Le journal Révolution internationale, devenu mensuel depuis octobre 1975, sort aujourd’hui son numéro 400. Depuis quasiment trente-quatre ans, Révolution internationale, section du CCI en France, a publié son organe de presse de façon régulière et sans discontinuité, faisant ainsi la preuve du sérieux de notre organisation. En effet, la presse a toujours été le principal outil d’intervention des révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. C’est à travers cette presse qu’ils peuvent faire entendre leur voix, transmettre aux nouvelles générations de prolétaires les acquis de l’histoire du mouvement ouvrier, donner une orientation aux luttes actuelles en s’appuyant sur les enseignements des combats du passé, dénoncer les mensonges, les mystifications et les pièges de toutes les fractions de la bourgeoisie, offrir un cadre cohérent d’analyse de l’évolution du monde capitaliste, affirmer la perspective historique du prolétariat en mettant constamment en avant la nécessité et la possibilité de la révolution communiste mondiale.
La presse révolutionnaire est donc une arme fondamentale du combat de la classe ouvrière. C’est forte de cette conviction que notre organisation, avec ses faibles forces, s’est efforcée pendant plus d’un tiers de siècle de publier et diffuser le plus largement possible le journal RI. Et c’est avec cette même volonté de diffuser le plus largement possible les positions révolutionnaires que RI, ainsi que l’ensemble de la presse du CCI, est depuis plusieurs années régulièrement accessible sur Internet, outil informatique qui nous a permis de développer de nombreuses discussions avec les personnes intéressées par nos positions comme avec d’autres manifestant des désaccords.
Nous tenons ici à remercier tous nos sympathisants et contacts proches qui se sont impliqués et s’impliquent à nos côtés en participant à la diffusion de notre presse dans les librairies, sur leur lieu de travail, dans les manifestations, sur les marchés et autres points de vente réguliers.
RI
Lutter, oui, mais comment ? Dans toutes les têtes, cette même question se pose face à la multiplication des attaques contre nos conditions de vie. Que faire pour se battre sans se heurter toujours aux mêmes impasses avec au bout du compte le goût amer de la défaite et du découragement ?
Il est clair que pour être capable de faire reculer la bourgeoisie et freiner ses attaques, toute lutte ouvrière doit construire et imposer un réel rapport de forces. Et quand la classe ouvrière est-elle forte ?
- Lorsqu’elle est capable d’exister comme classe unie autour d’une même lutte, autour des mêmes revendications unificatrices.
- Quand l’appartenance à un secteur particulier du prolétariat est dépassée par la conscience d’une appartenance à la même classe des exploités embarqués dans la même galère capitaliste, subissant les mêmes attaques et ayant à défendre les mêmes intérêts généraux.
Si on lutte seulement en tant qu’enseignant, postier, cheminot, infirmier, ouvrier de telle ou telle entreprise, en tant que salarié de telle ou telle entreprise, de tel ou tel secteur, défendant tel ou tel intérêt spécifique à sa boîte ou à son usine, on s’expose à se laisser enfermer et à s’isoler de tous les autres exploités dans des luttes fatalement très limitées, et la bourgeoisie peut nous conduire à la défaite et au découragement paquet par paquet.
Si au contraire, nous allons trouver les ouvriers de l’usine d’à côté, les infirmières de l'hôpital d'à côté etc., là, nous sommes au cœur d’une réelle dynamique de développement de la lutte. Quand une lutte démarre dans telle usine ou tel secteur, au lieu de rester isolés dans cette usine, dans ce secteur, la première préoccupation doit être d’étendre la lutte, d’envoyer des délégations massives vers les autres entreprises les plus proches pour les entraîner à leur tour dans la lutte, d’organiser des AG souveraines communes ouvertes à tous, sans exclusive, afin d’y faire participer des travailleurs d’autres secteurs. La véritable solidarité ouvrière lors d’une grève se forge de proche en proche sur la base d’une extension géographique de la lutte.
Propager et étendre la lutte d’un secteur à l’autre, d'une usine à l'autre, est la manifestation d’un besoin vital pour la lutte elle-même : celui de développer la solidarité active en appelant à faire des assemblées générales communes, en désignant des délégués élus et révocables à tout moment, en participant aux manifestations les plus unitaires possible. Dans les manifestations, il s’agit de permettre le rassemblement des ouvriers d’une même ville, en un même lieu, avec le soutien le plus large possible et la solidarité au sein de toute la population.
Mais comment construire un tel rapport de forces ? Est-ce possible ? Les expériences ne manquent pas. Lors de la grève de masse d’août 1980 en Pologne, de façon spontanée, avant que le syndicat Solidarnosc ne fasse main basse sur le mouvement, ce sont les ouvriers de telle ou telle ville qui envoyaient des délégations ou des représentants au Comité de grève central inter-entreprises (MKS) pour mener les négociations avec l’Etat. Ce qui fait peur à la bourgeoisie par-dessus tout, c’est de voir surgir des mobilisations massives et unitaires à travers lesquelles tous les exploités peuvent se reconnaître. C’est en tant que futurs prolétaires que ceux qui ont participé au mouvement de la jeunesse scolarisée se sont dressés au printemps 2006 contre le projet du CPE (Contrat première embauche), et qu’ils ont à certains endroits, comme dans certaines facultés parisiennes, organisé des assemblées générales ouvertes non seulement à tout le personnel de l’université (enseignant, technique ou administratif) mais à tous, parents ou grands-parents d’élèves, travailleurs comme retraités. C’est cela qui a non seulement contraint le gouvernement à abroger le CPE mais le retrait précipité d’un projet similaire en Allemagne démontre le degré de frayeur de la contagion éprouvé par la classe dominante. C’est aussi parce qu’elle tremblait de voir la révolte des étudiants précarisés en Grèce en décembre 2008 s’étendre simultanément en France que le ministre de l’éducation Darcos a suspendu sa réforme des lycées. C’est parce qu’en février dernier, les ouvriers britanniques ont commencé à remettre en cause avec colère le nationalisme dont ils étaient accusés lors de la grève dans les raffineries et les centrales électriques de Lindsey, que le gouvernement britannique a hâtivement cédé en seulement 48 heures à leurs revendications et accepté de créer de nouveaux emplois alors que ces négociations salariales promettaient de traîner pendant des semaines (voir RI no 399). C’est la massivité de la lutte en Guadeloupe autour de la revendication unitaire de 200 euros de hausse sur les salaires (et la crainte de voir cet élan revendicatif s’ériger en modèle non seulement dans les DOM mais jusqu’en métropole) qui a contraint le gouvernement à reculer (voir article dans ce numéro).
C’est précisément cette dynamique vers l’unité dans la lutte que les syndicats n’ont de cesse de saboter et de chercher à pourrir. C’est ce qu’ils font au quotidien en isolant et en encadrant chaque grève, en l’enfermant dans des revendications particulières, en mettant en avant la défense de tel ou tel intérêt spécifique propre à telle ou telle entreprise, à tel ou tel site, dirigée contre tel ou tel patron. Les syndicats appuient leur emprise et leur contrôle sur les luttes à travers l’enfermement des salariés dans le cadre de la défense d’une catégorie, d’une corporation, d’une entreprise ou d’un secteur particulier, et sabotent ainsi le développement des luttes en opposant ou en cloisonnant les ouvriers entre eux. C’est ainsi par exemple qu’ils ont pu faire passer l’attaque contre les régimes spéciaux de la SNCF en 2007, même si, à cette occasion, se sont tissés des liens de solidarité entre cheminots et étudiants en lutte contre la LRU (voir RI ? )
C’est également dans le même but qu’il organisent leurs “journées d’action interprofessionnelles” comme celles du 29 janvier ou du 19 mars qui sont entièrement destinées à canaliser, défouler, stériliser la colère et la combativité, à les priver ou amputer de toute perspective et finalement à alimenter la division dans les rangs des salariés. Ils détournent et dénaturent l’aspiration véritable à l’unité ouvrière en y substituant leur unité syndicale affichée. Mais cette façade en trompe-l’œil masque en fait un gigantesque entretien de la division au sein de la classe ouvrière. Ainsi la manifestation du 19 mars à Paris, sous prétexte de cortège trop massif, a permis aux syndicats, de façon concertée avec la préfecture de police, de scinder la manifestation en deux cortèges distincts et radicalement séparés de façon à empêcher secteur privé et secteur public de défiler ensemble. Ils ont pu ainsi fortifier un saucissonnage systématique des cortèges où chacun défile dans un cloisonnement étanche derrière les banderoles de “son” syndicat, de “son” entreprise, de “son” site, de “son” secteur, avec chacun ses propres mots d’ordre ou ses propres revendications. Les manifestations du 19 mars n’ont ainsi représenté en rien un pas en avant pour la lutte ouvrière mais, au contraire, elles ont constitué un succès de l’encadrement syndical et de ses manœuvres de division.
C’est à cet obstacle syndical que se heurtent toutes les luttes actuelles. L’exemple de la lutte des 1120 salariés de l’usine de pneumatiques Continental à Clairoix dans l’Oise, menacés de licenciement comme des dizaines de milliers d’ouvriers aujourd’hui, vient illustrer ce sabotage permanent. Avec des dizaines d’entreprises sous-traitantes et la suppression de 200 intérimaires déjà licenciés, c’est 3000 salariés qui se retrouveront bientôt privés d’emploi. Deux ans après avoir avalisé un accord signé par les syndicats avec la direction pour le retour aux 40 heures au lieu de 35 avec perte de salaire “pour éviter les licenciements”, les travailleurs ont le sentiment de s’être faits “escroquer”. L’entreprise se trouve dans une zone industrielle qui s’étend jusqu’à Compiègne et regroupe plusieurs usines importantes de la région dont les ouvriers sont promis au même sort ; leur grève avec occupation depuis le 11 mars a bénéficié d’une forte solidarité (visite de salariés d’autres entreprises, approvisionnement en paniers-repas) et a poussé les syndicats à organiser une manifestation à Compiègne lors de la journée d’action du 19 mars qui, sur les 5 kilomètres du parcours, a fait grossir le cortège parti à 3000 jusqu’à 15 000 personnes dans le centre ville (soit le quart de la population de l’agglomération !). De plus, les grévistes ont reçu le soutien des ouvriers d’Inergy (entreprise sous-traitante de l’automobile où un plan de licenciements touchant une cinquantaine de salariés avait été également mis en œuvre) qui ont spontanément mis des bus à leur disposition (leur permettant notamment de se rendre au siège de Continental à Reims puis à Paris le 25 mars où ils ont été reçus – sans aucun résultat – par un sous-fifre de l’Elysée).
Cependant, si ces manifestations de solidarité apportées de l’extérieur ont été accueillies avec sympathie, elles sont restées à sens unique et, à aucun moment, les ouvriers de Continental, étroitement contrôlés par les syndicats, n’ont remis en cause cet encadrement. En abandonnant leur lutte aux mains des syndicats, ils ne se sont pas posés la question d’aller eux-mêmes et massivement vers les autres entreprises voisines pour les appeler à leur tour à entrer en lutte alors qu’ils sont entourés d’entreprises comme Saint-Gobain, Colgate, Cadum, Aventis, Allard, CIE Automotive (entreprise où les ouvriers son réduits au chômage technique pratiquement pendant une semaine par mois). De même, les syndicats ont soigneusement confiné leurs AG à l’intérieur de l’entreprise, sapant ainsi toute initiative d’aller à la rencontre des autres secteurs en lutte. Par contre, ils ont largement encouragé des “actions” consistant à bombarder d’œufs leurs dirigeants, de même qu’ailleurs, ils ont poussé les salariés excédés à les séquestrer (tel le PDG de Sony France dans les Landes ou celui de 3M dans le Loiret ou, en bien d’autres endroits, en leur faisant occuper l’entreprise comme chez GSK – GlaxoSmithKline – à Evreux en Normandie).
Ce n’est pas de cette façon que les salariés pourront se défendre et faire aboutir leurs revendications mais, au contraire, en suivant les exemples, restés embryonnaires, de la lutte des métallurgistes de Vigo au printemps 2006 : ces derniers avaient organisé leur AG, non pas dans l’usine mais en pleine rue, permettant ainsi aux autres ouvriers d’y participer et d’aller manifester massivement ensemble (voir RI no 369). C’est la même méthode de lutte qui a été utilisée dans la grève de solidarité à l’aéroport londonien d’Heathrow en 2005, en riposte aux licenciements d’immigrés asiatiques d’une entreprise en charge des plateaux-repas dans les avions (voir RI no 360). Ce n’est pas la violence, les actions radicales ou le jusqu’au-boutisme de minorités agissantes, qui peuvent faire reculer l’ennemi de classe ; c’est la prise en charge par les travailleurs eux-mêmes de l’extension de la lutte parce que cette extension porte en elle une dynamique d’unification de toute la classe ouvrière.
C’est pourquoi, pour construire un rapport de forces en leur faveur face à la bourgeoisie, en prenant eux-même leur lutte en main, les travailleurs, dans tous les secteurs, ne peuvent faire l’économie d’une confrontation aux syndicats, à leurs pièges, à leurs manœuvres de sabotage et de division.
Eva (28 mars)
19 avril 2007, le candidat Sarkozy promet aux électeurs, la main sur le cœur : “Si je suis élu président de la République, je ferai voter dès l’été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes (1), parce que c’est contraire aux valeurs qui sont les miennes”.
24 mars 2009, le président Sarkozy, toujours aussi menteur, lance à la tribune, sans rougir : “Je le dis comme je le pense : percevoir une grosse rémunération en cas d’échec, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Distribuer des bonus dans une entreprise qui met en œuvre un plan social ou qui reçoit des aides de l’Etat, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Qu’un dirigeant qui a mis son entreprise en difficulté puisse partir avec un parachute doré, en récompense des difficultés qu’il a créées, ce n’est pas responsable et ce n’est pas honnête. Si aucun progrès significatif n’est accompli d’ici au mois de juin, je prendrai mes responsabilités”. Le lendemain, “Si le Medef n’y va pas, on ira par la loi”. Et finalement, Sarkozy fait pondre un décret qualifié par le journal Libération de “bidon” et “d’effet d’annonce” qui ne va concerner que les dirigeants de six banques et de deux constructeurs automobiles…
Plus hypocrite et cynique, tu meurs !
Ces dernières semaines, les annonces successives de parachutes dorés, de stock-options, de primes ou de salaires versés aux grands patrons ont fait scandale. Il n’y a ici rien de nouveau sous le soleil. Le capitalisme est un système où une minorité exploite la majorité. Le mépris pour les travailleurs coule pour ainsi dire dans les veines de la bourgeoisie.
Mais il est vrai que, par ces temps de crise, voir d’un côté les ouvriers se serrer la ceinture, être licenciés et jetés comme des kleenex et, de l’autre, des grands patrons se remplir les poches est encore plus révoltant qu’à l’accoutumée. Ces annonces de millions d’euros attribués aux grands patrons ont provoqué, légitimement, un profond sentiment de dégoût.
Une situation aussi révoltante et provocatrice peut très bien pousser les travailleurs à la lutte. La bourgeoisie ne pouvait donc rester sans réagir. Son plus haut représentant, Nicolas Sarkozy, s’est immédiatement drapé de sa plus belle hypocrisie pour (une nouvelle fois) taper du poing sur la table, dénoncer ces “patrons-voyous” et promettre que l’Etat ne restera pas sans réagir devant une telle injustice.
Bref, l’Etat vient au secours de la classe ouvrière !
Cette ritournelle est d’ailleurs aujourd’hui reprise en chœur par tous les hauts dirigeants de la planète. D’Obama à Merkel, de Zapatero à Brown, tous promettent que les Etats vont intervenir pour “moraliser” l’économie. C’est même l’un des principaux buts affichés par le G20 qui se tiendra le 2 avril.
Il est donc nécessaire de rappeler une vérité toute simple : pour les prolétaires, l’Etat est depuis toujours le pire des patrons ! Qui mène sans cesse des attaques générales contre les conditions de vie de la classe ouvrière ? Qui a, ces dix dernières années, réduit l’accès aux soins, augmenté l’âge de départ à la retraite et diminué les pensions ? Qui a rendu impossible la vie aux chômeurs en les culpabilisant, en les radiant massivement des statistiques officielles et en restreignant drastiquement leurs droits ? Qui a, en 2006, voulu instaurer un contrat “poubelle” pour les jeunes (le fameux CPE) ? L’Etat, toujours l’Etat et encore l’Etat !
Pourtant, il existe encore aujourd’hui dans les rangs ouvriers beaucoup d’illusions sur la nature de cet organe bourgeois. La raison en est la croyance, inculquée et entretenue par tous les gauchistes, qu’après la Seconde Guerre mondiale, l’Etat aurait pris des mesures pour le bien-être de la classe ouvrière (la création de la Sécurité sociale par exemple). C’est le mythe de l’Etat-providence. Ainsi s’entretient l’illusion que des nationalisations massives pourraient permettre une amélioration des conditions ouvrières, et c’est d’ailleurs le programme actuel de toute l’extrême-gauche.
Contrairement à ces mensonges traditionnels de la gauche et de l’extrême-gauche, les nationalisations n’ont jamais été une bonne mesure économique pour le prolétariat. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’importante vague de nationalisations avait pour objectif de remettre sur pied l’appareil productif détruit en augmentant les cadences de travail. Il ne faut pas oublier les paroles de Thorez, secrétaire général du Parti “communiste” français et alors vice-président du gouvernement dirigé par De Gaulle, qui lança à la face de la classe ouvrière, et tout particulièrement à celle des travailleurs des entreprises publiques : “Si des mineurs doivent mourir à la tâche, leurs femmes les remplaceront”, ou : “Retroussez vos manches pour la reconstruction nationale !” ou encore : “La grève est l’arme des trusts”. Bienvenue dans le monde merveilleux des entreprises nationalisées !
Il n’y a ici rien d’étonnant. Les révolutionnaires communistes ont toujours mis en évidence, depuis l’expérience de la Commune de Paris de 1871, le rôle viscéralement anti-prolétarien de l’État : “L’État moderne, quelle qu’en soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal. Plus il fait passer de forces productives dans sa propriété, et plus il devient capitaliste collectif en fait, plus il exploite de citoyens. Les ouvriers restent des salariés, des prolétaires. Le rapport capitaliste n’est pas supprimé, il est au contraire poussé à son comble” (F. Engels en 1878) (2).
La nouvelle vague de nationalisations, qui a effectivement commencé dans le secteur bancaire et dans l’automobile aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, n’apportera donc rien de bon à la classe ouvrière. Elle ne permettra pas non plus à la bourgeoisie de renouer avec une véritable croissance durable. Au contraire ! Ces nationalisations annoncent des bourrasques économiques à venir encore plus violentes.
En effet, en 1929, les banques américaines qui ont fait faillite ont sombré avec les dépôts d’une grande partie de la population américaine, plongeant dans la misère des millions d’ouvriers. Dès lors, pour éviter qu’une telle débâcle ne se reproduise, le système bancaire avait été séparé en deux : d’un côté, les banques d’affaires qui financent les entreprises et qui travaillent sur les opérations financières en tout genre, de l’autre, les banques de dépôt qui reçoivent l’argent des déposants et qui s’en servent pour des placements relativement sécurisés. Or, emportées par la vague de faillites de l’année 2008, ces banques d’affaires américaines n’existent plus. Le système financier américain s’est recomposé tel qu’il était avant le 24 octobre 1929 ! A la prochaine bourrasque, toutes les banques “rescapées” grâce aux nationalisations partielles ou totales risquent à leur tour de disparaître mais en emportant cette fois-ci les maigres économies et les salaires des familles ouvrières. Aujourd’hui, si la bourgeoise nationalise, ce n’est pas pour suivre un quelconque nouveau plan de relance économique mais pour éviter l’insolvabilité immédiate des mastodontes de la finance ou de l’industrie. Il s’agit d’éviter le pire, de sauver les meubles (3).
Mais, si ce n’est à travers ses plans de relance, l’État peut-il tout de même être LE sauveur en relançant l’économie à coup de milliards de dollars ? Eh bien, non ! Cette espérance se base sur l’idée qu’un Etat ne peut pas faire faillite, qu’il peut donc sortir indéfiniment de l’argent de sa poche (ou plutôt de ses planches à billets). Ben Bernanke, l’actuel président de la Fed (la Banque centrale américaine), avait ainsi prononcé un discours le 21 novembre 2002 qui est resté célèbre : il affirmait qu’en cas de crise aux Etats-Unis, il suffisait d’“imprimer de l’argent à l’infini et le déverser par hélicoptère” (4).
Quand un particulier fait faillite, il perd tout et il est jeté à la rue. L’entreprise, elle, met la clef sous la porte. Mais un État ? Un État peut-il faire faillite ? Après tout, nous n’avons jamais vu d’État “fermer boutique”. Pas exactement, en effet. Mais être en cessation de paiement, oui ! En 1982, quatorze pays africains sur-endettés ont été contraints de se déclarer officiellement en cessation de paiement. Dans les années 1990, des pays d’Amérique du Sud et la Russie ont fait eux aussi défaut. Plus récemment, en 2001, l’Argentine s’est à son tour écroulée. Concrètement, ces États n’ont pas cessé d’exister, l’économie nationale ne s’est pas arrêtée non plus. Par contre, chaque fois, il y eu une sorte de séisme économique : la valeur de la monnaie nationale a chuté, les prêteurs (en général d’autres États) ont perdu tout ou partie de leur investissement et, surtout, l’État a réduit drastiquement ses dépenses en licenciant une bonne partie des fonctionnaires et en cessant de payer pour un temps ceux qui restaient.
Aujourd’hui, de nombreux pays sont au bord d’un tel gouffre : l’Equateur, l’Islande, l’Ukraine, la Serbie, l’Estonie, etc. Mais qu’en est-il des grandes puissances ? Le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, a déclaré fin décembre que son État se trouvait en “état d’urgence fiscale”. Ainsi, le plus riche des Etats américains, le “Golden State”, s’apprête à licencier une bonne partie de ses 235 000 fonctionnaires (ceux qui resteront vont devoir prendre deux jours de congés non payés par mois à partir du 1er février 2009) ! En présentant ce nouveau budget, l’ex-star d’Hollywood a averti que “chacun devra consentir des sacrifices”. C’est ici un symbole éloquent des difficultés économiques profondes de la première puissance mondiale. Nous sommes encore loin d’une cessation de paiement de l’État américain, mais cet exemple montre clairement que les marges de manœuvre financières sont actuellement très limitées pour l’ensemble des grandes puissances. L’endettement mondial semble arriver à saturation (il était de 60 000 milliards de dollars en 2007 et a encore gonflé de plusieurs milliers de milliards depuis) ; contrainte de poursuivre dans cette voie, la bourgeoisie va donc provoquer des secousses économiques dévastatrices. La FED a abaissé ses taux directeurs pour l’année 2009 à 0,25 % pour la première fois depuis sa création en 1913 ! L’État américain prête donc de l’argent presque gratuitement (et même en y perdant si l’on prend en compte l’inflation). Tous les économistes de la planète en appellent à un new New Deal, rêvant de voir en Obama le nouveau Roosevelt, capable de relancer l’économie, comme en 1933, par un immense plan de grands travaux publics financé… à crédit. Mais le plan d’Obama annoncé début 2009 est, aux dires mêmes des économistes, “bien décevant” : 775 milliards vont être débloqués pour à la fois permettre un “cadeau fiscal” de 1000 dollars aux foyers américains (95 % de ces foyers sont concernés), afin de les inciter à “se remettre à dépenser” et lancer un programme de grands travaux dans le domaine de l’énergie, des infrastructures et de l’école. Ce plan devrait, promet Obama, créer trois millions d’emplois “au cours des prochaines années”. L’économie américaine détruisant en ce moment plus de 500 000 emplois par mois, ce nouveau New Deal (même s’il fonctionne au mieux des prévisions, ce qui est très peu probable) est donc encore vraiment loin du compte.
Des plans d’endettement étatique équivalents au New Deal, la bourgeoisie en lance régulièrement depuis 1967, sans véritable succès. L’endettement des ménages, des entreprises ou des États, n’est qu’un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction (5) ; il permet tout au plus de sortir momentanément l’économie de l’ornière mais toujours en préparant des crises à venir plus violentes. Et pourtant, la bourgeoisie va poursuivre cette politique désespérée car elle n’a pas d’autre alternative, comme le montre, une énième fois, la déclaration du 8 novembre 2008 d’Angela Merkel à la Conférence internationale de Paris : “Il n’existe aucune autre possibilité de lutter contre la crise que d’accumuler des montagnes de dettes” ; ou encore la dernière intervention du chef économiste du FMI, Olivier Blanchard : “Nous sommes en présence d’une crise d’une amplitude exceptionnelle, dont la principale composante est un effondrement de la demande […] Il est impératif de relancer […] la demande privée, si l’on veut éviter que la récession ne se transforme en Grande dépression”. Comment ? “par l’augmentation des dépenses publiques”.
La montagne de dettes accumulées durant quatre décennies s’est transformée en véritable Everest et rien ne peut aujourd’hui empêcher le capital d’en dévaler la pente. L’état de l’économie est réellement désastreux. Cela dit, il ne faut pas croire que le capitalisme va s’effondrer d’un coup. La bourgeoisie ne laissera pas SON système disparaître de cette façon et sans réagir ; elle tentera désespérément, et par tous les moyens, de prolonger l’agonie de son système, sans se soucier des maux infligés à l’humanité. Sa folle fuite en avant vers toujours plus d’endettement va donc se poursuivre et il y aura, probablement, à l’avenir, de-ci de-là, de courts moments de retour à la croissance. Mais ce qui est certain, c’est que la crise historique du capitalisme vient de changer de rythme. Après quarante années d’une lente descente aux enfers, l’avenir est aux soubresauts violents, aux spasmes économiques récurrents frappant non plus les seuls pays du tiers-monde mais aussi les États-Unis, l’Europe, l’Asie…
Alors, la bourgeoisie peut bien aujourd’hui tenter de nous bercer de douces illusions en nous faisant croire que les Etats ont l’économie bien en main et qu’ils vont dorénavant s’attacher à “moraliser” le capitalisme. La réalité, c’est que dans tous les pays, les Etats, de droite comme de gauche, seront les fers de lance des attaques anti-ouvrières à venir !
Jennifer (27 mars )
1) Parachutes dorés.
2)
In l’Anti-Duhring, Ed. Sociales 1963, p.318.
3) Ce faisant, elle crée un terrain plus propice au développement des luttes. En effet, en devenant leur patron officiel, les ouvriers auront tous face à eux dans leur lutte directement l’Etat. Dans les années 1980, la vague importante de privatisation des grandes entreprises (sous Thatcher en Angleterre, par exemple) avait constitué une difficulté supplémentaire pour dévoyer la lutte de classe. Non seulement les ouvriers étaient appelés par les syndicats à se battre pour sauver les entreprises publiques ou, autrement dit, pour être exploités par un patron (l’Etat) plutôt qu’un autre (privé), mais en plus ils se confrontaient non plus au même patron (l’Etat) mais à une série de patrons privés différents. Leurs luttes étaient souvent éparpillées et donc impuissantes. A l’avenir, au contraire, le terreau sera plus fertile aux luttes d’ouvriers unis contre l’Etat.
4) Depuis, on le surnomme “helicopter Ben”.
5) Pour comprendre plus en profondeur la crise économique, lire notre article “La plus grave crise économique de l’histoire du capitalisme [3]”.
Face aux mouvements de grève qui ont secoué la Guadeloupe, la Martinique et, dans une moindre mesure, La Réunion, l’Etat français a finalement reculé et cédé à presque toutes les revendications ouvrières.
En Guadeloupe, l’accord “Jacques Bino” (du nom du syndicaliste assassiné lors des émeutes de la fin février), signé le 26 février, et le texte général paraphé le 5 mars prévoient une augmentation de 200 euros pour les bas salaires (moins de 1,4 fois le SMIC) et intègrent les 146 revendications du LKP (1) sur le pouvoir d’achat (prix de la baguette, embauche d’enseignants…). En Martinique, un accord similaire a été trouvé le 10 mars, entérinant là aussi une hausse des bas salaires et les 62 revendications du “Collectif du 5 février” (2). A la Réunion, la situation est plus floue. Au moment où nous rédigeons cet article, l’accord proposé par l’Etat (150 euros pour les bas salaires et peu de précisions sur les 62 revendications du mouvement) n’a pas encore été signé par le COSPAR (3). Les discussions sont toujours en cours. Quoi qu’il en soit, même si ces négociations n’ont pas encore abouti, elles indiquent tout de même un certain recul de la bourgeoisie française.
Pourquoi la bourgeoisie a-t-elle ainsi cédé ? De quoi a-t-elle eu peur ? Comment les ouvriers de ces îles sont-ils parvenus à arracher ces mesures ? Quelle fut la force de ce mouvement ? Répondre à toutes ces questions, c’est mieux nous préparer pour les luttes futures.
De façon évidente, la première ligne de force de la lutte aux Antilles fut l’ampleur de la combativité. Durant 44 jours en Guadeloupe et 38 jours en Martinique, la classe ouvrière s’est mobilisée massivement, paralysant l’ensemble de l’économie. Les entreprises, les ports, les commerces…, tout a été bloqué (4).
Si une lutte si longue et intense a été possible, c’est non seulement parce qu’elle a été portée par une grande colère face à la paupérisation croissante mais aussi par un profond sentiment de solidarité. La première manifestation en Guadeloupe, le 20 janvier, avait rassemblé 15 000 personnes. Trois semaines plus tard, le nombre des manifestants dépassait les 100 000 (soit près du quart de la population !). Cette montée en puissance s’explique notamment par la recherche permanente de la solidarité ouvrière. Les grévistes ont ainsi tout fait pour étendre le plus rapidement possible la lutte : dès le 29 janvier, des “groupes de débrayage” ont parcouru régulièrement Pointe-à-Pitre et sa périphérie, de rues en rues, d’entreprises en entreprises, afin d’entraîner derrière eux une partie de plus en plus large de la classe ouvrière et de la population.
La seconde ligne de force est la prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes. Il est vrai que le LKP a joué un rôle important, qu’il a rédigé la plate-forme des revendications et qu’il a mené toutes les négociations. Cela dit, dans les médias, tout s’est passé comme si la classe ouvrière obéissait aveuglément au LKP et qu’elle ne faisait que suivre Elie Domota, le leader charismatique. Rien n’est plus faux ! Ce sont les ouvriers, et non les leaders syndicaux, qui ont mené la lutte ! Le LKP ne s’est constitué que pour mieux encadrer, canaliser ce mécontentement et éviter que cette prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes n’aille trop loin au goût de la bourgeoisie. Ainsi, l’un des éléments cruciaux de ce mouvement en Guadeloupe fut la diffusion publique, à la radio et à la télévision, des négociations entre le LKP et l’Etat. En effet, dans la chronologie des événements établie par le LKP (5), on peut lire “Le samedi 24 janvier : Grand déboulé dans les rues de Pointe-à-Pitre – 25 000 manifestants. Invitation à des négociations avec toutes les parties à 16 h 30 au World Trade Center. […] Discussion ouverte sur l’accord de méthode. Présence exceptionnelle de Canal 10 qui retransmet en léger différé” (souligné par nous). Le lendemain, un nouveau “grand déboulé” rassemble 40 000 personnes ! Cette diffusion des négociations a galvanisé les troupes parce qu’elle montrait que cette lutte leur appartenait et qu’elle n’était pas aux seules mains de quelques “experts syndicaux” négociant dans l’ombre et le secret des bureaux étatiques. Cette diffusion publique et en direct des négociations (sur Canal 10, RFO ou Radyo Tambou) va être systématisée durant toute la semaine suivante, jusqu’au 5 février. Ce jour-là, le secrétaire d’Etat Yves Jégo qui, en voyant de ses propres yeux comment se déroule cette lutte, a compris avant tous les autres le réel danger potentiel pour sa classe, demande à ce que ces diffusions cessent immédiatement. Le LKP ne protestera que très mollement car ce “collectif” est en fait lui aussi beaucoup plus à l’aise, de par sa nature syndicale, dans le secret des négociations entre “experts” (ce qui prouve qu’il n’avait accepté dans un premier temps cette retransmission publique que sous la pression ouvrière).
Ce mouvement avait donc une grande force intrinsèque mais cela ne peut suffire à expliquer que l’Etat français ait reculé à ce point et “lâché” une augmentation de 200 euros pour les bas salaires. De plus, la bourgeoisie a aussi cédé à La Réunion alors que le mouvement y était beaucoup plus faible. En effet, les syndicats, à travers le collectif COSPAR, étaient parvenus à saboter en partie le mouvement en appelant à manifester le 5 mars, jour de la fin de la grève générale en Guadeloupe, en insistant bien sur le fait qu’il ne suivait pas le modèle “du mouvement antillais” (le Point du 4 mars). Ce collectif s’était ainsi assuré de l’isolement de cette grève. Et effectivement, sans la locomotive de la lutte en Guadeloupe, les manifestations des 5 et 10 mars auraient été des semi-échecs, avec une mobilisation bien en deçà des attentes (respectivement 20 000 et 10 000 personnes environ). Et pourtant, là aussi, l’Etat français a cédé. Pourquoi ?
En fait, la mobilisation aux Antilles et à La Réunion s’inscrit dans un contexte international de montée de la combativité ouvrière.
En Grande-Bretagne, par exemple, une grève a éclaté fin janvier à la raffinerie du groupe Total de Lindsey. Après avoir tenté en vain de diviser les ouvriers entre “anglais” et “étrangers” et face, au contraire, à l’unité des grévistes (on pouvait lire lors des manifestations des slogans tels que “Centrale électrique de Langage – Les ouvriers polonais ont rejoint la grève : Solidarité” ou “Prolétaires du monde entier, unissez-vous !”), la bourgeoise avait dû, là aussi, reculer en annulant les suppressions de postes prévus et en annonçant la création de 102 nouveaux emplois (6).
La bourgeoisie, au niveau international, n’a donc aucune envie de voir une lutte prendre de l’ampleur et donner des idées aux ouvriers des autres pays, qui plus est quand cette lutte se dote de méthodes telles que l’extension par des cortèges allant d’entreprise en entreprise, la prise en main des luttes et le contrôle des négociations par leur radio-diffusion…
Et c’est encore plus vrai en France. L’Etat français a cédé aussi rapidement à La Réunion car une grande manifestation allait avoir lieu en métropole le 19 mars. Il fallait impérativement, pour la classe dominante, que toute cette histoire de grève générale dans les DOM soit finie pour éviter qu’elle n’inspire trop les ouvriers de l’hexagone. Le journal Libération a exprimé clairement cette peur de la bourgeoisie française dans un article du 6 mars : “Contagion. A Paris, cette “révolte” qui a saisi les départements d’outre-mer a été mal comprise par le pouvoir. Sauf par Yves Jégo qui a très vite su mettre des mots dessus. Mais, par crainte de la contagion, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont, eux, tergiversé en jouant le pourrissement… pour finir par délier la bourse de l’Etat” (7).
Certes, la lutte dans les DOM est sortie victorieuse. La hausse de 200 euros pour les bas salaires est un gain non négligeable. Cela dit, il ne faut pas se faire d’illusions, les conditions de vie de la classe ouvrière dans les îles, comme partout ailleurs, vont continuer inexorablement de se détériorer.
Déjà, la bourgeoisie tente de revenir en partie sur les accords signés. Sur les 200 euros d’augmentation, 100 doivent être versés par l’Etat, 50 par les collectivités territoriales et 50 par le patronat. Or, le Medef a déjà annoncé qu’il ne versera pas ou seulement une partie des augmentations (et encore, selon les branches et les secteurs) tout comme les collectivités. Quant à l’Etat, son engagement ne vaut finalement que pour deux ans ! Comme l’avait dit Charles Pasqua, “les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent” ; le cynisme et l’hypocrisie de la classe dominante ne sont plus à démontrer en ce domaine.
Sous les coups de boutoir de la crise, la paupérisation va continuer de se développer. Les hausses de salaires, si elles sont un jour effectives, seront rapidement annulées par la hausse des prix. Et déjà, 10 000 destructions d’emplois sont prévues pour 2009 en Martinique.
La véritable victoire de ce mouvement, c’est la lutte elle-même ! Ces expériences sont autant de leçons pour préparer les luttes futures et renforcer le ciment de la force des exploités : leur unité, leur solidarité et la confiance en leur capacité à prendre leurs luttes en main.
Pawel (26 mars)
1) Le LKP (Lyannaj kont profitasyon – Union contre la surexploitation) est le collectif regroupant 49 organisations syndicales, politiques, culturelles et associatives qui a établit dès le 20 janvier la plate-forme revendicative.
2) Collectif bâti sur le modèle du LKP dès le début du mouvement en Martinique, le 5 février donc. Il regroupe 25 organisations syndicales, politiques et culturelles.
3) COSPAR : Collectif d’organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion (regroupe 46 organisations).
4) Lire notre article rédigé pendant la lutte “Antilles : La lutte massive nous montre le chemin ! [5]”
5) Source : www.lkp-gwa.org/chronologie.htm [6]
6) Lire notre article “Grèves en Grande Bretagne : les ouvriers commencent à remettre en cause le nationalisme [7] ”.
En principe, les Guignols de Canal + sont une caricature de nos hommes politiques. Mais on a souvent le sentiment que ce sont les politiciens eux-mêmes qui sont les caricatures de leur marionnette.
Sur Canal, Sarkozy apparaît comme un excité mégalomane et caractériel et, lorsqu’il n’est pas sous l’œil de la caméra, c’est bien comme cela qu’il se présente à ses proches. On en trouve régulièrement des illustrations dans le Canard enchaîné qui a la réputation d’être bien informé. Ainsi, dans le numéro du 4 mars du palmipède, on peut lire la tirade suivante du Président de la République française : “Je ne veux plus voir les enseignants, les chercheurs et les étudiants dans la rue ! Fini les projets de décret (sur les enseignants-chercheurs). Fini aussi les suppressions des IUFM. Vous me réglez ça. Vous vous couchez. Je m’en fous de ce que racontent les cons (1) du ministère ! S’il le faut, vous n’avez qu’à faire rédiger les textes par les syndicats, mais qu’on passe à autre chose ! On a bien assez de problèmes comme ça. De toute façon, ce n’étaient que des projets de merde”.
Les “cons” que fustige à longueur de semaines le Président sont les “experts” qu’il a lui-même mis en place. Quant aux “projets de merde”, ils font partie des “réformes” qu’il a promises pendant sa campagne électorale et qu’il répète vouloir maintenir, vaille que vaille. Mais comme tout petit garnement capricieux et tyrannique, le “Premier des Français” essaie de faire porter le chapeau de ses propres bêtises à ses camarades de la cour de récré (2).
Dans ce même numéro du Canard, on peut lire cet autre échantillon de la profondeur de vues du Président de la République : “Copé n’arrête pas de m’emmerder, de prendre des initiatives à l’Assemblée et des déclarations qui me font chier. Alors, s’il continue à me casser les couilles, il faudra lui couper les siennes, et vite.”
La pensée officielle essaie de nous vendre que “ceux qui nous gouvernent sont des hommes comme les autres”. C’est vrai en partie : ils se comportent comme n’importe quel petit chefaillon d’un chantier de BTP et n’ont rien à lui envier dans le domaine du machisme. Mais ce sont ces hommes qui assument, pour le compte de la classe exploiteuse, les attaques permanentes contre les exploités, et cela fait une petite différence avec les “gens ordinaires”. Entre eux, ils se détestent et c’est normal : ils veulent tous être “calife à la place du calife”. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions : face à la classe ouvrière, ils se serrent les coudes.
La solidarité que celle-ci développe lorsqu’elle engage la lutte contre ses exploiteurs n’est pas circonstancielle comme celle de la bourgeoisie. Elle exprime au contraire son être profond de classe appelée à renverser ce système pourrissant et à instaurer une société libérée de l’exploitation de même que de toutes les bassesses dont le capitalisme se repaît.
Corentin (28 mars)
1)
Il est probable que ce sont les “cons” que Sarkozy humilie à
longueur d’années qui informent régulièrement le Canard.
2) Au passage, on peut constater que même s’il est caractériel, Sarkozy n’est pas idiot : il est parfaitement conscient que les syndicats peuvent être des gestionnaires avisés des intérêts du capital français.
Nous présentons ici un tract rédigé par un collectif de travailleurs d’Alicante dénonçant la convention collective qui a été un piège signé par la Sainte Trinité des syndicats, du patronat et du gouvernement autonome.
Ces camarades dénoncent fermement la division semée par ladite convention. La bourgeoisie fait tout pour nous diviser et pour que nous nous affrontions les uns aux autres. La société actuelle pousse à l’atomisation et à la fragmentation. Elle génère la destruction des liens sociaux. Et l’action des syndicats, du gouvernement et du patronat ne fait qu’en rajouter dans cette division.
Et s’il est si difficile de lutter et se mobiliser c’est parce que le capital et ses rapports sociaux agissent quotidiennement pour qu’il y ait de plus en plus d’entraves vers l’unité, vers la solidarité, pour arriver à prendre des décisions ensemble.
Voilà pourquoi les initiatives du genre de celle de ces camarades, qui peuvent paraître modestes et minimes, sont, en réalité, un effort conscient supplémentaire qui, ajouté à bien d’autres, finiront par briser les chaînes de l’atomisation, de la division et de la concurrence.
La dénonciation que ces camarades font des syndicats nous paraît tout aussi claire. Les syndicats se présentent comme les professionnels de la négociation et de l’organisation de la lutte. Au nom de ces prétendus attributs, ils nous demandent de nous en remettre à eux ; et que finit-il par arriver ? À chaque fois, ils se placent du côté du patronat, du gouvernement, du côté des puissants. Ils ont beau se draper d’un habit “radical”, se jeter dans la rue et organiser des simulacres de lutte : leur seul objectif est de faire en sorte qu’on se défoule un peu et qu’on rentre tranquille s’enfermer chacun chez soi avec l’illusion que “nous avons fait quelque chose”.
Nous devons briser cette deuxième chaîne faite par les syndicats : pour cela, il ne faut pas en rester à la simple dénonciation, nous devons impulser des assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, dans lesquelles nous discutons et décidons ensemble des actions à mener, assemblées contrôlées collectivement.
Il faut que dans ces assemblées participent aussi “des travailleurs qui avec leur meilleure foi militent dans les syndicats, des travailleurs qui peuvent même être des délégués syndicaux”, comme le disent si justement nos camarades. L’expérience concrète de la lutte ouvrière et des assemblées ouvrières nous montre deux choses :
1) Les syndicats nous vendent, nous donnent des coups de poignard dans le dos, ils sont toujours au service du patronat.
2) Il y a des camarades très honnêtes qui sont prisonniers de l’activité des syndicats et, tout en pestant contre eux, gardent toujours leur carte syndicale.
Nous pensons qu’il existe une organisation où nous pouvons travailler tous ensemble EN TANT QUE TRAVAILLEURS, sans divisions entre nous dues à une carte ou une couleur syndicale : c’est l’assemblée générale liée à la lutte, ouverte aux travailleurs des autres secteurs, d’où qu’ils viennent. L’assemblée générale née de et dans la lutte, en lien avec elle, voilà le cadre de notre unité.
C’est pour tout cela que l’initiative de nos camarades doit s’étendre, doit être prise en main par d’autres travailleurs. Nous encourageons à répondre à leurs appels et à prendre des initiatives similaires.
CCI (20 février 2009)
Nous, travailleurs des centres et des services pour les handicapés dépendants de la “Convention collective du travail régionale des centres et des services de soin aux personnes handicapées de la région de Valence”, avons été bernés et manipulés par le patronat, le service régional et les syndicats.
Ces trois “agents sociaux” ont signé cette année un accord avec une nouvelle échelle de salaires : une pour les travailleurs des centres (services généraux) accordant des augmentations et une autre pour d’autres services spécifiques sans augmentation salariale.
Ceci veut dire, en pratique, que des camarades qui travaillent dans la même entreprise, avec la même convention et le même poste de travail, peuvent avoir des salaires très différents.
Dans ce sens, les agissements des syndicats sont très éclairants. Rares sont d’entre nous qui voyons les délégués syndicaux “en décharge horaire” se présenter sur les lieux de travail pour savoir quels sont nos problèmes réels et quotidiens. Ils n’y viennent que lors des élections syndicales, à la pêche aux voix, et lorsqu’il faut nous “convaincre” de quelque chose.
On signe des augmentations de salaire qui divisent les travailleurs dans notre convention collective et, en même temps, le même syndicat signe 20 plans sociaux, autrement dit le licenciement de beaucoup de travailleurs.
On est tous touchés par de tels agissements, parce qu’un jour l’entreprise où nous travaillons peut être “touchée” ou parce que des gens de notre famille ou des amis y travaillent.
Pour faire face à cette situation, il faut réaliser des actions qui favorisent l’unité des travailleurs pour nous défendre. Notre appel ne s’adresse pas seulement à notre secteur, parce que nous sommes nombreux à être les victimes des syndicats. Il s’adresse à toute la classe ouvrière.
Mais il s’adresse aussi à tous ces travailleurs qui, avec toute leur bonne foi, militent au sein des syndicats ; des travailleurs qui sont peut-être même des délégués syndicaux. Nous savons qu’il y a beaucoup de camarades honnêtes qui pensent faire de leur mieux ou la seule chose possible, qui militent dans ces organisations et qui veulent vraiment défendre les intérêts de la classe ouvrière. Avec ces camarades, nous serons toujours ouverts autant à la discussion qu’aux actions communes.
1. Une lettre de dénonciation de la signature de la convention de travail avec les handicapés, qui fait la part belle aux syndicats. Nous vous demandons de faire la plus grande diffusion de cette lettre.
2. Des e-mails de protestation contre les syndicats, le patronat et le service régional de notre secteur. Nous vous demandons aussi d’en faire la plus grande publicité.
3. Une assemblée des travailleurs de notre secteur où l’on s’informera de la situation et des actions entreprises et où l’on pourra engager d’autres actions. Nous considérons que cette assemblée doit être ouverte à n’importe quel camarade intéressé. Elle aura lieu le 26 mars à 19 heures à Alicante. Le lieu est à déterminer en fonction de la quantité de personnes qui voudront y assister. Cela sera communiqué au moins une semaine à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’e-mail de la Plate-forme.
4. Une assemblée ouverte de travailleurs début mai à Alicante. Nous attendrons jusqu’à la mi-avril pour recueillir des propositions en vue d’établir la date la plus appropriée pour cette assemblée. La date et le lieu seront communiqués au moins 15 jours à l’avance. Il faudrait confirmer sa présence à l’adresse e-mail de la Plate-forme.
Voici les questions que nous proposons pour cette assemblée :
Nous, travailleurs, sommes dans une situation extrêmement vulnérable, nos conditions de vie et de travail ne font qu’empirer de jour en jour : qui les rend encore pires et pourquoi ? Comment pouvons-nous nous défendre ? Comment pouvons-nous nous unir et nous organiser ? Pourquoi sommes-nous si désunis et comment pouvons-nous régler ce problème ? Quel est le rôle joué par les syndicats ?
Face
aux attaques continuelles
dont
souffrent les
travailleurs,
organisons-nous par nous-mêmes
pour nous
défendre !
Plate-forme
des travailleurs
des services socio-sanitaires d’Alicante
Assemblée ouverte des travailleurs
ptssproleta@yahoo.es [12]
Mercredi 4 mars, la Cour pénale internationale (CPI) a ordonné un mandat d’arrêt contre Omar Al-Bachir, le président du Soudan. Formellement, le président soudanais est accusé de “crimes de guerre et crimes contre l’humanité”.
Qui est donc justement cet Omar Al-Bachir que prétend juger la CPI, ce jouet des gangs impérialistes qui siègent au Conseil de sécurité de l’ONU, donc au service de ceux-là mêmes qui gouvernent le monde et qui ont laissé ouvertement le président soudanais détruire, réduire à la misère et violenter toute une population durant bientôt vingt ans ?
Ils ont beau jeu aujourd’hui d’épingler Al-Bachir qui, depuis son arrivée au pouvoir, n’a jamais cessé d’orchestrer guerres et exactions des plus barbares, avec un bilan de centaines de milliers de morts.
“En avril 1990, dix mois après son arrivée aux affaires, il fait exécuter vingt-huit officiers pour ‘complot’. A partir de 2003, il lance ses milices Djandjawids sur des centaines de villages du Darfour avec mission de tuer, violer, piller. On connaît le résultat : trois cent mille morts, selon l’ONU” (1).
Voila, officiellement, le morbide “bilan” des victimes d’Omar Al- Bachir au Darfour, mais pour qu’il soit complet, rappelons qu’avant de commettre ses odieuses “œuvres” dans la région du Darfour, ce même tueur (dès sa prise du pouvoir) avait relancé et amplifié le sinistre conflit du Sud-Soudan qui s’est conclu par plus de 2 millions de morts.
Omar Al-Bachir est bien le principal massacreur des populations soudanaises, mais la question est : ce barbare a-t-il pu accomplir ces horreurs tout seul, ou a-t-il bénéficié du soutien d’autres criminels qui se cachent derrière lui ?
Pour nous et pour tous ceux qui observent l’attitude des grandes puissances au Soudan, il est clair que ce sont bien ces mêmes brigands capitalistes concurrents qui se disputent le contrôle de cette région, et qui ont armé, soutenu et fermé à dessein les yeux sur les agissements du “dictateur de Khartoum”. En effet, ce dernier a servi successivement les intérêts des uns et des autres. Par exemple, dans les années 1990-2000, il fut l’instrument de l’impérialisme français dans la lutte d’influence que ce dernier livrait contre les Etats-Unis pour le contrôle de la région soudano-tchadienne. Ainsi, c’est avec l’appui militaire du régime soudanais que l’impérialisme français a pu aider l’actuel président Idriss Déby à s’emparer du pouvoir tchadien en chassant l’ex-président Hissène Habré qui, de pion de la France, fut ensuite le pion de Washington. Par ailleurs, comme le signalait le Monde du 6 mars, Sarkozy aura été le dernier chef d’Etat occidental à rencontrer Omar Al-Bachir en novembre 2008 au Qatar. Car “la France souhaitait aussi préserver le Tchad, régime ami, de nouveaux soubresauts liés à la crise du Darfour”. Voilà pourquoi Paris reste si attaché au régime criminel d’Al-Bachir.
Pour ce qui concerne les Etats-Unis, on se souvient que c’est en “ami” que le président soudanais a été sollicité par l’administration Bush en vue de signer un “accord de sécurité” pour la “guerre antiterroriste”, ouvrant grand le territoire soudanais aux agissements de la CIA et plus généralement aux intérêts américains. Mais surtout, Omar Al-Bachir venait de commettre les abjects crimes “contre l’humanité” au Darfour quand il a été invité par Washington à négocier et à signer le fameux “plan de paix américain” ayant débouché en 2005 sur un “gouvernement d’union” entre le pouvoir de Khartoum et les anciens sécessionnistes du SPLM (Mouvement de libération du peuple du Soudan du Sud). Et le représentant américain à cette “table de négociation” a bien sûr évité de remarquer que les mains d’Al-Bachir suintaient encore du sang de ses victimes.
Quant à la Chine, depuis les années 1990-2000, elle a intensifié ses relations avec Khartoum et est devenue aujourd’hui son meilleur soutien politico-diplomatique (notamment à l’ONU), tout en lui achetant près de 70 % de son pétrole et en étant, par ailleurs, son premier fournisseur en armements. En clair, le Soudan d’Al-Bachir constitue aujourd’hui le principal pion et le bras armé de l’impérialisme chinois dans l’extension de l’influence de ce dernier en Afrique.
On voit donc que le “monstre” soudanais tant vilipendé aujourd’hui par des médias occidentaux, qui retrouvent une voix “horrifiée” pour l’occasion, continue à vivre et survivre, comme il l’a toujours fait, à l’ombre d’un protecteur impérialiste, dont les “ex”, ou autres prétendants au mariage, font tout leur possible pour lui offrir une porte de sortie. Comme le dit Jeune Afrique déjà citée :
“Si le président Al-Bachir pense que l’accusation de la CIP est infondée, il peut la contester (Etats-Unis) ; il ne saurait y avoir d’autre solution que politique à la crise du Darfour (France) ; Omar Al-Bachir bénéficie d’une immunité de chef d’Etat en vertu du droit international (Russie) ; la Chine s’oppose à tout acte qui pourrait perturber la situation pacifique globale du Darfour et du Soudan (Chine)”.
Pour résumer, Français, Américains, Russes, Chinois et tous les autres vautours impérialistes se fichent totalement du sort des populations du Darfour qui, aujourd’hui comme hier, sont littéralement livrées au bourreau de Khartoum. Parce que cette région est un des hauts-lieux géo-stratégiques d’Afrique, véritable plaque tournante du continent, toutes les grandes puissances impérialistes vont continuer à se disputer leur influence en semant la guerre et la mort. Avec ou sans condamnation d’Omar Al-Bachir par le CPI, l’enfer ne pourra donc que se poursuivre pour les habitants du Darfour.
Amina (23 mars)
1) Jeune Afrique, 14 mars 09.
À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin et des 150 ans de la publication de son ouvrage l’Origine des espèces, une multitude de livres, aux titres plus alléchants les uns que les autres, couvre les étals des librairies. De nombreux auteurs plus ou moins savants se sont découvert subitement un engouement pour Darwin, chacun espérant remporter la palme du best-seller de l’année, après le score du livre à sensation de Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu (qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires dans le monde). Pour le “grand public”, il est donc bien difficile de s’y retrouver et de faire le tri dans cette foire aux livres scientifiques. Pour notre part, nous avons choisi sans hésitation celui de Patrick Tort (1), l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation (Éditions du Seuil), qui fournit une explication particulièrement éclairante de la conception matérialiste de la morale et de la civilisation chez Darwin.
Patrick Tort est, à notre connaissance, le seul auteur qui, dépassant la polarisation médiatique sur l’Origine des espèces, présente et explique la deuxième grande œuvre (méconnue ou souvent mal interprétée) de Darwin, la Filiation de l’homme, publiée en 1871.
Le livre de Patrick Tort met très clairement en évidence la façon dont les épigones de Darwin se sont emparés de la théorie de la descendance modifiée par le moyen de la sélection naturelle, développée dans l’Origine des espèces, et ont mis à profit le long silence de Darwin sur les origines de l’homme pour justifier l’eugénisme (théorisé par Galton) et le “darwinisme social” (dont l’initiateur fut Herbert Spencer).
Contrairement à une idée longtemps dominante, Darwin n’a jamais adhéré idéologiquement à la théorie malthusienne de l’élimination du plus faible dans la lutte sociale impliquée par la croissance démographique. Dans l’Origine des espèces, il n’a fait qu’utiliser cette théorie comme modèle pour expliquer les mécanismes de l’évolution organique. Il est donc totalement faux d’attribuer à Darwin la paternité de toutes les idéologies hyper-libérales soutenant l’individualisme, la concurrence capitaliste et la “loi du plus fort”.
Dans son ouvrage fondamental, la Filiation de l’homme, Darwin s’oppose au contraire très catégoriquement à toute application mécanique et schématique de la sélection naturelle éliminatoire à l’espèce humaine engagée dans la voie de la “civilisation”. Patrick Tort nous explique d’une façon remarquablement argumentée et convaincante, citations à l’appui, la manière dont Darwin concevait l’application de sa loi d’évolution à l’homme et aux sociétés humaines.
En premier lieu, Darwin rattache l’Homme phylogénétiquement à la série animale, et plus particulièrement à un ancêtre commun qu’il doit avoir avec les singes catarhiniens de l’Ancien Monde. Il étend donc naturellement le transformisme à l’espèce humaine, montrant que la sélection naturelle a également façonné son histoire biologique. Néanmoins, selon Darwin, la sélection naturelle n’a pas seulement sélectionné des variations organiques avantageuses, mais aussi des instincts, et particulièrement des instincts sociaux, tout au long de la série animale. Ces instincts sociaux ont culminé dans l’espèce humaine et ont fusionné avec le développement de l’intelligence rationnelle (et donc de la conscience réfléchie).
Cette évolution conjointe des instincts sociaux et de l’intelligence s’est accompagnée chez l’Homme de “l’extension indéfinie” des sentiments moraux et de la sympathie altruiste. Ce sont les individus et les groupes les plus altruistes et les plus solidaires qui disposent d’un avantage évolutif sur les autres groupes.
Quant au prétendu “racisme” dont Darwin est encore taxé aujourd’hui, on peut en réfuter la réalité par cette seule citation : “À mesure que l’homme avance en, civilisation, et que les petites tribus se réunissent en communautés plus larges, la plus simple raison devrait aviser chaque individu qu’il doit étendre ses instincts sociaux et ses sympathies à tous les membres d’une même nation, même s’ils lui sont personnellement inconnus. Une fois ce point atteint, il n’y a plus qu’une barrière artificielle pour empêcher ses sympathies de s’étendre aux hommes de toutes les nations et de toutes les races. Il est vrai que si ces hommes sont séparés de lui par de grandes différences d’apparences extérieures ou d’habitudes, l’expérience malheureusement nous montre combien le temps est long avant que nous les regardions comme nos semblables” (la Filiation de l’Homme) (2).
Selon Patrick Tort, Darwin nous donne une explication naturaliste, et donc matérialiste, de l’origine de la morale et de la civilisation.
Concernant plus particulièrement l’origine de la morale, c’est dans les chapitres de la Filiation de l’Homme relatifs à la sélection sexuelle que l’on trouve les aperçus les plus frappants. Patrick Tort nous explique que, d’après Darwin, le premier vecteur de l’altruisme chez de nombreuses espèces animales (principalement les mammifères et les oiseaux), réside dans l’instinct (indissociablement naturel et social) de la reproduction. Ainsi, le développement et l’étalage ostentatoire de leurs caractères sexuels secondaires (cornes, plumages nuptiaux et autres excroissances ornementales), destinés à attirer les femelles à la saison des amours, comportent un “risque de mort” : “Couvert de sa splendide et pesante parure de noces, l’Oiseau de Paradis est certes irrésistible, mais ne peut presque plus voler, et se trouve ainsi en grand danger face aux prédateurs. Les femelles, quant à elles, prodigueront leurs soins à la progéniture, et pourront, afin de la défendre, se mettre elles aussi en danger. L’instinct social a donc une histoire évolutive, et comporte comme éventualité le sacrifice de soi, qui culmine dans la morale humaine. Darwin produit ainsi une généalogie de la morale sans référence à la moindre instance extra-naturelle” (Patrick Tort, Darwin et la science de l’évolution).
Enfin, contrairement aux idées reçues suivant lesquelles Darwin aurait été un fervent promoteur de l’inégalité des sexes en donnant l’avantage au sexe “fort”, c’est tout le contraire qui est vrai si l’on se place dans la perspective des tendances évolutives. Pour Darwin (et c’est en cela qu’il rejoint la vision d’Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, de même que celle d’August Bebel dans son livre la Femme et le socialisme), ce sont les femelles (et par extension les femmes) qui sont les premières porteuses de l’instinct altruiste : dans le règne animal, ce sont les femelles qui choisissent le mâle reproducteur et qui, de ce fait, font un “choix d’objet” (première forme de reconnaissance de l’altérité), de même que ce sont elles qui s’exposent le plus souvent aux prédateurs pour protéger les petits.
Grâce à sa maîtrise remarquable de l’œuvre de Darwin et de la dialectique, Patrick Tort en arrive à développer une théorie (qu’il avait déjà élaborée en 1983 dans son livre la Pensée hiérarchique et l’Évolution) de “l’effet réversif de l’évolution”.
En quoi consiste cette théorie ? Elle se résume en une phrase très simple : “par la voie des instincts sociaux, la sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle”.
Pour nous éviter des paraphrases, citons ici ce passage du livre de Patrick Tort : “Par le biais des instincts sociaux, la sélection naturelle, sans ‘saut’ ni rupture, a ainsi sélectionné son contraire, soit : un ensemble normé, et en extension, de comportements sociaux anti-éliminatoires – donc anti-sélectifs au sens que revêt le terme de sélection dans la théorie développée par l’Origine des espèces –, ainsi corrélativement, qu’une éthique anti-sélectionniste (= anti-éliminatoire) traduite en principes, en règles de conduite et en lois. L’émergence progressive de la morale apparaît donc comme un phénomène indissociable de l’évolution, et c’est là une suite normale du matérialisme de Darwin et de l’inévitable extension de la théorie de la sélection naturelle à l’explication du devenir des sociétés humaines. Mais cette extension, que trop de théoriciens, abusés par l’écran tissé autour de Darwin par la philosophie évolutionniste de Spencer, ont interprétée hâtivement sur le modèle simpliste et faux du ‘darwinisme social’ libéral (application aux sociétés humaines du principe de l’élimination des moins aptes au sein d’une concurrence vitale généralisée), ne peut en toute rigueur s’effectuer que sous la modalité de l’effet réversif, qui oblige à concevoir le renversement même de l’opération sélective comme base et condition de l’accession à la ‘civilisation’ (…) L’opération réversive est ainsi ce qui fonde la justesse finale de la distinction entre nature et culture, en évitant le piège d’une ‘rupture’ magiquement installée entre ces deux termes : la continuité évolutive, à travers cette opération de renversement progressif lié au développement (lui-même sélectionné) des instincts sociaux, produit de cette manière non pas une rupture effective, mais un effet de rupture qui provient de ce que la sélection naturelle s’est trouvée, dans le cours de sa propre évolution, soumise elle-même à sa propre loi – sa forme nouvellement sélectionnée, qui favorise la protection des ‘faibles’, l’emportant, parce qu’avantageuse, sur sa forme ancienne, qui privilégiait leur élimination. L’avantage nouveau n’est plus alors d’ordre biologique : il est devenu social.”
“L’effet réversif de l’évolution” est donc ce mouvement de retournement progressif qui produit un “effet de rupture” sans pour autant provoquer de rupture effective dans le processus de la sélection naturelle (3). Comme l’explique très justement Patrick Tort, l’avantage obtenu par la sélection naturelle des instincts sociaux n’est plus alors, pour l’espèce humaine, d’ordre biologique, mais il devenu d’ordre social.
Dans la pensée de Darwin, il y a donc bien une continuité matérialiste du lien entre l’instinct social, assorti de gains cognitifs et rationnels, la morale et la civilisation. Cette théorie de “l’effet réversif de l’évolution”, en donnant une explication scientifique des origines de la morale et de la civilisation, a ainsi le mérite de mettre un terme au faux dilemme entre nature et culture, continuité et discontinuité, biologie et société, inné et acquis, etc.
Dans l’article publié sur notre site Web (de même que dans notre presse papier), Darwin et le mouvement ouvrier, nous avons rappelé comment les marxistes ont salué les travaux de Darwin, notamment son principal ouvrage, l’Origine des espèces. Marx et Engels, dès la sortie du livre de Darwin, avaient immédiatement reconnu dans sa théorie une démarche analogue à celle du matérialisme historique. Le 11 décembre 1859, Engels écrit une lettre à Marx dans laquelle il affirme : “Ce Darwin, que je suis en train d’étudier, est tout à fait sensationnel. On n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature”.
Un an plus tard, le 19 décembre 1860, Marx, après avoir lu l’Origine des espèces, écrit à Engels : “Voilà le livre qui contient la base, en histoire naturelle, pour nos idées”.
Néanmoins, quelque temps après, dans une autre lettre à Engels datée du 18 juin 1862, Marx reviendra sur son jugement en faisant cette critique non fondée à Darwin : “Il est remarquable de voir comment Darwin reconnaît chez les animaux et les plantes sa propre société anglaise, avec sa division du travail, sa concurrence, ses ouvertures de nouveaux marchés, ses ‘inventions’ et sa ‘malthusienne’ ‘lutte pour la vie’. C’est le bellum omnium contra omnes (la guerre de tous contre tous) de Hobbes, et cela rappelle Hegel dans la Phénoménologie, où la société civile intervient en tant que ‘règne animal’ de l’esprit, tandis que chez Darwin, c’est le règne animal qui intervient en tant que société civile” (Marx-Engels, Correspondance).
Engels reprendra, en partie, à son compte cette critique de Marx dans l’Anti-Dühring (Engels fera allusion à la “bévue malthusienne” de Darwin) et dans la Dialectique de la nature.
Du fait du long silence de Darwin sur la question de l’origine de l’homme (il ne publiera la Filiation de l’homme qu’en 1871, plus de onze ans après l’Origine des espèces (4), ses épigones, notamment Galton et Spencer, ont exploité la théorie de la sélection naturelle pour l’appliquer schématiquement à la socialité contemporaine. L’Origine des espèces était donc facilement assimilée à la défense de la théorie malthusienne de la “loi du plus fort” dans la lutte pour l’existence.
Malheureusement, ce long silence de Darwin sur l’origine de l’Homme a contribué à semer la confusion chez Marx et Engels qui, n’ayant pas pu prendre connaissance de l’anthropologie darwinienne (qui ne sera développée qu’en 1871 (5)), ont confondu la pensée de Darwin avec l’intégrisme libéral ou l’obsession épuratrice de deux de ses épigones.
L’histoire des relations entre Marx et Darwin, entre le marxisme et le darwinisme, était donc celle d’un “rendez-vous manqué” (selon l’expression utilisée par Patrick Tort dans certaines de ses conférences publiques). Pas tout à fait cependant puisque, malgré sa critiques de 1862, Marx continuera à garder une très profonde estime pour le matérialisme de Darwin. Bien qu’il n’ait pas pris connaissance de la Filiation de l’homme, Marx, en 1873, offrira à Darwin un exemplaire de l’édition allemande de son œuvre majeure, le Capital, avec cette dédicace : “À Charles Darwin, de la part d’un admirateur sincère”. Quand on ouvre aujourd’hui ce livre (qui se trouve dans la bibliothèque de la demeure de Darwin), on constate que seules les premières pages ont été coupées. Darwin ne fut guère attentif à la théorie de Marx, car l’économie lui semblait trop éloignée de sa compétence. Cependant, quelques mois plus tard, le 1er octobre 1873, il tient à lui témoigner sa sympathie dans une lettre de remerciements : “Cher Monsieur, Je vous remercie de l’honneur que vous me faites avec l’envoi de votre grand ouvrage sur le Capital; je désirerais sincèrement être plus digne d’en être le destinataire et pouvoir mieux m’orienter dans cette question profonde et importante de l’économie politique. Bien que nos intérêts scientifiques soient très différents, je suis convaincu que tous deux nous souhaitons sincèrement l’épanouissement de la connaissance et que celle-ci, finalement, servira à l’agrandissement du bonheur de l’humanité”.
Voilà comment les deux fleuves, malgré le “rendez-vous manqué”, ont pu, partiellement, mêler leurs eaux.
Par ailleurs, le mouvement ouvrier, après Marx, n’a pas repris à son compte la critique formulée par ce dernier à Darwin en 1862. Et cela même si la grande majorité des théoriciens marxistes (y compris Anton Pannekoek, dans sa brochure Darwinisme et marxisme) est passée un peu à côté de la Filiation de l’homme.
Bien sûr, Pannekoek, tout comme Kautsky (dans son livre Éthique et conception matérialiste de l’histoire) et Plekhanov (dans la Conception moniste de l’histoire), ont salué chez Darwin sa théorie des instincts sociaux. Mais ils n’ont pas pleinement compris que Darwin avait développé une théorie de la généalogie de la morale et de la civilisation et une vision matérialiste de leurs origines. Une théorie qui, sur bien des aspects, rejoint la conception moniste de l’histoire et débouche, finalement, sur la perspective du communisme, c’est-à-dire l’aspiration à l’unification de l’humanité en une communauté humaine mondiale. Telle était l’éthique de Darwin, même s’il n’était pas marxiste et n’avait aucune conception révolutionnaire de la lutte de classe.
D’une certaine façon, on pourrait affirmer aujourd’hui que s’il n’y avait pas eu ce “rendez-vous manqué” entre Marx et Darwin à la fin du xixe siècle, il est fort probable que Marx et Engels auraient accordé à la Filiation de l’homme la même importance qu’à l’étude de L.H. Morgan sur le communisme primitif, la Société archaïque (sur laquelle s’est appuyé en grande partie Engels dans l’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État).
Ni Morgan ni Darwin n’étaient marxistes. Néanmoins, leur contribution (le premier dans le domaine de l’ethnologie, le second dans celui des sciences de la nature) restera un apport considérable pour le mouvement ouvrier. Aujourd’hui, l’espèce humaine est confrontée à un déchaînement sans précédent du “chacun pour soi”, de la “guerre de tous contre tous”, de la concurrence exacerbée par la faillite historique du capitalisme.
Face à la décomposition de ce système décadent, la classe ouvrière mondiale, celle des producteurs associés, doit plus que jamais favoriser, à travers son combat contre la barbarie capitaliste, l’extension des sentiments sociaux de l’espèce humaine afin de développer en son sein sa conscience de classe révolutionnaire. C’est le seul moyen pour que l’humanité puisse accéder à l’étape suivante de la civilisation : la société communiste, c’est-à-dire une véritable communauté humaine mondiale, solidaire et unifiée (6).
Sofiane (23 mars 2009)
1) Patrick Tort est attaché au Muséum national d’histoire naturelle. Responsable de la publication du monumental Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, il a créé et dirige l’Institut Charles Darwin International (www.charlesdarwin.fr [15]). Il a consacré trente ans de sa vie à l’étude de l’œuvre de Darwin dont il se propose, dans le cadre de son Institut, de publier l’intégralité en langue française (35 volumes prévus aux éditions Slatkine, dont deux déjà parus).
2) Il faut également souligner que Darwin était farouchement opposé à l’esclavage et a dénoncé a plusieurs reprises la barbarie de la colonisation.
3) Pour illustrer sa théorie, Patrick Tort utilise une métaphore topologique, celle du ruban de Möbius, qui permet de comprendre comment, grâce au phénomène du passage progressif au revers, on passe “de l’autre côté” du ruban sans discontinuité (voir la démonstration de cet “effet de rupture” sans rupture ponctuelle dans l’Effet Darwin. Sélection naturelle et naissance de la civilisation).
4) Darwin ne voulait pas provoquer trop rapidement un nouveau “choc” dans la société bien pensante de son époque. C’est pourquoi il a préféré attendre que le premier “choc” de l’Origine des espèces se fût estompé avant d’aller plus loin. Il n’était pas évident de faire accepter, même parmi ses pairs au sein de la communauté scientifique, l’idée que l’homme pût avoir un ancêtre commun avec les grands singes.
5) Lorsque Darwin se décida à publier en 1871 la Filiation de l’homme, Marx et Engels n’y prêtèrent pas attention, trop préoccupés qu’ils étaient par les événements de la Commune de Paris et les difficultés organisationnelles de l’Association internationale des travailleurs, alors en proie aux manœuvres de Bakounine.
6) Bien évidemment, cette société “communiste” n’a rien à voir avec le stalinisme, avec les régimes capitalistes d’État qui ont dominé l’URSS et les pays de l’Est jusqu’en 1989. Ses contours véritables ont été présentés par le Manifeste communiste de 1848 ou la Critique du programme de Gotha (Marx, 1875) notamment dans le passage suivant : “Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l’horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux ‘De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !’”.
Nous publions ci-dessous de larges extraits d’un courrier signé “Des instits solidaires” qui exprime une véritable colère et un profond sentiment de solidarité face à la répression qui s’est abattue lundi 9 mars à Lyon sur des étudiants qui manifestaient (1).
Charge de CRS à Lyon contre des étudiants et des enseignants
Il n’y a pas qu’en Guadeloupe que l’Etat fait donner ses chiens de garde contre tous ceux qui osent remettre en cause, par leurs luttes et leurs manifestations, sa sale politique anti-ouvrière au service du capitalisme.1En effet, hier, lundi 9 mars, plusieurs centaines de manifestants avaient décidé de montrer dans la rue leur colère et leur mécontentement à propos de la venue à Lyon, pour une rencontre concernant les biotechnologies, de la ministre de Sarkozy, Valérie Pécresse, tristement célèbre dans le monde universitaire. A ces manifestants excédés par la mise à la casse de l’université et l’avenir de précarité qui leur est promis, le gouvernement a une nouvelle fois choisi de répondre par la violence. Charges de CRS, de forces spéciales et de répression, telle la BAC (2), matraquages, bombes lacrymogènes et tir de flash-balls, voilà à quoi furent soumis les manifestants. Cette répression ouverte et violente est directement dans le prolongement de celle qui s’était abattue il y a quelques mois contre les grévistes en lutte contre la LRU (3). Là encore, les CRS et autres gardes mobiles avaient notamment encerclé l’université de Bron dans la banlieue de Lyon puis tabassé systématiquement les étudiants qui ne voulaient pas céder devant ce coup de force de l’Etat. Mais aujourd’hui, l’intimidation est encore montée d’un cran puisque, en plus des blessés amenés à l’hôpital, trois manifestants ont été arrêtés. Ils doivent être jugés ce mardi 10 mars en comparution immédiate sous le motif fumeux de rébellion. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas ce que la justice bourgeoise aura décidé à leur propos. Mais dans tous les cas, c’est l’ensemble de la classe ouvrière au travail, au chômage ou dans les facultés qui se doit d’être solidaire de tous ceux qui, luttant pour défendre leurs conditions de vie et leur avenir, se retrouvent pris sous les coups de la répression, que ce soit sous forme de matraquages systématiques ou de condamnations judiciaires arbitraires. Certes, nous pensons qu’il n’est pas nécessairement judicieux d’aller à quelques centaines dans la rue, s’exposer à la férocité des forces de répression bourgeoises. […] Cependant, par delà les discussions collectives qui doivent avoir lieu dans la classe ouvrière pour savoir comment développer nos luttes, il est évident que nous ne pouvons que comprendre la colère et le refus de se laisser faire sans réagir, de la part de tous ces jeunes qui subissent directement des attaques sans précédent sur leurs conditions d’étude et leurs conditions de vie. Plus que jamais, la lutte est nécessaire. Afin que celle-ci puisse se développer de manière consciente, massive et organisée, il est sans doute important de se rassembler en formant des comités de discussion et de luttes qui pourront aborder toutes ces questions vitales. Il ne faut pas se faire d’illusions, la répression qui s’est abattue sur les manifestants à Lyon ne fait que traduire la façon dont la bourgeoisie s’apprête à répondre aux luttes à venir. Cette violence ne doit pas nous intimider, nous démoraliser ni nous démobiliser, mais elle doit amener la classe ouvrière, et tout particulièrement les jeunes en son sein, à réfléchir aux moyens de développer le combat.
Face à la répression et à la violence de l’Etat bourgeois, vive la solidarité active de toute la classe ouvrière en lutte !
Des instits solidaires
1) Ces camarades nous ont indiqué qu’ils ont aussi transmis ce courrier au site Rebellyon et qu’il y a été publié le jour même (http ://rebellyon.info/article6118.html). La version complète de ce courrier est disponible sur notre site internet.
2) NDLR : Brigade anti-criminelle.
3) Lire notre article : “Manifestation des lycéens à Lyon : des provocations policières pour tenter de pourrir le mouvement”.
Le 6 février 2009, on assistait à la naissance officielle du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en même temps qu’à l’auto-dissolution de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Cet événement avait été annoncé et préparé de longue date. Ce nouveau parti suscite un réel engouement : alors que la LCR déclarait 3000 militants, le NPA revendique plus de 9000 membres encartés au jour de sa naissance !
A l’issue de son congrès de fondation, le NPA a nommé un Conseil politique national dont 45 % des membres viennent de l’ex-LCR. Après deux années de gestation et de montée en puissance de sa figure de proue, Olivier Besancenot, cette naissance a bénéficié d’une large publicité dans les médias (notamment à travers l’émission populaire Vivement dimanche ! animée par Michel Drucker en mai 2008). Mais elle est également accueillie avec intérêt et sympathie en milieu ouvrier, notamment parmi les jeunes générations de prolétaires séduits par son “ouverture” apparente à tous les thèmes sociaux et surtout à leurs préoccupations quotidiennes : la lutte contre les inégalités sociales et la dégradation de leurs conditions de vie et de travail, le combat contre la précarité, la dégradation de l’environnement, l’encouragement à la mobilisation dans toutes sortes de luttes… Plusieurs interrogations sautent aux yeux d’emblée :
Quels sont le programme réel et les objectifs du NPA ? Pourquoi l’apparition aujourd’hui de ce nouveau parti dans le paysage politique national ? A quoi et à qui peut-il servir ? Qu’est-ce qui le distingue et a contrario quels sont ses points communs avec l’ex-organisation trotskiste de la LCR dont il est l’excroissance ?
Les réponses à ces questions nous conduiront à revenir aux origines et à l’histoire de la LCR que nous analyserons à travers une série d’articles pour appréhender la nature de cette organisation-mère et du NPA lui-même.
Mais d’abord, il faut noter que le changement de nom est significatif. Il est clair que la LCR faisait apparaître deux termes : “communiste” et “révolutionnaire” qui renvoient à une tradition précise et historique du mouvement ouvrier que le NPA fait disparaître. La LCR prétendait se rattacher à cette tradition en se revendiquant clairement comme organisation “trotskiste” et même représentante en France de la “Quatrième Internationale” fondée par Trotski en 1938. La LCR voulait ainsi se placer dans la continuité historique des trois précédentes Internationales du mouvement ouvrier, et se réclamait de Trotski, l’un des plus fameux révolutionnaires de l’histoire, comme de Lénine et des principaux protagonistes de la Révolution d’octobre 1917 en Russie. Le NPA est résolument en rupture avec de telles attaches. Ainsi, Besancenot a déclaré à cor et à cri en fondant le NPA : “on ne peut pas faire du neuf avec du vieux”, et aussi : “il est temps de tourner la page du vieux mouvement ouvrier pour écrire une nouvelle page vierge”. En fait, cherchant à ratisser plus large, Besancenot se garde non seulement de nier cet héritage mais il dit aussi accepter plusieurs autres influences, y compris celle de Rosa Luxemburg. Cependant, il a déclaré publiquement à plusieurs reprises que Trotski se rattachait à un passé révolu, de même que son combat d’opposant à Staline et au stalinisme. Selon lui, une nouvelle période se serait ouverte avec l’effondrement du “modèle soviétique” en 1989, dépassant les schémas du passé. Dans une interview à Rue89 le 20 février, Besancenot déclarait : “Trotski n’est pas mon sponsor officiel.” Certes. Mais de sponsors, Besancenot n’en manque pas, il est l’invité régulier d’émissions et de débats à la télévision, il ne manque jamais l’occasion de faire la une des magazines et de la presse people ! Il a d’ailleurs précisé que son organisation préférait prendre “Che” Guevara pour modèle. Ces déclarations sont pour le moins curieuses quand on sait qu’en fait, “Che” Guevara se rattache lui aussi étroitement à “une période historique révolue”, celle de la Guerre froide et qu’au nom d’un “anti-impérialisme” hostile aux Etats-Unis, le “Che” a été partie prenante dans l’affrontement entre les deux blocs impérialistes russe et américain (voir notre article “Che Guevara : mythe et réalité”, RI n° 384, novembre 2007).
Quant à “l’anticapitalisme” revendiqué par le NPA, on ne saurait être plus vague et flou ; car qui aujourd’hui se déclare “pro-capitaliste” alors que tout un chacun jusque dans la classe dominante reconnaît que le capitalisme est en crise ? Même un Sarkozy ose proclamer qu’il faut “refonder le capitalisme” (même si, comme tous les dirigeants du monde entier, il n’a aucune clé pour sortir le capitalisme de l’impasse).
Ce flou est au cœur du programme du NPA qui se présente comme un champion de la démocratie et de la “citoyenneté”, comme un parti “ouvert”. Le livre tout récemment paru en librairie d’un ancien membre de la LCR adhérent au NPA, François Coustal, l’Incroyable histoire du Nouveau parti anticapitaliste, donne quelques clés pour comprendre comment s’est formé le NPA et comment la LCR a agrégé et aspiré un incroyable ramassis venu des quatre coins du paysage politique, mêlant vieux routiers plus ou moins issus du gauchisme et jeunes éléments lycéens sans la moindre formation politique : mouvance altermondialiste, ex-membres d’ATTAC, animateurs de réseaux ou de mouvement associatifs dans les quartiers, écolos alternatifs, anciens Verts, partisans de José Bové, oppositionnels au traité de Maastricht, fractions ou éléments dissidents de LO, anciens mao-staliniens repentis, libertaires en rupture de ban, syndicalistes de SUD-Solidaires, minoritaires de la CGT ou de la FSU et même de FO, ex-membres du PC, rénovateurs comme refondateurs. Tous les vieux routards ont amené leur propre expérience “politique”, c’est-à-dire un passé de grenouillage et d’alliances magouilleuses dans la “gauche plurielle” avec telle ou telle “sensibilité” particulière à tel ou tel problème “de société”, souvent contradictoires. Il est savoureux de rapporter certains débats préparatoires à la formation du NPA : “J’ai assisté à un débat de fous sur les vertus des toilettes sèches. Des copains de sensibilité fortement écologiste insistaient sur le fait que l’on pouvait les installer sur les balcons. A quoi des habitants des cités populaires répliquaient vertement que, dans leur cité, il n’y avait pas de balcons. Même incompréhension lorsque certains prônaient les thèses de la décroissance : d’autres qui étaient dans la galère, leur répondaient que eux, dans la décroissance, ils y étaient depuis longtemps, voire depuis toujours !” (in F. Coustal, op.cit., p. 74).
Le NPA se présente néanmoins comme porteur d’une “nouvelle perspective” et affiche plusieurs ambitions :
– créer un nouveau pôle “rassembleur”, une véritable gauche d’opposition sur le plan électoral, à visage résolument “antilibéral”, brandissant l’étendard de “l’anti-sarkozysme” comme en s’opposant au pouvoir de la droite et des patrons ; les médias le désignent volontiers comme le meilleur adversaire de Sarkozy ;
– concurrencer le PS et se démarquer nettement d’une social–démocratie “convertie au libéralisme” et surtout trop compromise dans les attaques anti-ouvrières. Le NPA déclare ne plus vouloir lui servir d’éternel rabatteur lors des élections, comme l’était la LCR : “Nous sommes dans l’indépendance vis-à-vis du PS” qui “par son programme et sa pratique (…) a renoncé à toute transformation sociale.”
En effet, le PS a perdu de plus en plus sa crédibilité de force d’opposition et d’encadrement, en s’affirmant avant tout comme parti de gouvernement prenant ou prônant pendant une quinzaine d’années les mêmes mesures que la droite et menant de féroces attaques contre la classe ouvrière.
Dans le même temps, le PCF, lui aussi décrédibilisé par la participation de ministres communistes au pouvoir au sein d’un gouvernement de gauche d’abord entre 1981 et 1984, puis entre 1997 et 2002 au sein de la “gauche plurielle”, se retrouve trop affaibli et complètement discrédité depuis l’effondrement des régimes staliniens après 1989. Depuis près de 20 ans, régulièrement, à chaque élection, le PCF rassemble moins de voix que la LCR et à un degré moindre, LO, chacun séparément. Il ne doit sa survie surtout sur le plan électoral et dans l’appareil d’Etat comme groupe parlementaire et à la gestion des municipalités qu’à la place que veut bien lui accorder le PS dans ses listes d’union de la gauche.
Au cours des années précédentes, la LCR s’attachait, en concurrence avec LO, à combler ce vide et l’affaiblissement dangereux pour la classe dominante des forces politiques d’encadrement traditionnelles de la classe ouvrière mais face à la situation actuelle et au renouveau de la combativité et de développement de la lutte de classe, cette adaptation était insuffisante. D’ailleurs, il est patent que LO marque le pas et que son crédit s’effrite. Même avec la radicalité de son discours et son caractère plus ouvriériste, LO comme son égérie Arlette Laguiller (qui vient de passer la main à une plus jeune “copie conforme”, Nathalie Arthaud), apparaissent surannés et leur rabâchage de propos trop connus a suscité une lassitude dans les médias.
Au contraire, la LCR a déniché l’oiseau rare en trouvant dès les présidentielles de 2002 le jeune petit facteur, Besancenot, comme porte-parole gouailleur et rubicond, à la bouille sympathique, brillant orateur, habile tacticien et doué d’un sens de la communication exceptionnel. Tous les médias bourgeois l’ont alors propulsé sur le devant de la scène politique.
Mais il serait erroné d’y voir un simple engouement en vogue passagère. Tout nouveau, tout beau, bien sûr ! Mais l’entreprise de la bourgeoisie est autrement plus sérieuse et dangereuse. La création de ce “nouveau parti” est en fait un véritable contre-feu favorisé par l’éclectisme démagogique et opportuniste de la LCR au nom de la défense de la citoyenneté et de la démocratie. Cela correspond bien à un besoin de la bourgeoisie et de son adaptation à non seulement canaliser mais surtout noyer et dévoyer la montée de la colère ouvrière derrière une contestation tous azimuts. La pression de la crise et la montée des mécontentements pousse le NPA à radicaliser ses postures, à s’orienter davantage en milieu ouvrier, en particulier en direction des jeunes générations de prolétaires baignés dans la question du chômage et de la précarité. L’implantation et l’orientation plus “sociale” et ouvrière sont nettement plus affirmées au NPA qu’au sein de la LCR, dont le programme était jusque-là marqué par des préoccupations avant tout interclassistes (droit des peuples, des minorités, féminisme…) ; c’est un autre paradoxe apparent : le NPA actuel, en perdant ses références directes au communisme et à la révolution, révèle une tendance à être beaucoup plus ancré dans le prolétariat que la LCR dont les éléments venaient essentiellement du milieu étudiant et de la petite-bourgeoisie. C’est en fait dans l’ensemble du prolétariat et non plus sur des minorités qu’il a l’ambition de mener un travail de sape idéologique.
C’est pourquoi le modèle du postier Besancenot, qui change de casquette en sautant d’un endroit à l’autre en surfant sur l’actualité, fait recette. Présent lors de la manifestation du 29 janvier sous la bannière de SUD et des postiers du 92, puis s’affichant au forum social altermondialiste de Sao Paulo, baladant encore son image porteuse de lutte en lutte, que ce soit en Guadeloupe ou dans les usines en grève, faisant le va-et-vient entre une réunion NPA et deux plateaux télés, il est aussi en constante campagne électorale.
Il est maintenant concurrencé par le Parti de gauche créé le week-end précédent par l’ex-membre de la direction du PS Jean-Luc Mélanchon qui, lui, est sorti de l’appareil social-démocrate pour préconiser un vaste front électoral de gauche, incluant une alliance directe avec le PCF et plus proche du PS. Et aux offres de service duquel Besancenot a répliqué : “Nous ne sommes pas une boutique électorale, pas un parti institutionnel, mais un parti de militants”, bien qu’un quart des délégués du NPA souhaite que ce dernier rejoigne directement le front de gauche de Mélanchon et du PCF.
En fait, le NPA a pour vocation de stériliser et de figer les interrogations de plus en plus nombreuses qui surgissent au sein de différents secteurs et de différentes couches sociales sur l’impasse de la société capitaliste. Il court-circuite la réflexion collective pour la ramener sur un terrain électoral, nationaliste et syndical, avec des “solutions” qui ne sont que de vieilles recettes idéologiques réformistes faisant croire à une autre gestion du capitalisme possible : faire payer les riches, relancer la consommation populaire, mieux répartir les richesses, autogestion. Ou encore à base de vieilles recettes capitalistes d’Etat : nationalisations des entreprises et des banques, ou à base d’illusions altermondialistes d’aménagement de la misère. Aujourd’hui, c’est un piège pour ramener sur le terrain bourgeois beaucoup de jeunes prolétaires précarisés, inquiets de l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, étudiants ou lycéens, qui s’interrogent et veulent sincèrement faire quelque chose pour s’opposer au système qui les broie. Il exploite et flatte l’impatience de beaucoup, la fascination pour l’activisme et l’immédiatisme. Pour cela, il anime et multiplie la création de “collectifs” comme l’Appel et la Pioche qui lancent des actions comme les pique-niques “sauvages, festifs et gratuits” dans les rayons des supermarchés, après avoir médiatisé l’événement en rameutant les journalistes de presse comme dans le 20e, à Montreuil ou à Bagnolet. Il prétend agir tout de suite, tous azimuts, ici et maintenant, en infiltrant les réseaux déjà existants associatifs, syndicaux ou “citoyens”. Il s’agit en même temps d’occuper les cerveaux des “militants” en tissant de multiples réseaux de collectifs corporatistes, géographiques ou sectoriels au niveau du quartier, de l’entreprise, de la ville, de la région, comme une toile d’araignée tentaculaire pour les organiser sur base d’activités sectorielles de façon à les encadrer, les organiser en les enfermant comme dans des ghettos sur des problèmes ou dans des catégories spécifiques. Féminisme ou immigration, antiracisme, revendications parcellaires, droit des minorités sexuelles, ethniques ou régionalistes sont autant de thèmes servant à diluer la prise de conscience et à faire obstacle à l’affirmation et à la prise en mains de l’unité et de la solidarité de classe. Ce que propose en réalité le NPA avec sa façade plus “radicale” par rapport au projet d’origine, c’est d’organiser chacun dans son coin les jeunes, les femmes, les sans-papiers, les intérimaires, les précaires…, ne se retrouvant ensemble qu’autour d’un seul projet “politique” unitaire : former et élire des représentants du NPA.
Ce que défend en réalité ce parti attrape-tout et activiste, c’est un programme parfaitement bourgeois, aux antipodes des besoins réels d’unité et de solidarité dans les luttes de la classe ouvrière, qui est la continuation du programme de la LCR. Il perpétue les entraves au développement de la conscience de classe en mettant en avant la défense de toutes les principales mystifications idéologiques bourgeoises : parlementarisme et démocratie, vieilles recettes gestionnaires capitalistes d’Etat, défense des syndicats, défense d’un camp impérialiste contre un autre dans les conflits armés, frontisme inter-classiste au nom de l’anti-fascisme hier, de l’anti-sarkozysme aujourd’hui qu’on retrouve tout au long de l’histoire de la LCR et de ses ancêtres. Le NPA n’a rien de nouveau et rien d’anticapitaliste, pas plus que la LCR auparavant n’avait quoi que ce soit de communiste ou de révolutionnaire. C’est ce que nous verrons de plus près dans un prochain article retraçant les origines et l’histoire de la LCR.
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Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauche-communiste
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[3] https://fr.internationalism.org/rint136/la_plus_grande_crise_economique_de_l_histoire_du_capitalisme.html
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[5] https://fr.internationalism.org/book/export/html/3712
[6] http://www.lkp-gwa.org/chronologie.htm
[7] https://fr.internationalism.org/content/greves-grande-bretagne-ouvriers-commencent-a-remettre-cause-nationalisme
[8] http://www.liberation.fr/politiques/0101513929-la-societe-guadeloupeenne-entre-dans-l-apres-greve
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/36/france
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/lutte-classe-france
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/vie-bourgeoisie-france
[12] mailto:ptssproleta@yahoo.es
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/41/espagne
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/geographique/afrique
[15] https://www.charlesdarwin.fr/
[16] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/darwin
[17] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/courrier-des-lecteurs
[18] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/trotskysme