Café De Zure, Dageraadplaats 4, 2180 Anvers
Le CCI organise une permanence le 22 juin de 14H00 à 17H00 à Anvers à l’adresse suivante : Café De Zure, Dageraadplaats 4, 2180 Antwerpen.
Contrairement à une réunion publique où le sujet est déterminé et présenté par le CCI, lors d’une permanence, il est possible d’exposer et de discuter de sujets de ton propre choix ensemble avec le CCI et d’autres participants.
Les sujets peuvent être tirés de l'actualité, mais aussi des leçons tirées des périodes historiques de lutte des classes : guerre, crise climatique, crise économique, populisme, élections, sens des luttes ouvrières aujourd'hui, quelle perspective pour le capitalisme ? etc.
Afin de préparer cette permanence au mieux, nous te demandons de nous prévenir à l'avance par email des sujets sur lesquels tu veux discuter : soit via le formulaire de contact, soit via [email protected] [2].
Fraternellement
Le CCI
Le 13 mai au soir, la Nouvelle-Calédonie s’est embrasée. Point de départ : la réforme constitutionnelle du corps électoral qui va affaiblir le poids électoral des forces politiques autochtones kanaks. La mobilisation d’une partie de la population, activement soutenue et même poussée par les organisations indépendantistes, s’est rapidement transformée en émeutes sanglantes où au moins sept personnes ont déjà perdu la vie.
Si la colère de la population exprime un véritable ras-le-bol face à l’exclusion sociale, à la misère, au racisme chronique et aux humiliations quotidiennes, le terrain nationaliste de « l’indépendance de la Kanaky » est une pure mystification, et même un piège pour la classe ouvrière en Nouvelle-Calédonie, comme en métropole. Il n’y a donc rien de hasardeux à voir les organisations bourgeoises de gauche et d’extrême-gauche soutenir l’indépendance au nom de leur idéologie frelatée du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » : il n’existe aucune perspective prolétarienne sur ce terrain nationaliste où se confrontent surtout les intérêts impérialistes dans cette région du monde.
Le mécontentement social en Nouvelle-Calédonie, immédiatement instrumentalisé sur le terrain du nationalisme, rappelle bien évidemment l’épisode sanglant de l’assaut de la grotte d’Ouvéa en 1988. En pleine campagne électorale présidentielle, les confrontations entre indépendantistes et forces de l’ordre avaient donné prétexte à une hystérie nationaliste et un brin raciste pour le maintien de l’ordre républicain suite à la « sauvagerie » de l’attaque d’un poste de gendarmerie et une prise d’otages par des militants indépendantistes. L’intérêt impérialiste français pour ces îles du Pacifique, même s’il n’était pas menacé ouvertement, ne pouvait être remis en cause ou affaibli. La bourgeoisie avait bien fait valoir l’ « honneur » du drapeau et l’élan « civilisateur » de l’État dans une répression sans filtre et sanglante.
Même si le vernis humaniste du PS de Mitterrand avait donné l’illusion, par la suite, de mieux tenir compte du « peuple kanak », bien évidemment, la plupart des « indigènes » ont continué à porter le fardeau de la misère. Depuis, l’aggravation phénoménale de leurs conditions de vie et leur haine pour l’État français n’ont cessé d’être instrumentalisé par la bourgeoisie kanake pour tenter d’avancer ses pions en direction de l’indépendance.
La violence de la crise actuelle est ainsi bien supérieure à celle de 1984-1988. Les affrontements de l’époque, déjà spectaculaires et sanglantes, s’étaient limités à des confrontations entre petits colons et clans kanaks, avec des attaques ciblées sur les gendarmeries. Nouméa avait été très peu touchée. Tel n’est pas le cas aujourd’hui : incendies de magasins, d’entreprises, d’écoles, de maisons, pillages au cœur des zones urbaines, barrages pour s’opposer aux forces de l’ordre dépêchées par centaines du continent, comme aux milices caldoches issues d’une petite-bourgeoisie néocoloniale, milices qui n’hésitent pas à tirer pour tuer.
Cette flambée de violence est clairement l’expression du chaos généré par une société capitaliste en putréfaction qui n’a plus rien à offrir à l’humanité. Mais ces explosions sociales ne constituent en rien le terreau d’une lutte prolétarienne avec des revendications de classe autonome offrant réflexion, perspective et dynamique de prise en main de la lutte. Face à la paupérisation extrême, face à l’absence de perspective, partout dans le monde, les violences aveugles se multiplient, souvent perpétrées par des jeunes qui n’ont plus aucune confiance en l’avenir, embourbés dans le désespoir et la marginalisation. Cela reste le terrain du nihilisme et d’émeutes désespérées largement instrumentalisée par toutes les forces bourgeoises pour nourrir leurs appétits impérialistes.
Avec sa proposition de loi « consolidant » le corps électoral, l’État français a la volonté de resserrer les boulons et assurer une cohérence politique sur le territoire néo-calédonien, en limitant les velléités indépendantistes croissantes susceptibles de fragiliser sa stratégie impérialiste dans la région. Le Pacifique est en effet devenu une région stratégique majeure dans les rivalités croissantes entre les grandes puissances, particulièrement autour de la confrontation entre les États-Unis et la Chine. La France cherche ainsi à maintenir sa place sur l’échiquier indo-pacifique déjà mise à mal par les accords de coopération militaire AUKUS (Australie, Royaume-Uni et États-Unis) dont elle s’est fait piteusement éjecter. La Nouvelle-Calédonie demeurer à ce titre un atout impérialiste, et la perte de ce territoire serait un revers de premier ordre. Mais toute la politique du gouvernement Macron tend à balayer tout ce que la bourgeoisie avait patiemment mis en place depuis la fin des années 1980 pour apaiser les confrontations et les tensions sur ces territoires. Il ouvre à nouveau une boîte de Pandore où les factions bourgeoises, particulièrement celles de l’indépendantisme kanak, veulent à nouveau jouer leurs cartes.
Pour les organisations indépendantistes kanakes, les appels à la mobilisation n’ont absolument pas pour objectif de défendre les intérêts ouvriers, mais faire valoir leurs propres intérêts nationalistes en surffant sur la fragilisation de l’impérialisme français dans la région. Et pour ce faire, la bourgeoisie kanake n’a aucun scrupule à s’acoquiner avec les multiples concurrents impérialistes de la France : l’impérialisme russe, d’abord, via ses offensives numériques, notamment sur les réseaux sociaux, pour faire payer à la France son rôle en Ukraine ; mais aussi la Chine impliquée dans la déstabilisation de la position de la France dans une région clé du Pacifique Sud ainsi que par ses mines de nickel... En accueillant les dirigeants indépendantistes kanakes et de Polynésie française pour une conférence sur le « droit à la décolonisation », même l’Azerbaïdjan s’est invitée dans la crise en Nouvelle-Calédonie : une manière de faire payer à la France son positionnement pro-arménien lors de la reprise du Haut-Karabakh.
La bourgeoisie française s’inquiète d’ailleurs de l’onde de choc qui pourrait toucher la Polynésie, Mayotte ou la Réunion, zones excentrées du territoire français, en proie à des situations similaires. Face à ce risque, elle ne peut qu’affirmer avec la pire brutalité que l’impérialisme tricolore ne tergiversera pas en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs.
Avec ses forces politiques de gauche et d’extrême gauche, la bourgeoisie, hypocrite au possible, entretient cependant des illusions indépendantistes. Face au gouvernement garant de « l’unité nationale », la gauche promeut la « conciliation » et l’extrême-gauche applaudit une mobilisation soi-disant « révolutionnaire ». Sous toutes leurs variantes plus ou moins radicales, les partis de gauche multiplient les appels à la solidarité, à la mobilisation sur le terrain pourri du nationalisme et du « droit des peuples » pour pousser des milliers de prolétaires à s’entre-déchirer au seul profit des factions bourgeoises. Mais leurs mots d’ordre mensongers ne s’adressent pas qu’à la population locale, il s’agit surtout faire de « l’indépendance de la Kanaky » (comme de la « résistance palestinienne ») une arme idéologique contre la conscience de l’ensemble de la classe ouvrière.
Pour l’organisation trotskiste Révolution Permanente, le terrain nationaliste est ouvertement assumé et devient un drapeau pour la lutte : « Plus que jamais, la lutte et les revendications du peuple kanak doivent résonner jusque dans l’hexagone, où ces derniers jours ont vu un véritable sursaut dans la mobilisation contre la complicité de l’impérialisme français avec le génocide commis par Israël en Palestine. Cette lutte doit s’allier à la lutte contre la situation coloniale en Kanaky. La lutte pour une véritable auto-détermination doit aussi passer par la dénonciation de cette répression coloniale ».
Pour le NPA-l’Anticapitaliste, même revendication nationaliste : « Le droit international pose clairement le droit à l’auto-détemination du peuple kanak, et l’ONU, sur la base de l’article XI de sa Charte, rappelle chaque année que la Kanaky est classé comme territoire à décoloniser. L’enjeu est plus fort que jamais d’exprimer en France notre solidarité avec le peuple de Kanaky, c’est-à-dire la reprise du processus de décolonisation ». Outre défendre bec et ongles cette revendication bourgeoise du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », le NPA n’hésite même pas, encore une fois, à en appeler au « droit » bourgeois du panier de crabes de l’ONU, pour faire valoir des revendications nationales.
Pour l’organisation trotskiste Lutte Ouvrière et ses appels plus subtils à « renverser l’ordre capitaliste et l’impérialisme », la logique reste au bout du compte la même : s’indigner comme les autres forces gauchistes face à « cette réforme, votée par un parlement réuni à plus de 17 000 kilomètres des premiers concernés, [qui] vise à rendre les Kanaks minoritaires dans leur propre pays ». Comme le signale le NPA, le nationalisme de l’extrême gauche n’est en aucun cas une nouveauté : « Les militantEs de notre courant ont largement porté la solidarité anticoloniale auprès des Kanak, notamment dans les années 1980, au point que Jean-Marie Tjibaou, en visite à Paris en 1987, rencontre le bureau politique de la LCR et intervient lors la fête de Lutte Ouvrière à notre initiative ».
Toutes ces organisations d’extrême gauche sont ainsi depuis longtemps déjà, les rabatteurs les plus radicaux de la bourgeoisie pour dévoyer la colère et la réflexion ouvrières sur le terrain nationaliste. Pour ces faux-amis de la classe ouvrière, il s’agit systématiquement de choisir un camp impérialiste contre un autre. En aucun cas, ce choix ne doit être celui de la classe ouvrière, ni en Nouvelle-Calédonie ni ailleurs ! Aujourd’hui, se battre sur le terrain « indépendantiste », c’est prendre le risque de crever sous les balles des flics, celles de milices « citoyennes », sans renforcer d’un iota la perspective de la lutte prolétarienne internationale, seule à même d’en finir avec la barbarie capitaliste.
Stopio, 30 mai 2024
La défense intransigeante de l’internationalisme face à la guerre impérialiste est un devoir fondamental pour une organisation communiste. Les révolutionnaires doivent être capables de naviguer à contre-courant de la propagande bourgeoise visant à entraîner le prolétariat derrière tel ou tel impérialisme. C’est particulièrement le cas face au déferlement de l’hystérie nationaliste et militariste qui entoure la guerre au Moyen-Orient.
Dans le précédent numéro de World Revolution (WR), nous avions mis en garde contre le danger des concessions de l’Anarchist Communist Group (ACG) qui se rangeait derrière la bourgeoisie palestinienne. Dans un premier temps, nous avions salué le fait que l’ACG défende une position internationaliste en dénonçant les deux camps dans cette guerre. (1) Mais par la suite, nous avions pointé du doigt ses concessions au concept de « libération » des travailleurs palestiniens : « la position défendue par l’ACG dans cet article est très pernicieuse car, à première vue, elle semble effectivement défendre l’internationalisme prolétarien. Mais ce n’est qu’une apparence. Car si on le lit attentivement, c’est le contraire qui se révèle. L’article ne défend pas directement et ouvertement le nationalisme palestinien, mais sa logique, tout son raisonnement, va dans ce sens. Il s’agit, en vérité, d’un exposé très sophistiqué de l’idéologie de la libération nationale ». (2)
Cette défense « sophistiquée » du nationalisme est désormais moins subtile. Dans un article plus récent, (3) contrairement à leur précédent écrit, l’ACG ne dénonce pas clairement la guerre comme étant impérialiste, ni les liens entre les groupes de « résistance » palestiniens et les différentes puissances impérialistes. Au contraire, l’article présente l’État israélien comme le seul responsable de cette guerre. L’ACG déclare bien que : « nous savons pertinemment quel sang coulerait à flots : celui des “déjà dépossédés”, de ceux qui sont toujours les plus grandes victimes des guerres inter-impérialistes, du colonialisme et de l’exploitation : celui de la classe ouvrière ». Mais sans une déclaration claire sur la nature impérialiste des deux camps, cette déclaration reste au mieux ambiguë. Elle ne met certainement pas en garde la classe ouvrière contre le danger de se ranger derrière l’un ou l’autre camp.
Le Hamas a délibérément provoqué l’impérialisme israélien par son massacre dans le sud d’Israël le 7 octobre en adoptant une stratégie de terre brûlée suicidaire visant à saper les relations que développe l’État israélien avec certains autres États du Moyen-Orient. Le Hamas savait parfaitement que son attaque déclencherait un bain de sang. Cependant, pour l’ACG (dans cet article au moins) comme pour la gauche du capital, l’État israélien est l’ennemi. Le Hamas est silencieusement déchargé de son rôle terroriste dans ce cauchemar !
La contradiction entre cet article et le précédent n’est pas expliquée. Cet abandon apparent de l’internationalisme conduit le « radicalement » anti-étatique, anti-autoritaire et anti-impérialiste ACG à étrangement exiger que les autres États impérialistes s’allient à la « colère des gens ordinaires ». « Israël est capable de faire cela [faire la guerre] parce que, malgré toute la colère et l’opposition que ses actions génocidaires suscitent parmi les gens ordinaires, il n’y a pas, jusqu’à présent, d’alliés parmi les États-nations du monde, malgré le dépôt par l’Afrique du Sud d’une plainte pour génocide contre Israël auprès de la Cour internationale de justice, qui pourraient intervenir de manière significative en leur nom ». Quelle intervention l’ACG pense-t-il que ces « États-nations » devraient faire ?
Un indice est donné dans la phrase suivante : « L’Iran et ses alliés du Hezbollah se sont abstenus de s’engager à fond, malgré les provocations d’Israël, parce qu’ils connaissent les conséquences d’une escalade ». L’ACG pense-t-il que ces deux camps impérialistes devraient s’engager « à fond » dans une guerre contre Israël ? Qu’impliquerait un tel engagement si ce n’est une intervention militaire, c’est-à-dire le massacre des ouvriers en Israël, qu’ils soient ou non enrôlés dans Tsahal ? Les camarades de l’ACG doivent vraiment clarifier ce qu’ils veulent dire. Peut-être que le prolétariat devrait désormais soutenir l’impérialisme américain, qui a tenté de freiner l’offensive meurtrière d’Israël à Gaza ?
Afin de poursuivre son soutien à la libération du prolétariat palestinien face à l’oppresseur israélien, l’ACG préconise également que les travailleurs participent au mouvement ouvertement pro-palestinien et gauchiste Workers' for a Free Palestine, qui appelle à « mettre fin aux ventes d’armes à Israël et à ce que le gouvernement britannique soutienne un cessez-le-feu permanent ». Cela signifie-t-il que l’État capitaliste et sa façade démocratique ne sont plus l’ennemi du prolétariat ? Le prolétariat doit-il se mettre à genoux et supplier l’impérialisme britannique de soutenir un accord de paix ? On ne peut que supposer que l’ACG se réjouit du soutien actuel de l’impérialisme britannique à un cessez-le-feu. Un soutien qui dépend bien évidemment de ce que l’impérialisme britannique estime être le mieux pour ses intérêts nationaux.
L’intérêt national de l’État britannique consiste également à saper la confiance renouvelée et croissante du prolétariat en lui-même. En 2022, au beau milieu de la guerre en Ukraine, le prolétariat britannique a placé ses intérêts de classe au premier plan en élevant ses revendications de classe à travers une série de grèves. Cela a replacé la classe sur le terrain social, après des décennies d’enlisement dans la démoralisation, une perte de vision d’elle-même en tant que classe ayant la force de défendre ses propres intérêts. La classe dominante a voulu décourager davantage le prolétariat en lui donnant un sentiment d’impuissance face à la guerre en Ukraine. Ça n’a pas fonctionné. L’accélération de la crise économique, en partie due à la guerre, a fait remonter à la surface un profond mécontentement.
La bourgeoisie britannique, tout comme le reste de la classe dominante mondiale, a cependant utilisé la guerre à Gaza pour tenter de générer d’importantes divisions au sein de la classe. Semaine après semaine, la bourgeoisie a fait tout son possible pour promouvoir et autoriser les manifestations nationalistes pro-palestiniennes qui ont mobilisé des centaines de milliers de personnes. Les attaques incessantes des médias contre l’antisémitisme et la nature pro-Hamas de ces manifestations ont cherché à accroître les divisions au sein de la classe.
Au lieu d’avertir le prolétariat face au danger des défilés nationalistes, l’ACG les présente comme quelque chose de positif : « Les manifestations à travers le monde se poursuivent avec des centaines de milliers de personnes dans les rues chaque week-end dans les villes et les villages, grands et petits. Dans de nombreux endroits, les manifestations sont devenues plus furieuses, plus désespérées, alors que les forces armées israéliennes continuent d’assassiner en toute impunité ».
En lisant cet article, on se demande si l’ACG défend toujours ses propres objectifs et principes, qui incluent le rejet du nationalisme : « Nous rejetons toutes les formes de nationalisme, car elles ne servent qu’à redéfinir les divisions au sein de la classe ouvrière internationale. La classe ouvrière n’a pas de pays et les frontières nationales doivent être éliminées ».
Les travailleurs n’ont pas de pays mais l’ACG voit quelque chose de positif dans les manifestations contre le terrorisme d’État israélien et est donc en faveur d’une « Palestine libre ». Si l’ACG prenait au sérieux l’élimination des frontières nationales, elle s’opposerait de toutes ses forces à ce slogan.
Le CCI ne se réjouit pas de voir ses avertissements contre les concessions de l’ACG sur la « libération nationale », ainsi qu’au gauchisme, confirmés de manière aussi flagrante. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons cherché à dénoncer ces concessions et à avertir les camarades de l’ACG, tout comme ceux qui sont influencés par ce groupe, des dangers auxquels ils sont confrontés.
L’ACG est à la croisée des chemins. Soit il commence à résister à l’influence croissante du gauchisme sur lui, ce qui implique de s’attaquer à sa source sous-jacente : son rejet du marxisme et de son avant-garde contemporaine, la tradition de la gauche communiste. Autrement, il s’engouffrera de plus en plus dans la brèche du gauchisme.
Phil, avril 2024
1« Positions internationalistes contre la guerre [8] », Internationalisme n° 379 (2023).
2« L’Anarchist Communist Group et la guerre à Gaza : Les ambiguïtés de l’internationalisme anarchiste [9] », Révolution internationale n° 500 (2024)
3Voir en anglais « Jackdaw for revolutionary anarchism n°16 [10] », Anarchist Communist Group.
80 ans jour pour jour après le débarquement sur les plages normandes, l’État français célèbre en grande pompe cet événement et lui offre une place de choix au centre de toutes les attentions. Sur toutes les chaînes, dans tous les médias, on ne parle plus que de cela. « Sans ces héros, nous serions encore allemands », avons-nous pu entendre à longueur de journée. « Nous avons un rôle de transmission et de mémoire ». Et Macron de rajouter : « Soyons dignes de ceux qui débarquèrent ici »… avant d’enchaîner sur le soutien infaillible de la France à l’Ukraine : « Votre présence, Monsieur le président d’Ukraine, dit tout cela. Merci au peuple ukrainien, à sa bravoure, à son goût de la liberté. Nous sommes là et nous ne faiblirons pas. Quand guette l’anesthésie et l’amnésie, quand s’endorment les consciences, c’est cet élan intact qui nous entraîne, sans crainte. Voilà pourquoi nous sommes ici ». Tout est dit : voilà pourquoi autant de battage médiatique : célébrons la fin de la plus grande boucherie qu’ait connu l’humanité pour mieux embrigader derrière un autre conflit barbare et meurtrier !
C’est pourquoi nous remettons en avant une série d’articles publiée en 2006 qui dénonçait déjà la propagande mensongère de la bourgeoisie à propos de la Seconde Guerre mondiale et qui sont totalement d’actualité. Tous les chefs d’États présents aux commémorations du D-Day sont tous de l’espèce des grands vautours impérialistes qui alimentent le militarisme et le chaos dans le monde. Tous contribuent froidement à entretenir le conflit en Ukraine et à nourrir une vaste campagne idéologique belliciste face à Poutine, au nom de la « paix ». Cette commémoration n’est qu’une nouvelle propagande détestable destinée à marteler qu’il faudrait accepter les « sacrifices » et « mourir pour la patrie ».
Loin d’apporter la paix à l’humanité, la « victoire de la démocratie sur le fascisme » n’a été qu’un prélude, à la guerre permanente que se livrent toutes les nations, petites ou grandes, au quatre coins de la planète. Le véritable responsable de la Seconde Guerre mondiale, des horreurs du nazisme, des crimes des « alliés » et des guerres innombrables qui ont suivi depuis, c’est le capitalisme !
– Les commémorations de 1944 : 50 ans de mensonges impérialistes (1er partie) [15]
– Les commémorations de 1944 : 50 ans de mensonges impérialistes (2e partie) [16]
La coterie lepeniste n’avait pas encore consommé son triomphe aux élections européennes que le Président Macron annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation d’élections législatives dans la foulée. La rumeur d’une dissolution bruissait depuis plusieurs semaines, mais la nouvelle n’a pas manqué d’inquiéter les chancelleries européennes dans un contexte de montée du populisme en Europe et dans le monde. Après Orbán en Hongrie et Meloni en Italie, alors que l’extrême droite est au plus haut en Allemagne et que le clown Farage est en passe de torpiller le Parti conservateur au Royaume-Uni, Macron, tel un joueur de poker, a « balancé sa grenade dégoupillée », offrant au Rassemblement national (RN) l’occasion d’accéder au pouvoir en France.
Alors que se dessine l’hypothèse d’un gouvernement populiste, le RN s’est empressé de ranger au placard son discours « social » et ses positions les plus radicales sur l’Europe pour tenter de rassurer l’appareil d’État, le patronat et les « partenaires européens ». Pour mener des attaques contre nos conditions de vie, le gouvernement de Bardella ne faiblira pas !
Mais cela ne suffira pas à conjurer l’amateurisme crasse des cadres du RN, les outrances racistes et notoirement rétrogrades de ce parti fondé par la lie de l’extrême droite, tout comme le risque de flambées de violence une fois le résultat connu (1) et l’instabilité politique qui s’installera durablement sur le pays. Et ce d’autant plus que les fractions populistes de la bourgeoisie ont non seulement maintes fois prouvé leur incapacité à défendre efficacement le capital national (comme Trump aux États-Unis ou les partisans du Brexit en Grande-Bretagne), mais sont aussi particulièrement inadaptées pour conduire habilement les « réformes » contre la classe ouvrière. Pour la bourgeoisie, le RN au pouvoir représentera une accélération considérable du chaos social et une onde de choc affaiblissant la France, et par conséquent l’Europe, dans l’arène mondiale.
La poussée de populisme dans le monde n’est donc pas le produit de manœuvres bien orchestrées de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, (2) comme le répètent à l’envi les partis de gauche selon qui le « bloc bourgeois » préférerait se jeter dans les bras de l’extrême droite plutôt que dans les leurs. En réalité, aux États-Unis comme en Europe, le populisme est avant tout un pur produit de la profonde décomposition de la société capitaliste.
Les contradictions du système ont atteint un degré si inextricable que la bourgeoisie est désormais incapable de faire face à la crise et au chaos croissant : la précarité généralisée et le chômage de masse, la guerre sur tous les continents, les catastrophes environnementales ou industrielles à répétition, les millions de migrants jetés sur les routes, l’effondrement des systèmes de santé et de l’école, la dégradation continue des conditions de travail, le désespoir, la peur de l’avenir… La classe dominante n’a, aux yeux de tous, plus la moindre perspective à offrir à la société, si ce n’est tenter de « sauver les meubles » au jour le jour. C’est ce contexte de crise et de sauve-qui-peut qui a permis au populisme de prospérer, de promouvoir son idéologie nauséabonde et irrationnelle, de désigner des boucs émissaires à la vindicte, d’encourager le repli identitaire… (3)
Alors une question se pose : faut-il aller voter pour barrer la route au racisme éhonté du RN, à son autoritarisme franc du collier et aux promesses d’attaques tous azimuts contre la classe ouvrière, particulièrement les prolétaires issus de l’immigration ? Que Macron réussisse son pari, que le RN ou le « Nouveau Front populaire » (NFP) remportent les élections ou qu’aucune majorité ne s’impose, la crise du capitalisme ne disparaîtra pas. Quelle que soit la clique bourgeoise au pouvoir, de gauche ou de droite, radicale ou modérée, elle ne fera qu’accentuer les attaques contre nos conditions de vie. Le prolétariat n’a rien à défendre, ni à gagner en participant au cirque électoral ! (4)
Le NFP prétend porter un programme de « rupture », mais cette coalition fera comme a toujours fait la gauche depuis un siècle et dans tous les pays : défendre les intérêts du capital national, faire payer la crise aux exploités. La gauche, y compris quand elle se prétend « radicale », a toujours été le bras armé de la bourgeoisie contre la classe ouvrière. En Grèce, Tsípras et son gouvernement « de rupture » ont mené la pire des politiques d’austérité pendant plus de trois ans. La gauche « radicale » espagnole, main dans la main avec le PSOE, a attaqué sans relâche les conditions de vie des travailleurs, des chômeurs, des retraités… Mélenchon, l’ancien apparatchik du Parti socialiste, et sa clique de staliniens repentis ne dérogeront pas à la règle. D’ailleurs, le NFP a déjà promis d’apporter sa contribution au massacre en Ukraine en envoyant des milliards d’euros d’armes et de munitions. Comme Macron ou le Front populaire de Léon Blum, ils exigeront demain des « sacrifices » pour financer la guerre et les sordides intérêts impérialistes de la France !
Il n’y a également aucune illusion à se faire quant au sort des réfugiés avec la gauche au pouvoir : ils pourchasseront impitoyablement les migrants et les laisseront croupir dans des camps de rétention ou se noyer par milliers dans la Méditerranée, comme ils l’ont toujours fait ! Si la marine grecque est aujourd’hui à la pointe de l’ignominie, elle le doit notamment à l’œuvre du « radical » Tsípras (encore lui !) qui n’a pas hésité à signer des accords migratoires ignobles avec la Turquie et fut un artisan zélé de ce véritable « camp de la mort » qu’était celui de Mória. Faut-il encore documenter l’hystérie anti-réfugiés du Parti socialiste en France ou la xénophobie à peine voilée du PCF de Marchais ou de Roussel ? Faut-il rappeler l’abominable « politique migratoire » de la gauche en Espagne ? Le racisme et la xénophobie, les barbelés anti-migrants et les camps de rétention sont loin d’être l’apanage de la seule extrême droite !
Comme en Allemagne avec les récentes manifestations contre l’AfD, la gauche et les syndicats français ont tenté de rejouer les mobilisations démocratiques de 2002, lorsque le FN s’était hissé au second tour de l’élection présidentielle. Il n’y aurait pas d’autre choix que de se mobiliser, non pas en tant qu’ouvriers en lutte, mais dans les urnes, en tant que « citoyens », pour défendre la « démocratie » et barrer la route au « fascisme ». (5)
L’évocation, la larme à l’œil, du « Front populaire » de 1936 s’inscrit pleinement dans cette campagne de propagande. Car le Front populaire, aujourd’hui comme hier, c’est la négation-même du prolétariat. Après la défaite de la vague révolutionnaire débutée en Russie en 1917, le prolétariat est vaincu. En Allemagne, la révolution de 1918-1919 a été écrasée dans le sang. La contre-révolution stalinienne a fauché les révolutionnaires et totalement désorienté la classe ouvrière. C’est sur les cendres de la défaite que la bourgeoisie française pousse au pouvoir Léon Blum et sa coalition avec pour objectif de préparer la guerre. Et c’est au nom de la défense de la démocratie que le Front populaire (qui enfermait déjà les réfugiés espagnols dans des camps de concentration à ciel ouvert) a enchaîné des millions de prolétaires au drapeau de l’antifascisme, militarisant les usines et préparant les esprits au massacre. Son « œuvre » a conduit dans la tombe des millions d’ouvriers pendant la Seconde Guerre mondiale pour une cause, celle de la défense de la nation, qui n’était pas la leur. (6)
La situation historique a bien changé depuis : le prolétariat n’est pas vaincu et n’est pas prêt à se faire trouer la peau pour la défense du drapeau national. Bien au contraire ! Face aux « sacrifices » exigés par « l’économie de guerre » et la concurrence internationale, le prolétariat relève la tête. Depuis deux ans, les luttes massives se multiplient : Royaume-Uni, France, États-Unis, Allemagne, Canada, Finlande… Partout, le prolétariat se bat et commence à retrouver sa combativité, ses réflexes de solidarité, son identité.
Aujourd’hui, la menace que fait peser la propagande antifasciste sur le prolétariat n’est pas l’embrigadement massif dans la guerre, mais la perte de son identité de classe renaissante, condition de son unité et de sa réflexion pour retrouver le chemin de la révolution, de la destruction de l’État bourgeois qu’il soit « démocratique » ou « autoritaire ».
C’est pour cette raison que la bourgeoisie s’est empressée de jeter le discrédit sur « les ouvriers », prétendument réactionnaires et xénophobes, censés voter massivement pour le RN. (7) Cet odieux mensonge n’a pas d’autre objectif que de diviser le prolétariat et marteler l’idée que la classe ouvrière n’est porteuse d’aucun avenir.
Mais la bourgeoisie peut aussi compter sur son nouvel instrument de mystification, le Nouveau Front populaire, pour semer des illusions sur la « démocratie » et les élections, sur la « répartition des richesses », sur un capitalisme plus « écologique », plus « inclusif », plus « juste »… Sous les fenêtres des bureaux où se réunissaient les caciques du NFP pour se partager les circonscriptions, des manifestants, tout de même un peu méfiants vis-à-vis de ces belles promesses, scandaient : « Ne nous trahissez pas ! ». La seule chose que ce Front prétendument populaire ne trahira pas, c’est sa classe : la bourgeoisie !
L’avenir de la société ne se jouera pas dans les urnes mais par la lutte du prolétariat. Le seul moyen de combattre le populisme et l’extrême droite, c’est de lutter contre le capitalisme, contre l’État bourgeois et sa démocratie, contre tous les gouvernements. De droite ou de gauche, « autoritaire » ou « démocratique », « rétrograde » ou « humaniste », la bourgeoisie n’a qu’un seul programme : toujours plus de misère et de précarité, de guerre et de barbarie !
EG, 21 juin 2024
1 Les services de renseignement craignent non seulement des émeutes dans les banlieues et des débordements dans les manifestations « antifascistes », mais aussi les violences racistes de groupuscules d’ultradroite qui pourraient se sentir les ailes pousser avec l’arrivée de Bardella au pouvoir.
2 Même si les partis de droite comme de gauche ont pu, un temps, instrumentaliser l’ex-Front national. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que c’est le Parti socialiste, membre du « Nouveau Front populaire », qui a contribué à l’émergence du Front national dans les années 1980. À l’époque, le président Mitterrand avait orchestré la médiatisation du parti de Jean-Marie Le Pen pour mettre des bâtons dans les roues de la droite. (cf. « Au RN, un autre anniversaire : celui du coup de pouce de Mitterrand [18] », Libération (5 octobre 2022).
3 Sur les racines de la montée en puissance du populisme, voir : « Rapport sur la vie politique de la bourgeoisie : Comment la bourgeoisie s’organise [19] », Revue internationale n° 172 (décembre 2023).
4 Cf. notre brochure : Les élections, un piège pour la classe ouvrière [20].
5 La montée du populisme n’est pas celle du fascisme : Hitler et Mussolini ont conquis le pouvoir parce qu’ils représentaient, face à un prolétariat vaincu et écrasé, l’option la mieux adaptée aux capitaux allemand et italien pour préparer la guerre mondiale, seule « solution » de la bourgeoisie à la crise. Aujourd’hui, même si les illusions sur l’État démocratique ont pris du plomb dans l’aile, la bourgeoisie a toujours besoin de cette mystification pour affronter la classe ouvrière.
6 Cf. notre brochure : Fascisme et démocratie, deux expressions de la dictature du capital [21]. Là aussi, il n’est pas inutile de rappeler que : 1. c’est la démocratie qui a fait le lit du fascisme ; 2. si le régime hitlérien a fait la démonstration d’une barbarie effroyable et inégalée, les Alliés n’étaient pas en reste et ont fait preuve, pendant la guerre, d’une indifférence à l’égard du sort des Juifs qui s’est parfois muée en complicité pure et simple.
7 Sans surprise, les savantes analyses de la bourgeoisie sont un grossier mensonge. D’abord, la classe ouvrière ne se réduit pas à la catégorie socio-professionnelle des travailleurs industriels : contrairement à un « employé » de commerce ou une sage-femme (« profession intermédiaire »), un « chef d’équipe » sur une ligne de production ne fait pas partie de la classe ouvrière. Par ailleurs, même en ne tenant compte que de la catégorie des « ouvriers », c’est l’abstention qui arrive largement en tête !
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[19] https://fr.internationalism.org/content/11369/comment-bourgeoisie-sorganise
[20] https://fr.internationalism.org/files/fr/brochure_elections.pdf
[21] https://fr.internationalism.org/content/fascisme-democratie-deux-expressions-dictature-du-capital
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