La classe dominante et ses médias sont désormais contraints de reconnaître que "le pouvoir d'achat est devenu la première des préoccupations dans toutes les enquêtes d'opinion publique." Ça, c'est sûr ! Face à la hausse vertigineuse de tous les produits alimentaires de base, le gouvernement français a dû réviser ses chiffres officiels (de 2 % d'inflation avouée, on est passé à 4,9 % en un an) mais en réalité, c'est entre 20 et 50 % que les prix des principales denrées alimentaires ont augmenté en moins de 4 mois (pain, pâtes et céréales, produits laitiers, fruits, légumes, viande...). Acheter du poisson est devenu un luxe que la plupart des familles ouvrières ne peuvent plus se permettre.
Les soupes populaires (à commencer par les "Restos du Cœur") sont de plus en plus fréquentés par des salariés. Les prix des loyers, du gaz, des transports en commun, de l'essence ne cessent de grimper. Dans les villes, de plus en plus de familles de travailleurs sont réduites à s'entasser dans des taudis plus ou moins insalubres. Outre les fameuses cités de banlieue dont l'état ne cesse de se dégrader, à la périphérie, en lisière des aires d'autoroute ou en pleine forêt, des bidonvilles (que les pouvoirs publics avaient prétendu avoir éradiqués au début des années 1980), des abris de fortune ou de véritables "favelas" comme dans le "tiers-monde" sont en train de refleurir. Le problème du logement est devenu central aux Etats-Unis où chaque mois depuis l'été dernier, 200 000 personnes en moyenne sont jetées à la rue. Et cette déferlante gagne aujourd'hui l'Europe.
En France, les dispensaires et centres médicaux gratuits jusque-là réservés aux SDF ou aux "RMIstes" voient affluer chaque jour davantage de travailleurs qui sont incapables de payer les nouvelles franchises médicales appliquées depuis le début de l'année (en particulier la taxation de 50 centimes sur chaque boîte de médicaments). Et les retraités sont souvent les premiers à plonger dans cette misère accrue.
Plus
de 6 millions de personnes vivent déjà officiellement
en dessous du seuil de pauvreté et 40 % de la population a des
revenus inférieurs au SMIC. La paupérisation des
prolétaires s'est encore accrue avec la généralisation
de la précarité de l'emploi (multiplication des temps
partiels, des CDD, de l'intérim, des "stages de formation
ou de recyclage") qui masque les vrais chiffres du chômage
alors que les annonces de plans de licenciements, de suppressions
d'emploi, de fermetures d'usine dans les grandes entreprises
comme dans les PME ne cessent de tomber tous azimuts. Moins de la
moitié des chômeurs officiellement décomptés
sont indemnisés par l'Unedic. Pour les jeunes générations,
c'est encore pire. Ceux, entre 18 et 25 ans, à la recherche
d'un emploi ont rarement accès à l'assurance
chômage et, sauf exception, ils sont exclus du RMI. Et cette
réalité n'est ni "nationale" ni conjoncturelle.
C'est le produit d'une aggravation de la crise mondiale.
Et en plus, qu'est-ce qu'on nous promet pour l'avenir ? L'attitude de la bourgeoisie française est édifiante. Au soir du second tour des élections municipales, le premier ministre Fillon avait le culot de déclarer que la défaite cuisante de son camp traduisait "l'impatience des Français à voir se mettre en place les réformes annoncées par Sarkozy lors de sa campagne présidentielle (...) La politique de la France, les électeurs l'ont majoritairement choisie à l'occasion des élections présidentielles et législative (...) et nous allons poursuivre cette politique."
Outre l'arrogant auto-aveuglement des dirigeants bourgeois, cela démontre clairement que les élections ne peuvent rien changer1. Au contraire, passées ses échéances électorales, la classe dominante peut donner libre cours au déchaînement de ses attaques.
La généralisation du passage de 40 à 41 ans de cotisations pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein déjà promise depuis la loi Fillon2 de 2004 dans la fonction publique est la prochaine étape d'une attaque qui nous réserve de passer bientôt à 65 ans pour l'âge légal du droit à la retraite, voire davantage comme en Allemagne (67 ans) ou en Grande-Bretagne (68 ans).
Le nouveau "contrat de travail" (contresigné le 11 janvier dernier par la majorité des syndicats) accouplé à la réforme du code du travail de fin 2007 assure une "flexibilité" et une précarité accrues dans le privé. Sous couvert de "séparation à l'amiable" entre employeur et salarié, il facilite le licenciement ; il allonge également considérablement la période d'essai, comme il assure la mise en place d'un nouveau CDD appelé "contrat de mission" pour les ingénieurs et les cadres. Il met l'accent sur "des devoirs renforcés" ouvrant la porte à l'acceptation de n'importe quel emploi. De plus, cet accord prépare la négociation de l'assurance chômage qui s'ouvre prochainement, annonçant une forte dégradation supplémentaire des droits des chômeurs indemnisés ainsi qu'une nouvelle augmentation des contrôles et des radiations, par ailleurs déjà accéléré par la récente fusion entre ANPE et l'UNEDIC.
Sous l'impact de l'aggravation de la crise, des plans de licenciements massifs s'apprêtent à toucher des secteurs comme l'automobile, les banques et les assurances. Et face à une concurrence internationale effrénée, les grands groupes ont de plus en plus recours à des licenciements pour embaucher à la place des intérimaires à des salaires nettement inférieurs comme chez Michelin, Bosch, Siemens.
Parallèlement, le gouvernement s'est déjà attelé à "dégraisser le mammouth" de la Fonction publique (selon l'expression de l'ancien ministre socialiste Allègre) : le budget prévoit 23 000 suppressions d'emploi chez les fonctionnaires (dont 11 200 dès le rentrée de septembre dans le seul secteur de l'Education nationale). Mais ce sera pire à partir de 2009 : ce sont 160 000 emplois en 4 ans qui doivent être supprimés dans les 3 fonctions publiques dont la moitié dans l'Education nationale (3).
Dans
ce but, une grande "réforme de l'administration" est
déjà à l'œuvre. Le gouvernement s'apprête
à faire passer d'ici le mois de juin un projet de loi sur
"la mobilité dans la fonction publique" qui vise en fait à
légaliser le recours au licenciement dans toute la fonction
publique : chaque fonctionnaire dont le poste est supprimé
se verra proposer au maximum 3 postes de "reclassement fonctionnel
ou géographique", en cas de 3 refus, il sera "mis en
disponibilité ou en retraite d'office" et donc radié
et licencié sans la moindre indemnité. L'administration
propose en même temps une extension des temps partiels (y
compris un transfert dans le privé) et le recours à des
intérimaires sous-payés pour suppléer aux
vacances d'emplois. Pour favoriser et accélérer cette
"mobilité" et ces suppressions de poste, le gouvernement
est en train de mettre en place la fusion de plusieurs corps d'Etat
(centres des impôts et services de recouvrement notamment) en
structure unique, le concours de recrutement de postes administratifs
devenant inter-ministériel.
La classe ouvrière est la première victime de l'aggravation de la crise économique mondiale. Le capitalisme en crise n'a pas d'autre moyen pour tenter de faire face à la concurrence sur le marché mondial que de baisser le coût de la rémunération de la force de travail : économie d'emplois et baisse des salaires ; mais la paupérisation et la précarité croissante qui touchent la classe ouvrière sont aussi le révélateur de la faillite irrémédiable du système capitaliste. Le capitalisme est de plus en plus incapable d'entretenir la force de travail de tous ceux qu'il exploite : l'incapacité d'intégrer une majorité de prolétaires à la production que révèlent le chômage massif et la précarité de l'emploi s'ajoute à l'incapacité de continuer à les nourrir, à les loger, à les soigner décemment.
Mais il ne faut pas "voir dans la misère que la misère". L'accélération actuelle de la crise économique et la vague de paupérisation qui l'accompagne se produisent alors que depuis quelques années maintenant, la classe ouvrière redresse progressivement sa tête et retrouve une combativité grandissante. Ces nouvelles attaques assénées par la bourgeoisie vont donc constituer un terreau fertile sur lequel vont se développer la lutte du prolétariat et son unité. D'ores et déjà, d'ailleurs, monte une colère dont témoignent en France aussi bien la seconde grève en 2 mois dans la grande distribution face à des salaires de misère que la mobilisation périodique d'enseignants exaspérés par les coups qui leur sont portés. Dans pratiquement tous les secteurs, une myriade de grèves ou de réactions ouvrières en ordre dispersé témoignent de l'ampleur du ras-le-bol. Les syndicats ne font que favoriser cet éparpillement des luttes qui les stérilise. Leur fonction d'encadrement repose entièrement sur leur capacité de diviser et d'isoler les luttes afin d'empêcher les prolétaires de prendre conscience de leur capacité collective à s'opposer à ces attaques.
A l'inverse, la lutte des ouvriers porte en elle une dynamique d'unité et de solidarité qui est non seulement le seul moyen de résister à des attaques qui touchent tous les ouvriers, dans tous les secteurs, mais qui débouche sur une perspective de remise en cause de l'impasse où les plonge le capitalisme. L'avenir appartient à la lutte de classe !
W (28 mars)
1)
Ce récent cirque électoral a donné lieu à
un écœurant et indécent étalage de magouilles
et de tripatouillages en tous genres pour pouvoir aller à la
soupe : multiplication de listes dissidentes dans les grands
partis, un maire PC faisant des offres de services aux centristes du
Modem pour conserver son poste, ce même Modem faisant la
girouette s'alliant tantôt avec des listes de gauche ou des
listes de droite tandis que les trotskistes de LO et ceux de la LCR
se concurrençaient pour composer des listes communes avec le
PS ; par ailleurs, la désillusion vis-à-vis des
élections s'est traduite par une forte poussée de
l'abstention dans l'électorat ouvrier et dans les
quartiers dits "populaires" des grandes villes (souvent plus
d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé
pour aller voter).
2)
Le même Fillon nous a abreuvé tout récemment de
son fiel de politicard éprouvé en déclarant
pour justifier l'allongement des retraites qu'il fallait
"favoriser" l'emploi des "séniors", insistant sur
le fait que la France était un des pays les plus en retard en
la matière : "Ouvriers, au boulot, jusqu'à en
crever !" Tel est le mot d'ordre de la bourgeoisie.
3) Ce qui signifie la suppression de nombreuses classes, en particulier dans le secondaire, une surcharge des effectifs par classe (plus de 35 élèves en moyenne). La suppression de la carte scolaire débouche sur une mise en concurrence des établissements qui va créer sur le même mode que les universités une "sélection" dès le plus jeune âge, quelques écoles réservées à l'élite et les autres.. En même temps, est prévu une suppression des crédits supplémentaires réservés aux établissements classés en "zone d'éducation prioritaire".
La genèse de cette "armée" se situe à l'époque de la Guerre Froide, une période où les guérillas sud-américaines sont totalement assujetties aux intérêts du bloc russe et dont la lutte "révolutionnaire" est en fait dirigée essentiellement contre la puissance rivale de l'URSS, les Etats-Unis. Ces guérillas, et toutes les luttes de "libération nationale", sont donc en fait une composante à part entière du conflit militaire entre ces deux blocs. En Colombie, cette période est marquée par la débandade de l'Etat face à des affrontements entre bandes (la "violencia"), par la prise de pouvoir par l'armée et par la résistance de guérillas dispersées et rassemblées en 1964 par le Parti communiste de Colombie (stalinien) sous le nom de FARC. Bref, un schéma classique d'affrontements entre cliques bourgeoises et petites bourgeoises, qui se retrouve un peu partout en Amérique du Sud à cette époque. C'est donc de ce passé purement stalinien que les FARC tirent leur étiquette de "révolutionnaires marxistes".
Depuis, les FARC sont une organisation paramilitaire très hiérarchisée, qui a vécu du vol de bétail et de prises d'otages jusqu'à découvrir le filon qui allait lui assurer richesse et pérennité : le trafic de drogue. Depuis 1982, les FARC ont même fait du narco-trafic une industrie stratégique dans leur contrôle du territoire. Estimés à 300 millions de dollars par an, les bénéfices de cette activité reposent sur une logique implacablement capitaliste : concentration des terres, expropriation des petits paysans, fondation d'alliances avec des trafiquants internationaux, etc. La prise d'otages reste une activité lucrative secondaire, au sein de laquelle les otages politiques sont minoritaires. 750 personnes seraient encore détenues, pour la plupart de riches propriétaires, des touristes, mais aussi des paysans expropriés, etc. Sans paiement de rançon, ils sont évidemment exécutés. D'ailleurs, aujourd'hui, les FARC ne s'embarrassent même plus de justifier leur action par une quelconque idéologie marxisante (entendre "stalinienne"). Les chefs des FARC, seigneurs de guerre mafieux, se posent ouvertement comme de véritables entrepreneurs à la tête de milliers d'hommes et de millions de dollars. Une bande bourgeoise en lutte pour une part de pouvoir politique et économique qui, pour parvenir à ses fins, tue (2), enlève, torture, exécute et drogue aveuglément et avec un parfait sang-froid.
En qualifiant cette bande d'assassins de "marxistes révolutionnaires", la bourgeoisie propage donc un mensonge aussi grossier que nauséabond. Mais une fois encore, la palme de la tromperie revient à Lutte ouvrière. Cette organisation trotskiste s'est dressée contre les mensonges de la presse bourgeoise pour... défendre la lutte des FARC, dont les membres sont qualifiés de "camarades sud-américains révolutionnaires". Qu'on en juge par cette déclaration d'amour enflammée :"Étiquetées' terroristes', les FARC se retrouvent logées à la même enseigne que l'étaient dans le passé les nationalistes de l'IRA irlandaise ou du FLN algérien, pour ne pas remonter aux résistants français de la Seconde Guerre mondiale... C'est aussi une façon de leur dénier le droit de s'opposer, les armes à la main, aux grands propriétaires terriens, aux narcotrafiquants, aux milices d'extrême droite, ce qu'elles font depuis plus de quarante ans. Car le combat des FARC, quelles que soient ses limites sociales et ses dérives s'inscrit dans la tradition des luttes qui ont opposé à plusieurs reprises, au cours du 20e siècle, les grands propriétaires terriens aux paysans pauvres, les possédants aux plus déshérités" (LO du 18 janvier 2008). On aurait pu risquer de s'étouffer à une telle lecture si l'on ne se savait pas déjà dans quel camp se place résolument LO, celui de ses "camarades" bourgeois de tous bords et du monde entier. FARC, FLN et autres IRA... toutes des organisations terroristes que LO défend sans sourciller, au prétexte qu'elles défendraient des causes minoritaires opprimées et/ou parce qu'ils habillent leurs crapuleries d'un verbiage marxiste ou révolutionnaire. Décidément, LO ne perd jamais une occasion pour apporter son obole à la propagande de la bourgeoisie.
Face à tous ces mensonges, il faut affirmer que la guérilla n'a rien à voir avec la lutte de la classe ouvrière. La longue expérience de l'horreur stalinienne nous a appris que derrière les discours "marxistes" se cachent bien souvent les pires ennemis du prolétariat. Les FARC font partie de ces groupes dont la moindre action glace le sang de quiconque s'inscrit dans une perspective authentiquement communiste.
GD (25 mars)
1)
Forces armées révolutionnaires de Colombie (en
espagnol Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia).
2) Les FARC commettent régulièrement des attentats à la bonbonne de gaz, dont l'imprécision conduit au massacre de dizaines de civils innocents.
Après de nombreux refus, suite à un harcèlement des autorités de l'Etat, Lazare Ponticelli, le dernier "poilu", a fini par accepter (1) au dernier moment des "obsèques nationales" . Mais "sans tapage important ni grand défilé, au nom de tous ceux qui sont morts, hommes et femmes". Si Lazare Ponticelli avait fini par autoriser ces funérailles, qui ont eu lieu lundi 17 mars, c'était clairement au nom du rejet de "cette guerre injuste et horrible".
En revanche, pour tous les dignitaires et politiciens de l'Etat bourgeois, ce cérémonial avait une toute autre fonction : celle de la récupération politique dans l'union sacrée. Nostalgiques d'un temps où la population avait été embrigadée derrière le drapeau tricolore, il s'agissait de revenir à la charge pour nous dire "qu'il faut aimer sa patrie" (Sarkozy). Le message est clair pour les nouvelles générations : il faut savoir se mettre à genoux devant le drapeau national et accepter de se sacrifier pour la nation ! Selon les dires officiels de la bourgeoisie, tous les poilus seraient morts, certes atrocement, mais "utilement", en "héros", pour défendre les "valeurs de la nation", celle de la "paix". Mensonges odieux ! Ce sont bien les ancêtres politiques de toutes ces cliques gouvernementales et politiciennes, de droite comme de gauche, qui au nom de "la patrie" et du drapeau tricolore ont envoyé des millions de prolétaires (la plupart entre 18 et 25 ans !) se faire trouer la peau. Une boucherie organisée par les soins de cette classe sociale dominante avide de rapines, de croisades militaires destinées à défendre de sordides intérêts impérialistes ! Les faiseurs de cérémonies sont les mêmes que ceux qui mobilisent et recrutent pour les tranchées !
Le comble du cynisme, c'est bien de nous faire croire que les poilus rescapés, que l'on a tardivement cherché à consoler par des colifichets ridicules distribués par des huiles, cautionnaient cette guerre par "patriotisme" et étaient prêts à se faire étriper pour le capital national. Les témoignages des derniers "poilus", qui montrent l'horreur atroce des combats, soulignent tous l'absurdité de descendre dans les tranchées et de tirer sur "l'ennemi". En 1914-1918, les soldats avaient d'ailleurs rapidement pris conscience de l'absurdité de cette boucherie et du "bourrage de crâne": "Vous tirez sur des pères de familles, c'est complètement idiot la guerre." C'est cette prise de conscience qui explique des gestes d'humanité envers "l'ennemi", comme celui de Lazare Ponticelli en Argonne : "Je tombe sur un Allemand qui avait le bras en bandoulière. Il m'a fait signe avec ses deux doigts comme ça. Quand il m'a fait signe, j'ai compris qu'il avait deux enfants. Alors je me suis dit s'il a deux enfants, vaut mieux qu'il rentre en Allemagne. Et je l'ai ramené vers la tranchée allemande (...)". Est-ce ce geste de solidarité, qui fait fi de la nationalité et des frontières, que les bourgeois honorent ? Sûrement pas ! Autant dire qu'une telle conduite était passible du peloton d'exécution !
Et que dire alors des fraternisations dont la bourgeoisie fait bien peu de publicité ? Pour Lazare Ponticelli, les Autrichiens et les Allemands "étaient des gens comme nous", qui partageaient les mêmes souffrances et davantage même : "Ils nous donnaient du tabac et nous des boules de pain. Personne ne tirait plus."
Après avoir été mobilisé dans l'armée française et intégré ensuite de force dans l'armée italienne par les gendarmes, Lazare Ponticelli a en effet participé activement aux mouvements de fraternisation dans le Tyrol. Laissons-lui la parole : "On avait fait amitié avec la tranchée autrichienne sur le front de l'est (...) On s'est dit : "Si on essayait d'envoyer des pierres avec des bouts de papiers pour leur faire comprendre qu'on se tire dessus et qu'on n'est pas coupables". (...) Quand je suis monté debout (hors de la tranchée, NDLR) et comme je n'avais pas de fusil, je l'avais laissé dans la tranchée, ils ont vu que je ne voulais pas tirer. Alors là ils ont accepté de s'arrêter de tirer. Avec les gens qui connaissaient bien l'autrichien (les Italiens qui faisaient partie de sa compagnie, NDLR), on a parlementé et on s'est mis d'accord. On a fait une patrouille mélangée d'Italiens de chez nous et d'Autrichiens et on passait au long des lignes en faisant de la propagande. Alors tout le monde arrêtait, personne ne tirait plus. Et quand ils se sont aperçus que cela s'étendait, les officiers autrichiens et les officiers italiens se sont réunis et la compagnie a été déclarée au conseil de guerre. On devait être fusillés. Mais quand le bataillon a su qu'on allait passer au conseil de guerre, il a protesté en disant qu'on avait raison, qu'on n'avait pas besoin de se battre pour rien. (...) Ils ne nous ont pas passé au conseil de guerre mais ils nous ont envoyés dans un autre endroit où il y avait une compagnie d'élite autrichienne. Et là, ils (les soldats italiens de sa compagnie, NDLR) sont tous morts" (2).
Ce témoignage vivant se rattache à des centaines d'épisodes semblables qui se sont déroulés sur tous les fronts et dans toutes les armées à l'époque. Il s'agissait là du prélude à une vague révolutionnaire et à la révolution prolétarienne en Allemagne qui a débuté par la mutinerie des marins de Kiel, en novembre 1918, obligeant la bourgeoisie des deux camps à s'unir pour faire front contre les ouvriers encore en uniforme. C'est cet événement, fortement réprimé dans le sang, qui a mis fin à la première boucherie mondiale et non les "valeurs" des politiciens !
L'hommage rendu par la bourgeoisie au dernier des "poilus" montre tout le cynisme dont cette classe de crapules est capable. Ce genre de cérémonie revient à cracher sur les tombes de tous ces prolétaires français, allemands, italiens, anglais... morts pour la cause du capital. Aujourd'hui, alors que le capitalisme en crise exprime sa faillite, la bourgeoisie cherche désespérément à brouiller les consciences avec son patriotisme et son esprit de concurrence. Face à cela, le prolétariat doit rejeter la logique et l'idéologie nationaliste de la bourgeoisie. Il doit développer ses luttes, sa solidarité de classe et en même temps dénoncer le "bourrage de crâne" déjà combattu par ses aïeux.
WH (19 mars)
1)
On imagine les très fortes pressions qui ont pu être
exercées. Il faut se souvenir par exemple qu'un précédent
"poilu" avait refusé la Légion d'honneur en
disant à son fils : "Tu peux te la mettre où je
pense". Il avait fini, lassé, par "l'accepter"
(révolté par l'attitude de l'Etat qui avait refusé
de lui reverser la pension de retraite de sa femme). Lazare
Ponticelli a malgré tout maintenu fermement son refus d'être
enterré au Panthéon.
2) Retranscription d'un témoignage oral datant de 2005 rapporté à la journaliste Johanna Sabroux pour Libération.
Qu'elle porte les couleurs de la droite "dure", avec Sarkozy, ou de la gauche socialiste, avec Zapatero, la bourgeoisie mène partout les mêmes attaques contre la classe ouvrière.
Face à l'annonce d'une énième "loi de l'éducation" en Catalogne, tout le secteur de l'enseignement s'est mobilisé. Les instituteurs des écoles maternelles et primaires, les professeurs des collèges, des lycées et des universités, le personnel administratif et des services..., tous sont entrés en grève pour exprimer leur indignation et leur refus de voir une nouvelle fois leurs conditions de travail se dégrader. Cette loi signifie en effet une "restructuration" profonde du secteur, synonyme de réduction drastique des budgets de l'éducation :
- coupes claires dans les sommes que l'État octroie directement aux établissements en les faisant dépendre des "rendements" obtenus (entendre le taux de réussite des élèves aux examens) ;
- création de centres de première, deuxième et troisième catégorie qui fonctionneront selon une gestion particulière, selon le statut de l'établissement, le tout défini par un "projet éducatif" présenté par "l'équipe dirigeante de l'établissement". En clair, tout ce verbiage signifie sur le terrain l'accentuation des différences entre les quelques écoles d'élite et l'immense masse des écoles poubelles ;
- incitation, donc, à la concurrence entre les établissements et accentuation des différences salariales entre les professeurs selon leurs "résultats" ;
- multiplication d'emplois précaires ou en sous-traitance dans ce secteur.
Pour couronner le tout, cette attaque est accompagnée d'un discours nauséabond cherchant à culpabiliser les enseignants en leur faisant porter la responsabilité du taux élevé d'échec scolaire. Il est vrai que ces travailleurs sont habitués à ce genre de propagande crapuleuse, eux à qui on ne cesse de répéter qu'enseigner est une "vocation", qu'ils leur faut donc faire preuve de "bonne volonté" dans l'intérêt et pour la réussite scolaire de "leurs élèves". Résultat : toujours plus d'heures de travail dans des conditions toujours moins supportables.
Ainsi, si de multiples grèves ont éclaté en janvier et février, ce n'est pas simplement en réaction à cette nouvelle attaque inique. Ce fut en réalité la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Par exemple, en 2006, la fameuse "sixième heure" a été mise en place (c'est-à-dire une heure supplémentaire de cours par jour pour les élèves), ce qui a chamboulé tout l'horaire de travail des instituteurs en le rendant complètement dément et surréaliste. Les élèves restent maintenant une heure de plus à l'école, sans activité précise et les enseignants doivent adapter leur travail, leurs horaires et leur vie quotidienne et familiale à cette nouvelle exigence.
À cela s'ajoute l'augmentation constante du nombre d'élèves avec des besoins éducatifs spécifiques et le manque de moyens techniques et humains pour s'en occuper vraiment. Sans parler de la dévalorisation des salaires des enseignants d'au moins 20 % ces dix dernières années ! Mais le plus pesant est peut être cette dégradation du climat social avec la multiplication des agressions tous azimuts entre élèves et contre des professeurs (parfois filmées avec des portables et mises sur Internet), des élèves perdus, souvent issus de familles déstructurées et frappées de plein fouet par le chômage et la précarité.
Bref, ces luttes ont éclaté contre une pluie d'attaques tombée sur un sol déjà bien détrempé. Face à ce mécontentement grandissant, les syndicats étaient donc contraints d'appeler à la grève, afin de garder le contrôle de la situation et de "lâcher la vapeur" pour faire retomber la pression (1). Et pourtant, ils ont tout de même été surpris par la riposte claire et déterminée des travailleurs : la plupart des écoles sont restées sans instituteurs et pratiquement sans élèves malgré l'obligation du service minimum. Il y a eu de nombreuses manifestations dans les grandes villes ; rien qu'à Barcelone, il y a eu autour de 50 000 manifestants. Lors de la grande manifestation du 14 février, certaines pancartes brandies exprimaient une grande lucidité. On pouvait par exemple y lire : "Il est impensable qu'il puisse exister une école comme il faut pour les élèves et pour les enseignants sous la logique capitaliste" et une autre proclamait : "Nous sommes dans la manif, mais nous ne marchons pas derrière les syndicats".
C'est des syndicats qu'est partie officiellement la convocation de ces mobilisations et ils ont constamment gardé le contrôle de la situation. Cependant, la colère et la combativité des travailleurs s'expriment en profondeur. Mais ceux-ci doivent transformer collectivement cette dynamique en prenant l'initiative et le contrôle de leur propre lutte, en l'arrachant aux syndicats, parce que tant que ceux-ci auront ces luttes entre leurs mains, ils ne feront que les saboter, les freiner et les isoler. Le ras-le-bol, la solidarité, l'initiative, doivent se concrétiser en développant la lutte autonome des travailleurs, à travers des assemblées générales, des manifestations massives où peut s'exprimer le caractère unitaire de leur combat de classe, où se forge la conscience commune et le contrôle collectif de la lutte.
Il ne s'agit pas là d'un vœux pieux mais d'une possibilité réelle. Les sentiments de colère et de combativité ne sont pas particuliers au secteur de l'enseignement, ils sont aussi palpables dans de nombreuses autres branches comme la santé, les transports publics, la justice, etc. Dans toute l'Espagne, il y a d'ailleurs eu ces derniers mois des manifestations du personnel de la santé (médecins et infirmières), des chauffeurs d'autobus, des ouvriers de chez Nissan...
Solidarité avec tous les travailleurs en lutte !
D'après
Acción
proletaria,
organe
de presse du CCI en Espagne, 27 février 2008.
1) Le comble, c'est qu'une nouvelle fois, ces attaques avaient été négociées avec l'administration catalane par ces mêmes syndicats qui, maintenant, appellent à la lutte. Ils avaient mené ces négociations, ce qui est habituel, sans la moindre possibilité de débat entre les travailleurs. Un exemple : le PNE (Pacte national d'éducation).
Et en ce moment même en Allemagne, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle étape de cette dynamique. Dans ce principal pays industriel de l'Europe, de nombreuses grèves se développent dans les secteurs les plus importants de l'économie allemande. Licenciements massifs, baisses brutales des salaires et aggravations drastiques des conditions de travail sont le ferment du développement de ces luttes dans un pays où la classe ouvrière était réputée, il y a quelques années encore, pour avoir un des niveaux de vie les plus élevés d'Europe.
L'année 2008 avait commencé avec l'obligation de la compagnie de chemin de fer Deutsche Bahn (DB) de garantir dès fin janvier une augmentation de salaire de 11 % et une heure de réduction de la semaine de travail pour les conducteurs de train. Cela avait été le résultat de 10 mois d'un conflit que ni la mise hors-la-loi des grèves au niveau national ni la division au sein des travailleurs de DB par les syndicats n'avaient pu éroder.
Cette grève avait été suivie par une forte mobilisation dans la région de la Ruhr au sujet de l'arrêt de la production de téléphones mobiles chez Nokia. Une journée d'action en solidarité avec les employés de Nokia à Bochum a vu par exemple la mobilisation dans les rues d'ouvriers de différents secteurs et l'envoi de délégations de différentes parties de l'Allemagne. En particulier, les ouvriers des usines automobiles Opel de Bochum se sont mis en grève en soutien aux "Nokianers" ce jour-là. Le rôle de l'usine automobile Opel à Bochum est loin d'être négligeable car il est vrai que les employés de Nokia se sont sentis démoralisés et intimidés par la brutalité provocatrice avec laquelle la fermeture de l'usine avait été annoncée. Et ce fut dans une large mesure l'intervention massive des ouvriers d'Opel à Nokia, appelant à la lutte et leur promettant de se joindre à eux dans une grève éventuelle, qui a rendu possible la mobilisation qu'on a pu voir.
Mais c'est l'ouverture des négociations salariales annuelles qui a déclenché dès mi-février de nombreuses expressions de combativité ouvrière brisant le mythe du "modèle de consensus social allemand" cher à la bourgeoisie. Les grèves tournantes des ouvriers de la métallurgie ont été suivies d'arrêts de travail de dizaines de milliers d'ouvriers du secteur public partout dans le pays. Depuis janvier, la tension ne cesse de monter. Aussi, le 5 mars, le syndicat Verdi appelait les employés des hôpitaux, y compris les médecins, les ouvriers des lignes des trains et de transports régionaux (non gérés par DB), ceux des crèches, des caisses d'épargne et de nombreuses administrations publiques, des aéroports, pilotes inclus, à se mettre en grève et à manifester, exigeant une augmentation de salaire de 12 %. Or le gouvernement ne propose d'accorder qu'une augmentation de 4 %, alors que les salaires réels ont officiellement baissé de 3,5 %, assortie d'une augmentation de la durée de travail hebdomadaire de deux heures !
Verdi était initialement prêt à faire passer la pilule de cet accord aux salariés, mais la force de l'hostilité envers l'accord et les risques très réels de débordements des syndicats ont été tels qu'il a été contraint de faire marche arrière et de s'efforcer de prendre la tête du mécontentement en appelant à faire grève, mais région par région.
Mais c'est surtout la grève totale illimitée des ouvriers des transports locaux de Berlin qui, depuis la fin de la première semaine de mars, a démontré que, cette année, les "rounds" de négociations salariales mettent directement en cause l'offensive capitaliste contre la classe ouvrière. Cette grève de 10 000 ouvriers - déjà la plus massive et la plus longue de ce secteur de l'histoire allemande de l'après-guerre - a manifesté une combativité et une détermination qui ont tout de suite pris la bourgeoisie par surprise. Ce conflit a surgi à un moment où les chemins de fer allemands faisaient une dernière tentative pour rejeter les concessions qu'ils avaient été contraints de faire envers les conducteurs de DB qui menaçaient alors de se mettre à nouveau en grève, et à un moment où les négociations dans le secteur public étaient sur le point de capoter. Cette grève des transports municipaux, excepté les trains de banlieue (S-Bahn, qui appartient à la DB), a été soigneusement isolée du reste des grèves qui se développaient sur l'ensemble du pays et des autres secteurs à Berlin même. Dans le contexte de luttes simultanées qui se déroulaient dans l'ensemble de l'Allemagne sur les mêmes revendications salariales, et après les fortes expressions de solidarité existant dans la classe ouvrière comme on l'a vu autour de la fermeture de Nokia, patrons et syndicats ont dû tirer le signal d'alarme. Pour faire diversion, Verdi planifiait une journée d'action un samedi vers la fin février pour tenter de faire passer l'accord passé entre lui et BVG, patron des employés des transports locaux, accord prévoyant que les salaires seraient gelés jusqu'en 2007, avec des augmentations uniquement pour ceux qui avaient été embauchés depuis 2005. Mais la colère des ouvriers était telle qu'ils se mirent en grève 24 heures avant la date prévue, sans attendre aucune "permission" des syndicats. L'indignation fut si forte, non seulement sur les salaires, mais aussi sur la tentative évidente de diviser les ouvriers entre "jeunes" et "vieux", que Verdi a abandonné sa requête d'un "accord négocié et cordial" et a retourné sa veste en un clin d'œil en appelant dans de grands discours radicaux à faire grève... mais tout en s'efforçant, en réalité, d'enfermer les ouvriers dans "leur" lutte et de les isoler de leurs frères de classe. Ainsi, alors que le mouvement de grève dans les aéroports touchaient massivement Stuttgart, Cologne, Bonn, Hambourg ou Hanovre, Verdi, sous prétexte de ne pas "saboter" le salon allemand du tourisme, faisait en sorte que l'aéroport de Berlin ne connaisse ni grève ni débrayages. De la même façon, devant le développement d'un tel contexte, DB faisait rapidement marche arrière quelques heures avant la reprise d'une grève générale des conducteurs de trains qui traversent Berlin, grève qui menaçait du fait des tentatives de la direction de remettre en cause les accords sur les 11% et la diminution du travail promise fin janvier. Cette grève a montré un début de remise en question des syndicats et a conduit à une confrontation ouverte avec la coalition qui dirige Berlin entre l'aile gauche de la social-démocratie et le "Linkspartei". Ce dernier, qui est sorti du parti stalinien SED, anciennement à la tête de l'Allemagne de l'Est et gagnant à présent du terrain dans l'ex-Allemagne de l'Ouest avec l'aide de l'ancien leader du SPD, Oskar Lafontaine, a dénoncé la grève comme une expression de la "mentalité privilégiée" des Berlinois de l'Ouest "dorlotés" !
Signe de cette évolution, de nombreux blogs sur Internet sont apparus, dans lesquels les ouvriers du rail ou encore des pilotes et des personnels hospitaliers exprimaient leur admiration et leur solidarité avec la grève de BVG. Cela est très important car dans ces secteurs, où le poids du corporatisme est particulièrement fort et puissamment alimenté par les syndicats, ils expriment par-là clairement une profonde tendance vers l'unité et la solidarité dans la période qui vient.
Wilma (21 mars)
La question de l'eau est un des aspects qui met en évidence le danger auquel le capitalisme expose l'humanité, à tel point que l'ONU elle-même reconnaît que plus d'un million d'êtres humains ne peuvent jouir d'approvisionnement en eau potable. Rien qu'au Mexique, les chiffres officiels indiquent que 11 millions de personnes n'ont pas accès à cet élément naturel indispensable à la vie sur terre. Ce problème ne concerne pas seulement des zones rurales éloignées des services de distribution ; il y a dans le district urbain de Mexico des zones (comme Iztapalapa) qui vivent pratiquement sans service d'eau potable, et c'est la même chose à Tijuana (près de la frontière américaine) ou à Juarez. Il est devenu évident que la question de l'eau est devenue un problème crucial, ce qui donne une opportunité au gouvernement, aux groupes gauchistes, aux écologistes, aux ONG et à toute une faune de prétendus "intellectuels", pour monter au créneau et exposer de fausses explications ou proposer de fausses solutions. Mais autant celles-ci que celles-là s'efforcent toujours de cacher qu'il faut chercher la véritable origine du problème dans le système capitaliste lui-même. Non seulement ce dernier ne peut vivre que par l'exploitation du travail salarié, mais son existence le pousse aussi à détruire de plus en plus notre environnement naturel, au point que, non seulement il pollue l'eau, la terre et l'air mais qu'en outre, il ruine, dépouille et concentre le système hydrologique en l'intégrant dans sa logique concurrentielle consistant à faire du "chiffre" et des profits.
A travers ses appareils de gauche comme de droite, la bourgeoisie tente de faire croire que le problème de l'eau est lié à un accroissement de la population et à la consommation démesurée qu'en ferait l'humanité ; en d'autres termes, ce que nous vivons à ce niveau plongerait pour une grande partie ses racines tant dans des aspects "naturels" que dans un manque de "culture d'économie de l'eau". Les solutions qui en découlent seraient donc d'une part que les "citoyens responsables" fassent individuellement attention en utilisant rationnellement l'eau et, d'autre part, qu'au niveau de la production soient appliquées des technologies avancées pour son extraction, son traitement et sa distribution, jusqu'à ce que l'on parvienne à la réalisation d'une prétendue "démocratisation" de la distribution et du contrôle de l'eau potable. Toutes ces propositions ont comme toile de fond la volonté de faire croire que le capitalisme est capable de modifier sa nature prédatrice et irrationnelle. Aux dires de nos dirigeants, il suffirait d'appliquer correctement la technologie en développant une "culture de protection des ressources" -, et surtout d'imposer, comme solution, des coûts élevés pour l'usage et l'accès à l'eau. Ces idées "géniales" sont inévitablement bien sûr complétées par le chœur de ceux qui prétendent trouver une solution à "la crise de l'eau" en invoquant la démocratie. C'est ainsi que la bourgeoisie parvient à faire croire que le capitalisme pourrait être "humain et rationnel" et pourrait trouver une solution à la destruction de l'environnement tout en permettant que les besoins en eau potable soient satisfaits.
Il est évident que la bourgeoisie, comme le reste de l'humanité, est préoccupée par les problèmes liés à l'eau potable, mais sa préoccupation fondamentale réside surtout dans la question : comment se l'approprier et comment faire du commerce avec l'eau potable ? Ses invocations d'accords internationaux impulsés par l'ONU, les "droits constitutionnels" ou les déclarations des gouvernements pour créer des accords de protection ne sont que l'emballage cachant leurs véritables intentions : s'approprier l'eau à tout prix. La déclaration honteuse du conseiller du Pentagone, Andrew Marshall, affirmant que les Etats-Unis devaient se préparer à aller chercher l'eau "là où elle se trouve et quand ce sera nécessaire" (1) met en évidence que pour le capital, l'eau est maintenant devenue un nécessité "stratégique" (comme le pétrole). C'est bien pour cela que tous les Etats nationaux (en tant que représentation et expression sociale du capital national) partagent ce projet de la bourgeoisie américaine, même si les forces dont ils disposent sur l'échiquier impérialiste ne leur permettent ni d'être aussi éhontés dans leurs déclarations, ni de mener concrètement à terme cet objectif impérialiste. La crise de l'eau n'est pas seulement le fait de quelques Etats ou de quelques entreprises (Nestlé, Lala, Coca-Cola...), c'est le système capitaliste dans son ensemble qui engendre cette dégradation, qui met en danger l'humanité et rend donc de plus en plus évidente la nécessité de sa destruction.
Pour bien mettre en évidence son inquiétude et son engagement en ce qui concerne la question de la crise de l'eau, la classe dominante organise des forums (Forum mondial de l'eau et autres forums "alternatifs"...) visant à répandre, par de belles résolutions et proclamations (tant officielles qu'"alternatives"), une véritable campagne de confusion dans la population et dans la classe ouvrière; cette campagne cherche à dédouaner le système capitaliste de sa responsabilité en masquant que c'est lui qui est le véritable responsable de la crise de l'eau. Gauchistes et altermondialistes en ont fait un axe de leur activité, clamant haut et fort que "L'eau n'est pas une marchandise". Ce slogan, devenu un cliché privilégié, leur permet de renforcer leur image d'opposition à la dynamique du capital pour s'approprier toute l'eau et en faire le commerce, mais ne peut que semer davantage de confusion et de pièges.
Les arguments les plus utilisés pour "démontrer" que "l'eau n'est pas une marchandise" se basent sur le fait que l'eau fait partie de l'environnement, qu'elle est source et essence de vie, ressource naturelle non renouvelable. Nous pourrions jusque-là être d'accord. Mais cet argument est aussitôt utilisé pour conclure que l'eau est un "droit fondamental de l'homme" et qu'il faut se mobiliser pour qu'il soit reconnu comme tel. Ainsi, nous devrions croire que ces "droits de l'homme", pour lesquels il faudrait lutter, donneraient des "garanties légales" dont chaque être humain pourrait bénéficier. Ce précepte est précisément celui qui est déjà défini depuis 1948 par l'ONU (qui succéda à la fameuse Société des Nations que Lénine appelait justement "un repaire de brigands") et soutenu par les Constitutions de la plupart des divers Etats-nations (à côté, soit dit en passant, du "droit à la propriété"). En fin de compte, ils ne font que semer l'illusion que les institutions du capital pourraient résoudre les problèmes créés par ce même capital, pour que "la gestion et le contrôle de l'eau soient maintenus dans le domaine public" (Forum alternatif au Ive Forum mondial de l'eau, Mexico, 2006). Ils n'hésitent pas à avancer que "ce serait une obligation pour les institutions publiques (...) de garantir ces conditions". Sous couvert de radicalisme verbal, ils ne font en fin de compte que soutenir les actions étatiques, demandant seulement que ce soit précisément l'Etat, l'Etat capitaliste, qui assure le contrôle de l'eau.
Dans le même sens, en voulant montrer une attitude radicale d'opposition au processus de privatisation de l'eau, la Coalition des organisations pour le droit à l'eau affirme : "L'accès à l'eau potable ne s'obtiendra pas par la privatisation, mais par le respect de la responsabilité sociale de l'État". Nous pouvons constater dans ces deux exemples que l'Etat est présenté comme étant un organisme "neutre" dans la société, ce qui est absolument faux ! L'Etat et ses "institutions publiques" répondent aux besoins du capital, c'est pourquoi tous les discours soi-disant "alternatifs" finissent par insister sur la possibilité pour le capitalisme de devenir plus "humain", moins prédateur, s'il utilisait une "meilleure politique".
Les proclamations basées sur un langage marxiste lancées par des "intellectuels" ne sont pas moins dangereuses. Pour s'en convaincre, il suffit de lire Economie et politique de l'eau, de J. Veraza. Ce livre commence par exposer une approche marxiste du processus par lequel l'eau, même quand elle n'a pas de valeur (puisqu'elle n'est pas le produit du travail humain), est amenée, par une imposition du prix, à devenir une marchandise, pour finir par l'éternelle ritournelle altermondialiste. On trouve dans son explication l'ébauche d'une explication correcte quand il observe que "l'eau est un patrimoine de l'humanité", mais il reste à mi-chemin et oublie que l'humanité est soumise au capital, et pas uniquement à cause des multinationales qui ne sont qu'une partie de ce système d'exploitation et dont la limitation des pouvoirs ne favoriserait en rien l'émancipation de l'humanité. Cet "oubli" lui permet, quand il critique la privatisation comme "solution" à la question de l'eau, d'avancer que la "solution politique ne passe pas, loin s'en faut, par la destruction du capitalisme" mais se base sur l'espoir (ou la prière ?) que " le capital national et mondial peuvent agir et prendre conscience pour s'opposer aux abus hydrauliques des capitaux privés et transnationaux de l'eau". En d'autres termes, la solution serait l'adoption par le système capitaliste d'une démarche rationnelle et consciente qui affaiblisse les politiques néolibérales et limite la voracité des multinationales. Ce serait l'avènement du "capitalisme à visage humain" !
L'humanité comme un tout est menacée par le capitalisme ! Proclamer que ce système pourrait s'améliorer sur la base de réglementations internationales ou nationales, ou par une attitude généreuse et rationnelle de la classe dominante, c'est pousser les travailleurs à se détourner de la nécessité de l'action révolutionnaire. Aujourd'hui, l'avertissement d'Engels sur l'alternative qui s'offrirait à l'humanité, socialisme ou barbarie, est plus "prophétique" que jamais. Soit le prolétariat en finit avec ce système dégénéré pourrissant, soit l'humanité se verra aspirée dans une spirale toujours plus destructrice de barbarie.
Rojo (octobre 2007)
1) Déclaration publiée par The Guardian, citée par Gian Carlo Delgado dans Agua, éd. La Jornada, 2006, p. 189.
Nous ne pouvons qu'appuyer vivement l'appel fort et clair du tract à la solidarité de tous les ouvriers, au-delà des critères de races ou d'ethnies, pour développer la lutte ouvrière et combattre côte à côte leurs exploiteurs, ainsi que la dénonciation de la propagande bourgeoise qui cherche à entraîner les ouvriers dans des combats sanglants qui ne sont pas les leurs.
L'armée turque a lancé une opération militaire pour éradiquer le PKK, c'est-à-dire, en d'autres termes, une nouvelle guerre. On voit une nouvelle fois se répéter ce cycle sanglant depuis que la Turquie est intervenue en Irak pour la première fois en 1983.
Le discours qui consiste à dire que cette guerre est destinée à arrêter la "terreur" n'est qu'un mensonge. Si cela était vrai, les différentes interventions militaires depuis 1983 auraient réglé la question. Aussi, l'Etat turc a agi comme si ce problème n'avait pas existé ces dernières années lorsque le PKK (2) était faible, et Tayyip Erdogan (3) avait dit lui-même à la télévision que la terreur était sur le point s'être éradiquée. De plus, Talabani (4) et Barzani (5), qui sont à présent des ennemis déclarés, ont coopéré militairement et ont été des alliés de la Turquie de longue date. La Turquie a mené des actions militaires avec ces derniers et continue à le faire sans problème. La vraie raison de cette guerre n'est autre que la tentative d'établir un nouveau contrôle au Moyen-Orient selon la nouvelle alliance formée par l'impérialisme turc et les Etats-Unis. Ce que cette alliance, conduite par le MPH (6) entre la haute bureaucratie "séculaire" et le démocratique AKP (7), exprime sous le "voile" est que la Turquie a choisi son camp dans l'arène impérialiste. C'est celui des Etats-Unis qui cherchent à mettre les alliés indisciplinés de Washington au pas et essayent de maintenir leur contrôle du pétrole contre les Etats impérialistes rivaux comme la Chine, la Russie et l'Iran. L'AKP, qui est resté longtemps hésitant, a finalement déclaré que c'était le choix qu'il faisait en poussant dans le parlement à l'autorisation de lancer la guerre. Aussi, ce conflit est simplement le premier pas des préparatifs de l'impérialisme turc pour la prochaine guerre et la polarisation pour cette guerre.
C'est le résultat du cycle de guerres dans lequel se trouve le capitalisme. L'Etat capitaliste a créé cette guerre non pas en-dehors de son propre choix mais à cause de l'impasse désespérée dans laquelle il est entré. Depuis la Première Guerre mondiale, le capitalisme n'a fait que créer des guerres dans le monde entier. Toutes les "guerres de libération nationale", chaque guerre entre pays qui a lieu pour telle ou telle raison est menée pour détruire le capital accumulé et bien sûr la population ouvrière du pays ennemi (8)
Les appels hypocrites à la paix faits par le DTP (9) et les libéraux de gauche depuis leurs confortables sièges de députés ne serviront en rien à arrêter la guerre. Parce que la guerre n'est pas due au manque d'application de la "solution démocratique" ou aux mauvaises intentions de la bureaucratie mais au désespoir du capitalisme. Ce qui est pire, c'est que les appels à la démocratie faits par ces cercles ne servent qu'à affaiblir une possible opposition de la classe ouvrière face à la guerre, en attirant les ouvriers qui s'opposent à celle-ci vers le terrain du combat pour les Etats impérialistes qui sont présentés comme plus "démocratiques", "de bon cœur" et "pacifiques", contre les autres "diaboliques", "bureaucratiques" et "agressifs". Tous ces rêves capitalistes "démocratiques" ne servent pas à arrêter la guerre mais à tirer les ouvriers du côté de ceux qui ont "raison".
Cette guerre n'est pas la guerre de ceux qui cherchent à survivre en travaillant. Cette guerre n'est pas la guerre de ceux dont le niveau de vie a plongé avec la crise économique, de ceux qui sont frappés par le chômage, de ceux qui travaillent jusqu'à la mort dans les chantiers navals et sur les échafaudages, de ceux qui attendent de rentrer chez eux entre 9 heures du soir et 6 heures du matin ou de ceux qui luttent désespérément pour vivre dans les taudis des villes où ils ont été traînés depuis leurs villages. Cette guerre n'est ni la guerre des ouvriers, des sans-travail, des ménagères et des étudiants qui sont soit des futurs ouvriers ou des futurs chômeurs, ni celle des soldats qui meurent au front. Tout au contraire, la guerre aggrave la misère, le chômage, la pauvreté et la décomposition sociale créée par les crises du capitalisme. L'effet de cette "opération" va se trouver dans les villages bombardés, chez les soldats mourant au front ou dans les attentats à venir au sein des villes, et se montrera dans l'aggravation de la misère au nom du nationalisme et dans celle de la décomposition sociale.
Ce qui arrêtera la guerre, c'est la solidarité des ouvriers turques et kurdes qui sont trompés, pour les intérêts de leurs patrons et du capital, depuis 25 ans. Ce qui a mit fin à la Première Guerre mondiale, c'est la vague révolutionnaire mondiale, les soldats au front et les ouvriers à l'arrière se levant contre leurs propres exploiteurs et non pas contre leurs frères et leurs sœurs de classe des autres pays. Ce qui a empêché une troisième guerre mondiale dans les années 1960 a été, de la même façon, la détermination et l'esprit de lutte de la classe ouvrière du monde entier. Aujourd'hui encore, la classe ouvrière ne peut rester silencieuse face à la barbarie capitaliste qui se développe contre elle !
Contre
tous les exploiteurs
qui soutiennent la "paix",
Vive la solidarité de classe !
Vive
la solidarité internationale
des ouvriers !
1)
EKS - Enternasyonalist Komünist Sol (Gauche communiste
internationaliste) - est un jeune groupe prolétarien en
Turquie. Pour contacter EKS, écrire à
[email protected] [8]
2)
PKK (Parti "ouvrier" du Kurdistan), principal groupe
nationaliste kurde armé, agissant en Turquie.
3)
Actuel Premier ministre et dirigeant de l'AKP.
4)
Jalal Talabani est le fondateur de l'Union patriotique du
Kurdistan, l'un des deux principaux partis politiques kurdes, mais
également le président actuel de l'Irak et proche
allié des Etats-Unis dans leur opération militaire en
Irak.
5)
Barzani est le président du gouvernement autonome kurde en
Irak et le chef du Parti démocratique du Kurdistan depuis
1979.
6)
MHP (parti du mouvement nationaliste), parti fasciste qui a obtenu
14% aux dernières élections, connu également
sous le nom des "Loups gris".
7)
AKP (Parti pour la justice et le développement), parti
dirigeant de centre-droit en Turquie, qui a ses racines dans un
parti islamique parlementaire marginalisé.
8)
Note de la rédaction : Nous signalons que nous ne
partageons pas cette formulation. Pour nous, la raison fondamentale
de cette invasion militaire du Kurdistan irakien est principalement
stratégique. Il s'agit d'une opération de basse
police impérialiste, son but essentiel étant de mettre
au pas un nationalisme kurde qui dérange et de profiter de la
situation de chaos actuel au nord de l'Irak pour avancer ses pions
en direction de l'Irak, du sud du Caucase et également de
l'Iran.
9) DTP (Parti démocratique de la société), vitrine politique légale et parlementaire du PKK sur le même modèle que le Sinn Fein par rapport à l'IRA en Irlande du Nord.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/luttes-classe
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/52/amerique-centrale-et-du-sud
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/ingrid-betancourt
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/evenements-historiques/premiere-guerre-mondiale
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/41/espagne
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/38/allemagne
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/53/mexique
[8] mailto:[email protected]
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/257/turquie
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/influence-gauche-communiste