L'année 2005 avait déjà commencé sous les pires auspices : avec le sentiment d'horreur provoqué par les ravages du tsunami en Asie du Sud-Est qui avaient fait plus de 300 000 morts. Elle s'achève sur une double menace encore plus lourde de conséquences : une pollution des eaux suite à l'explosion d'une usine chimique qui expose la vie de plus de 5 millions de personnes en Chine et en Russie (voir article page 8) et le risque de propagation d'un nouveau fléau, la grippe aviaire, sur n'importe quel coin de la planète, avec le flux migratoire des oiseaux au printemps prochain.
Entre temps, c'est avec le même sentiment d'impuissance qu'on a assisté aux ravages du cyclone Katrina qui a quasiment rayé de la carte la ville de La Nouvelle Orléans et ses environs, puis à une vague sans précédent d'ouragans dévastateurs dans le golfe du Mexique, au tremblement de terre au Cachemire pakistanais et à d'autres cataclysmes similaires. Ces images d'apocalypse ne sont pas le produit d'une fatalité, de simples catastrophes naturelles. Ce sont les lois du capitalisme qui les ont transformé en épouvantables et dramatiques catastrophes sociales : c'est l'incurie de ce système qui est en cause, dans son incapacité de prévenir et de prémunir des effets de ces catastrophes, son incapacité de protéger les populations comme de les secourir efficacement.
Par ailleurs, la concurrence commerciale à outrance, la recherche de l'exploitation maximum et de la rentabilité immédiate, la transgression permanente des normes de sécurité les plus élémentaires, au mépris le plus total de la vie humaine, provoquent de plus en plus de catastrophes meurtrières, telles les catastrophes aériennes à répétition.
Mais la folie et la barbarie du capitalisme se manifestent encore plus clairement à travers le caractère de plus en plus irrationnel des guerres et des conflits sanglants qui ravagent la planète, entretenus par les appétits impérialistes de tous les Etats, engendrant toujours davantage de chaos et de destruction. Outre l'attisement de haines interethniques et de guerres claniques endémiques comme en Afrique, les foyers quotidiens de massacres en Irak, au Liban, au Moyen-Orient, dans le Caucase, trouvent un prolongement dans le recours systématique aux attentats kamikazes et dans leur multiplication comme arme de la guerre impérialiste. Depuis le 11 septembre 2001, les croisades anti-terroristes n'ont fait que les exacerber et leur donner une autre dimension, susceptible de frapper aveuglément n'importe quel coin du globe terrestre : on l'a vu avec la série d'attentats de Londres l'été dernier, mais aussi en Indonésie, en Egypte et en Inde.
Cette domination de la barbarie sur une large partie de la planète converge avec une accélération sans précédent des attaques contre la classe ouvrière dans les pays centraux du capitalisme. Celle-ci se retrouve frappée de plein fouet par l'aggravation de la crise économique. Et ce sont les mêmes mesures qui sont mises en place par tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche. Les prolétaires sont partout soumis à des conditions d'exploitation de plus en plus insupportables qui se traduisent par une très forte détérioration de leurs conditions de vie et une paupérisation croissante. L'aggravation du chômage, l'intensification des plans de licenciement dans tous les secteurs et la précarisation du travail viennent se cumuler à la détérioration de leurs conditions de travail, au démantèlement de la protection sociale, à la baisse de leur pouvoir d'achat, à la dégradation de leurs conditions de logement. Non seulement le capitalisme jette à la rue de plus en plus larges fractions de la classe ouvrière mais il s'avère de plus en plus incapable de leur assurer les moyens de survie les plus élémentaires. L'ampleur et la profondeur des attaques de la bourgeoisie contre la classe ouvrière révèlent l'enfoncement inexorable du capitalisme dans les convulsions de sa crise mondiale. Quant à la bourgeoisie, elle démontre qu'elle n'a plus les moyens d'étaler ses attaques contre les conditions d'existence les plus vitales de ceux qu'elle exploite.
Le capitalisme est contraint de dévoiler de plus en plus ouvertement sa faillite. L'accélération dramatique de cette situation sur la terre entière démontre clairement que, non seulement ce système d'exploitation est incapable d'assurer un meilleur sort pour l'humanité mais qu'il menace au contraire, de façon permanente, d'engloutir la planète dans un gouffre de misère et de barbarie.
Face à la gravité d'un tel enjeu il n'existe qu'une seule issue : le renversement de ce système par la seule classe qui n'a à perdre que les chaînes de son exploitation, le prolétariat. La classe ouvrière détient la clé de l'avenir.
Elle seule, par le développement de ses luttes, a les moyens de sortir l'humanité de cette impasse. Elle est la seule classe capable de s'opposer à la perpétuation de ce système d'exploitation. Elle est la seule classe de l'histoire porteuse d'une autre société dont le moteur ne serait plus le profit et l'exploitation mais la satisfaction des besoins humains.
W (16 décembre)
Pour chaque prolétaire, il n'est guère possible d'avoir la moindre illusion sur les "solutions" proposées par le gouvernement pour "combattre" et "résorber le chômage" comme pour "améliorer" ses conditions de vie et de travail, alors que chaque mois, des dizaines de milliers d'emplois disparaissent réduisant au chômage et à la misère de nouvelles dizaines de milliers de familles ouvrières. Ainsi, plus de 7 millions de personnes vivent en France en dessous du seuil de pauvreté, les demandes de RMI ont augmenté de plus de 5% en un an, 51 000 entreprises ont déposé leur bilan depuis le 1er janvier 2005 (5,8% de plus que l'an dernier). Il est clair que le pouvoir d'achat dégringole, que les salaires stagnent, que les conditions de vie et de travail se détériorent, que les prestations sociales (pensions, retraites, remboursement des dépenses de santé, indemnités chômage) sont rognées ou remises en cause. Il ne fait aucun doute que les jeunes générations ont de plus en plus de difficulté à s'insérer sur le marché du travail, contrats nouvelle embauche ou pas.
Les prolétaires ne peuvent se résigner à cette situation. Plus ou moins confusément, ils savent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de se battre, de résister aux attaques massives et incessantes du gouvernement et de toute la bourgeoisie.
Mais, dans leurs hésitations à s'engager résolument dans la lutte, ils sont aujourd'hui confrontés aux manœuvres de la bourgeoisie pour les empêcher de se poser les véritables questions qui sont l'enjeu de ce combat : autour de quelles revendications ? Comment ? Avec qui se battre?
D'emblée, les syndicats, les partis de gauche, les organisations gauchistes leur "offrent" de prétendues alternatives. Après la journée d'action du 4 octobre, où ils se sont assurés d'un contrôle général de la situation, et le rassemblement spécifique sur la défense du service public le 19 novembre, les syndicats ont ensuite organisé un feu roulant de journées d'action ou de grèves d'abord avec la grève des 21 et 22 novembre à la SNCF où 3600 postes ont été supprimés en 2005 (conducteurs, agents d'équipement et d'entretien, guichetiers), le 23 à la RATP, le 24 chez les enseignants, le 29 pour les agents des impôts, une "semaine d'action" du 21 au 26 novembre à La Poste, le 1er décembre à la Banque de France contre la réforme des retraites de ce secteur. Enfin, les syndicats ont promis une grande journée d'action nationale contre la privatisation d'EDF en janvier 2006.
Dans les principales grèves qui ont marqué ces derniers mois, dans leurs manifestations et leurs journées d'action, les uns et les autres n'ont cessé d'appeler à se mobiliser largement autour de "la défense du service public", contre la privatisation d'un certain nombre d'entreprises publiques. Ce combat leur est d'abord présenté comme un bon moyen de résister aux menaces de licenciements, de suppressions d'emploi, d'une précarisation grandissante. Le secteur public est présenté comme la meilleure garantie de l'emploi tandis que le privé serait assimilé au libéralisme, à l'insécurité de l'emploi, à la déréglementation et à la recherche effrénée de profits. Ce serait la faute de la logique libérale des entreprises privées qui recourent systématiquement à des plans de licenciements massifs bénéficiant des dérives d'un gouvernement de droite, qui privatiserait à tour de bras par complaisance envers le patronat privé.
Cette argumentation s'appuie sur une part de réalité. Ainsi, la privatisation de France Télécom en 2002 a été suivie par la suppression de 13 100 postes en 2003 (dont 7800 en France), 12 500 postes en 2004 et 8500 en 2005 ("compensés" par 3000 recrutements cette année dont plus de la moitié par des temps partiels). De même, la récente privatisation d'EDF et sa cotation en bourse qui a permis la vente record de 5 millions d'actions par le gouvernement a été suivie par l'annonce de 6000 suppressions d'emploi (non compensation de postes de départs en pré-retraite). Elle est donc venu relancer la campagne sur ce thème.
Mais il s'agit pourtant d'une gigantesque escroquerie idéologique. Par exemple, les 6000 postes supprimés à EDF ont été programmés par l'Etat lui-même avant la privatisation. Il n'est pas vrai non plus que les suppressions d'emploi soient réservées aux privatisations et que l'Etat traite mieux ses salariés. Chez les fonctionnaires, les suppressions de postes durent depuis des années et le projet à partir de 2006 est de ne plus remplacer les départs en retraite d'une personne sur deux. En trois ans, l'Education nationale a déjà supprimé 17 000 emplois contractuels, le nombre d'enseignants non titulaires embauchés s'est accru. Ce recrutement est passé d'un équivalent de 18 000 "plein temps" en 2004 à 8000 cette année. L'exemple dramatique de la réduction de postes dans le secteur hospitalier public est connu depuis des années. L'Etat-patron donne l'exemple en matière de précarité d'emploi : toujours dans l'Education nationale, 15 000 personnes sont employées avec des salaires inférieurs ou égaux au SMIC, sans couverture sociale ni congés payés. La Loi d'Orientation de la Loi des Finances (LOLF) mise en place et généralisée à tous les fonctionnaires début 2006 découpe le budget en "missions" dans une logique de gestion de la dépense publique axée sur "le résultat et la performance", et les économies réalisées sur les salaires (décès, décompte de journées de grève,…) serviront à augmenter les investissements de chaque centre gestionnaire. De même, l'Etat "délocalise" à tour de bras dans le même but : depuis plusieurs années, on assiste au "transfert" de budgets de gestion, d'emploi et de postes vers les départements ou des collectivités territoriales et locales de pans entiers de la fonction publique (notamment dans les secteurs les plus coûteux et prioritaires comme la santé et l'éducation justement pour faciliter les mesures de "déréglementation" sur l'emploi du personnel (baisse de subventions, de salaires, possibilité de licenciements, multiplication des emplois précaires). C'est justement parce que l'Etat participe au premier chef à la concurrence capitaliste sur le marché mondial qu'il s'attaque à l'hypertrophie d'un secteur public qui pèse lourd sur la compétitivité du capital national. Ainsi, la privatisation d'EDF n'est pas une "lubie" d'un gouvernement "trop libéral", c'est un enjeu dans un secteur essentiel qui vise à améliorer la compétitivité nationale de cette entreprise en Europe (en alignant ses tarifs sur ceux de ses concurrents) comme sur le plan international. La privatisation ou la nationalisation d'EDF n'est pas un enjeu pour la classe ouvrière, elle l'est seulement du point de vue du capitalisme et de la classe bourgeoise.
Le mythe d'un Etat protecteur est un pur instrument de propagande idéologique, véhiculé par toute la gauche et particulièrement "instrumentalisé" par les organisations gauchistes. Ainsi les appels de "Lutte Ouvrière" (LO) à se mobiliser "pour la défense du service public" sont particulièrement édifiants d'une argumentation "radicale" perverse. Dans son mensuel "théorique" Lutte de Classe n°92 (novembre 2005), LO écrit : "même 'à 100% service public', propriété d'Etat, EDF était avant tout au service des grands consommateurs d'électricité, des grandes entreprises, de la classe capitaliste. Elle remplissait cependant un rôle utile vis-à-vis de l'ensemble de la population. Idem pour la poste qui (…) répondait aux besoins de ceux qui s'en servaient le plus massivement en l'occurrence la bourgeoisie (…) Or, depuis bien des années, l'Etat se désengage des services publics (…) au nom de la recherche de la rentabilité (…) L'Etat abandonne ce qui dans ses fonctions, correspond un tant soit peu à l'intérêt de l'ensemble de la société pour consacrer une part croissante de ses ressources et de ses immenses possibilités aux intérêts privés (…)" pour conclure "Le recul de tous les services publics se traduit par une dégradation des conditions de vie de la classe ouvrière". C'est un véritable tour de passe-passe : la critique du "service public" ne sert qu'à endormir la méfiance des ouvriers envers l'Etat que LO ne nomme jamais pour ce qu'il est : un Etat bourgeois entièrement dévolu aux intérêts de la classe dominante et il est glissé sournoisement l'idée que la mission de cet Etat serait aussi la défense de l'intérêt général (et non plus de la classe dominante). A partir de là, LO a beau jeu de tirer un trait d'égalité entre privatisation et abandon de l'intérêt général et de faire croire que le véritable rôle de cet Etat serait de "protéger les populations". Cela permet d'appeler les ouvriers à rejoindre la lutte pour la défense des services publics à côté de toute la gauche et de tous les syndicats.
L'autre type de propagande est de présenter cette "défense du service public" comme un thème "unificateur" pour la classe ouvrière assurant à la fois la défense des salariés du secteur public contre les méfaits d'une société libérale et d'un gouvernement de droite qui cherche à privatiser des pans entiers de l'activité économique dans une pure logique de profit et les "usagers" qui auraient tout intérêt à assurer cette défense pour bénéficier de meilleurs services au moindre coût. Ce discours est totalement mensonger : en fait d'unité, on l'a vu en particulier avec les grèves dans les transports, la défense du service public est utilisée pour entretenir et exacerber la division entre ouvriers : la paralysie (souvent artificiellement entretenue par les syndicats qui bloquent les dépôts au moyens d'actions commandos même quand la grève est minoritaire) de transports en commun est essentiellement pénalisante pour les "usagers" autrement dit les autres secteurs de la classe ouvrière et nourrit le caractère impopulaire de la grève. C'est d'ailleurs cette hostilité envers les grévistes qui permet au gouvernement et aux élus de chercher à faire passer l'instauration d'un service minimum, voire la réquisition comme lors de la grève dans les transports marseillais. La bourgeoisie en a profité pour discréditer la grève récente des conducteurs sur les lignes D et B du RER à Paris, alors qu'il s'agit pourtant véritablement d'une lutte contre la dégradation des conditions de travail (un "service d'hiver" qui représente une surcharge de travail supplémentaire de 147 heures journalières avec l'embauche de seulement 11 personnes nouvelles). Le battage organisé autour de la défense du "service public" et l'entreprise de discrédit auprès des usagers désignés comme des nantis ou des privilégiés ont pour objectif d'isoler les salariés de la fonction publique et des entreprises d'Etat du reste de la classe ouvrière comme de masquer la réalité et la profondeur des attaques que la bourgeoisie est en train de porter contre eux.
En fait, le type d'unité dont peut se targuer ce genre de mobilisation s'illustre clairement à travers la manifestation du 19 novembre où une grande manifestation a rassemblé 30 000 personnes à Paris à l'appel de toutes les fractions de gauche, PS, PC, Verts, altermondialistes d'Attac de même que diverses organisation trotskistes (LCR, PT, LO). Organisé par une "Fédération des collectifs de défense des services publics" réclamant "des services publics de qualité partout et pour tous", ce rassemblement se voulait pour certains la continuation de celui de Guéret l'été dernier qui avait mobilisé 7000 personnes. "C'est un succès car on a réussi à construire les convergences entre les syndicats, les associations citoyennes, les forces politiques et les élus, ce qui est assurer la meilleure défense de l'emploi essentiel pour que les services publics se développent", commentait le président de cette association, Bernard Defaix. Belle "convergence" en effet à travers laquelle on fait passer l'unité circonstancielle entre les forces politiques et syndicales, les associations citoyennes et les élus pour une manifestation de l'unité ouvrière ! Il s'agit au contraire d'un rassemblement destiné à noyer les ouvriers dans un vaste mouvement interclassiste et à dévoyer la conscience de classe sur un terrain qui n'est pas celui du prolétariat dans un fatras démocratique, antilibéral citoyen, altermondialiste, réseaux associatifs qui sont de vulgaires appendices des partis de gauche et des syndicats.
Les luttes menées contre les privatisations, au nom de la défense du service public, comme à la SNCM puis à la STM de Marseille ont permis de faire passer les attaques et les licenciements, conduisant ces grèves à l'isolement le plus complet et à la plus cuisante des défaites (voir RI n°362 et 363). La "défense du service public" n'est qu'une mystification idéologique et ces journées d'actions défouloirs sans lendemain ne sont que des manœuvres visant à renvoyer à la classe ouvrière un sentiment d'impuissance. La répétition des journées d'action sectorielles ou nationales organisées par les syndicats sont autant de manœuvres destinées à désamorcer, stériliser la colère des ouvriers et à faire passer les attaques du gouvernement, de l'Etat et du patronat. Le mot d'ordre de "défense du service public" ne sert qu'à mieux diviser et isoler les ouvriers derrière la défense d'intérêts sectoriels, et les empêcher de se battre tous ensemble. La classe ouvrière n'a pas à se mobiliser pour choisir un "meilleur" exploiteur, l'Etat, contre les "méchants" patrons privés. Elle doit se battre dans le public comme dans le privé et unifier ses luttes autour de ses propres revendications de classe : contre les licenciements, contre les suppressions de postes, contre l'augmentation des cadences, contre la baisse des salaires et du pouvoir d'achat. Pour mener une lutte efficace contre les attaques de la bourgeoisie, elle doit refuser de se laisser entraîner sur le terrain pourri des syndicats, des partis de gauche et des gauchistes. Défendre le service public, c'est toujours accepter et défendre l'exploitation et la misère capitalistes !
Wim (16 décembre)
Les émeutes qui ont embrasé les banlieues françaises au cours des mois d’octobre-novembre 2005, ont été pour le moins spectaculaires. Les mots "d’insurrection" et de "guerre civile" ont même fait leur apparition ici ou là. Finalement, l’idée du "quand ça brûle c’est bon signe", parce que cela serait une preuve tangible d’une authentique contestation sociale, a bel et bien traversé tout ce chaos. Mais le plus significatif, c’est que cette idée a été officiellement appuyée et relayée par voie de communiqués par des organisations du milieu anarchiste, telles la CNT-AIT qui, en plein milieu des événements a clairement laissé entendre que "dans une situation de crise, de misère économique et sociale, d’oppression étatique, qui nous excède tous, les jeunes qui se sont révoltés peuvent être l’étincelle pour une remise en question plus globale de cette société fondamentalement injuste". Ce que l’on retrouve encore dans un texte du bureau confédéral de la CNT, en date du 13 novembre, où il est dit que "cette implosion de violence est l’expression d’un affrontement contre un système capitaliste qui les marginalise."
En somme, il s’agit de faire des jeunes émeutiers "des insurgés" dont la violence serait le retour de flamme nécessaire pour faire sauter le couvercle de la marmite capitaliste. Comme si les fumées s’échappant des carcasses des bagnoles calcinées emportaient avec elles l’odeur d’un soulèvement populaire. Tout cela n’est ni gratuit ni fortuit mais vise un objectif bien précis, celui d’émasculer la classe ouvrière, réduire à néant son identité révolutionnaire en mettant un grand coup de gomme sur la lutte de classe pour lui substituer l’exemple de l’émeute aveugle et sans espoir.
Pourtant, c’est cette colère désespérée des jeunes de banlieues que la CNT-AIT monte en épingle pour en faire le nec plus ultra de la lutte contre le capitalisme. Pourquoi ? Parce qu’ainsi, elle peut jeter un voile sur la seule colère et la seule révolte capable de menacer l’ordre établi, à savoir celle qui émane de la classe ouvrière. En effet, celle-ci est autrement plus dangereuse pour la classe dominante parce qu’elle porte un avenir, la possibilité d’en finir avec la misère et la barbarie, la possibilité d’un autre monde, la perspective d’une société communiste qui est inscrite au plus profond de ses luttes, même les plus immédiates.
De plus, tout ce discours "radical" ne sert qu’à renvoyer à la classe ouvrière une image bien peu reluisante d’elle-même puisque l’acte révolutionnaire (qui est au cœur de son identité) est amalgamé ici avec la mise à sac, les déprédations, la folie suicidaire de jeunes sans avenir. En effet, la CNT-AIT applaudit les émeutiers qui brûlent les voitures de leurs parents et voisins, bien qu'elles soient des éléments indispensables de leurs conditions de travail et de survie dans les cités.
Comment redonner l’espoir à tout ces jeunes de cité ? Comment comprendre et quelle solution apporter au chômage massif, à la grande pauvreté qui frappe de plein fouet les banlieues populaires ? Evidemment, il n’est pas question pour la classe dominante de laisser entrevoir, ne serait ce qu’une fraction de seconde, la perspective que porte le prolétariat et ses luttes. Alors, pour bien couvrir le terrain et cadenasser tout effort de réflexion, elle ne s’est pas privée tout au long des événements, et encore aujourd’hui, de proposer une autre impasse, celle de la mobilisation sur le terrain électoral et démocratique.
C’est de cette façon que la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) se retrouve en première ligne pour faire bruyamment la promotion de ce terrain totalement pourri. Ici, il est question , dans un premier temps, de dédouaner le capitalisme de toute responsabilité face à la misère croissante en mettant en accusation une simple dérive du système, celle du libéralisme et de ses "méchants patrons" "sans foi ni loi", pour proposer de la contrecarrer à grand coup de mobilisations citoyennes et de réformes démocratiques. "Pour la LCR, le gouvernement est totalement responsable de la situation dégradée que connaissent les quartiers populaires… les jeunes et les populations des quartiers doivent, non pas s’opposer, mais trouver le chemin de la solidarité. La mobilisation populaire contre le gouvernement est indispensable pour […] stopper les réformes libérales." "La LCR en appelle à la population, aux jeunes, aux forces de gauche et démocratiques à ne pas se laisser diviser et à réagir, ensemble pour défendre leur exigence de justice ; d’égalité des droits et de dignité, et combattre les politiques libérales" (communiqués de la LCR du 7/11/05).
Ainsi, en même temps qu’elle se donne des faux airs de radicalité, de manière à flatter démagogiquement "les jeunes de banlieue", quitte à les inciter à aller au casse-pipe et à s'affronter aux forces de police comme lors de son appel "à braver le couvre-feu là où il serait instauré" le 9 novembre, la LCR renvoie, au bout du compte, tout le monde dans le marécage des initiatives citoyennes.
C'est d'abord en les poussant vers les isoloirs qu'Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, compte "recréer de la solidarité et de l’espoir dans la jeunesse". C'est d’ailleurs toute la propagande que distille actuellement le collectif "Devoirs de mémoires" dans son appel publié le 8 décembre dans le Nouvel Observateur et qui commence par une nauséabonde évocation du cri du chant patriotique national : "Allons jeunes et moins jeunes de la patrie, le jour de s’inscrire sur les listes électorales est arrivé". Ce collectif, créé il y a un an par le rappeur Joey Starr, quelques autres vedettes du spectavle et… (faut-il s’en étonner ?) Olivier Besancenot, nous martèle que pour changer les choses, pour "construire l’avenir", il faut "s’inscrire" pour aller voter : "Chacun de nous est une voix, chacun de nous a des droits sur les choix sociaux, économiques, culturels et politiques, faisons-les valoir". En résumé, la LCR et son collectif nous incitent à tirer la conclusion que, pour changer la société, l’avenir, ce n’est pas la lutte de classe mais le bulletin de vote. Autrement dit, les "solutions concrètes" résident dans l’effort pour rendre le capitalisme plus juste, plus humain, plus démocratique mais surtout il s'agit de ne pas remettre en cause les fondements et l'existence-même de ce système. Quand ce collectif déclare dans son appel, "la démocratie n’attend que nous", il ne s'adresse aux ouvriers que pour les détourner de leur terrain de classe.
Tous ceux qui voudraient faire croire que les prolétaires n'ont pas d'autre choix que les émeutes ou le bulletin de vote ne font qu'agir dans le sens des intérêts de la bourgeoisie, en tentant de priver la classe ouvrière de tout moyen d'action et de stériliser toute réflexion en son sein sur la nécessité d'en finir avec ce monde incapable d'offrir la moindre perspective d'avenir. Ces organisations sous leur masque radical ne font en définitive que participer au sale travail de sape de l'identité de classe des prolétaires.
Azel (10 décembre)
Les émeutes qui se sont déroulées dans les banlieues de France ont sans aucun doute inquiété la bourgeoisie qui a vu des bandes incontrôlées mettre des quartiers entiers à feu et à sang. Mais quelle qu'ait pu être cette inquiétude, la classe dominante n'a pour autant pas oublié d'utiliser ces événements contre la classe ouvrière (voir RI 363). Elle s'est en particulier fixée pour objectif, à travers l'assimilation répétée des émeutiers avec la fraction immigrée de la classe ouvrière, d'en profiter pour accentuer sa pression contre les immigrés eux-mêmes.
Le gouvernement de Villepin, par la voix de Sarkozy qui déclarait fin novembre : "La France ne veut plus de ceux dont on ne veut plus nulle part dans le monde", compte bien "maîtriser l'immigration subie pour développer une immigration choisie".
Il a ainsi relancé à l'occasion de ces émeutes certains dispositifs propres aux populations immigrées, comme la double peine qui permet d'expulser un étranger condamné par la justice à l'expiration de sa peine ou la suppression des allocations familiales pour les parents dont les enfants ne vont plus à l'école ou sont interpellés dans la rue par la police.
Mais le gros de l'attaque, à côté de cette politique menée pour rendre la vie impossible aux immigrés, est d'accélérer les expulsions. 25.000 expulsions sont ainsi prévues pour 2006, après 12.000 en 2003, 15.000 en 2004 et plus de 20.000 en 2005. L'accélération est évidente. Mais à côté de ces mesures d'expulsion directes, le gouvernement prévoit de se doter d'un cadre répressif plus sévère pour contenir l'immigration. Pour "éviter que la scolarisation ne devienne une nouvelle filière de l'immigration illégale", les familles d'immigrants clandestins dont les enfants sont scolarisés pourront être expulsées, année scolaire ou pas.
L'accès aux soins pour les immigrés va également être limité. Il est d'ailleurs intéressant de voir l'utilité de la mise en place de la CMU qui a permis à l'Etat de répertorier de façon beaucoup plus précise le nombre d'immigrés et donc de prendre des mesures contre eux. Il en sera de même pour les hébergements d'urgence, qui ne seront permis que dans les situations d'attente de "retour au pays d'origine". C'est-à-dire dans les camps de rétention d'immigrés !
Le lien "automatique entre le mariage et le titre de séjour" pour les étrangers en situation irrégulière au moment de l'union va être supprimé, à moins de justifier de "conditions de ressources et de logement".
Le contrôle du "travail illégal", sous couvert, et c'est un comble, de lutter contre l'exploitation éhontée dont les immigrés clandestins sont l'objet et contre les "filières criminelles", va s'accentuer.
Face aux organisations de gauche qui critiquent Sarkozy et l'appellent à ne pas y aller "trop fort", ce dernier s'est fait une fierté de répondre : "On va aller encore plus fort." Au-delà de l'aspect délibérément provocateur qui fait son fonds de commerce, les grands effets d'annonce de Sarkozy sont du pain béni pour cette gauche qui peut ainsi se positionner contre autant "d'inhumanité".
Cela lui permet en particulier de tenter de faire oublier que c'est elle, à l'instar de Chirac qui en juillet 1991 déclarait qu'un "travailleur français devient fou s'il a sur le même palier de HLM une famille immigrée, qui touche cinquante mille francs de prestations sociales sans travailler, plus le bruit et l'odeur", qui a mis en œuvre les mesures les plus contraignantes contre les immigrés. Des expulsions de Maliens au bulldozer en 1981 par le PCF à Montreuil-sous-Bois aux charters préconisés par Edith Cresson (PS) en 1991, en passant par "La France ne peut pas héberger toute la misère du monde" de Rocard (PS) fin 1989, de même que, suite aux émeutes de Vénissieux en 1981, Charles Hernu (PS) " demandait-il (…) devant la communauté urbaine de Lyon le "rejet des familles indésirables" des HLM et l'expulsion des "coupables du territoire" (Le Monde du 22 septembre 1981), la gauche s'est particulièrement distinguée dans ce domaine.
Les préoccupations de cette gauche qui a justifié toutes ses attaques répressives contre les immigrés sous le prétexte de s'inquiéter de leur sort et d'améliorer leur condition n'ont jamais été différentes lorsqu'elle était aux affaires de l'Etat de celles de la droite. Le discours unilatéral et musclé de Sarkozy sert en fait de cache-sexe à ses propres crapuleries anti-immigration. Et il sert également à masquer la réalité que ce ne sont pas que les immigrés qui sont visés dans cette attaque, mais bel et bien toute la classe ouvrière.
Car en instituant ces mesures contre les immigrés, non seulement la bourgeoisie accentue le flicage de l'ensemble des ouvriers, mais elle construit une barrière de division entre immigrés et français.
Comme nous le disions dans RI n°206 [7] de novembre 1991 :
"Face à la misère et à la barbarie de ce monde en pleine putréfaction, il n'y a qu"une seule perspective pour la classe ouvrière : rejeter fermement la logique de la concurrence et du "chacun pour soi" de ses propres exploiteurs. Quelles que soient son origine, sa langue, sa couleur de peau, le prolétariat n'a aucun intérêt commun avec le capital national. Ses intérêts, il ne pourra réellement les défendre qu'en développant partout sa solidarité de classe internationale, en refusant de se laisser diviser entre ouvriers immigrés et ouvriers "autochtones". Cette solidarité, il doit l'affirmer en refusant partout d'adhérer aux campagnes bourgeoisies, qu'elles soient xénophobes ou anti-racistes, en développant massivement ses luttes sur son propre terrain de classe, contre toutes les attaques qu'elle subit quotidiennement.
Seule l'affirmation de ses intérêts communs, dans la lutte permettra au prolétariat de rassembler toutes ses forces, de s'affirmer comme classe mondiale solidaire et unie, pour abattre le Moloch capitaliste avant qu'il ne détruise toute la planète."
MUG (17 décembre)
Comme chaque hiver maintenant, les appels à la charité publique et à la "vigilance citoyenne" sont devenus endémiques. Les médias aux ordres réagissent dès qu’apparaissent les premières "victimes du froid". Alors se déclenche, comme on a pu le voir encore dernièrement, une nouvelle campagne idéologique destinée à couvrir en toile de fond cette tragédie du capitalisme.
Depuis quelques années, le nombre des victimes prend en effet des proportions de plus en plus grandes et dramatiques. Partout en Europe, les plus démunis font les frais des "politiques pour l’emploi" et sont jetés à la rue, exposés brutalement à la misère et à la mort face aux intempéries. En Pologne par exemple, depuis le mois d’octobre, c’est 178 victimes du froid qui sont recensées dont un quart sont sans abri (ce qui signifie que bon nombre de prolétaires n’ont plus les moyens de se chauffer quand ils ont la chance d’avoir encore un toit pour dormir). En France, nous en sommes déjà à 8 victimes officielles ! Et il ne s’agit plus seulement d’une partie de la population marginalisée au chômage qui est exposée. Maintenant, de plus en plus de salariés sont touchés par une grande précarité. La première victime recensée, au mois d’octobre en France, juste avant la trêve hivernale, résume à elle seule les conditions dans laquelle est plongée une partie croissante de la classe ouvrière : un prolétaire de 38 ans, intérimaire devenu chômeur, a été expulsé de son logement. Il a été retrouvé mort dans son véhicule (seul abri qui lui restait pour survivre !). Ce sinistre phénomène des "travailleurs pauvres", qui est apparu depuis plus d’une décennie, s’installe donc durablement : selon les chiffres de l’INSEE, un tiers des "sans domicile fixe" a un emploi. Et parmi eux, un quart est sur un CDI !
Conformément aux nécessités du capital pour faciliter l’exploitation d’une main d’oeuvre à bas prix, il n’est pas étonnant de devenir pauvre en travaillant. C’est aussi pour cela, par exemple, que le ministre Dominique de Villepin demande au SAMU social de tenter de garantir "un hébergement stable, pour un mois minimum, à toute personne sans toit disposant d’un contrat de travail". Les autres "SDF", ceux sans emploi, dont on ne peut extraire de la plus-value, peuvent par contre crever dehors ! Au mieux, ils peuvent tenter de s’entasser dans des centres d’hébergements pleins à craquer, dans une promiscuité dégradante, où ils seront virés à 6 heures le matin, ou mourir dans la rue sous les cartons ! Par cette mesure d’urgence qui est censée apparaître comme "du social", il est clair que l’Etat introduit une division supplémentaire au sein des prolétaires les plus fragilisés : entre ceux qui ont un contrat et les autres, parmi lesquels on isole sournoisement les immigrés. Une division que les révolutionnaires doivent dénoncer, comme ils doivent s’indigner et réagir au sort qui est réservé de plus en plus à tous les exploités.
Aujourd’hui, la situation est telle que le renforcement du centre d’appel d’urgence au numéro 115 et la hausse des capacités d’hébergements ne donnent plus l’illusion de répondre à la situation. C’est d’ailleurs pour cela que les médias et les politiciens de gauche ou les gauchistes de tous poils mettent plus en exergue "les dérives libérales" et "la mauvaise politique sociale" d’un gouvernement "de droite".
Cette "analyse", comme celle qui consiste à incriminer "le froid" en culpabilisant les ouvriers, a pour but essentiel de renforcer l’Etat bourgeois et de masquer la réalité d’une faillite totale du système capitaliste, d’un système qui ne peut plus générer autre chose que la misère et la mort.
WH (11 décembre)
Nous publions ici un article d'Internacionalismo (publication du CCI au Venezuela) d'octobre dernier sur la situation au Venezuela. L'article montre bien ce qu'est le "socialisme" à la Chavez, au pouvoir depuis 7 ans, après des années de partage de pouvoir entre la droite (démocrate-chrétienne) et la gauche (AD, Social-démocrate), des années où aussi bien les uns que les autres se sont remplis les poches d'une façon si arrogante et éhontée qu'ils ne pouvaient que faire le lit à un démagogue comme Chavez, lui-même accué de "dictateur" par ses adversaires.
En fait, l'autoritarisme de Chavez n’est pas dirigé contre l'ancienne "classe dominante", les vieux partis politiques corrompus jusqu'à la moelle, qui ont même essayé d'organiser un coup d'État grand'guignolesque contre Chavez. En fait, au-delà des vantardises chavistes contre ceux qu'il appelle les "capitalistes", toute sa politique n'a eu qu'un but : contrôler la population, mater la classe ouvrière. Chavez a créé autour de lui une cour de protégés aussi corrompus que ceux de l'ancienne caste politicienne, en faisant des aumônes avec l'argent du pétrole dans un contexte permanent de dégradation des conditions de vie de la population. Tel est le nouvel héros des altermondialistes et des gauchistes de tout poil.
Début décembre, se sont tenues des élections au Venezuela. L'abstention a atteint 80 %. Ce taux d’abstention ne s'explique pas seulement par le fait que seuls les candidats chavistes se sont présentés, mais, surtout, il exprime le ras-le-bol de la population et surtout des travailleurs vis-à-vis du "socialisme" chaviste. Pas seulement du chavisme, mais de toute la bourgeoisie et de ses manigances.
La violente confrontation continuelle entre les fractions bourgeoises chavistes au pouvoir et les fractions bourgeoises dans l'opposition, a occulté une réalité : il existe entre elles un partage des tâches visant à attaquer les conditions de vie du prolétariat. Dans d'autres articles d'Internacionalismo, nous avons analysé l'émergence du chavisme comme une nécessité du capital national face à la débâcle des partis de la bourgeoisie qui ont gouverné jusqu'à la fin des années 1990 ; dans ce sens, le gouvernement de Chavez se situe dans la parfaite continuité avec la classe bourgeoise en ce qui concerne les mesures à prendre contre le prolétariat pour affronter la crise économique et survivre sur le marché mondial.
Ce partage des tâches se fait sur deux plans, très imbriqués
et dépendants l'un de l'autre : l'attaque idéologique permanente pour
affaiblir la conscience de la classe ouvrière et sa combativité ; et une
attaque sans répit contre ses conditions d'existence.
Une attaque sans trêve contre la conscience de
classe du prolétariat…
Pour préserver son système social en pleine décadence, la bourgeoisie a besoin d'oxygéner son appareil idéologique pour empêcher que le prolétariat, le "fossoyeur" du capitalisme (Manifeste Communiste), prenne conscience du fait que la seule façon d'en finir avec la misère et la barbarie auxquelles nous soumet le capitalisme est la révolution prolétarienne.
Déjà bien avant le triomphe de Chavez en 1998, les chavistes et l'opposition actuelle se faisaient concurrence sur qui était la meilleure expression de la démocratie, les uns défendant la "démocratie participative", les autres la "démocratie représentative". 7 ans se sont écoulés dans ce va-et-vient, dans ce tango qui a marqué le rythme électoral de la bourgeoisie : d'un côté, le chavisme essayant de fabriquer un socle pour sa "révolution bolivarienne" ; de l'autre, les opposants essayant de l'affaiblir en traitant Chavez de dictateur. Avec des campagnes électorales incessantes, la bourgeoisie est arrivée à créer une polarisation, une nasse dans laquelle la classe ouvrière a été attrapée, en cultivant des divisions en son sein, ce qui s'est concrétisé par une perte de solidarité de classe et une baisse significative de ses luttes contre les capitalistes privés ou d'État.
Par ailleurs, la bourgeoisie chaviste, pour fabriquer une base sociale à sa "révolution bolivarienne" a développé toute une série d'organes de contrôle social : les cercles bolivariens, les missions, les milices, etc., qui lui permettent de diluer les travailleurs dans la masse du "peuple" ; de son côté, l'opposition essaye de faire la même chose avec les "assemblées citoyennes" ; de cette manière, la nécessaire autonomie que doit avoir le prolétariat est diluée dans des couches de la petite bourgeoisie et les autres couches exploitées et appauvries de la population. Au sein même des travailleurs, le chavisme a introduit massivement le coopérativisme à la manière chaviste, la cogestion et l'autogestion, directement promues et financées par les partis et les organes de l'État, voulant ainsi donner un caractère "ouvrier" au nouveau gouvernement ; mais, en fait, ces coopératives sont devenues de plus en plus des moyens de contrôle idéologique des travailleurs pour les soumettre, en plus, à des conditions de travail précaires.
Mais la plus grande attaque idéologique contre la conscience du prolétariat a été l'identification que fait la bourgeoisie chaviste de son "projet" étatique avec le "socialisme". On sait que ce n'est pas la première fois que la bourgeoisie déguise ses politiques capitalistes d'État avec un discours "marxiste" et "révolutionnaire" : la bourgeoisie stalinienne, à la suite de la défaite de la Révolution russe imposa l'exploitation la plus féroce au prolétariat russe pendant presque 60 ans au nom du "socialisme soviétique" et de la même manière toutes les classes dominantes de l’ex- "bloc socialiste" ; et aujourd'hui les bourgeoisies de Cuba, de la Chine et de la Corée du Nord, font la même chose contre les prolétaires de leurs pays respectifs. Mais ce mensonge monstrueux de l'identification du capitalisme d'État, du stalinisme, avec le socialisme, n'aurait jamais eu l'impact idéologique qu'il a eu contre la classe ouvrière mondiale sans la participation des bourgeoisies du bloc adverse, autrement dit l'ancien "bloc américain" : tandis que les bureaucrates russes soumettaient le prolétariat à l'exploitation et la répression les plus féroces au nom de la "défense de la patrie socialiste", les bourgeoisies d'occident, avec les Etats-Unis à leur tête, matraquaient le prolétariat de leurs pays avec des campagnes sur les pénuries et les maux du "socialisme" et du "communisme", en présentant la démocratie comme le meilleur des mondes.
C'est ce même partage des tâches que nous voyons à l'heure actuelle au Venezuela : tandis que la bourgeoisie chaviste exploite le prolétariat vénézuélien au nom de la "révolution bolivarienne", préambule au "socialisme du 21e siècle", l'opposition se charge d'attaquer le "castro-communisme" des chavistes, en vantant ainsi les merveilles de la démocratie. Bref, les uns et les autres font la paire pour entretenir la confusion et l'affaiblissement de la conscience de classe.
Cette idéologie du "socialisme du 21e siècle" est complétée par celle de l'"anti-impérialisme", en utilisant le rejet de la population contre les agissements impérialistes de la bourgeoisie nord-américaine, pour tenter de ramener le prolétariat derrière les intérêts propres de la bourgeoisie chaviste, de la même manière que d'autres bourgeoisies dans le monde essayent de tirer profit de toutes les difficultés de la bourgeoisie américaine en Irak, Afghanistan et au Moyen Orient, pour tenter de faire croire que le seul impérialisme dans le monde serait celui des États-Unis ; ceci permet aux uns et aux autres de camoufler leurs propres appétits impérialistes. Le partage des tâches entre les fractions bourgeoises, chaviste et d'opposition, fonctionne aussi dans cette idéologie : les chavistes exprimant un anti-américanisme virulent, utilisant la fourniture du pétrole comme arme de chantage, alors que l'opposition est bien plus proaméricaine ; mais, finalement, les uns et les autres sont tous d'accord pour défendre et renforcer les intérêts de la bourgeoisie vénézuélienne dans leurs zones d'influence : les Caraïbes, l'Amérique Centrale et les pays andins (Colombie, Pérou, Bolivie et Équateur).
…pour le soumettre à une exploitation encore plus grande
Ce contexte a permis à l'ensemble de la bourgeoisie nationale pendant le régime chaviste d'accentuer les attaques contre les conditions de vie du prolétariat, sans que, pour l'instant, celui-ci n’ait été en mesure de riposter par des luttes importantes.
La plus grande attaque et la plus significative a été celle menée contre les travailleurs du pétrole. Avec l'action coordonnée des secteurs chavistes et ceux de l'opposition, la classe dominante est arrivée à assener le coup le plus rude que la classe ouvrière vénézuélienne ait reçu : elle n'a pas seulement réussi à diminuer le nombre d'ouvriers et d'employés (la moitié des 20 000 licenciés depuis l'arrêt de travail pétrolier de 2002-2003 contre Chavez), mais le gouvernement chaviste a réussi, entre autres choses, à faire passer une loi souhaitée depuis longtemps par la bourgeoisie vénézuélienne : l'élimination de l'économat qui, depuis le temps des multinationales pétrolières, permettait aux travailleurs et à leurs familles d'obtenir des denrées alimentaires à moindre prix. Et ceci avec des arguments comme "la situation est très dure" pour tous, les travailleurs du pétrole sont des privilégiés, ils sont une "aristocratie ouvrière".
Après cette attaque sans précédent contre les travailleurs du pétrole, où tous les partis et les syndicats ont été complices, aussi bien ceux au pouvoir que ceux de l'opposition, le gouvernement chaviste a eu les mains libres pour infliger de plus fortes attaques contre les conditions de vie des travailleurs actifs : gel des conventions collectives, augmentations ridicules du salaire minimum, bien en deçà des augmentations des prix de consommation courante, etc. On fait du chantage avec la menace de licenciements massifs aux travailleurs qui tentent de faire grève pour leurs revendications ; c'est ce qui a été fait face aux protestations des travailleurs de la santé ou de l'éducation tout au long de ces années de gouvernement chaviste ; ou avec les travailleurs du secteur de la Justice, ou de la Télévision d'État, que Chavez lui-même a menacé d’ "écraser" comme il l'a fait avec les ouvriers du pétrole.
Les conditions de vie des travailleurs, surtout du secteur public, sont attaquées par le biais de missions, de coopératives, des entreprises cogérées ou autogérées que le gouvernement a créées pour y exercer son contrôle politique et social. Avec ces organes, le gouvernement chaviste a progressivement réussi à "flexibiliser" la force de travail, parce que les travailleurs embauchés par le biais de ces organes le sont temporairement, sans aucun salaire social et pour la plupart d'entre eux avec des salaires plus bas que le salaire minimum officiel. C'est ainsi que la bourgeoisie chaviste fait la même chose que les bourgeoisies des autres gouvernements de droite et de gauche de la région, qui appliquent les mesures typiques du "neo-libéralisme sauvage" en faisant en sorte que l'emploi soit de plus en plus précaire et l'exploitation plus brutale. Voilà le vrai visage du "socialisme du 21ème siècle" ! Mais ces organes sont aussi des instruments de chantage contre les travailleurs actifs : avec les missions et les coopératives, le gouvernement a couvert progressivement les services publics, avec l'objectif explicite d'affaiblir et faire du chantage sur les travailleurs actifs qui réalisent ces services ; et s'ils se mobilisent pour mettre en avant des revendications, ils sont menacés de licenciement et d'être remplacés par des travailleurs organisés en coopératives. C'est ainsi que le chavisme pousse les travailleurs les uns contre les autres, les missions et les coopératives contre les employés du secteur public.
Derrière toutes ces attaques contre les travailleurs du secteur public se trouve, occultée, une vieille nécessité de la bourgeoisie vénézuélienne : celle de réduire de façon drastique les emplois publics. Lors du gouvernement Caldera, le ministre, de gauche, de Planification de l'époque, Teodoro Petkoff, disait qu'il fallait réduire d'un demi million les effectifs de la fonction publique. Les déclarations répétées de Chavez et ses acolytes pour dénoncer la "contre-révolution bureaucratique", n'ont qu'un objectif : dénigrer les employés du secteur public pour justifier des attaques toujours plus fortes contre leur condition de vie et les licenciements.
Mais les attaques de la bourgeoisie contre le prolétariat ne s'arrêtent pas là. Le chavisme, grâce au travail coordonné entre le gouvernement et l'opposition, a réussi à imposer une série de mesures qui, dans d'autres circonstances, auraient provoqué des protestations inévitables chez les ouvriers et la population : il s’agit de l'augmentation brutale des impôts et, surtout, de la TVA (qui accroît de 14% le prix de la plupart des produits et des services) grâce à laquelle l'État collecte plus de la moitié du budget de 2005 (plus de 15000 milliards de $ US) ; les taxes sur certains produits de consommation ont atteint 30% en 2005. Enfin, les lois approuvées par le parlement envisagent de créer d'autres impôts, tel que celui prévu pour les dépenses de santé, 4% pour tous les travailleurs, actifs, chômeurs, retraités et de "l'économie souterraine".
Les attaques contre les salaires et les baisses du salaire social des travailleurs, ajoutées aux nouveaux impôts de l'État, cumulées à une politique économique et fiscale qui engendre un taux d'inflation qui est le plus élevé de la région (23% en moyenne entre 2003 et 2004), qui érode mois après mois les salaires, tout cela est en train d'enfoncer des millions de travailleurs et leurs familles dans une paupérisation alarmante : d'après des statistiques non officielles, 83% des travailleurs (sur une force de travail totale de 12 millions) perçoivent le salaire minimum de 405 000 bolivars. (180 $ USA), alors que le "panier" alimentaire de base, d'après le gouvernement lui-même, coûte actuellement 380 000 Bs, alors que d'autres organismes le situent autour de 600 000 bolivars. Et cela sans parler des niveaux atteints par la malnutrition, les pandémies, etc. qui n'ont fait qu'augmenter dans la population. Le gouvernement fait tout pour maquiller les chiffres sur la pauvreté pour qu'ils puissent être cohérents avec son mensonge sur la "lutte contre la pauvreté", mais il est impossible d’occulter les évidences.
Par ailleurs, en plus du taux de chômage alarmant, la pauvreté et la misère qui écrasent les quartiers ouvriers, engendrent de plus en plus une décomposition sociale que la propagande officielle essaye d'occulter, mais qui est bien visible partout : mendiants issus des villes ou des campagnes, enfants vivant dans la rue, prostitution des enfants et des jeunes, etc. Un des fléaux qui n'a fait que s'exacerber et augmenter pendant l'administration chaviste est celui de la criminalité : chaque semaine se produisent environ une centaine de meurtres dans le pays, surtout dans les quartiers les plus pauvres, où habite un fort pourcentage de la classe ouvrière. Le gouvernement chaviste, faisant appel à ses cerveaux en manipulation médiatique, a trouvé un nom à son projet : la "révolution jolie", mais ce que la classe ouvrière vit au quotidien c'est la sale laideur du capitalisme en décomposition ; et c'est la seule réalité que la bourgeoisie peut nous offrir, qu'elle soit de droite ou de gauche.
La classe ouvrière menace toujours de riposter
Malgré les chantages et les intimidations, les travailleurs n'ont pas d'autre choix que lutter contre la détérioration sans répit de leurs conditions de vie.
On sent de plus en plus fréquemment monter l'indignation dans les rangs ouvriers : les protestations des chômeurs à la recherche d'un poste de travail, des retraités pour la satisfactions de leurs revendications qui ont été accordées mais pas appliquées (comme cela a été le cas avec les retraités de SIDOR et de la CVG dans la Zone du Fer), des médecins, des travailleurs du Métro, etc. ; et les menaces de lutte chez les employés du secteur public de l'éducation, de la santé, de la justice, etc. sont toujours là.
Conscient du fait que la lutte des travailleurs est la véritable menace qui pèse sur lui, le gouvernement prépare ses forces de dissuasion : les réservistes et les miliciens de la Garde Territoriale, qui dépendent directement de la présidence de la République, dont la tâche consiste à intervenir, en dernière instance, face aux "convulsions sociales". De la même manière, dans les hôpitaux et d'autres établissements publics, l'État y a introduit le dénommé "service de contrôle social", autrement dit, des groupes payés par le gouvernement pour servir de police contre les travailleurs.
Mais consciente que ce n'est pas toujours à coups de répression qu'on peut en finir avec un mouvement de classe, la bourgeoisie dans son ensemble joue une carte plus efficace contre les travailleurs : la rénovation syndicale et la dissidence syndicale à l'intérieur du chavisme même. C'est ce qui explique les tentatives de la Confédération des Travailleurs Vénézuéliens (CTV), avec Froilan Barrios et Alfredo Ramos a sa tête pour essayer de récupérer la CTV avec "un nouveau modèle de syndicalisme" ; mais, surtout, avec la montée de Machuca, dirigeant syndical adepte du chavisme, qui se profile comme un "leader ouvrier" non seulement dans la zone industrielle de Matanzas, mais au niveau national, promouvant des mobilisations ouvrières même contre Chavez, comme celle qui a eu lieu en en septembre dernier. De la même manière que la CTV contrôlée par Action Démocratique (AD, Social-démocratie) gardait à l'époque une certaine "distance" et faisait une certaine "opposition" par rapport aux gouvernements AD du moment, c'est la même chose que fait aujourd'hui un élément comme Machuca, lequel sait très bien faire son travail de contrôleur du mécontentement social puisque, et ce n'est pas un hasard, il reçoit des félicitations aussi bien du chavisme au gouvernement que de l'opposition.
Le prolétariat, pour en finir avec la bourgeoisie (chaviste et de l'opposition) doit canaliser son indignation pour renforcer son identité de classe, la solidarité entre prolétaires et sa conscience du fait qu'il est la seule classe qui peut et doit conduire la lutte des exploités pour en finir avec la barbarie à laquelle nous soumet le capital.
D’après Internacionalismo n° 55, organe du CCI au Venezuela
Début décembre dernier, lors du dernier sommet franco-africain à Bamako, Chirac a fait le grand show de l’impérialisme français, meilleur défenseur mondial de l’Afrique. Reprenant le bon vieux ton du pays traditionnellement "protecteur" du continent, appelant à la "modernisation" des liens avec ce dernier, le bilan de la visite est mince. Il faut dire que ce 23e sommet, institué sous de Gaulle pour mieux maîtriser et diriger les chefs d’Etat placés aux ordres de la France, a été marqué par l’absence non négligeable et significative d’un certain nombre de dirigeants des régions d’Afrique qui participaient traditionnellement à ce sommet bisannuel : il en est ainsi du chef d’Etat guinéen, de ceux du Congo, du Burundi, du Rwanda, et de l’Angola, et chose à noter, de celui de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Mais plus significative encore est l’absence des chefs d’Etat algérien, tunisien et marocain. Il est vrai que la France avait bien préparé le terrain avec la publicité faite autour de l’adoption de la loi du 23 février qui fait en sorte que les programmes scolaires "reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord".
A l’heure où la France se trouve en situation de réelle difficulté pour conserver un minimum d’influence en Afrique, et où les Etats-Unis, mais aussi des pays comme l’Allemagne ou même la Chine, exercent une pression importante pour, non seulement marcher sur ses plate-bandes, mais aussi et surtout l’évincer de l’Afrique noire, ce ne sont pas les beaux discours humanitaires qui vont changer la donne. Ce que cachent en réalité ces événements c'est l’entrée dans une politique de plus en plus musclée de la France face à ses rivaux et au chaos qui s’aggrave, dans le but de conserver un minimum de positions sur ce continent.
Il y a un an, le 6 novembre 2004, des avions ivoiriens larguent des roquettes sur le camp français de Bouaké, tuant 9 soldats de l’armée tricolore. Aussitôt, cette dernière réplique en détruisant entièrement l’aviation ivoirienne, provoquant de ce fait des affrontements armés et des massacres au sein des populations locales, de même qu'un début de pogrome contre les ressortissants français qui seront évacués massivement par les autorités françaises.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Depuis un an, la situation en Côte d'Ivoire est plus fragile que jamais, menaçant d'exploser à tout moment, alors que le pays est d'ores et déjà coupé en deux. On assiste épisodiquement à des tueries et des règlements de compte entre les forces armées en présence en particulier entre les soldats français et ceux de Gbagbo. Ainsi, un officier ivoirien, sortant d’une "cérémonie officielle" à l’ambassade de France à Abidjan, a été accusé de "complot" et mitraillé par les hommes du pouvoir ivoirien. En même temps, le chef d’état-major de l’armée ivoirienne est en fuite et, depuis l’étranger, jure de chasser le régime en place par tous les moyens. Pour sa part, l’armée française sur place est accusée régulièrement d’exactions, ou de crimes masqués, comme par exemple la mort par étouffement d’un chef de bande local, qualifié de "coupeur de routes". Pendant ce temps, la population s’enfonce dans la misère la plus atroce tandis que l’insécurité règne partout, à Abidjan comme dans les autres villes du pays. La Côte d'Ivoire est en guerre permanente, divisée entre le Nord et le Sud depuis les affrontements sanglants de septembre 2002 (voir RI n°327).
Face au chaos qui menace, les puissances impérialistes étalent leur cynisme et leur hypocrisie en brandissant une énième "nouvelle résolution" sur la Côte d’Ivoire, pour "instaurer la paix". En effet, devant la fin du mandat présidentiel de Gbagbo, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté le 21 octobre dernier une résolution qui, d’une part, prolonge d’un an le mandat du président ivoirien et, d’autre part, charge deux des parrains locaux des belligérants (l'Afrique du Sud et le Nigeria) de mener des consultations "en vue de la nomination d’ici au 31 octobre 2005, d’un nouveau premier ministre(de transition) acceptable par toutes les parties ivoiriennes (…), qui exercera pleinement son autorité sur son cabinet(…) et disposera de tous les pouvoirs nécessaires".
En fait, ce "nouveau plan de paix" de l’ONU (proposé par la France) ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent plan dit des "accords de Marcoussis", rédigé par le gouvernement Chirac en mars 2003, et qui n’a fait qu’aggraver la situation de chaos (voir RI n°332). Dans le cadre de son "plan de paix" initial, le gouvernement français avait fixé au 30 octobre 2005 l’organisation d’une élection présidentielle. Mais face à la situation qui règne en Côte d’Ivoire, les parrains impérialistes ont dû se résoudre à reporter le scrutin en fixant des nouvelles échéances. Personne ne se fait en réalité la moindre illusion sur la faisabilité de ce nouveau "chiffon". En effet, fort de son expérience du précédent "plan de Marcoussis", le président Gbagbo fait semblant d’accepter le nouveau plan de l’ONU pour gagner du temps, mais sans aucune réelle intention de passer la main à un rival quelconque.
De leur côté, les forces rebelles rejettent en toute logique la résolution de l’ONU qui prolonge le mandat de Gbagbo et proposent de nommer un de leurs chefs, Guillaume Soro, premier ministre du futur "gouvernement de réconciliation". Autrement dit, les "parties ivoiriennes" dont parle l’ONU, ne sont pas prêtes à se soumettre au "nouveau plan de paix", au contraire, elles se préparent à de nouveaux affrontements guerriers.
La récente nomination au poste de premier ministre d'un homme de la France, Charles Konan Banny, qui a pour mission de rassembler au sein du futur gouvernement toutes les tendances politiques ainsi que des représentants de la rébellion, n'annonce qu'une monstrueuse foire d'empoigne et le prétexte à de nouvelles flambées de violence. Son prédécesseur, Seydou Diarra, avait mis plus de trois mois pour former un "gouvernement de réconciliation" nationale après Marcoussis, avec le résultat que l'on sait.
La responsabilité criminelle des parrains impérialistes
Non seulement les bourgeoisies locales pillent les matières premières pour s’armer, mais les parrains impérialistes n'hésitent pas à fournir des armes pour tenter d'influer sur le rapport de forces. L’hypocrisie criminelle du Conseil de Sécurité est évidente. D'une part, il fait semblant d’instaurer un embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire et, de l'autre, laisse les forces de l’ONU sur place fermer les yeux sur l’entrée massive d'engins de mort en provenance ou en transit des pays voisins. Il en est ainsi des avions de chasse de type Mig-23, des hélicoptères de combat, et d’autres armes, qui passent par la Guinée, le Togo, le Libéria, le Burkina. Voilà une démonstration éclatante de la responsabilité directe des puissances impérialistes dans les massacres.
Mais derrière cela, il y a aussi les luttes d’influence que se livrent dans la région les petites et grandes puissances entre elles. Par exemple, celles qui profitent de l’affaiblissement de l’impérialisme français en Côte d’Ivoire pour s’y faire une place. C’est d’abord le cas de l’impérialisme américain, bien content de voir son rival français se noyer dans le bourbier ivoirien, qui poursuit son objectif d’évincer définitivement la France de son ancien bastion colonial.
Il y a encore la poussée des puissances moyennes "émergentes", telle l’Afrique du Sud (accusée de "rouler" pour Gbagbo), qui avait réussi à s’emparer du "parrainage" des négociations de "paix" entre les cliques ivoiriennes, avant d’échouer à son tour devant l'opposition du Sénégal, du Nigeria et, bien sûr, de la France. Tandis que la Grande Bretagne et les Etats-Unis sont de la "mêlée" à travers leur parrainage du "Groupe international de travail" (GIT) sur la Côte d’Ivoire. Il n’ y a pas moins de 16 pays impliqués quasi-directement dans la situation ivoirienne, tous concurrents à des degrés divers : un répugnant panier de crabes.
En guise de plan de "paix", tous ces gangsters impérialistes se préparent en réalité à une nouvelle boucherie.
Quel terrible cynisme de la part des représentants des grandes puissances impérialistes, qui montrent qu’ils se fichent complètement du sort des populations, premières victimes non seulement des carnages mais aussi pillées, violées, spoliées, rackettées par toutes ces bandes armées qui ratissent la région.
Soumises à l'horreur des exactions guerrières, éreintées par la soldatesque, vivant dans des conditions de misère et d'insalubrité effroyables, crevant du paludisme et du sida : c'est cela la perspective qu'offre aux Ivoiriens et plus largement aux populations de toute l'Afrique la foire d'empoigne des capitalistes rivaux.
Amina (10 décembre)
Depuis le printemps 2003, avec les grèves et manifestations massives contre la réforme des retraites qui se sont déroulées en France, de nombreux pays sont touchés par une remontée de la combativité ouvrière, dont les moments les plus significatifs ont été les grèves en Allemagne en 2004 dans l’industrie automobile (voir Ri n°352) et les grèves sauvages de l’aéroport de Londres l’été dernier (voir RI n°360 ). Un pays comme la Suède, un des symboles tant vantés de la "paix sociale", où les ouvriers se font exploiter "en douceur", a été à l’automne le théâtre d’un certain nombre de grèves sauvages, vites récupérées par les syndicats, qui marquent ce retour international de la lutte ouvrière contre les attaques qu’elle subit sur tous les aspects de ses conditions de vie et de travail.
Ainsi, dans les hôpitaux de Malmö et Umea, de nombreuses réactions et grèves contre les conditions de travail, bien qu’elles soient restées dispersées et sans lendemain, se sont développées. Il faut rappeler ici que la Suède se targuait depuis dix ans d’être un des pays d’Europe connaissant le plus bas niveau de conflits sociaux depuis 1995, année où l’on avait justement vu 70 000 infirmières se mettre en grève contre leurs conditions de travail et exiger des augmentations de salaires.
Outre les mouvements récents dans les hôpitaux, nous avons aussi récemment vu une grève sauvage des ouvriers de la construction à la raffinerie de Preem à Lysekil, où des centaines d’intérimaires se sont mis en grève contre les conditions de travail inhumaines qui leur sont imposées. 200 d’entre eux, des ouvriers thaïlandais "loués" par une entreprise chinoise à fonds italien, se sont ainsi mis en grève sauvage début septembre, contre ces conditions de travail et pour exiger les augmentations de salaires promises par la direction. Les ouvriers se sont trouvés soumis à la fois aux menaces de la direction de les renvoyer chez eux (quatre d’entre eux ont été immédiatement renvoyés) et au discours des syndicats qui se disaient "solidaires" avec eux mais n’ont strictement rien fait, à part appeler la direction à "respecter les accords de travail suédois et la législation suédoise". Ainsi, la direction de Preem et les syndicats détournaient l’attention sur une responsabilité "extérieure" tandis que les médias opéraient un soigneux black-out en Suède même, de façon à accroître l’isolement des ouvriers thaïlandais. Le travail a repris au bout de dix jours, après la promesse faite aux grévistes qu'ils toucheraient leurs salaires… à la condition de reprendre le travail. Ce qui s’est avéré être un mensonge car, au bout du compte, non seulement la plupart d’entre eux ont été proprement virés et remplacés par des ouvriers d’autres régions d’Asie, mais ceux qui sont restés attendent toujours les augmentations promises.
Mais c’est aussi chez les salariés de Connex-SL entreprise internationale de transports urbains, que l’on a vu monter la colère.
Connex est la plus importante compagnie d’autobus en Suède et gère aussi 4 lignes de train, le métro de Stockholm, et des ferries dans l’archipel de Göteborg. La section du métro et des tramways de Stockholm du syndicat SAC-Syndikalisterna a mené plusieurs conflits contre Connex. Ces derniers mois, Connex a dénoncé unilatéralement un certain nombre d'accords.
En premier lieu, celui qui permettait au personnel de partir à la retraite à 63 ans, pour obliger les ouvriers à travailler jusqu’à l’âge de 65 ans. C’est pourtant un secteur constamment classé dans la catégorie des conditions de travail les plus stressantes et les plus dangereuses de Suède. Connex, afin de faire des économies, utilise au maximum les embauches à temps partiel et les contrats d’emploi "à l’heure", provoquant ainsi une explosion de la précarité parmi les salariés. C'est aussi l’accord local réglant les heures des programmes de service et de travail qui est dénoncé pour le substituer à des "programmes de travail"qui représentent une détérioration importante des conditions de travail. Par exemple les durées journalières de service de dix heures ne sont pas rares, ce qui signifie qu’il est pratiquement impossible d’être parent en travaillant dans le métro.
De même, c'est depuis plus de six mois, que les règles d’administratives sur le temps de travail et les régimes de travail ont été unilatéralement modifiées. Les bulletins de paye sont envoyés avec des erreurs, le calcul des congés annuels et les commandes sont aussi truffés d’erreurs. Le nouveau système administratif est si opaque qu'il est impossible qu’un employé obtienne un rapport complet et détaillé de son décompte d'heures payées. Aussi, lesouvriers ne peuvent pas vérifier leurs bulletins de paye !
Devant la montée de la colère, la direction a licencié de façon provocatrice un syndicaliste, l’accusant de "manque de loyauté" à l’égard de l’entreprise pour avoir divulgué dans la presse des éléments sur les conditions de travail des employés de la Connex. Cela a permis au syndicat suédois, SEKO (une branche du syndicat LO, équivalent des TUC en Grande-Bretagne), de prendre la tête de la grève, après avoir laissé des syndicalistes de base lancer la grève, prétendument de façon "sauvage", le 6 octobre, en paralysant tous les services de métro de la capitale. Cela a encore permis, tout en faisant croire aux ouvriers qu’ils dirigeaient la grève, de détourner les revendications et la colère sur la nécessité de pouvoir "s’exprimer" et de "défendre le syndicalisme".
Au bout de trois jours, le mouvement s’est arrêté, sans que bien sûr les ouvriers de la Connex n’obtiennent quoi que ce soit, à part la réintégration du délégué syndical, c’est-à-dire de leur pire ennemi dans l’entreprise.
Cela dit, la perspective n'en est pas moins au développement de la lutte ouverte, contre les attaques dont les ouvriers sont tous l’objet, dans tous les secteurs, et dans tous les pays, contre leurs ennemis, le patronat, l’Etat et contre leurs faux amis comme les syndicats.
Chaque lutte qui se déroule aujourd’hui illustre cette dynamique et est un nouvel apport au développement international de la lutte prolétarienne.
D'après Internationell Revolutie, section du CCI en Suède
Le CCI
organise, partout où il le peut, des réunions ouvertes à tous ceux qui veulent
sincèrement changer le monde. Nos réunions publiques (RP) et nos permanences se
veulent être des lieux de débats fraternels où chaque participant peut poser
ses questions, confronter ses arguments et analyses.
Ainsi, tout au long des mois d’octobre et novembre, la section du CCI en France a tenu des RP à Tours, Marseille, Nantes, Toulouse, Paris et Lyon sur le thème "La révolution prolétarienne est la seule perspective d’avenir pour l’humanité". Inévitablement, l’actualité brûlante des émeutes est revenue dans chacune de nos salles comme une préoccupation centrale et récurrente : comment considérer la violence désespérée des jeunes banlieusards ?
Le débat qui s'est déroulé à Toulouse est particulièrement significatif du questionnement de la classe ouvrière sur ces émeutes, partagée entre un sentiment de solidarité envers la détresse de ses propres enfants et la colère de voir son voisin se faire agresser, sa voiture ou l’école du quartier être détruites.
Lors de la réunion publique du 19 novembre à Toulouse, nous avons, comme toujours, lancé le débat par un court exposé introductif. Celui-ci montrait en quoi la classe ouvrière est la seule force de la société qui puisse changer le monde en renversant le capitalisme à l’échelle internationale. Nous y avions intégré l’actualité des émeutes soulignant avec force le désespoir contenu dans ces explosions de violence.
Brûler des voitures, des écoles, des bus, des gymnases… tout ceci est purement autodestructeur. Aucune perspective, aucun espoir ne peuvent ressortir de tels actes. Ne sachant comment lutter, ces jeunes en souffrance s’en sont pris à leurs parents, leurs voisins… Ces fils d’ouvriers, involontairement, ont retourné leur colère contre leur propre classe.
Les réactions furent vives et immédiates. De nombreux participants critiquèrent notre prise de position sur Internet ([1] [15]) dont s’inspirait l’exposé.
Dès la première intervention, un camarade a ainsi affirmé son profond désaccord : "Le tract du CCI ([2] [16]) me pose problème. Les émeutes sont montrées comme une révolte en soi. Le tract peine pour mettre en jeu l’affrontement de classe. Le positionnement du CCI n’est pas assez combatif. Il y a également un aspect manquant, c’est la solidarité par rapport aux conditions de vie de ces jeunes. Il fallait montrer l’absurdité du capitalisme et non parler des jeunes des quartiers déshérités. C’est une partie de la classe ouvrière […]. Le tract passe à côté de la question de l’identité de classe. Comme le dit le PCI/Prolétaire ([3] [17]) dans son tract, ces jeunes, qu’ils en soient ou non conscients, appartiennent à la classe ouvrière. De même, par rapport à cette révolte des jeunes, où en est le prolétariat en ce moment ? Face à ce couvre-feu social, il faut rattacher le combat de ces jeunes au prolétariat." Emboîtant le pas à cette intervention, un jeune contact, membre d’un cercle de discussion sur la ville rose, poursuivit en ces termes : "[…] J’ai habité en banlieue et pour moi les jeunes des banlieues n’ont certes pas de conscience de classe ni même de notion de classe mais ces actes de violence s’inscrivent contre le capitalisme. C’est une révolte contre le système [...]". Et enfin, un troisième participant conclut dans le même état d’esprit ce premier tour de parole : "au Mirail, il y a près de 50% de prolétaires qui sont au chômage. Les jeunes ne trouvent pas de travail ou que des petits boulots […]. Il fallait mettre en avant non les faiblesses mais la perspective du prolétariat […]."
Cette réaction n’est absolument pas surprenante. Bien au contraire. La souffrance exprimée par les enfants de notre classe et son utilisation cynique par la bourgeoisie expliquent en partie cette forte tendance parmi l'assistance à éprouver avant tout un sentiment de solidarité envers ces "laissés pour compte". L'explosion spectaculaire de la violence urbaine a révélé au grand jour les conditions de vie totalement insupportables d'une grande partie de la jeunesse ouvrière. D’ailleurs, contrairement à la critique portée sur notre prise de position prétendant qu'il y manquait "la solidarité par rapport aux conditions de vie de ces jeunes", nous affirmions sans ambiguïté : "Si les jeunes des banlieues se révoltent aujourd'hui […] c'est qu'ils sont plongés dans un profond désespoir […]. C'est dans leur chair et au quotidien, du fait du chômage, du mépris et de la discrimination que les jeunes "casseurs" des quartiers populaires ressentent cette absence totale d'avenir."
Pour autant, pouvait-on aller jusqu’à dire, comme le font ces camarades, que "ces actes de violence s’inscrivent contre le capitalisme" et que "c’est une révolte contre le système" ? Que fallait-il dire aux ouvriers ? Passer sous silence la totale absurdité de détruire pour détruire ? Ignorer qui sont les premières victimes de ces actes ?
Evidemment non. C’est aussi dans leur chair que les ouvriers ont ressenti ces émeutes. Comme l’a formulé très clairement l’un des participants : "[…] Quant aux destructions des voitures, certains camarades dans leurs interventions relativisent ces incendies. Eh bien, moi, je leur dit clairement que j’espère que ma voiture ne sera pas brûlée, car comme les autres ouvriers, j’en ai besoin pour aller travailler." Le soutien aux émeutiers, ou du moins, la sous-estimation de l’aspect nihiliste de ces événements ont donc fait réagir. Les camarades présents dans la salle se sont répondus dans un débat dynamique. "Je ne suis pas d’accord avec ce que disent les camarades sur ces émeutes. C’est une révolte contre l’Etat bourgeois, certes, mais elle n’a aucun avenir. On ne peut pas être solidaire avec ceux qui détruisent les voitures des voisins, des ouvriers. On peut les comprendre puisqu’ils sont laissés pour compte, la société capitaliste n’a plus rien à leur offrir. Il y a un ras-le-bol. Mais on ne peut pas être d’accord avec cette violence. Ils connaissent le chômage et la misère depuis déjà un certain nombre d’années. C’est une partie de la classe qui a été fortement attaquée. C’est vrai. Mais ce n’est pas par ces actes qu’on peut se sentir proche. Cela n’a rien à voir avec la lutte de la classe."
Ce type d’explosion de violence va en effet à l’encontre des intérêts de la classe ouvrière. Elle distille la crainte, le repli et la division en ses rangs. Tout ceci, la bourgeoisie l’a très bien compris. Elle a orchestré d’une main de maître une propagande de la peur afin de justifier le renforcement de son arsenal répressif. Ces émeutes n’ont pas alimenté la conscience du prolétariat. Elles ont au contraire créé un terrain propice à l’idéologie bourgeoise. La classe dominante a instrumentalisé cette frange désespérée de la jeunesse pour justifier ses mesures d’urgence sécuritaires et ainsi accroître le flicage des quartiers ouvriers. Surtout, elle a pu masquer momentanément la faillite de son système, accusant pêle-mêle la "racaille" et les immigrés d’être la cause de tous les maux.
Par conséquent, si nous rejoignons entièrement le camarade, intervenu en tout premier, quand il dit "ces jeunes, qu’ils en soient ou non conscients, appartiennent à la classe ouvrière", nous ne le suivons plus lorsqu’il affirme : "il faut rattacher le combat de ces jeunes au prolétariat". En réalité, cette partie de la jeunesse impliquée dans les émeutes a tendance à s’éloigner du combat prolétarien. Et c’est justement parce que ce sont des enfants d’ouvriers, que leur comportement destructeur pèse autant contre la classe ouvrière. C’est ici une partie d’elle-même qui se trompe de chemin et de lutte. En ce sens, si le prolétariat est solidaire des victimes du capitalisme et donc de cette jeunesse désespérée, en même temps cela ne veut pas dire que nous devons saluer ce type de révolte car elle se situe à l’opposé des besoins du prolétariat. Ces émeutes n’appartiennent ni de près ni de loin à la lutte de la classe ouvrière.
Il n’était donc pas question d’encourager de tels actes de violence comme a pu le faire de manière ambiguë et fausse le PCI/Prolétaire ! En effet, le tract de cette organisation porte un titre enflammé : "La révolte des banlieues annonce la reprise de la lutte prolétarienne révolutionnaire". Et l’appui à de telles révoltes est encore plus marqué à la fin du texte : "vive la révolte des jeunes prolétaires des banlieues contre la misère, le racisme et l’oppression" !!!
Comment peut-on croire que ces actes de violence dirigés contre les ouvriers "annonce la reprise de la lutte prolétarienne révolutionnaire" ? Ici, ce groupe se laisse tout simplement abuser par le caractère spectaculaire de ces révoltes et perd la notion de ce qu’est la lutte de classe, tant dans sa forme que dans son contenu. Le prolétariat dans sa lutte tend vers l’unité et développe pour cela la solidarité. Ces émeutes sont le contraire, elles sont le produit de ressentiments individuels et n’ont comme perspective que la destruction et l’autodestruction.
Sous la plume du PCI/Prolétaire, tout est inversé. Ce sont ces jeunes égarés qui insuffleraient une dynamique à l’ensemble d’une classe ouvrière pour l’instant amorphe. C’est l’exact opposé qui est vrai. Le prolétariat a déjà commencé à reprendre le chemin de sa lutte. Depuis les grèves du printemps 2003 en France, la classe ouvrière réaffirme partout de façon certes embryonnaire mais croissante sa combativité et sa tendance naturelle à la solidarité. Ces émeutes ne sont donc pas un accélérateur mais au contraire un frein à ce développement de la lutte de classe.
Oui, les jeunes émeutiers sont des victimes du système capitaliste. Oui, ils constituent une partie de la classe ouvrière particulièrement en souffrance. Mais comment exprimer notre solidarité envers ces enfants d’ouvriers ? Certainement pas en semant des illusions ou en les suivant dans leur cri de détresse. La classe ouvrière n’a pas à suivre ces jeunes dans leur auto-destruction ; elle a au contraire à les embarquer derrière elle. Elle a le pouvoir et la responsabilité de montrer une perspective d'avenir. Comme nous l'affirmons dans notre prise de position sur Internet : "C'est parce que, jusqu'à présent, [ la classe ouvrière ] n'a pas encore trouvé la force d'affirmer cette perspective, à travers un renforcement et une extension de ses luttes, que des centaines de milliers de ses enfants sont amenés à sombrer dans le désespoir, exprimant leur révolte de façon absurde ou se réfugiant dans les chimères de religions qui leur promettent le paradis après leur mort. La seule véritable solution à la "crise des quartiers déshérités" est le développement des luttes du prolétariat vers la révolution qui permettra de donner un sens et une perspective à toute la révolte des jeunes générations" !!!
Traditionnellement, nous finissons nos réunions par un 'tour de table‘ permettant à chacun qui le souhaite de donner son avis sur la tenue et la qualité de la réunion, pour réaffirmer un désaccord persistant ou poser toutes les questions qui n'ont pu être traitées et qui vont permettre la poursuite du débat.
De manière générale, les participants ont ressenti une certaine satisfaction et témoigné de l’intérêt réel pour cette réunion publique.
Les camarades qui avaient pointé leur désaccord ont eux aussi salué le débat. Néanmoins, deux de ces camarades ont regretté que le CCI ne soit pas intervenu dans les quartiers et dans le reste de la classe ouvrière avec un tract. Cette dernière remarque démontre que des divergences, certes limitées, existaient encore à la fin de cette réunion.
De toute manière, les réunions du CCI n'ont pas pour vocation d'imposer une démonstration exhaustive clôturant tout débat. Au contraire, la richesse et la dynamique de la discussion ont apporté beaucoup plus de questions que de réponses. Par exemple, nous n'avons fait qu'effleurer la différence fondamentale entre la violence destructrice de ces émeutes et la violence créatrice de la classe ouvrière, violence utilisée nécessairement dans son renversement de l'ordre capitaliste. Le sujet est donc loin d'être épuisé !
Nous conclurons par ces quelques lignes d'une lettre d’une jeune contact venant pour la première fois à une RP du CCI et témoignant de l'esprit fraternel qui a animé le débat :
"Ce que j’ai particulièrement apprécié dans la conduite du débat (et que j’avais rarement eu l’occasion de pratiquer dans d’autres situations que ce soit professionnelles ou personnelles), c’est qu’elle rend possible une véritable écoute de ce que chacun dit, elle s’attache à répondre aux préoccupations de personnes en présence, tout en ne perdant pas de vue la question posée et la nécessité de contribuer à y répondre […]. Ces événements (les violences urbaines) semblent absurdes, par leur absence d’objectif et par leurs moyens et ils ne semblent pas s’inscrire dans une logique de lutte des classes, mais ils suscitaient beaucoup de questions parmi les personnes présentes à la réunion et il semblait donc nécessaire de leur accorder une grande attention, et c’est ce que le CCI a fait. Ces événements ne s’inscrivaient pas dans une logique révolutionnaire (et même en terme de révolte, ces événements sont difficilement compréhensibles, compte tenu des cibles des violences qui ont eu lieu), mais il semblait nécessaire de les analyser pour les définir, pour caractériser les acteurs de ces événements, afin de pouvoir poser ensuite la question de l’organisation prolétarienne dans une perspective de révolution, des "signes" actuels de l’action prolétarienne en ce sens, des conditions nécessaires pour qu’elle ait lieu et du comment […]."
Pawel (15 décembre)[1] [18] "Emeutes dans les banlieues française : face au désespoir, seule la lutte de classe est porteuse d’avenir".
[2] [19] Il s’agit en fait du texte Internet considéré malencontreusement comme un tract. Nous l’avons précisé au cours de la réunion.
[3] [20] Organisation révolutionnaire bordiguiste présente en France et en Italie.
En Chine les coups de grisou et les effondrements de galeries se succèdent à un rythme effrayant. Au mois d’août dernier, dans la province de Guangdong, 101 mineurs sont bloqués dans une mine noyée de millions de mètres cube d’eau. Au même moment un coup de grisou dans une mine de la province de Guizhou tuait 14 ouvriers mineurs. Récemment, une nouvelle explosion dans une mine au nord de la Chine dans la province de Dong fend a coûté la vie, à nouveau, à 134 mineurs. Cet automne, c’est pratiquement de manière quotidienne que des accidents ont frappé dans ce secteur. Ces accidents à répétition font des mines chinoises les plus dangereuses du monde, officiellement 6000 morts par an, sans doute plus près de 20 000 selon des sources indépendantes." Soit 45 fois plus que celles d’Afrique du Sud, et cent fois plus que celles des Etats-Unis. L’exemple des mines de charbon illustre dramatiquement la réalité barbare qui se cache derrière les fameux taux de croissance du capitalisme chinois. Dans les provinces de Stianxi, de Hebei, du Heilongjiang et en Mongolie intérieure, les ressources charbonnières sont abondantes. Depuis 10 ans, le gouvernement, afin d’augmenter à tout prix la production, a massivement privatisé les mines. Résultat, la licence s’achète à bon compte auprès des fonctionnaires sensibles aux pots-de-vin. Dans ces mines, on y entre et travaille à plat ventre, sans équipement de sécurité. Dans ces conditions d’exploitation féroce, les catastrophes ne peuvent que se multiplier, (éboulements, explosions). "En 2005, le nombre de morts dépasse celui de 2004 : 717 morts pour les 6 premiers mois de l’année, contre 347 à la même période l’an dernier (Selon le Bulletin d’information de la commission de sécurité d’Etat)" ([1] [21]). Les ouvriers mineurs en Chine connaissent très bien tous les risques. Mais pour eux, il n’y a pas le choix. C’est accepter de prendre ce risque ou bien voir sa famille mourir de faim. Et pour un salaire de misère de 1 dollar par jour, 7 jours sur 7, dans des conditions inhumaines. Les conditions d’exploitation et de travail ne sont pas meilleures dans les mines publiques, où tout est sacrifié à la rentabilité. Les fonctionnaires, responsables provinciaux et gouvernementaux, pourris par la corruption, cachent la réalité par tous les moyens possibles et imaginables. Il est de bonne politique en France, d’essayer d’entraîner les ouvriers dans la défense du service public. La Chine démontre que lorsque la possibilité le permet le capitalisme ne fait aucune différence entre secteur public et secteur privé. Ainsi, dans les grands sites houillers publics : "Bu Guishing confirme que certains fonctionnaires locaux s’empressent de fermer les exploitations dangereuses dès qu’ils ont vent d’une visite d’inspection des autorités provinciales. Ces dernières trouvent des machines encore chaudes, mais la mine est vidée de son personnel, ce qui rend toute inspection impossible." (2) En Chine, on peut évaluer la classe ouvrière à 100 millions d’habitants, sans compter "les ouvriers paysans", avec une précarisation qui ne cesse de s’accélérer et un taux de chômage de plus de 50%. Les ouvriers licenciés s’appellent les xiapang (descendu de poste). Les conditions de vie effroyables, où chaque jour la classe ouvrière doit risquer sa vie pour ne pas mourir de faim, entraînent, malgré la répression, des explosions de colère souvent violentes. "Presque chaque jour, des protestations, des grèves ouvrières ou des agitations paysannes d’ampleur plus ou moins grande, se produisent en Chine. Ween Tiejun, un spécialiste des questions sociales, les évalue à 60 000 par an." ([2] [22])
Le mépris de la bourgeoisie pour la vie des prolétaires
"Avis à la population de Harbin : en réponse aux craintes de la pollution de la rivière Song hua à la suite d’une explosion survenue dans une usine chimique de la ville de Jilin, le bureau de l’environnement de Jilin a déclaré qu’aucune trace de pollution n’avait encore été détectée." ([3] [23]). Comme toutes les bourgeoisies du monde, la bourgeoisie chinoise pratique le mensonge éhonté en matière d’information, au mépris total de la vie humaine. La catastrophe n’a été reconnue que le 22 novembre, alors que celle-ci a effectivement eu lieu le 13 novembre. Les premières déclarations des autorités devant se justifier des coupures d’eau, évoquent des "manœuvres de maintenance". Harbin est une agglomération de 9 millions d’habitants, située sur le cours inférieur de la Song hua. Cette ville d’importance y puise depuis des centaines d’années, l’eau qui est nécessaire à la population. La pollution au benzène, produit extrêmement dangereux pour la vie humaine, a affecté tout le cours supérieur de la rivière, la nappe de pollution s’étendant sur plus de 80 km. Mais pire encore, la pollution du cours supérieur de la Song hua va forcément causer un désastre humain dans toutes les villes et districts situés en aval, comme Harbin, mais également Mulan, Tonghe et Jiamusi. Fin novembre, une nouvelle explosion chimique frappait le sud-ouest du pays, sans qu’aujourd’hui aucune nouvelle fiable ne sorte de la Chine. C’est ainsi que nous pouvons lire dans Libération du 28 novembre : "Les victimes de la mine de Dong feng, comme les dégâts environnementaux, encore difficile à évaluer dans l’opacité générale de la catastrophe de Jalin, s’ajoutent à une liste qui s’agrandit quotidiennement."
La nécessaire solidarité de classe avec les ouvriers en Chine
Cette succession de catastrophes en Chine révèle aux yeux du prolétariat du monde entier la réalité du "miracle économique chinois". Les taux de croissance à près de 10% cachent l’exploitation féroce des ouvriers dans ce pays, ainsi que le mépris total pour la vie humaine de la part de la bourgeoisie chinoise, à l’image de la bourgeoisie dans tous les pays du monde. La Chine est un mastodonte économique bâti sur du sable, qui se développe pour le moment en suçant, tel un vampire, le sang du prolétariat et en détruisant de manière accélérée les ressources et l’environnement. Face à la misère et aux dangers auxquels elle expose son prolétariat, les explosions de colère, le plus souvent réprimées très violemment, ne peuvent que se multiplier dans l’avenir. "Ce même 26 juin 2005, 10 000 personnes défilant dans les rues de Cizhou, province d’Anhui, mettent le feu aux voitures de police, au commissariat. L’affaire a débuté par un simple accrochage avec un de ces nouveaux riches que compte la Chine d’aujourd’hui qui a renversé un lycéen. L’incident a tourné à l’émeute quand la police a pris le parti du conducteur." (1). Les ouvriers de tous les pays, eux-mêmes exploités par leur propre bourgeoisie, doivent se sentir solidaire de leurs frères de classe en Chine. La bourgeoisie des pays les plus développés, comme en France déversent en permanence des larmes de crocodiles sur le sort de ouvriers en Chine. En réalité celle-ci utilise au maximum le fait que les ouvriers dans ce pays sont contraints pour survivre de travailler dans des conditions particulièrement dures, permettant une exploitation féroce pour y installer des entreprises à rentabilité maximum. De plus elle se sert de cette exploitation féroce pour justifier dans des pays comme la France la nécessité d’accepter des baisses de salaire croissantes sous peine de délocalisations, tentant ainsi de dresser hypocritement une partie du prolétariat contre une autre. En vérité seule la classe ouvrière, parce qu’elle est une classe internationale, défendant partout ses mêmes intérêts, peut ressentir dans sa chair les conditions de vie dégradées que subissent les ouvriers en Chine. Dans ce pays, malgré toute la volonté de se battre, la classe ouvrière est noyée dans une marée humaine de population sans travail qui subit la répression violente de l’appareil d’Etat chinois. Il revient aux ouvriers d’Europe par le développement de leur lutte de classe d’offrir une perspective au prolétariat en Chine ; c'est la seule voie face à cet avenir capitaliste fait de catastrophes et de barbarie.
Tony
Links
[1] https://fr.internationalism.org/en/tag/heritage-gauche-communiste/decadence-du-capitalisme
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/36/france
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/crise-economique
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/banlieues
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauchisme
[7] https://fr.internationalism.org/ri206/immigration.htm
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/vie-du-cci/prises-position-du-cci
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/immigration
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/decomposition
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/54/venezuela
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/geographique/afrique
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/cote-divoire
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/47/suede
[15] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftn1
[16] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftn2
[17] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftn3
[18] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftnref1
[19] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftnref2
[20] https://fr.internationalism.org/ri364/banlieues_emeutes.htm#_ftnref3
[21] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftn1
[22] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftn2
[23] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftn3
[24] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftnref1
[25] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftnref2
[26] https://fr.internationalism.org/ri364/chine.htm#_ftnref3
[27] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/62/chine