à saluer la préoccupation que le camarade exprime. Nous voyons, en effet, se développer ces dernières années de plus en plus d’épisodes de violence en marge des manifestations. Ce fut par exemple le cas en France dans les luttes contre le CPE au printemps 2006 et dans les manifestations des lycéens et étudiants en 2007. Ces derniers mois surtout, à travers l’Europe, les provocations policières se sont multipliées et la répression s’est durcie, comme à Lyon, à Barcelone, mais aussi évidemment en Grèce et en Italie1.
Pour le camarade “la bourgeoisie souhaite affronter” la classe ouvrière. En réalité, la répression brutale et systématique de toute lutte ouvrière ne semble pas encore à l’ordre du jour. Depuis 2003, le prolétariat a retrouvé le chemin de son combat. Les grèves se multiplient à travers le monde. La bourgeoisie le sait et fait tout pour éviter tout mouvement massif. Or, justement, une bavure policière peut être le genre d’événement qui suscite l’indignation généralisée et la solidarité, en particulier s’il s’agit d’un jeune. Il faut se souvenir à quel point Sarkozy avait peur de la “bavure” en 2005, lors des émeutes de banlieues ou en 2006 pendant le mouvement des étudiants.
Mais alors pourquoi ces “provocations en fin de manifestations, [ces] interpellations, [ces] gardes à vue, [ces] délits pour outrage etc.”, sont-ils effectivement systématiques ? Et surtout, pourquoi ce sont justement les jeunes qui en sont la cible privilégiée ?
Partout, la jeunesse subit de plein fouet la crise économique. Or, une grande partie d’entre elle refuse les sacrifices qui lui sont demandés et l’avenir sombre qui lui est promis. En France, depuis les premières manifestations lycéennes de février 2005, il ne se passe pas une année sans qu’il n’y ait un mouvement de la jeunesse. C’est toute une génération qui s’éduque ainsi à la lutte, qui apprend à s’organiser, à débattre dans des assemblées générales… La bourgeoisie sait que cette génération représente un véritable danger pour elle, que cette jeunesse peut être un élément moteur dans le développement de la lutte de classe à venir. C’est pourquoi elle lui consacre toute son “attention” : la bourgeoisie essaye de pourrir la réflexion de cette jeunesse combative par, entre autres, la répression policière et l’exacerbation de la violence.
En effet, elle exploite au maximum un défaut de la jeunesse que l’accélération de la crise vient amplifier : l’immédiatisme. Les jeunes sont souvent séduits par l’apparente radicalité, par l’affrontement aux symboles de la puissance bourgeoise que sont les forces de l’ordre. En utilisant les casseurs, forme extrême de cette fausse radicalité, la bourgeoisie cherche tout simplement à décourager cette génération de tout combat politique. Elle cogne là où l’expérience manque encore, là où la fraîcheur de la rébellion s’accompagne parfois d’une relative immaturité politique, en justifiant cette répression par la violence des casseurs (alors qu’elle participe souvent à la provoquer, quand elle n’y envoie tout simplement pas des flics déguisés en incendiaires ou en briseurs de vitres).
De plus, en stigmatisant la jeunesse comme une génération d’émeutiers, la bourgeoisie contribue à diviser la classe ouvrière entre ceux qui veulent lutter efficacement et intelligemment, et ceux qui apparaissent dès lors comme des destructeurs de cette démarche. En gonflant médiatiquement chaque épisode de violence (en réalité très minoritaire et à la marge des mouvements de ces dernières années malgré toutes les provocations), elle contribue à décourager les luttes et à instiller la peur au sein de la classe. Ici, notre lecteur a parfaitement raison : “Cela il faut le dénoncer car ce ne sont pas les casseurs qui intéressent la bourgeoisie, ils sont sous son contrôle, totalement manipulés. Ce qu’ils font empêche la prise de conscience du côté totalitaire de l’État bourgeois.”
Les événements de Strasbourg, lors du sommet de l’OTAN, sont une caricature de cette instrumentalisation par la bourgeoisie, contre l’ensemble de la classe ouvrière, d’une minorité de la jeunesse qui veut détruire le capitalisme “tout de suite” et en “découdre” avec les forces de l’ordre.
A Strasbourg, nous étions en présence d’une manifestation pacifiste, rassemblant une population globalement jeune, aux profils politiques hétéroclites, naviguant de l’altermondialisme à l’anarchisme, en passant par le pacifisme. Il s’agissait de lutter contre un symbole de la domination capitaliste : l’OTAN. La manifestation prévue était préparée et encadrée par un collectif fortement marqué par le NPA et l’anarchisme. Bien que les témoignages ne soient pas tous concordants, ce qui doit nous conduire à une certaine prudence, il semblerait que l’imposant dispositif policier franco-allemand mis en place ait tout fait pour empêcher la manifestation de se dérouler normalement et dans le calme. Le lieu prévu, isolé et excentré (la zone portuaire), les ambiguïtés étonnantes sur le sens du parcours, les chicanes construites avec les cars de CRS, le blocage de certains manifestants, ont contribué à provoquer la colère. Par ailleurs, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues quand les “black-blocks” (2) se sont mis à casser et même à brûler des bâtiments alors que le reste des manifestants était encerclés par les tirs de flash-balls, de bombes lacrymogènes et assourdissantes, et par le vol au ras des hélicoptères de la police.
Il est clair que la bourgeoisie a pu exploiter cette pagaille contre son ennemi de classe. Face aux manifestants, en exploitants la réputation violente des “black-blocks”, elle a pu déchaîner un certain niveau de violence sans pour autant générer une dynamique de solidarité dans la classe. Et en exploitant médiatiquement ce genre de scènes, elle a voulu décourager les ouvriers en général et les jeunes en particulier à se mobiliser. Enfin et surtout, c’est effectivement “volontairement que la police française a encerclé les fameux casseurs des “black blocks” dans un quartier populaire où ils ont fait des dégâts conséquents” pour, comme le souligne notre lecteur, créer ainsi une situation dans laquelle les ouvriers ont été réduits à demander le secours de la police et à en réclamer la protection.
La violence ultra-minoritaire, surtout quand ce sont les ouvriers eux-mêmes qui en sont les premières victimes, comme à Strasbourg, est toujours un jouet entre les mains de la bourgeoisie. Elle divise notre classe, pourrit la réflexion et pousse les ouvriers à se réfugier derrière l’Etat “protecteur et garant de l’ordre”.
C’est dans ce piège que la classe dominante tente de faire tomber la jeunesse qui lutte et réfléchit, en la provoquant. En 2006, les étudiants avaient su majoritairement éviter ce piège en refusant les affrontements stériles et en recherchant toujours en premier lieu l’extension de la lutte et la solidarité des travailleurs.
Ceux qui sont indignés par la barbarie de ce monde doivent toujours garder en tête qu’“être radical, c’est prendre les choses à la racine” (3), c’est-à-dire détruire ce système d’exploitation. Et cela, ce n’est pas à une petite minorité de l’accomplir, aussi décidée soit-elle, mais à TOUTE la classe ouvrière !
GD (22 avril).
1)
Notre
presse traite de ces différents moments de lutte. Consulter notre
site.
2) Il s’agit de bandes influencées par l’anarchisme qui profitent des mobilisations, altermondialistes en général, pour mener une action violente, plus ou moins symbolique, mais toujours inutilement destructrice. Leur nom provient de leur tenue vestimentaire, noire de la tête aux pieds.
3) Marx, Contribution à la critique de la Philosophie du droit de Hegel, 1843.
Nous publions ci-dessous le courrier d’un lecteur qui décrit le déroulement, depuis plusieurs mois, de la lutte dans les universités de Caen et notre très brève réponse.
En
dépit de ce qui semble désormais compter parmi nos défaites,
nonobstant les éternelles agitations de quelques jusqu’au-boutistes
et des inutiles négociations syndicales, le mouvement débuté
autour de l’université de Caen en réaction au projet de réforme
de l’enseignement supérieur est riche d’expériences à méditer.
C’est d’abord une volonté d’agir de manière efficace qui
s’est exprimée dès le début de la mobilisation. Outre le nombre
important de manifestants dans les rues, tirant sans doute les leçons
de la lutte contre le CPE, l’assemblée générale de l’université,
où se réunissaient les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, s’est immédiatement prononcée en faveur de
l’ouverture de ses portes à tous, malgré la vive opposition des
syndicats d’étudiants. C’est dans cet esprit d’unité et
d’extension, que beaucoup ont participé, le 29 janvier, à la
journée de manifestation-balade interprofessionnelle organisée par
les centrales syndicales nationales. Le soir, une assemblée
regroupant officiellement l’ensemble des travailleurs en lutte de
l’éducation se tenait dans les locaux de l’université. Cet
événement devait finalement marquer l’apogée du mouvement à
Caen et les prémices de son essoufflement.
Alors que les
mandarins du syndicalisme local comptaient redorer leur triste blason
après l’échec de leur précédente campagne, lors de la lutte
contre la loi LRU et la grève des cheminots, leur petit jeu
d’auto-congratulation devait rapidement prendre fin. Les délégués
syndicaux, en rangs d’oignons à la tribune, s’échangeaient la
parole en se félicitant pour leur “immense victoire”, le tout
saupoudré d’interminables exposés où chaque catégorie
demandait, au nom de la “solidarité”, la prise en compte de son
problème particulier. Comme le panégyrique corporatiste
s’éternisait, de nombreuses interventions sauvages ont obligé un
syndicaliste à révéler la date de la prochaine “journée
d’action interprofessionnelle” : le 19 mars ! Un déluge
d’interventions particulièrement hostiles s’est alors abattu sur
la tribune déconfite, alimenté également par les étudiants et les
quelques ouvriers du secteur privé, parfois à la retraite, qui
s’étaient, malgré tout, invités à la fête.
Dans ce
contexte, face au risque de débordement, le travail de division des
syndicats s’est malheureusement accéléré, pour finalement
atteindre un degré d’absurdité rarement égalé. Quelques jours
ont suffit pour qu’une myriade d’assemblées générales se
constitue, séparant les enseignants, le personnel d’entretien et
les étudiants, jusque-là unis dans une même assemblée. Chaque UFR
organisait sa petite assemblée, souvent le même jour que d’autres.
La triste “assemblée générale des étudiants en art du
spectacle” aurait pu, à elle seule, incarner le ridicule de la
situation, si la véritable assemblée générale n’avait pas été
rebaptisée pour l’occasion : “assemblée générale
générale” dans laquelle, pour faire bonne mesure, certains
individus des AG d’UFR dénonçaient l’inactivité des
professeurs de latin ou le “bougisme” des étudiants en
biologie.
Démoralisés et dégoûtés par ce spectacle
consternant, ne sachant plus qui décide quoi, beaucoup d’étudiants
et de travailleurs ont cessé de participer au mouvement. Les
assemblées se vidaient à vu d’œil, tout comme les rues, les
jours de manifestation. D’autres, sous l’impulsion des syndicats
ou des partis gauchistes, sont tombés dans le piège des croisades
perdues d’avance, avec leurs cortèges d’assauts du périphérique
à trente personnes, du parvis de la mairie, de la préfecture ou
autres institutions bourgeoises, le tout agrémenté d’assemblées
générales sauvages de douze individus pour statuer sur des
questions grotesques, ou de bagarres pour savoir s’il est légitime
de retirer la batterie des téléphones afin d’éviter “les
espions et les écoutes” lors des réunions d’une commission...
dans la salle principale d’un bar très fréquenté.
Parce qu’un
sabotage de lutte n’est complet qu’en compagnie d’un
authentique sabordage des débats, parce que les multiples prises de
parole des militants du PCF ou de l’UNEF, rabâchant
systématiquement les mêmes slogans, ne suffisaient plus à éclipser
les interventions visant à élargir la discussion au-delà du
corporatisme, les syndicats d’étudiants ont brandi, alors que la
lutte finissait dans l’ensemble des universités, l’arme ultime
pour évacuer les discussions sur les leçons à tirer : le
blocage. Si la paralysie d’une université peut auréoler le sommet
d’une mobilisation et favoriser les rencontres, elle devient un
véritable poison lorsque les “pro-blocages” sont trop peu
nombreux et illégitimes car, dans de telles circonstances, les
questions qu’impliquent une telle action sont particulièrement
sensibles, divisent et cristallisent l’attention de tous, au
détriment d’objectifs plus fondamentaux.
Néanmoins, malgré
l’activité néfaste des syndicats, des signes très prometteurs de
ré-appropriation des armes du prolétariat se sont manifestés dans
les rangs étudiants. Par exemple, quelques AG d’UFR, refusant la
division, ont fini par se dissoudre en rappelant la souveraineté de
l’assemblée générale et le besoin d’unité. De même, les
étudiants ont plusieurs fois tenté de rencontrer les ouvriers en
grève de l’usine Valéo victime de chômage partiel… en vain,
malheureusement, dans la mesure où les contacts se sont limités à
une délégation syndicale qui, finalement, s’est interposée entre
les étudiants et les ouvriers. Un groupe de discussion, fondé en
réaction au contexte bougiste et corporatiste de l’assemblée
générale, a mis en avant la nécessité d’appuyer l’action sur
une rigoureuse réflexion et sur la clarification des enjeux plus
généraux dans lesquels s’inscrivent les réformes de
l’enseignement supérieur. Traduisant une réelle volonté
d’échapper aux assemblées-kermesses, les réunions de ce cercle
ont rassemblé un nombre relativement important d’étudiants,
compte tenu de la modeste diffusion du tract d’invitation. Ainsi,
le travail de sape des syndicats n’a pas réussi à noyer
complètement les travailleurs et les étudiants dans le corporatisme
et la division. Beaucoup d’entre nous ont essayé de fuir les
manœuvres d’émiettement. Si ces actions furent minoritaires,
seule la multiplication des luttes est en mesure de développer ces
réflexes embryonnaires en arme de la classe ouvrière.V.
Nous tenons tout d’abord à saluer ce courrier. Ce témoignage apporte non seulement des éléments concrets sur le déroulement de la lutte dans les universités de Caen mais aussi et surtout des éléments de réflexion valables pour la lutte de classe en général, à Caen, en France comme partout dans le monde. Le camarade met en effet très bien en lumière :
• La nécessité pour toute lutte ouvrière de s’ouvrir aux autres secteurs (aux autres universités, aux entreprises voisines, aux retraités, aux chômeurs…), de s’étendre, de développer un sentiment de solidarité pour se serrer les coudes dans le combat…
• Le rôle des assemblées générales, véritables poumons de la lutte quand elles sont ouvertes et souveraines. Les AG peuvent et doivent permettre aux grévistes de prendre en main leur lutte, de décider eux-mêmes des revendications et des moyens d’action à la suite de discussions vraiment collectives.
• Le rôle réel des syndicats. Il est ici très clair que les syndicats ont tout fait pour étouffer la lutte, diviser, pousser aux actions stériles et, surtout, déposséder les grévistes de LEUR lutte en noyautant les AG. Depuis plusieurs mois maintenant, partout en France, les syndicats étudiants et enseignants sont effectivement à la manœuvre pour épuiser ce secteur très combatif en lui faisant mener un très long mouvement tout en l’isolant du reste de la classe !
• Enfin, la conclusion du camarade nous semble des plus intéressantes. En effet, face au noyautage syndical de la lutte, un petit groupe sur Caen, dont notre lecteur fait partie, semble avoir su éviter le piège des actions “coup de poing”, minoritaires et stériles et a préféré se réunir pour discuter, réfléchir collectivement.
Ce type de cercle de discussion est un élément très important pour le développement de la conscience de classe. Récemment d’ailleurs, un autre cercle de discussion s’est créé à Toulouse (1).
Au cours de chaque lutte, des liens se créent au fil des manifestations, des discussions dans les AG… Il y a alors souvent une certaine effervescence de la réflexion sur les questions “comment lutter ?”, “de quoi l’avenir sera-t-il fait ?”… Mais quand la lutte s’éteint, le plus souvent, l’atomisation reprend le dessus. Chaque gréviste, manifestant, repart dans son coin, seul face à ses questions. Les cercles de discussion sont justement un moyen d’éviter ce repli et de poursuivre les débats. Constitués d’un noyau dur d’éléments, ils doivent être ouverts à toutes personnes sincèrement intéressées par la réflexion. Et, comme cela semble être le cas avec ce cercle de discussion de Caen, les questions abordées ne doivent pas porter seulement sur les leçons à tirer de la lutte qui vient de se mener (même si c’est souvent la première question posée et qu’elle est très importante afin de préparer les luttes futures), mais aussi traiter des sujets plus larges sur le système d’exploitation, d’ordre théorique, historique… selon les préoccupations des participants.
Nous saluons donc vivement cette initiative et la naissance de ce nouveau cercle.
Isabelle (23 avril)
1) Lire notre article “Salut au “Comité Communiste de Réflexion” de Toulouse [11] ”.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[2] https://fr.internationalism.org/ri388/journee_internationale_des_femmes_seule_la_societe_communiste_peut_mettre_fin_a_l_oppression_des_femmes.html
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/36/france
[5] https://fr.internationalism.org/ri394/dans_quel_camp_sont_les_syndicats.html
[6] https://fr.internationalism.org/rint136/les_revoltes_de_la_jeunesse_en_grece_confirme_le_developpement_de_la_lutte_de_classe.html
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/41/espagne
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/7/304/tensions-imperialistes
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[11] https://fr.internationalism.org/ri390/salut_au_comite_communiste_de_reflexion.html