Depuis début septembre, période "traditionnelle" de la "rentrée sociale" , il ne se passe pas un jour sans que les médias ne nous invitent à nous intéresser au "débat politique " préparatoire aux futures présidentielles. A grands coups de shows télévisés, c’est quotidiennement que les prolétaires sont matraqués par les dissensions au sein des partis politiques.
De l’UMP au PS, chaque candidat potentiel essaie de nous vendre sa soupe indigeste pour nous amener à "choisir" notre futur président. Du "débat au sein du PS" où ça flingue tous azimuts, en passant par les règlements de compte au sein de l’UMP, on a droit à toute la panoplie des "propositions alternatives" censées améliorer le sort des Français à condition que ceux-ci comprennent la nécessité d’aller voter et sachent bien pour qui voter. Au milieu de tout ce tintamarre, on nous présente Sarkozy comme l’ennemi public numéro 1, la figure de proue d’une droite ultra-libérale musclée, pro-américaine, et surtout comme le principal responsable des mesures "sécuritaires" et des attaques anti-immigrés. L’objectif de tout ce cirque électoral est clair : il faut mettre le paquet pour "battre Sarkozy " qui n’est, en réalité, que le nouvel épouvantail mis en avant par la classe politique pour faire croire que les autres candidats sont plus acceptables du point de vue des intérêts de la classe ouvrière.
Pourquoi un tel barouf médiatique à huit mois des échéances électorales ?
Tout ce cirque n’est qu’un rideau de fumée destiné à masquer l’augmentation du chômage, la baisse drastique du pouvoir d’achat des ménages, les charrettes de licenciements, les suppressions de postes et autre attaques qui ne cessent de tomber sur le dos de la classe ouvrière. L’ouverture prématurée de la campagne électorale vise ainsi à masquer que la crise économique n’a pas d’issue, qu’elle ne peut que s’aggraver et que la classe ouvrière va continuer à en faire les frais, et cela quelle que soit l’équipe au pouvoir.
Ce barouf médiatique vise encore et surtout à empêcher les prolétaires de réfléchir sur la façon dont ils doivent se défendre, non pas à travers un bulletin de vote, mais par la lutte la plus massive, solidaire et unie possible. Ainsi, ce n’est pas un hasard si on n’entend plus parler des luttes du printemps dernier contre le CPE (sauf pour nous mentir et la réduire à une "lutte étudiante") alors que toute l’attention est focalisée sur le risque de nouvelles "flambées" de violence dans les banlieues. Ce n’est pas un hasard non plus si les syndicats ont préparé une "rentrée sociale " très discrète et ne font rien pour mobiliser massivement la classe ouvrière dans tous les secteurs alors que partout le mécontentement ne cesse de croître. Au contraire, leur stratégie consiste aujourd’hui encore à émietter la colère des ouvriers en multipliant les journées d’actions sans lendemain, secteur par secteur, entreprise par entreprise à des lieux et dates différents. A travers le calendrier de leurs journées d’actions, leur seul objectif consiste non seulement à laisser la campagne électorale battre son plein, mais également à occuper tout le terrain social pour décourager les ouvriers d’entrer en lutte. C’est bien pour cela que ces journées d’actions sans lendemain, dans l’Education nationale comme à EDF/GDF ont été de véritables fiascos. Aujourd’hui, malgré la colère que ressentent la grande majorité des ouvriers, ceux-ci ne sont pas prêts à perdre des journées de salaire pour rien. Partout, les travailleurs prennent de plus en plus conscience que ces journées d’actions syndicales sont totalement stériles et que ce type de "lutte "ne sert à rien.
C’est justement parce qu’une réflexion en profondeur est en train de mûrir dans les rangs ouvriers autour de la question "comment lutter ? " que toute la classe politique et ses syndicats visent aujourd’hui à empêcher un mûrissement de cette réflexion au sein de la classe ouvrière, surtout après la victoire remportée sur le CPE au printemps dernier. C'est justement parce que cette lutte constitue un pôle de référence majeur dans un contexte de développement de luttes à l'échelle internationale (voir notre article sur les luttes en Amérique latine [1] en page 6) que la bourgeoisie tente de la gommer et de la dénaturer.
Ce que toute la bourgeoisie veut faire oublier, ce sont les leçons essentielles de cette expérience et de la solidarité entre les générations ouvrières qui s'y est exprimée. Ce que tous les partis politiques et les syndicats veulent nous faire oublier, c’est que seule une lutte massive, solidaire, unie de toute la classe ouvrière peut faire reculer le gouvernement et le patronat. Ce qu’a démontré le mouvement des étudiants contre le CPE, c’est que les jeunes générations de la classe ouvrière ont été capables de développer une lutte exemplaire en s’appropriant les méthodes de lutte du mouvement ouvrier. Seule la prise en charge du mouvement et de la solidarité active par les grévistes eux-mêmes, à travers la tenue d’assemblées générales ouvertes à tous les ouvriers, massives, souveraines où les décisions étaient discutées et prises collectivement, à travers l’élection de comités de grève et de délégués élus et révocables a pu freiner les attaques de la bourgeoisie. Ces assemblées générales massives ont été le véritable poumon de la lutte. C’est justement cette prise en main de leur lutte par les étudiants (et notamment l’envoi de délégations massives vers les entreprises pour aller chercher la solidarité des travailleurs sans attendre les "consignes" syndicales) qui a fait trembler la classe dominante. C'est parce que les étudiants et beaucoup de lycéens ont été capables de mettre de côté leurs revendications spécifiques, comme la réforme des diplômes au profit de revendications communes à toute la classe ouvrière : "Non au CPE ! Non à la précarité, aux licenciements et au chômage !" que leur mouvement a eu la force de faire reculer la bourgeoisie C’est aussi la solidarité des travailleurs qui se sont mobilisés dans les manifestations aux côtés des étudiants et lycéens en lutte contre le chômage et la précarité qui a obligé le gouvernement à retirer le CPE. Et c’est justement parce que la classe ouvrière est en train de réfléchir à l’efficacité des méthodes de luttes utilisées dans le mouvement contre le CPE que toute la bourgeoisie cherche à saboter cette réflexion en créant un maximum de confusion autour de la campagne électorale. Toute la classe dominante, et notamment ses syndicats, ses partis de gauche et d’extrême-gauche, veut maintenant nous faire croire que le mouvement des étudiants du printemps dernier n’était qu’une petite escarmouche et qu’il s’agit maintenant, pour les ouvriers comme pour les jeunes générations, de passer aux choses "sérieuses" : se préparer à aller voter chacun dans son coin contre l’"ultra libéralisme" et son homme de fer, Sarkozy.
Les jeunes générations, tout comme l’ensemble de la classe ouvrière ne doivent pas oublier que c’est la même rengaine qu’on nous avait servie en 2002 lorsqu’au deuxième tour des présidentielles, on nous avait appelés, manifestations à l’appui, à voter Chirac pour "faire barrage" à Le Pen et "sauver la démocratie". C’est ainsi que beaucoup sont allés remplir leur devoir de "citoyen "en votant Chirac au nom de la politique du "moindre mal ". En "battant " Le Pen, ils ont voulu "sauver la démocratie" et "protéger les immigrés". Depuis cette "victoire" électorale de 2002, notre belle démocratie française a amplement montré son vrai visage, celui de la dictature implacable du capital.
La classe ouvrière n’a pas à choisir entre ses exploiteurs. Elle n’a rien à gagner sur le terrain électoral. Il doit être clair que le duel Royal/Sarkozy qui s’ouvre aujourd’hui, de même que les dissensions au sein du PS ou de l’UMP, ne servent qu’à embrouiller la conscience des prolétaires pour les empêcher de se battre dès à présent sur leur propre terrain de lutte. Les ouvriers n’ont pas d’autre choix que de reprendre le chemin de la lutte massive, unie et solidaire entre tous les secteurs et toutes les générations .
La classe ouvrière doit garder en mémoire que la suppression du CPE, qui a empêché une aggravation supplémentaire de l’exploitation capitaliste, ne s’est pas gagnée au parlement mais dans les amphithéâtres universitaires, dans des assemblées générales ouvertes aux parents d’élèves, à tous les travailleurs, aux retraités, aux apprentis. L’expérience accumulée pendant des semaines de lutte par des dizaines de milliers de futurs travailleurs, leur éveil à la politique et leur avancée dans la prise de conscience de l’impasse que leur réserve le capitalisme sont un véritable trésor pour les futures luttes du prolétariat.
Sofiane (26 octobre)
Une immense publicité médiatique est faite aujourd’hui autour de l’ "anniversaire" des émeutes de l’automne dernier dans les banlieues. Les caméras sont même invitées à filmer en direct des opérations d’interpellations musclées dans diverses cités où les flics se "trompent d’appartement", mettent en joue et menottent à tours de bras, y compris les mères de famille !
Pourquoi un tel vacarme sur les banlieues alors qu’il y a un véritable silence radio sur tout ce qu’a été la lutte des jeunes générations contre le CPE au printemps ? Où est le véritable danger pour la bourgeoisie ?
Toute la classe politique promettait plus de moyens pour les "quartiers difficiles". Un an après, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour constater "l’effort" soi-disant entrepris pour "tarir la source" des violences : rien. Rien n’a bougé, ni dans le fond, ni en vitrine, sinon en pire! Les banlieues transpirent toujours la misère, le chômage et l’ennui à tous les étages. Les éducateurs promis? Les crédits sont très largement à la baisse et les jeunes encore plus livrés à eux-mêmes sans possibilité d’accueil ou d’écoute. La réussite scolaire tant attendue ? Ce sont 8500 suppressions de postes enseignants dans le budget 2007. Par contre la bourgeoisie sait faire les efforts qui lui importent : à Clichy-sous-Bois, point de départ des émeutes de l’année dernière, un nouveau commissariat et une nouvelle antenne de justice sont enfin annoncés !
On peut largement comprendre que des centaines de jeunes, qu’ils soient chômeurs, actifs ou lycéens restent prêts à en découdre à nouveau, la rage au ventre, même si le fait de brûler la voiture de son voisin de palier n’exprime que l’impuissance et le désespoir sans lendemain. Cette violence permet par contre au gouvernement de justifier le renforcement de son propre arsenal répressif pour soi-disant protéger les "bonnes gens", qu’il laisse d’ailleurs crever le reste du temps. Le gouvernement, Sarkozy en tête, a misé toute sa politique sur la répression, y compris celle qui se veut de proximité , toujours avec force brigades d’intervention de la BAC ou bataillons de CRS en réserve. Dans le budget pour 2007, toutes les dépenses sont revues à la baisse, exception faites de celles de la justice et de la police qui devraient augmenter de 5% ! Face à des émeutes totalement aveugles, c’est parfois la peur, plus largement la méfiance ou le ras-le-bol qui s’insinuent dans la classe ouvrière. C’est le parfait alibi pour la bourgeoisie pour renforcer Etat policier et répression dont le principal objectif n'est certainement pas de protéger la population mais au contraire d’encadrer l’ensemble de la classe ouvrière. Rappelons-nous , lors de la lutte contre le CPE, ces cordons de CRS autour de la Sorbonne qui terrorisaient les étudiants barricadés.
Le ministre de l’Intérieur est devenu la bête noire de toutes les cités. Sur les murs, on y voit fleurir le nouveau sigle à la mode "T.S.S.": "Tout sauf Sarko". Tout un programme …électoral, bien sûr !!! Il faudrait virer Sarko par les urnes : c’est ce que clame en fait l’ensemble de la gauche. Et comme toutes les pointures politiques sont à la "ramasse", on demande à tous les relais culturels , issus si possible de l’immigration , sans doute plus crédibles, d’assurer le rabattage vers les bureaux d’inscription électorale. Associations, "personnalités", comme Joe Starr ou Djamel Debouzze ; n’en loupent pas une pour matraquer le message à tous les jeunes des cités : "Votez et virez Sarkozy, faîtes-vous entendre dans les urnes !". "Sur dix rappeurs, huit appellent à s’inscrire et voter". (J.Claude Tchikaya, membre de Devoirs de mémoire). Axiom First, le plus politique d’entre eux, va jusqu’à affirmer que "Le Vote est une arme". Force est de constater que cette "mobilisation citoyenne" a un impact : les inscriptions sur les listes électorales, très hésitantes au départ, s’accélèrent. "La hausse des inscriptions sur les listes électorales [avait] varié selon les villes de 7 à 32% par rapport à 2004. Dans les 2/3 des cas, elle concerne les jeunes de 18 à 35 ans" (collectif Banlieues Respect). Les villes de banlieue y enregistrent les augmentations les plus notables (Nanterre +25%, Bobigny +26%).
Tout sauf Sarkozy, alors ? Mais qu’en est-il des autres prétendants à transformer les banlieues et à changer la vie ? Les partis de gauche, PS et PCF en tête, sont les premiers à stigmatiser la politique sécuritaire de Sarkozy, à critiquer le gouvernement pour son inertie face aux problèmes des banlieues. Ont-ils fait mieux pendant leurs années au pouvoir ? Ont-ils donné du travail aux jeunes et aux moins jeunes, investi dans le social, le logement, la culture, l’éducation pour "tarir la source" des violences urbaines? Que dalle ! C’est tout le contraire qui est vrai. Qu’on en juge !
Quand Ségolène Royal, l’égérie du PS, alter ego au féminin du "diabolique" Sarko pour ces fameuses présidentielles, affirme sa différence, c’est pour dire que "la faillite de la politique de sécurité est flagrante… Il faut une autre politique, beaucoup plus ferme". (Bondy, Juin 2006). Concrètement ? "Il faut trouver une réponse de masse à un système de production de délinquance de masse." Donc ? "stages de parentalité obligatoires… mise sous tutelle des allocations familiales dans une logique éducative… systèmes d’encadrement à dimension militaire (pour les plus de 16 ans) au lieu de la prison." Sarko en a rêvé, Ségolène et la gauche le feront : plus de flics et de flicage !!
Dans les banlieues et chez tous les jeunes ou moins jeunes qui aujourd’hui se questionnent sur l’avenir que la société nous réserve, il doit être clair qu’il n’y a RIEN à attendre ni de la droite ni du PS et d’un gouvernement de gauche, quel qu’il soit. Car au niveau de la gestion de la crise et de la répression, la gauche n’a JAMAIS eu de leçons à recevoir de la droite. De la création des Compagnies Républicaines de Sécurité par Jules Moch, ministre SFIO d’après guerre, en passant par tous les massacres coloniaux, à Madagascar, en Algérie où se sont illustrés nombre de pointures "socialistes" et staliniennes à la tête de l’Etat, en continuant par la répression des luttes ouvrières, comme en 1984 où le ministre PCF des Transports, Fiterman, faisait matraquer les grévistes de la SNCF à la gare Saint-Lazare, les exemples sont légions.
La gauche a toujours défendu, toutes griffes dehors, l’intérêt de l’Etat, l’exploitation bourgeoise, contre la classe ouvrière qu’elle soit jeune, immigrée ou retraitée. Hier, aujourd’hui comme demain.
Les nouvelles générations vivant en banlieue sont pour une grande part prises dans l’étau de la misère et de la répression policière. C’est insupportable et inacceptable. Mais pour y faire face, il faut absolument éviter les deux pièges tendus par la bourgeoisie : répondre aux provocations par une révolte désespérée et destructrice ou tomber dans l’illusion électorale.
La seule voie, c’est la lutte sur le terrain de la classe ouvrière. La seule ! Exactement comme l’ont fait les étudiants durant le mouvement anti-CPE ! Prise en main de leur lutte, unie et solidaire, mots d’ordre communs à l’ensemble des travailleurs. Les étudiants avaient justement mis en avant l’amnistie des émeutiers et de très nombreux "banlieusards" s’étaient ralliés à cette lutte qui proposait une perspective, une véritable alternative. Plus la bourgeoisie mettra en scène les banlieues et ses "horreurs", plus nous devrons mettre dans la lumière les leçons de la lutte contre le CPE, la lutte ouvrière, véritable oxygène contre le doute ou le désespoir .
Ross (22 octobre)
A moins de s’être profondément endormi au cours du mois de septembre, il est impossible de ne pas avoir vu ou entendu parler d’Indigènes, "l’événement cinématographique de l’année 2006".
Dans ce film, le réalisateur Rachid Bouchareb nous livre un plaidoyer en règle en faveur de la réhabilitation, dans les mémoires, des soldats issus des colonies d’Afrique (Algériens, Marocains, Sénégalais…) qui ont participé à la "Libération" de la France en 1944. Conséquence logique, le film est aussi un appel aux autorités françaises pour la réévaluation des pensions de ces anciens combattants oubliés de la métropole.
Une chose est sûre, Indigènes restera dans les annales comme le film qui a "ému" le président Chirac et fait "bouger le gouvernement" au point que tout ce beau monde s’est accordé le 27 septembre pour rétablir l’égalité des pensions entre soldats des colonies et soldats de la métropole.
Mais, à en juger par son aura médiatique, ce film est, pour la classe dominante, bien plus que ça…
C’est un cadeau en or pour la bourgeoisie française…un Noël avant l’heure puisque Bouchareb lui offre là un moment immanquable pour lâcher la bonde de son nationalisme.
Il faut dire que les occasions sont rares et le sujet délicat à diffuser. En effet, il est devenu plus compliqué, aujourd’hui, pour la bourgeoisie de faire vibrer la fibre patriotique, d’exalter la fierté nationale. C’est que la classe ouvrière se souvient des massacres et des souffrances endurées lors de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale : dix millions de morts après 1914-1918, cinq fois plus après 1939-1945, au nom justement de la "défense nationale" propagée par l’hystérie chauvine.
Désormais, chaque bourgeoisie nationale doit prendre des gants et attendre le moment propice pour verser son poison dans les crânes. Les grandes rencontres sportives comme le Mondial de football sont un excellent prétexte pour cela. Le cinéma en est un autre et avec Indigènes un cap vient d’être franchi.
Après la débandade de l’armée française en mai 1940 et l’installation à Vichy d’un gouvernement défaitiste, la France libre du général de Gaulle mobilise dans les colonies pour renforcer l’armée française d’Afrique. Ainsi, la première scène du film nous expédie tout droit en 1943 dans un village algérien où un recruteur lance l’appel "il faut laver le drapeau français avec notre sang !"… inutile d’aller plus loin ; le reste du film est tout entier résumé dans cette phrase ! Le message est explicite, l’exaltation patriotique à son comble… et le tout est un grand succès !
Pourquoi ? Simplement parce que les héros ont le teint basané et l’acteur principal est un comique populaire, Djamel Debbouze. "Qui mieux que Debbouze peut se permettre ce numéro décalé ? Clown désarmant et déjanté, à mille lieues de l’univers militaro-machiste…" (Le Nouvel Observateur) Il fallait simplement y penser, des acteurs d’origine magrehbine (Debbouze, Bouajila, Roshdy Zem, Sami Naceri), sympathiques et au goût du jour, pour incarner des patriotes… de couleur (Saïd, Abdelkhader, Messaoud, Yassir) et ça coule comme du miel. "C’est le jour J de Jamel, le D-Day de Debbouze. L’icône des banlieues défend le drapeau français. Il était la voix de Rodney le hamster dans "Docteur Dolittle" ; dans "Indigènes", il est la voix de la nation." (Le Nouvel Observateur). La recette est imparable et la bourgeoisie parvient ainsi à nous resservir subtilement sa bouillie chauvine. Il n’y a qu’à le dire avec une fleur… au bout du fusil !
Jusqu’à
présent la seule épopée cinématographique
traitant de la Seconde Guerre mondiale, côté français,
était contenue dans la pitoyable trilogie des aventures de la
7e compagnie ("perdue"… "retrouvée"…"au
clair de lune"). Autant dire qu’avec Indigènes,
soulagement pour la classe dominante française, le coq gaulois
retrouve le plein éclat de ses 3 couleurs et, comme un second
souffle, un deuxième chant national, Le chant des
tirailleurs :
"Nous
venons des colonies
Pour
sauver la Patrie (…)
Car nous
voulons porter haut et fier
Le beau
drapeau de notre France entière
Et si
quelqu’un venait à y toucher
Nous
serions là pour mourir à ses pieds", etc…
Bref, un hymne aussi débile et sanguinaire que La Marseillaise mais qui résume à merveille l’idéologie guerrière et la perspective macabre de tous ces gens et de leur monde .
Pour le réalisateur Rachid Bouchareb, ce film ne s’adresse pas qu’à ceux qui ont oublié" mais aussi et en premier lieu à "ceux qui ne savent pas", c’est-à-dire tous les jeunes de France et de Navarre. Si les principaux acteurs se sont fendus d’un généreux tour de France des avant-premières, réunissant des classes entières de lycéens, ce n’était pas en vue de la traditionnelle promotion commerciale mais plutôt de celle de la Nation républicaine et de la citoyenneté. Indigènes a donc clairement une vocation de propagande pédagogique qui inonde d'ores et déjà les cours d’Education civique des établissements scolaires. La leçon doit être martelée et apprise par coeur : "Quelle que soit ton origine, mon petit, tu peux être fier d’être Français et prendre ta part du drapeau bleu-blanc-rouge"… autrement dit "maintenant ou plus tard il faudra aller voter pour continuer à défendre la nation et son ordre comme l’on fait vos ancêtres qui se sont sacrifiés en 1940 contre les nazis". C’est exactement le même discours que nous servait il y a un an à peine le collectif "Devoirs de mémoire" dans la foulée des émeutes de banlieues : "la démocratie n’attend que nous" alors "Allons, jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s’inscrire sur les listes électorales est arrivé". Un collectif dans lequel on trouvait déjà à l’oeuvre le même "show-bizz" gauchisant, mobilisé pour transmettre aux jeunes l’envie d’aimer la patrie et la démocratie : le rappeur Joey Starr, le footballeur Lilian Thuram et encore une fois l’incontournable comique d’Etat… Djamel Debbouze.
La machine à laver les jeunes cerveaux est donc repartie pour un tour. Et les dégâts peuvent être impressionnants comme en témoigne l’état lamentable et délirant de l’un des acteurs d’Indigènes, Sami Naceri, qui après une inhalation excessive du poison qu’il a contribué à déverser, déclare dans une interview : "Moi, si demain tu me coupes un bras je me bats pour la France. Je suis Français dans le 4e arrondissement. Je suis un vrai Parigot."
L’amour et la défense de la patrie, quel que soit le drapeau, sont un jeu de dupe pour le prolétariat qui ne peut y trouver au mieux que la promesse d’une place réservée au fond d’un cimetière militaire, ces drôles de champs que sait si bien faire pousser le capitalisme.
Les "devoirs de mémoire" de la classe dominante (façon Indigènes) sont là justement pour faire oublier que les ouvriers n’ont pas de patrie, et qu’ils ne se délivreront de leurs chaînes capitalistes que par leur union fraternelle et internationale contre les nations.
Azel (6 octobre)
Dans la nuit du 25 au 26 octobre à Nanterre, Montreuil et à nouveau Grigny en banlieue parisienne ainsi qu’à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, plusieurs bus en service ont été attaqués puis incendiés, entraînant la panique des passagers et des chauffeurs.
D’emblée, ce qui frappe, c’est le caractère ultra-organisé de ces violences. Ces attaques de bus font penser à de véritables opérations commandos, quasi-simultanées et parfaitement orchestrées. A Montreuil, les assaillants étaient cagoulés et pour la moitié d’entre eux armés ; de sang -froid, ils ont fait descendre tous les occupants et ont déplacé le bus pour le faire exploser quelques centaines de mètres plus loin. Ces méthodes ressemblent beaucoup plus à celles de gangsters attaquant une banque qu’au cri de désespoir des jeunes désœuvrés des cités.
De tels événements n’ont rien de surprenant. Depuis plusieurs semaines, la bourgeoisie souffle sur les braises. Il ne s’est pas passé un jour sans que journaux, radios et télévisions ne reviennent en long, en large et en travers sur les événements d’octobre 2005. Le message rabaché mille fois était clair et net : l’anniversaire des émeutes de l’année dernière risquait à nouveau de replonger toutes les banlieues dans la violence. Si la bourgeoisie n’a pas elle-même organisé ces opérations criminelles, elle a au moins tout fait pour les provoquer. Pourquoi ? Tout simplement pour distiller la peur dans les rangs ouvriers et l’empêcher, par tous les moyens, de réfléchir. Faire silence sur la lutte exemplaire et victorieuse des étudiants contre le CPE n’est pas suffisant pour endiguer la réflexion en profondeur de la classe ouvrière aujourd’hui. Pour éviter que les leçons de ce combat ne soient tirées, que la solidarité ne se développe, la classe dominante tente de déverser dans le crâne des ouvriers un sentiment permanent d’insécurité et de suspicion. Que chaque prolétaire apeuré cherche de l’aide du côté de l’Etat pour se protéger, c’est tout ce que la bourgeoisie demande ! D’ailleurs, le renforcement de l’arsenal policier dans les moyens de transports a immédiatement été annoncé.
Que la classe ouvrière ne s'y trompe pas, ces moyens de répression, c’est à elle que la bourgeoisie les destine. Le quadrillage des quartiers ouvriers, des bus, des métros prépare la répression de demain, dans les luttes, les grèves et les manifestations. La classe ouvrière ne doit pas se laisser prendre par ce type de magouille.
TR (27 octobre)
Les lois Sarkozy de 2003 et 2006 ont considérablement renforcé la politique anti-immigrés. Les expulsions s'enchaînent à un rythme infernal : 12 000 en 2003, 15 000 en 2004, plus de 20 000 en 2005 et probablement 25 000 pour 2006. La peur au ventre, des milliers de familles vivent et se cachent, terrorisées à l'idée d'être renvoyées dans un coin du globe où seule la mort les attend. Comment ne pas être indigné et en colère devant une politique si inhumaine ? Même les enfants scolarisés peuvent être raflés afin "d'éviter que la scolarisation ne devienne une nouvelle filière de l'immigration illégale" (sic !). Comment réagir et lutter contre ces mesures cruelles et inacceptables ? Les organisations et les associations de gauche pointent toutes du doigt le même responsable : le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. Pour mettre fin à tout ça, il faudrait bouter Sarko hors du pouvoir. "Votez, votez contre Sarko en mai 2007 et tout ira mieux", tel est en substance le message inlassablement répété par toutes les forces de gauche. Mais est-ce vraiment la solution ?
Evidemment non ! Ce serait se bercer d'illusions de croire que les partis socialistes et communistes mèneront une politique différente s'ils sont au pouvoir. Il n'y a qu'à se replonger sur quelques hauts faits d'armes de ces fractions bourgeoises pour s'en convaincre. Le PCF ne s'est jamais privé d'utiliser les moyens les plus brutaux pour se débarrasser des immigrés qu'il jugeait indésirables. Ainsi, en 1981, c'est tout simplement au bulldozer que le PCF a chassé d'une de ses villes, Montreuil-sous-Bois, des clandestins maliens. Quant au PS, sa ligne politique est résumée dans cette déclaration fracassante du premier ministre socialiste Michel Rocard de 1989 "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde". C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que la socialiste Edith Cresson a mis en place des expulsions massives, à coup de charters, en 1991. C'est pour ne "pas accueillir toute la misère du monde" que Jean-Pierre Chevènement a, sous l'ère Jospin, excité puis lâché ses chiens sur les clandestins en intimant l'ordre aux forces de l'ordre de multiplier les expulsions : "L'activité en matière d'éloignement des étrangers se situe à un niveau anormalement bas. (...) J"attache aussi du prix à ce que, dans les derniers mois de 1999, une augmentation significative du nombre d'éloignements effectifs intervienne." 1 [6] Voilà qui déchire le voile hypocrite des grands discours de gauche sur l'humanisme et autres droits à la dignité !
En fait, depuis 1974, droite et gauche se relaient aux plus hautes responsabilités de l'Etat et la même politique anti-immigrés demeure. La raison en est simple. A la fin des années 60, le retour de la crise économique a signifié la fin du plein emploi et la hausse du chômage. N'étant que de la chair à usine ne trouvant plus à être exploités, les immigrés sont devenus de plus en plus encombrants. C'est pourquoi le président de l'époque, Giscard d'Estaing, a décidé de "suspendre" l'immigration puis, trois ans plus tard, de créer une "aide au retour". Depuis lors, au fil des récessions, les lois anti-immigrés n'ont fait que se durcir, sous tous les gouvernements sans exception.
Ce capitalisme moribond est devenu incapable d'intégrer une partie toujours croissante de l'humanité au processus de production. Sa "solution" est d'expulser loin de ses frontières le "surplus" pour qu'il aille crever ailleurs. Le prochain gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, accentuera encore cette pression. La seule différence entre la gauche et la droite sera la terminologie, l'enrobage idéologique. Il est vrai que le PS est passé maître dans l'art d'habiller de rose ses mesures les plus inhumaines. "L'immigration choisie" fera ainsi place à une "immigration partagée" fondée sur la "contractualisation des flux migratoires avec les pays d'origine". En clair, il s'agit d'une "politique de fermeté à l'égard de l'immigration illégale" avec en prime la création d'une "police commune présente aux frontières de l'Union" 2 [7]. Mais que l'on se rassure, ces expulsions se feront avec le PS de façon très pédagogique comme l'a affirmé fièrement François Hollande : "Nos lois sur l'immigration doivent être expliquées à nos partenaires". Après tout, comme le dit Laurent Fabius, "on peut être humaniste sans être laxiste" ! 3 [8]
En fait, aucun parti, aucun "homme (ou femme) providentiel" ne pourraient mener une autre politique à la tête de l'Etat. Les racines du problème sont beaucoup plus profondes, liées à la nature du système capitaliste et à sa crise historique. A travers le problème tragique de l'émigration, nous voyons comment ce système d'exploitation n'est plus capable d'assurer un minimum de survie à des masses chaque fois plus énormes d'êtres humains qui fuient l'enfer de la faim, des guerres et des épidémies. En 30 ans, le nombre de migrants dans le monde est passé de 75 à 200 millions de personnes ! Et depuis le début des années 2000, la situation sanitaire mondiale s'est considérablement dégradée. Aujourd'hui, avec la prolifération des conflits armés et le développement effroyable de la misère, un nouveau pas qualitatif vient d'être franchi ; l'exode atteint une ampleur jamais vue jusque -là dans toute l'histoire de l'humanité. Face à ce raz de marée, toutes les nations ferment leurs frontières.
Aux Etats-Unis, le long de la frontière mexicaine, c'est un véritable mur de 1200 km qui doit être construit d'ici 2008 avec des radars, des détecteurs, des caméras infrarouges et une armée de 18 000 gardes-frontières. L'Etat mobilise même des satellites et des drones ! Alors que déjà des centaines de personnes périssaient dans le désert chaque année pour atteindre les Etats-Unis, avec ce "mur de la honte", ces désespérés seront bientôt des milliers à y crever la bouche ouverte.
En Europe, la situation est encore plus dramatique. Tout autour de l'espace Schengen, les camps où l'on entasse les clandestins prolifèrent. Il y a un an, cette horreur éclatait au grand jour quand autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, au nord du Maroc, des images nous parvenaient d'êtres humains littéralement empalés sur les grilles barbelées de la frontière, fauchés par les balles de la police ou largués en plein désert comme des chiens galeux. Ces actes barbares furent d'ailleurs commis sous l'ordre du chef du gouvernement espagnol, le très "démocratique" et "pacifiste" Monsieur Zapatero, montrant une nouvelle fois que sous le masque humaniste se cache le vrai visage haineux et sanguinaire de la social-démocratie. Depuis la situation n'a fait qu'empirer, se généralisant même à l'ensemble du ud et de l'Est européen. Cette année, sur les plages "paradisiaques" des îles Canaries, dans l' Atlantique, 27 000 personnes sont arrivées dans des embarcations de (bien mauvaise) fortune, soit cinq fois plus qu'en 2005 ! Même tragédie au large de l'Italie, sur l'île de Lampedusa, à Malte ou à Chypre. Même tragédie à la frontière ukrainienne où les très démocratiques pays européens sous-traitent en catimini à l'Etat hongrois la gestion de camps, véritables bidonvilles dans lesquels s'entassent par milliers les clandestins venus de l'ex-URSS ou d'Asie. Et le pire reste à venir. Comme l'affirme sans détour Froilàn Rodriguez (vice-ministre des Canaries pour l'immigration), "Il faut se préparer à des avalanches jamais vues'"4 [9]. Conscientes de cette accélération et sachant que la situation ne va cesser de s'aggraver, les bourgeoisies européennes sont en train de se doter d'une véritable armée high-tech chargée de repousser vers la mort ces milliers de migrants, exactement comme aux Etats-Unis : construction de camps, jumelles infrarouges, patrouilles aériennes et navales…
Le capitalisme est aux abois et le sort qu'il réserve à l'humanité est condensé dans ce qu'il fait subir à cette masse d'immigrés. En comprenant que c'est le capitalisme en décadence qui produit toute cette misère et cette inhumanité, une réalité devient évidente : voter en mai 2007, pour qui que se soit, ne servirait strictement à rien, juste à se bercer d'illusions. Pour que l'humanité puisse vivre, le capitalisme doit mourir. Une fois consciente de cet enjeu et de l'ampleur de la tâche, la première réaction est souvent "mais en attendant le 'grand soir', il faut bien faire quelque chose !". Oui, il faut bien faire quelque chose. Il faut lutter, lutter sur le terrain de la classe ouvrière. C'est dans la lutte que s'expriment en pratique les plus profonds sentiments de fraternité. Et aujourd'hui justement, la classe ouvrière est en train de retrouver ce chemin, retrouver sa combativité, retrouver ces instincts d'unité et de solidarité.
De façon très immédiate, il y a ces enseignants et ces parents d'élèves qui se mettent en grève et empêchent physiquement la police de venir récupérer un enfant directement dans la classe. Dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées dans lesquels se trouvent des "clandestins" en culotte courte, des discussions se développent sur comment empêcher la rafle, comment cacher tel ou tel enfant.
Il y a ces ouvriers qui arrêtent le travail pour défendre leurs camarades sans-papiers de l'usine, menacés d'expulsion.
Et enfin, il y a ces luttes qui témoignent de la profonde solidarité et unité du prolétariat comme ces bagagistes qui ont bloqué plusieurs jours l'aéroport de Heathrow à Londres, en août 2005, en solidarité avec des travailleurs pakistanais du secteur de la restauration victimes d'une attaque inique de leur employeur, Gate Gourmet. Et pourtant, ces bagagistes n'étaient pas menacés de licenciement et partout au même moment 5 [10] les médias relayaient la propagande étatique du sieur Blair (encore un socialiste !) qui excitait la haine contre justement les Pakistanais, tous prétendus terroristes en puissance. Dans cette lutte exemplaire, la différence entre la pourriture de l'idéologie bourgeoise et la grandeur de la morale prolétarienne fut presque palpable.
La solidarité de la classe ouvrière n'a rien à voir avec la pitié et tous les sentiments condescendants. Il s'agit d'une solidarité réelle, forgée par la conscience d'appartenir au même combat, d'être des frères de classe victimes du même système, de la même exploitation, quelle que soit sa nationalité, sa couleur ou sa religion.
En affirmant qu'une nation "ne pouvait accueillir toute la misère du monde", Michel Rocard exprimait le mode de pensée de toute la bourgeoisie. Mais la classe ouvrière n'a pas à accepter la logique du capitalisme et ses barrières nationales. Au contraire, elle doit y opposer son être internationaliste en affirmant bien haut "Les prolétaires n'ont pas de patrie. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" .
Pawel (16 octobre)
1 [11] Circulaire ministérielle d'octobre 1999.
2 [12] Mesure adoptée fin mars dans le cadre de "la commission du projet 2007" du Parti Socialiste.
3 [13] Libération du 24 août 2006.
4 [14] Libération du 12 septembre 2006.
5 [15] Cette grève eut lieu au même moment que les attentats dans le métro londonien.
Nous publions ci-dessous le courrier d'un de nos lecteurs qui a tenu à témoigner de la précarisation des conditions de travail.
Camarades,
Je travaille dans l’Education Nationale et je tiens à vous envoyer un témoignage de l’intérieur sur les conditions d’embauche des personnels contractuels dernièrement recrutés par l’Etat.
Depuis cette rentrée scolaire, l’Etat a créé dans l’enseignement primaire des emplois d’ "assistant administratif au directeur d’école", financés par les Conseils Généraux, qui sont en fait des emplois polyvalents alternant travail de secrétaire et celui d’aide-éducateur. Ces emplois, réservés aux bénéficiaires de minima sociaux (Allocation de Parent Isolé et Revenu Minimum d’Insertion principalement), ont officiellement été créés en réponse à la longue grève administrative des directeurs d’école primaire ; mais, outre d’évidents motifs électoraux, cet expédient sert en réalité à faire diversion aux quelque 8000 postes de fonctionnaires de l’Education Nationale (15 000 dans toute la Fonction Publique) dont le gouvernement a annoncé la suppression pour 2007.
Ces emplois se présentent sous la forme d’un contrat de travail d’une durée de 10 mois (du 1er septembre au 30 juin) éventuellement renouvelable. Le travail est payé au SMIC horaire (8,26 € brut par heure) pour une durée hebdomadaire moyenne de 26 heures par semaine (en réalité 28 heures par semaine quand on ne compte pas les vacances scolaires) ce qui donne un salaire mensuel net inférieur à 770 €. Il ne donne droit : ni à l’assurance maladie (mais à la Couverture Maladie Universelle) ; ni aux allocations chômage (mais au RMI) ; ni à l’indemnité de fin de contrat.
Par conséquent, comme stipulé dans le contrat : en cas d’arrêt de travail pour maladie, congé maternité ou accident de travail et ce dès le premier jour d’absence, le salaire du travailleur n’est pas maintenu par l’employeur (c’est-à-dire l’Etat-patron) : dans ce cas, il a royalement droit à un trentième de RMI par jour d’absence (soit 14,44 € par jour) ; si ces contrats sont renouvelés (ce qui est probable, "grâce" aux élections), ils le seront pour la même période scolaire : ce qui signifie qu’entre la fin du précédent contrat (30 juin) et le début du suivant (1er septembre), le travailleur redeviendra un RMIste.
Mais cette précarité criante n’était pas encore suffisante pour certains politiciens bourgeois. Ainsi, dans le département du Nord : les 200 RMIstes et autres qui avaient signé en juin un contrat de travail ont appris fin août que le Conseil Général du Nord, présidé par le PS, refusait de contresigner leur contrat. Motif invoqué : l’impossibilité pour le département de financer ces emplois sans l’aide du gouvernement. Ainsi la gauche, après avoir cyniquement fait miroiter aux plus pauvres d’entre les chômeurs un emploi précaire pour la rentrée, leur a littéralement enlevé le pain de la bouche. On imagine sans mal le désespoir qu’a pu entraîner une telle décision chez ces prolétaires.
A noter que ce type de contrat est dénommé "Contrat d’Avenir"... Tant que la bourgeoisie et son Etat décideront de notre avenir, nous n’en aurons pas !
CL (septembre 2006)
D’après la bourgeoisie, la classe ouvrière devrait se réjouir. Il ne se passe pas un jour, sans que ses médias journaux, radios, télévisions ne nous parlent de la bonne santé actuelle de son économie. Pour cela, elle met en avant les chiffres de la croissance. Celle-ci a augmenté au niveau mondial de 3,2% en 2005, après avoir enregistré 4 % en 2004 et moins de 2,6% en 2003. Elle prévoit tranquillement une croissance en hausse de 3,3% pour l’année 2006. Cette classe d’exploiteurs se cache à elle-même la réalité. Mais surtout, elle ment effrontément à la classe ouvrière.
Elle tente à tout prix de cacher la gravité de la situation. Pour cela tout est bon. En France, elle va jusqu’à parler d’une "réduction significatice" des chiffres du chômage, en oubliant de mentionner à quel point toutes ses statistiques sont truquées. Comment la classe ouvrière qui vit de plus en plus un chômage de masse pourrait avaler de telles balivernes ? Les ouvriers dont beaucoup sont réduits à cumuler plusieurs boulots précaires pour survivre avec un salaire de misère, savent très bien ce que valent ces campagnes idéologiques de la bourgeoisie. Depuis l’accord de l’UNEDIC en 2002, la bourgeoisie française a déjà radié de tout droit d’indemnisation 850 000 chômeurs, qu’elle a envoyés sans aucun scrupule tout droit à la misère du RMI. Mais tout ceci n’est encore rien. C’est le capitalisme mondial qui est dans la tourmente économique et avec lui toute la classe ouvrière. Pour cette classe de prédateurs, au moment où la crise impose une guerre économique de tous les instants, il ne lui reste plus que la poursuite de sa politique de fuite en avant dans l’endettement, tout en développant férocement l’ensemble de ses attaques contre les conditions de vie de la classe ouvrière. Au moment même où la crise de l’économie capitaliste entre dans une nouvelle phase d’accélération, faut-il que la classe ouvrière admette sans réfléchir les perspectives mensongères que nous avance la bourgeoisie ? Le prolétariat doit-il attendre passivement, sans lutter, des lendemains qu’on nous annonce meilleurs ? En fait, derrière les discours idéologiques de façade, le système économique rentre dans une nouvelle phase, qui aura des effets autrement plus dévastateurs que ceux que nous avons connus, depuis le retour de la crise ouverte à la fin des années 1960.
Cette dégradation violente de l’économie, la classe ouvrière la vit au quotidien. Les plans de licenciements massifs se succèdent sans répit. Des entreprises supposées aussi performantes que Alcatel et Intel annoncent des licenciements à la chaîne. Dans l’automobile, la bourgeoisie ne fait pas de détail. Elle prévoit tout simplement 70 000 suppressions de postes d’ici à la fin de l’année chez General Motors, Ford et Delphi. Ce chiffre donne la mesure des difficultés du secteur automobile aux Etats-Unis. La situation qui n’est pas meilleure dans le reste du monde amène les constructeurs partout à annoncer des licenciements massifs. En France, c’est au tour de Renault et de Peugeot-Citroën d’annoncer des milliers de nouveaux licenciements. Tous les secteurs de pointe du capitalisme sont dans la tourmente. La société EADS, qui vient de connaître quelques ennuis de fabrication, se voit immédiatement lourdement sanctionnée par les acheteurs potentiels du futur Airbus A380. Dans l’état de surproduction de ce secteur, aucune erreur n’est permise. Le résultat ne s’est pas fait attendre, après le constructeur américain Boeing, c’est au tour du constructeur européen d’annoncer des milliers de licenciements. A Séoul, en Corée du Sud, un des plus grands chantiers navals au monde appartenant au groupe Halla, a annoncé la suppression de 3000 postes, soit la moitié des effectifs, alors que la pratique des licenciements massifs était inconnue jusqu’à ce jour dans ce pays. Mais la classe ouvrière ne subit pas une attaque frontale que sur la question des licenciements. Ce sont toutes ses conditions de vie qui sont attaquées. En Allemagne, la bourgeoisie vient de déclarer qu’il faut repousser l’âge du départ à la retraite à 67 ans. C’est la même offensive qui est menée dans tous les pays. La bourgeoisie en pleine faillite ne peut plus payer les retraites. Après avoir sucé toute la force de travail des ouvriers, elles les jette ainsi aux ordures. "L’Etat providence" déjà fortement démantelé, ne pourra pas résister à la nouvelle dégradation économique. Tous les jours des médicaments et des soins ne sont plus remboursés. La bourgeoisie veut définitivement enterrer la sécurité sociale. Dans tous les secteurs, publics ou privés, les moyens pour les ouvriers et leurs familles de se soigner sont attaqués férocement. Le budget mis en avant par la bourgeoisie française est la concrétisation amère de toutes ces attaques. Il annonce la suppression pure et simple de 15 000 postes de fonctionnaires. La fonction publique et le secteur hospitalier sont tout particulièrement visés. Avec des salaires toujours plus bas, la classe ouvrière en est réduite à se battre au jour le jour pour se loger et pour manger. C’est exactement la même politique qui sévit en Allemagne sous le gouvernement Angéla Merkel ou en Italie avec celui de Romano Prodi. Il ne peut y avoir aucune exception à cette politique frontale anti- ouvrière, quel que soit le pays, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place.
Un organisme aussi représentatif de la bourgeoisie que l’ONU par l’intermédiaire de son département des affaires économiques et sociales avance à demi-mots que la croissance mondiale ne peut que ralentir en 2006. "Dans l’avenir proche, l’éventualité de nouvelles flambées des cours du pétrole, du passage d’une crise circonscrite de la grippe aviaire à une pandémie, ou de l’effondrement du prix de l’immobilier dans les pays les plus riches font planer le risque d’un ralentissement graduel de la croissance mondiale." (Courrier International, octobre 2006). Les millions de morts d’une éventuelle pandémie de la grippe aviaire ne posent aucun problème humain à la bourgeoisie, par contre son utilisation idéologique pour faire croire qu’une brusque accélération de la crise, serait due à une catastrophe indépendante de son système pourrissant lui sert pleinement. Mais n’en déplaise à tous les organismes bourgeois, les faits finissent par être plus têtus que les mensonges. L’éclatement de la bulle immobilière a déjà commencé aux Etats-Unis. Des millions d’Américains vont se retrouver de ce fait incapables de rembourser leurs dettes. L’éclatement de cette bulle du logement va avoir de graves répercussions sur le système financier mondial comme sur l’ensemble de l’économie. Cette bulle a été financée par de l’argent "bon marché", à des taux de prêt très bas. Au cours des toutes dernières années, l’administration américaine a fait marcher à fond la planche à billets, inondant ainsi le monde et les Etats-Unis de dollars. Un article de Courrier International du 27 juillet 2006 met crûment en lumière cette politique de fuite en avant suivie par la banque centrale américaine : "En juin, l’indice des prix à la consommation à montré, s’il en était encore besoin, quelle immense erreur la banque centrale américaine à commise en matière de politique monétaire entre fin 2003 et 2005". ( Cette "erreur" est d’autant plus grave que, contrairement aux discours bourgeois, ce sont les Etats-Unis qui continuent de tirer la demande mondiale. Une crise majeure de l’économie américaine plongerait inévitablement le monde dans une récession violente. C’est en premier lieu à travers sa dépendance envers l’économie américaine que la Chine peut connaître des taux de croissance records. La Chine dépassera cette année le Mexique pour devenir le deuxième partenaire commercial des Etats-Unis, juste derrière le Canada. La Chine comme l’Inde et tous les Etats d’Asie du Sud-Est ne supporteraient pas un ralentissement trop important de la demande extérieure américaine, sans connaître eux-mêmes un violent coup de frein de leur croissance. Et c’est ce chemin que l’économie mondiale à d’ores et déjà commencé à emprunter. Les Etats-Unis se sont endettés au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. Le déficit américain atteint 800 milliards de dollars. Il est bien évident que parmi les éléments d’une structure financière en déconfiture, le niveau d’endettement est le plus préoccupant. En 2002, suite à l’effondrement boursier dû, en partie, à l’éclatement de la bulle de la "nouvelle économie", la bourgeoisie craignait l’arrivée de la déflation. Elle a pu repousser cette échéance. Mais de l’avis de nombreux spécialistes bourgeois, ce spectre est à nouveau possible dans la situation actuelle. Cette masse incroyable de dollars en circulation aujourd’hui dans le monde peut entraîner cette monnaie dans le gouffre, avec des répercussions d’une extrême gravité sur toute l’économie mondiale. La suppression de la publication de l’indice M3 par la banque centrale américaine, indice qui permet de mesurer la masse de dollars en circulation, démontre l’impuissance croissante de la bourgeoisie à maîtriser ses déséquilibres. Elle en est réduite à la politique de l’autruche qui consiste à cacher le danger faute de pouvoir y faire face. En attendant, cette politique d’argent facile aux Etats-Unis, comme dans l’ensemble des pays développés a fait de nouveau réapparaître l’inflation. Depuis douze mois, les prix ont augmentés aux Etats-Unis, à un rythme annuel de 4,3% et depuis trois mois de 5,1%. La banque centrale américaine ne peut par conséquent, à l’image des banques centrales d’Europe ou d’Asie, que continuer à augmenter ses taux d’intérêts. A moins que dans ces temps de folie, ces banques ne décident d’accélérer leur fuite en avant en laissant filer la valeur du dollar afin de financer leurs dettes avec de la monnaie dévaluée. Dans les deux cas, le résultat pour l’économie mondiale sera le même : ce sera la récession. La montée actuelle des cours boursiers ne correspond pas à une embellie dans la marche de l’économie capitaliste, mais à son exact contraire. Ce n’est que le signe précurseur de la tempête. Une crise boursière d’ampleur guette l’économie capitaliste. Celle-ci sera plus profonde que celles que nous avons connues jusqu’à présent.
Pour faire face à la crise ouverte à la fin des années 1960, le capitalisme allait avoir recours à un endettement important, tout en portant ses premières attaques frontales contre la classe ouvrière. Les pays centraux reportaient alors toute une partie de la crise sur les pays pauvres qui s’enfonçaient dans une misère et un chaos qui n’a jamais cessé de s’approfondir depuis. Pendant qu’au cœur du capitalisme c’étaient les secteurs traditionnels de l’industrie capitaliste qui étaient démantelés : mines, sidérurgie, textile, etc. La bourgeoisie pour la première fois depuis l’époque des "Trente Glorieuses" allait devoir faire appel à la planche à billets et à un niveau d’endettement inconnu jusqu’alors, afin de créer artificiellement une demande solvable. Cet endettement n’a rien à voir avec celui qui existe aujourd’hui. Celui-ci allait pourtant produire un niveau d’inflation rapidement intolérable. La bourgeoisie se devait de réorienter sa politique économique sans pousser celle-ci dans une récession trop violente. C’est ce qui fut fait au début des années 1990 et qui allait donner malgré les souffrances infligées au prolétariat encore dix années de répit au capitalisme. L’endettement privé prenait alors en partie le relais de l’endettement public. Les banques, fonds de pension, assurances, institutions financières, entreprises et "classe moyenne", notamment aux Etats-Unis, jouaient le rôle de soutien de la croissance. Cette politique, voulue par les Etats, tout au long de ces années a permis de maintenir l’activité tout en jugulant l’inflation. Et ceci d’autant plus que la bourgeoisie s’acharnait à faire baisser le coût du travail. L’éclatement de la bulle de la nouvelle économie sonnait alors le glas de cette période. Depuis lors, la fuite en avant de la politique économique a consisté à cumuler celle des années 1980 et celle des années 1990. A un endettement public inimaginable a été ajouté un endettement privé incalculable. L’éclatement en cours de la bulle immobilière aux Etats-Unis signifie, après seulement trois ou quatre ans d’usage, la fin de cette folie économique. Les déséquilibres financiers et industriels ainsi portés à des niveaux insoutenables, notamment en Amérique font inévitablement rentrer l’économie capitaliste dans une nouvelle phase, qui ne pourra être faite que de faillites boursières et industrielles, ébranlant l’économie toute entière.
La bourgeoisie n’a pas le choix. Cette nouvelle aggravation de la crise économique va l’obliger à développer, ses attaques de la classe ouvrière à un niveau bien supérieur à tout ce que nous avons déjà connu depuis le retour de la crise ouverte à la fin des années 1960. Il n’y aura aucun répit pour le prolétariat. Cependant ces attaques ne vont pas s’abattre sur une classe ouvrière abattue et amorphe. Depuis le début des années 2000, celle-ci partout dans le monde a repris le chemin de la lutte. Au moment où la classe ouvrière dans les pays centraux est en train d‘assimiler les premières leçons de cette reprise des luttes, l’accélération de la faillite de l’économie bourgeoise et la généralisation des attaques ne pourront être que des facteurs importants dans sa réflexion, sa prise de conscience et son combat.
Tino (23 octobre)
Partout dans le monde, la classe ouvrière subit les coups les plus rudes de la part de ses exploiteurs, qu’il s‘agisse des patrons privés comme de l’Etat, que ce soit dans les pays développés ou dans les plus pauvres. Attaques sur les salaires, aggravation du chômage, baisse des subventions de toute nature, attaques et contraintes accrues sur les conditions de travail, enfoncement dans la misère de fractions de plus en plus massives de la classe ouvrière au niveau international, tel est le lot d’un prolétariat qui paie à un prix chaque jour plus fort la crise du capitalisme. Mais ces attaques ne frappent pas un prolétariat abattu, prêt à accepter passivement tous les sacrifices qu'on exige de lui.
Au contraire, on voit se manifester dans l’ensemble des pays du monde des réactions ouvrières de plus en plus fortes pour résister et riposter à ces attaques. Malgré l’énorme black-out opéré par les médias dans les pays développés, on voit en particulier le continent latino-américain être le théâtre des réactions d’une classe ouvrière qui n’est pas décidée à accepter la misère sans se battre. Celles-ci ne sont pas des actions isolées, elles sont en réalité un moment de la combativité grandissante qui se développe à l'échelle internationale depuis trois ans.
Au Honduras, en septembre, ont eu lieu des grèves très importantes des transports en commun de la capitale du pays Tegucigalpa, qui se sont complètement arrêtés pendant deux jours après que les chauffeurs de taxi et de bus se soient mis en grève pour protester contre l’imposition par le gouvernement d’une augmentation du prix des carburants de 19,7%. Au Nicaragua, après les violentes protestations qui ont eu lieu, en début d’année, à Managua suite à l’augmentation des tarifs des transports, après les grèves massives des personnels de la santé en avril, la capitale a été bloquée par les grévistes du secteur des transports.
Au Chili, dans un contexte de perquisitions, d’arrestations et de répression brutale menée par le gouvernement social-démocrate de Michelle Bachelet (si fortement soutenue par "notre" Ségolène nationale), s’est déroulée fin septembre, dans le secteur de l’éducation, une grève contre des conditions d’enseignement lamentables et réunissant professeurs, étudiants et lycéens, ces derniers menant une lutte très radicale depuis le mois d’août. Un des thèmes du mouvement était de refuser les grèves partielles et d’engager une lutte du maximum d’ampleur. Cet été, les ouvriers de la mine de cuivre d'Escondida se sont mis en grève, pour la première fois depuis l’ouverture de la mine en 1991, pendant trois semaines pour réclamer 13% d’augmentation de leurs salaires et une prime de 30 000 euros. Ils n’ont obtenu en définitive qu’une augmentation de salaire de 5% ainsi qu’une prime exceptionnelle de 13 000 euros. De plus leur nouveau contrat aura une durée de 40 mois au lieu de deux ans, ce qui est une arnaque car les salaires ne seront plus renégociables avant ces 40 mois.
En Bolivie, les ouvriers travaillant dans les mines d’étain sont entrés en lutte plusieurs semaines pour des revendications de salaires et contre la perspective de licenciements en cours, subissant la féroce répression du gouvernement de gauche d’Evo Morales, grand ami de Fidel Castro.
Au Brésil, après les grèves du mois de mai dans les usines Volkswagen contre les 5000 licenciements prévus par le groupe automobile, les employés de banque étaient en grève en septembre pour des revalorisations salariales (voir notre encart ci-contre).
Au Mexique, plusieurs milliers d’ouvriers de la sidérurgie ont arrêté le travail pendant cinq mois entre le printemps et l’été dans les usines de Sicartsa et Atenco, sur la côte Pacifique du pays, grèves réprimées par une violente répression policière. Et ce sont aussi les grèves des enseignants de la ville d’Oaxaca, un des trois Etats les plus pauvres du Mexique, grèves qui ont donné naissance à un mouvement d’occupation de la ville par toute la population, de la mi-juin à aujourd’hui, et sont venues affirmer cette résistance accrue de la classe ouvrière contre les attaques capitalistes.
Cependant, les expressions de cette forte combativité dans la classe ouvrière d’Amérique latine sont entravées par les nombreux pièges que développe la bourgeoisie au niveau idéologique. Ainsi, ces luttes se déroulent dans une ambiance générale de propagande électoraliste et populiste de gauche dont les tenants les plus médiatiques sont Lula et surtout Chavez. Les récentes élections de Morales en Bolivie, de Bachelet au Chili, ont étés saluées par toute la presse, de gauche et gauchiste en particulier, comme des avancées de la démocratie et viennent à point nommé pour pervertir et dévoyer ce développement de la lutte de la classe ouvrière. Il en est de même avec la tenue des élections présidentielles au Brésil et le battage autour du maintien de Lula au pouvoir.
Au Mexique, la grève massive des 70 000 enseignants engagée depuis la mi-juin à Oaxaca, malgré la puissante volonté militante des travailleurs, malgré le fait que toute la population se retrouvait et soutenait cette grève, a été détournée et enfermée sur la revendication essentielle de virer le gouverneur Ruiz, dans une ambiance interclassiste où toutes les fractions de gauche et gauchistes, syndicales et politiques, sont venues dévoyer le sentiment de solidarité réel parcourant la population sur un terrain localiste et nationaliste sous prétexte d’apporter leur soutien aux enseignants.
Des milliers de manifestants bloquaient la ville, occupant plusieurs stations de radio, défendant avec bâtons et machettes leurs "plantons" contre les "convois de la mort" (des policiers en civil "encagoulés" aux ordres du gouverneur), à l’occasion d’attaques armées. Une Assemblée Populaire du Peuple d’Oaxaca (APPO) était même créée, dans laquelle l’idéologie "indianiste indigène" était particulièrement forte, visant à noyer encore plus les revendications des enseignants dans une vaste "revendication populaire" informe.
Le SNTE (syndicat national des enseignants) et les partis de gauche se sont attachés à focaliser le mouvement de grève initial des salaires et des moyens donnés aux enseignants et aux enfants sur une question de personne. Ainsi, la revendication qui fait l’unanimité depuis le mois d’août est la démission d’Ulises Ruiz, le gouverneur de l’État qui a détourné l’argent destiné aux écoles (en particulier celui destiné à payer le goûter des enfants) pour les besoins de sa campagne électorale et qui avait fait tirer sur les enseignants occupant le centre ville le 14 juin, donnant naissance à une radicalisation extrême du mouvement. Depuis septembre, ce mouvement, probablement en train de se terminer à l’heure où nous écrivons, et cela dans la plus grande confusion grâce aux syndicats et à L’APPO, avec la fin de la grève des enseignants, a été une farce sinistre avec manifestations "de soutien" à Mexico, grèves de la faim, soutien d’Amnesty International, etc., le tout baignant dans une atmosphère gauchiste pseudo-radicale destinée à enrayer toute prise de conscience de quels étaient les enjeux au début de la grève et des possibilités d’extension réelle qu’elle offrait. Ainsi, un million de personnes ont bloqué le centre de Mexico pendant deux mois pour dénoncer le trucage des élections à l’issue desquelles le candidat "des pauvres", Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), avait été défait, pour exiger un recomptage des voix. Ce dernier s’est même fait élire "par acclamations" chef du gouvernement, proclamant que "c’est la rue qui gouverne".
En Bolivie, les mineurs se sont faits complètement enfermer par les syndicats, tenants du gouvernement "indianiste" de gauche de Morales dont l’élection avait été saluée comme "un espoir pour le peuple", dans la défense de "leur" mine pour finir dans un bain de sang.
C’est bien à l’échelle mondiale qu’on constate aujourd’hui, particulièrement depuis 2003, une tendance à la reprise des combats du prolétariat. Tant dans les pays centraux et les plus développés de la planète que dans les pays de la périphérie et les plus pauvres, la classe ouvrière essaie d’opposer ses luttes et sa solidarité de classe aux attaques incessantes et de plus en plus brutales que lui porte un système capitaliste en crise. Et les armes utilisées par la bourgeoisie pour faire passer ces attaques sont toujours du même type : la violence et la mystification.
La violence, la répression, c’est évidemment dans les pays de la périphérie, notamment en Amérique latine, qu’elle prend ses formes les plus spectaculaires. Mais elle est également présente dans les plus développés où, lorsque qu’elle ne s’exerce pas à coups de matraque et par des gaz lacrymogènes, elle continue de peser au quotidien sous la forme du chantage au chômage et aux licenciements.
Quant aux mystifications visant à saboter les luttes, à détruire la solidarité et la conscience de classe, à disperser et dévoyer la combativité, elles non plus ne connaissent pas de frontières. Partout, les syndicats, les partis de gauche et les organisations gauchistes en sont les principaux pourvoyeurs. Et les thèmes se ressemblent comme des frères : ils peuvent se résumer dans la défense de la démocratie bourgeoise et dans la défense du capital national. Partout, la mystification électorale est employée à doses massives : il faut "bien voter", et si on ne peut élire les "meilleurs pour les travailleurs" (c’est ainsi que se présentent les partis d’extrême gauche), alors il faut empêcher les "pires" de gagner (les partis de la droite traditionnelle) en votant pour les "moins mauvais" (la gauche classique).
De même, il faudrait selon tous ces organes bourgeois que les ouvriers se mobilisent non pas contre le capitalisme comme un tout, quelles que soient ses formes, mais contre le "capitalisme libéral et mondialisé". En ce sens, les mensonges employés contre les luttes ouvrières en Amérique latine ne sont pas si différents que ceux que nous servent ici les partis de la "gauche anti-libérale". Il s’y ajoute seulement quelques ingrédients du terroir, tels que l’indigénisme (la défense des droits des indiens) ou le populisme à la Chavez ou à la Morales. Les discours "anti-impérialistes" radicaux de ces personnages, qui sont les nouveaux héros d’une bonne partie de l’extrême gauche des pays développés, n’en font pas des défenseurs des ouvriers dont l’exploitation est la même, qu’elle soit organisée par des "étrangers", des "compatriotes" ou par l’État national lui-même. Bien au contraire, le chauvinisme que ces gens-là essaient d’incruster dans les consciences ouvrières a toujours été le pire ennemi du prolétariat.
Pour que les luttes ouvrières qui se développent actuellement à l’échelle internationale ne soient pas étouffées par la classe dominante, qu’elles constituent une nouvelle étape du prolétariat vers son émancipation, il est nécessaire que se développe au sein de celui-ci une conscience grandissante tant de leurs enjeux que des pièges tendus par les défenseurs de l’ordre bourgeois pour les défaire : la conscience qu’il n’y a pas d’autre salut pour les ouvriers que de prendre eux-mêmes leurs luttes en main et de les étendre le plus possible, de façon solidaire, la conscience que ces luttes participent d’un combat international des exploités contre tous les secteurs de la bourgeoisie.
Mulan (25 octobre)Au Brésil, "après les licenciements massifs des employés (75% du personnel) de la compagnie aérienne Varig au printemps dernier, c’est le tour des employés des usines Volkswagen de la ceinture industrielle de Sao Paulo (ABC). (…) C’est le syndicat des métallurgistes de l’ABC qui, en collaboration avec la direction de Volkswagen a fixé le quota de 3600 licenciements étalés jusqu’à 2008. Dans les assemblées, le climat était à une très forte intimidation, les syndicats exerçant le chantage à davantage de licenciements, si les employés n’acceptaient pas les modalités proposées pour des départs volontaires. Dans l’assemblée où l’accord a été conclu, les syndicalistes ont été hués, qualifiés de "vendus" et accusés d’avoir arnaqué les ouvriers. (…) Mais ce n’est pas tout puisque les ouvriers qui vont conserver leur emploi vont voir leur salaire amputé de 1 à 2% du fait de l’augmentation de la cotisation à la sécurité sociale, ceci encore avec l’assentiment des syndicats." (Extrait d'une déclaration commune entre l'Opposition Ouvrière -OPOP - et le CCI)
Au Brésil toujours, les employés de banque, dont le nombre est passé en vingt ans de 1 million à 400 000, se sont mis en grève durant une semaine pour des revendications salariales, malgré les consignes syndicales qui les exhortaient à ne pas faire grève à cause de la campagne électorale.
Au Brésil, chaque année au mois de septembre a lieu la campagne de revendication salariale des employés de banque. Régulièrement, cette campagne se traduit par des grèves qui, depuis quelques années, ne permettent que très modestement de ralentir les attaques sur les salaires. En moins de 5 ans, les salariés des banques publiques ont subi une perte considérable de leur pouvoir d’achat. Cette année, du fait des élections, les syndicats avaient décidé de différer la campagne de revendication salariale afin qu’elle ne coïncide pas avec la campagne électorale. Mais les employés de banque en ont décidé autrement. Ils ont mis en échec la manœuvre du cartel des syndicats incluant la CUT. Des assemblées générales, pourtant appelées et tenues par les syndicats, décidèrent de la grève contre l’avis même des syndicats locaux et de leur représentation nationale, dans les villes ou Etats suivants : Bahia, Porto Alegre, Florianópolis et Pernambuco. Certaines assemblées générales élirent des délégués pour constituer une centralisation nationale afin qu’elle représente le mouvement. La grande majorité des délégués élus ne représentaient aucun syndicat et même, n’étaient en général pas syndiqués. A Salvador, la délégation élue était constituée de nos camarades de l’Opposition Ouvrière. Face à l’extension de la lutte au niveau national, afin de n’être pas désavoués et pour reprendre le contrôle du mouvement, les syndicats ont déclaré la grève tout en manœuvrant pour retarder l’entrée en lutte des employés de banque de Sao Paulo. Lorsqu’ils ont finalement convoqué une assemblée générale pour décréter la grève dans cette ville, les ouvriers concernés n’ont pas voulu se contenter d’accepter passivement les consignes syndicales. Ils ont voulu prendre la parole et se sont heurtés violemment (mercredi 4 octobre) à la milice syndicale qui entourait et protégeait le présidium composé des mafieux syndicaux, afin qu’ils conservent le monopole de la parole.
Finalement les syndicats ont réussi à venir à bout du mouvement, au moyen d’une grosse manœuvre. Ils ont fait reprendre le travail à São Paulo et Brasília – ce qui a démoralisé les autres villes en lutte - en convoquant des assemblées dans lesquelles ils s’étaient assurés que les non grévistes participeraient massivement alors que, pour la plupart, les grévistes n’étaient pas ou peu informés.
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