Des villes entièrement dévastées, des hôpitaux en plein naufrage, une foule de civils errant sous les bombes, sans eau, sans nourriture ni électricité, des familles pleurant partout leurs morts, des gosses hagards à la recherche de leur maman, d’autres impitoyablement déchiquetés, des innocents exécutés de sang-froid sous les yeux de leur famille… Ce terrifiant paysage d’apocalypse n’est pas celui de Varsovie ou d’Hiroshima après six ans de guerre mondiale, ni celui de Sarajevo après quatre ans de siège. Ce paysage, c’est celui du « capitalisme du XXIe siècle », celui des rues de Gaza, de Rafah et de Khan Yunis après seulement trois mois de conflit.
Trois mois ! Il n’aura fallu que quelques semaines pour raser Gaza, emporter des dizaines de milliers de vies et jeter des millions d’autres sur des routes qui ne mènent nulle part ! Et pas par n’importe qui ! Par « la seule démocratie du Proche et du Moyen-Orient », par l’État d’Israël, allié des grandes « démocraties » occidentales, qui se prétend le dépositaire unique de la mémoire de l’Holocauste.
Depuis des décennies, les révolutionnaires s’époumonent : « le capitalisme enfonce peu à peu l’humanité dans la barbarie et le chaos ! » Nous y voilà… Bas les masques ! Le capitalisme montre son vrai visage et l’avenir qu’il réserve à toute l’humanité !
Ce qui se passe aujourd’hui au Proche-Orient n’est pas qu’un nouvel épisode dans la longue série des poussées de violence qui émaillent tragiquement le conflit israélo-palestinien depuis des décennies. Le conflit actuel n’a même rien à voir avec la vieille « logique » de confrontation entre l’URSS et les États-Unis. Comme l’Ukraine avant elle, cette guerre est une étape supplémentaire dans la dynamique du capitalisme mondial vers le chaos, la prolifération de convulsions incontrôlables et la généralisation de conflits toujours plus nombreux.
Le niveau de barbarie, à l’échelle de Gaza, est peut-être pire encore que l’extraordinaire violence du conflit ukrainien. Toutes les guerres de la décadence ont entraîné des massacres de masse et des destructions gigantesques. Mais même les plus grands meurtriers du XXe siècle, les Hitler, les Staline, les Churchill, les Eisenhower, ne s’étaient engagés dans les pires horreurs qu’après plusieurs années de guerre, multipliant les « justifications » pour transformer des villes entières en tas de cendre. Or, il est frappant de constater à quel point les rues de Gaza ressemblent déjà à s’y méprendre aux paysages en ruines de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les mêmes paysages de destruction qu’après quelques semaines de conflit en Ukraine. Toute cette clique de barbares est ainsi emportée par la logique de terre brûlée qui prédomine désormais les conflits impérialistes.
Quel avantage stratégique pouvait bien tirer le Hamas en envoyant un millier d’assassins massacrer des civils, si ce n’est mettre le feu aux poudres et s’exposer à sa propre destruction ? Qu’espèrent donc l’Iran ou Israël, si ce n’est semer le chaos chez leurs rivaux, un chaos qui reviendra nécessairement les frapper comme un boomerang ? Aucun État n’a rien à gagner dans ce conflit sans issue. La société israélienne pourrait sortir profondément déstabilisée par la guerre, menacée pour des décennies par une génération de Palestiniens ivres de vengeance. Quant à l’Iran, si ce pays est celui qui tire le plus avantage de la situation, c’est, pour elle, une victoire à la Pyrrhus ! Car si les États-Unis ne parviennent pas à restreindre le déchaînement aveugle de la barbarie militaire, l’Iran s’expose à des représailles très dures contre ses positions au Liban et en Syrie, voire à des attaques destructrices sur son territoire. Et tout cela au risque de déstabiliser des régions toujours plus étendues de la planète, avec des pénuries, des famines, des millions de déplacés, des risques accrus d’attentats, de confrontations communautaires…
Même si les États-Unis tentent d’empêcher que la situation n’échappe à tout contrôle, le risque d’un embrasement généralisé du Moyen-Orient n’est clairement pas négligeable. Car, loin de la discipline de bloc qui avait prévalu jusqu’à l’effondrement de l’URSS, tous les acteurs locaux sont prêts à appuyer sur la gâchette.
La première chose qui saute aux yeux est qu’Israël a agi en cavalier seul, suscitant la colère et des critiques ouvertes de l’administration Biden. Netanyahou a, en effet, profité de l’affaiblissement du leadership américain pour tenter d’écraser la bourgeoisie palestinienne et détruire les alliés de l’Iran, s’opposant ainsi à la « solution à deux États » promue par les États-Unis. L’indiscipline d’Israël, davantage préoccupé par ses propres intérêts immédiats, est un énorme coup porté aux efforts de Washington pour empêcher la déstabilisation de la région.
Après trois mois d’atrocités, il est de plus en plus évident que la guerre entre Israël et le Hamas aura des conséquences mondiales dramatiques : sur le plan économique avec la quasi-fermeture du détroit Bab-el-Mandeb, nœud commercial mondial pilonné par les milices houthistes, ou sur le plan humanitaire avec plusieurs millions de personnes qui se retrouvent désormais sur les routes de l’exil.
Surtout, les récentes échauffourées entre Israël et le Hezbollah, comme les bombardements américains au Yémen, font déjà craindre le pire avec le risque accru de voir s’ouvrir un nouveau front face à l’Iran et ses alliés. Une telle extension du conflit représenterait un pas supplémentaire dans la perte de contrôle de Washington sur la situation mondiale : contraint de soutenir son allié israélien, ce serait un énorme coup porté à sa politique d’endiguement de la Chine et de soutien à l’Ukraine, avec tous les risques d’embrasement que cela fait peser sur ces régions.
La guerre à Gaza comme celle en Ukraine montrent que la bourgeoisie n’a pas de solution à la guerre. Elle est devenue totalement impuissante à contrôler la spirale de chaos et de barbarie dans laquelle le capitalisme entraîne toute l’humanité.
Le prolétariat à Gaza est aujourd’hui écrasé. Celui en Israël, sidéré par l’attaque du Hamas, s’est laissé embarquer par la propagande nationaliste et guerrière. Dans les principaux bastions du prolétariat, particulièrement en Europe, si la classe ouvrière n’est pas prête à se sacrifier directement dans les tranchées, elle est encore incapable de se dresser directement contre la guerre impérialiste, sur le terrain de l’internationalisme prolétarien.
Alors, tout est perdu ?… Non ! La bourgeoisie a exigé des sacrifices énormes pour alimenter la machine de guerre en Ukraine. Face à la crise et en dépit de la propagande, le prolétariat s’est dressé contre les conséquences économiques de ce conflit, contre l’inflation et l’austérité. Certes, la classe ouvrière a encore des difficultés pour faire le lien entre le militarisme et la crise économique, mais elle a bel et bien refusé les sacrifices : au Royaume-Uni avec une année de mobilisations, en France contre la réforme des retraites, aux États-Unis contre l’inflation et la précarité…
Alors que le conflit ukrainien s’enlise, que la guerre israélo-palestinienne fait rage, que la bourgeoisie redouble d’efforts pour bourrer le crâne des exploités avec son ignoble propagande nationaliste, la classe ouvrière est toujours en lutte ! Récemment, le Canada a connu un mouvement de lutte historique. Des luttes inédites, avec des expressions de solidarité, ont lieu dans les pays scandinaves. La classe ouvrière n’est pas morte !
À travers ses luttes, le prolétariat se confronte aussi à ce qu’est la solidarité de classe. Or, face à la guerre, la solidarité des ouvriers ne va ni aux Palestiniens, ni aux Israéliens. Elle va aux ouvriers de Palestine et d’Israël, comme elle va aux ouvriers du monde entier. La solidarité avec les victimes des massacres, ce n’est certainement pas entretenir les mystifications nationalistes qui ont conduit des ouvriers à se placer derrière un fusil et une clique bourgeoise. La solidarité ouvrière passe avant tout par le développement du combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres.
La lutte révolutionnaire ne peut surgir d’un claquement de doigts. Elle ne peut, aujourd’hui, que passer par le développement des luttes ouvrières, contre les attaques économiques de plus en plus dures que lui assène la bourgeoisie. Les luttes d’aujourd’hui préparent la révolution de demain !
EG, 8 janvier 2024
Face au déchaînement de barbarie à Gaza, les belligérants et leurs supporters de par le monde se rejettent la responsabilité des crimes.
Pour les uns, Israël mènerait une « sale guerre » (comme s’il en existait des propres…) que même l’ONU et son très circonspect secrétaire général ont dû dénoncer, allant jusqu’à parler de « grave risque de génocide ». Une partie de la gauche du capital n’hésite même pas à soutenir les ignobles exactions du Hamas repeintes en « acte de résistance » face au « colonialisme israélien », prétendu unique responsable du conflit.
De son côté, le gouvernement israélien justifie le carnage à Gaza en affirmant venger les victimes du 7 octobre et empêcher les terroristes du Hamas d’attenter à nouveau à la « sécurité de l’État hébreu ». Tant pis pour les milliers de victimes innocentes ! Tant pis pour les « boucliers humains » de 6 ans ! Tant pis pour les hôpitaux, les écoles et les habitations en ruine ! La sécurité d’Israël vaut bien un massacre !
Partout, on entend les sirènes du nationalisme défendre un État prétendument victime de l’autre. Mais quel esprit délitant peut bien s’imaginer que la bourgeoisie gazaouie, cette bande de fous furieux assoiffés de fric et de sang, vaut mieux que la clique d’illuminés et de corrompus de Netanyahou ?
« Nous ne défendons pas le Hamas, nous défendons le droit du “peuple palestinien” à disposer de lui-même », entonnent en cœur toute la coterie gauchiste à la tête des manifestations pro-palestiniennes, espérant sans doute, par cette pirouette de demi-habiles, faire oublier que « le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même » n’est qu’une formule destinée à dissimuler la défense de ce qu’il faut bien appeler l’État de Gaza ! Les intérêts des prolétaires en Palestine, en Israël ou dans n’importe quel autre pays du monde ne se confondent en rien avec ceux de leur bourgeoisie et leur État. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler comment le Hamas a réprimé dans le sang les manifestations de 2019 contre la misère. La « patrie palestinienne » ne sera jamais qu’un État bourgeois au service des exploiteurs ! Une bande de Gaza « libérée » ne signifierait rien d’autre que consolider l’odieux régime du Hamas ou de toute autre faction de la bourgeoisie gazaouie.
« Mais la lutte d’un pays colonisé pour sa libération porte atteinte à l’impérialisme des États colonisateurs », contre-attaquent, sans rire, une partie des trotskistes et ce qui reste de staliniens. Quel grossier mensonge ! L’attaque du Hamas s’inscrit dans une logique impérialiste qui dépasse largement ses seuls intérêts. L’Iran a contribué à mettre le feu aux poudres en armant le Hamas. Elle tente de répandre le chaos chez ses rivaux, en particulier Israël, en multipliant les provocations et les incidents dans la région : le Hezbollah au Liban, les rebelles houthistes au Yémen, les milices chiites en Syrie et en Irak… « toutes les parties de la région ont les mains sur la gâchette », comme l’affirmait, fin octobre, le ministre des Affaires étrangères iranien. Aussi faible soit-il face à la puissance de Tsahal, le Hamas, comme toute bourgeoisie nationale depuis l’entrée du capitalisme dans sa période de décadence, ne peut nullement, comme par magie, se soustraire aux rapports impérialistes qui régissent toutes les relations internationales. Soutenir l’État palestinien, c’est se ranger derrière les intérêts impérialistes de Khamenei, de Nasrallah et même de Poutine qui se frotte bien les mains.
Mais voilà qu’entrent en scène les inénarrables pacifistes pour parachever le carcan nationaliste dans lequel la bourgeoisie cherche à enfermer la classe ouvrière : « Nous ne soutenons aucun camp ! Nous réclamons un cessez-le-feu immédiat ! » Les plus naïfs s’imaginent sans doute que l’enfoncement accéléré du capitalisme dans la barbarie vient du manque de « bonne volonté » des assassins à la tête des États, voire d’une « démocratie défaillante ». Les plus malins savent parfaitement quels sordides intérêts ils défendent. Il en est ainsi, par exemple, du Président Biden : fournisseur de missiles à sous-munitions en Ukraine, horrifié par les « bombardements aveugles » à Gaza. Il faut dire qu’Israël a pris de court l’Oncle Sam, ouvrant sans concertation un nouveau front potentiellement explosif dont les États-Unis se seraient bien passés. Car si Biden a haussé le ton face à Netanyahou, ce n’est pas pour « préserver la paix dans le monde », c’est pour mieux concentrer ses efforts et ses forces militaires en direction de son rival chinois dans le Pacifique, comme face à l’encombrant allié russe de Pékin en Ukraine. Il n’y a donc rien à espérer de la « paix » sous la férule du capitalisme, pas plus qu’après la victoire de tel ou tel camp. La bourgeoisie n’a pas de solution à la guerre !
EG, 16 décembre 2023
La Scandinavie est témoin d’une vague de grèves d’une ampleur jamais vue depuis la fin des années 1970. Fin octobre, le constructeur automobile américain Tesla (l’entreprise de voitures électriques d’Elon Musk) a refusé de signer des conventions collectives avec le syndicat suédois IF Metall, garantissant un salaire minimum. Une grève a été déclarée dans les dix ateliers de réparation de l’entreprise. Elle a été suivie par des manifestations de solidarité de la part des postiers, qui ont bloqué tout le courrier à destination des ateliers de Tesla, des dockers de quatre ports suédois, qui se sont joints à la grève le 6 novembre et des électriciens qui ont refusé d’effectuer des travaux de maintenance sur les bornes de recharge électrique. Début novembre, face au risque de grève pour des augmentations de salaires à la banque Karna, les syndicats et les patrons ont rapidement conclu un accord.
Le conflit avec Tesla a aussi rapidement pris une dimension internationale, avec d’autres actions de solidarité dans les ports près des ateliers de réparation de l’entreprise au Danemark et en Norvège, ainsi que dans les usines Tesla en Allemagne.
Il y avait déjà eu des signes annonciateurs de cette irruption de combativité ouvrière. En avril 2023, une grève sauvage a éclaté parmi les travailleurs des transports publics de Stockholm, qui a duré quatre jours. Il s’agit de la première grève sauvage depuis des décennies en Suède. Les travailleurs ont fait grève contre la détérioration des conditions de travail et bien que la grève se soit limitée à une partie des transports publics, aux conducteurs de train, des assemblées ont été ouvertes aux autres travailleurs. Les travailleurs ont également été soutenus par des collectes de fonds et des soutiens sur les réseaux sociaux. Contrairement à la grève actuelle de Tesla, cette grève n’a pas été médiatisée, sauf pour dénoncer le « désordre » créé.
À l’exception de la grève sauvage des transports en avril, toutes ces grèves depuis octobre ont été étroitement contrôlées par les syndicats. Mais cela ne change rien au fait que ce mouvement ne peut être compris que comme faisant partie d’une reprise mondiale de la lutte des classes en réaction à la grave crise économique du capitalisme, et surtout aux pressions inflationnistes derrière la « crise du coût de la vie ». Cette situation touche désormais aussi les travailleurs des pays scandinaves, réputés pour leur « qualité de vie » et leurs « généreux » services sociaux. Les syndicats scandinaves ont été alertés à de nombreuses reprises face à la recrudescence des luttes dans d’autres pays (Grande-Bretagne, France, États-Unis et maintenant Canada), et leurs mobilisations et « actions de solidarité » font partie d’une politique visant à faire dérailler une véritable maturation des consciences dans la classe ouvrière. Ce qui préoccupe les patrons comme les syndicats, c’est le retour d’un véritable sentiment de solidarité au sein et entre les secteurs de la classe, même au-delà des frontières nationales, et donc le début d’un rétablissement de l’identité de classe, la prise de conscience que les travailleurs de tous les secteurs et de tous les pays font partie d’une même classe exploitée par le capital et confrontée à des attaques similaires contre ses conditions d’existence.
Tout aussi significatif est le fait que des luttes éclatent même en Suède, pays sur le point d’adhérer à l’OTAN, qui contribue de manière substantielle à l’armement de l’Ukraine, où la propagande autour de la guerre avec la Russie est pratiquement incessante. En janvier, deux hauts responsables de la défense ont averti que les Suédois devaient se préparer à l’éventualité d’une guerre : « Le ministre de la Défense civile Carl-Oskar Bohlin a déclaré lors d’une conférence sur la défense qu’il pourrait y avoir une guerre en Suède. Son message a ensuite été soutenu par le commandant en chef militaire, le général Micael Byden, qui a déclaré que tous les Suédois devraient se préparer mentalement à cette éventualité ».
Pourtant, malgré les tentatives de la bourgeoisie d’attiser la fièvre guerrière, les travailleurs ont donné la priorité à leurs conditions de vie. Cela ne signifie pas que les travailleurs réagissent directement à la menace de guerre, mais la volonté de lutter sur leur propre terrain contre l’impact de la crise économique est la base d’un futur développement de la conscience sur le lien qui existe entre la crise économique et la guerre. Et donc la nécessité de se confronter au capitalisme, un système global de pillage et de destruction.
Il n’en reste pas moins que ces avancées de la conscience de classe sont très fragiles et, comme toujours, les syndicats sont là pour les entraver et les dénaturer. Le principal slogan des syndicats a été celui de la « défense du modèle suédois » et ses accords collectifs entre syndicats et patrons.
Depuis plus de cinq ans, IF Metall réclame des conventions collectives pour les travailleurs des ateliers Tesla présents en Suède. Tesla a catégoriquement refusé, ce qui n’a laissé à IF Metall d’autre choix que d’appeler à la grève, le 27 octobre. Le conflit a été dès le départ hautement coordonné par les syndicats suédois. Le 7 novembre, le Syndicat des travailleurs des transports et le Syndicat des travailleurs portuaires se sont joints au conflit et ont bloqué tous les ports de Suède où les voitures Tesla sont chargées et déchargées. Au cours du mois de novembre, plusieurs syndicats officiels ont annoncé des actions de solidarité, notamment le Syndicat des électriciens, celui des peintres, l’Association des employés du gouvernement. Des clients importants de Tesla, comme Stockholm Taxi, ont annoncé qu’ils n’achèteraient plus leurs voitures à moins que Tesla ne signe une convention collective, vu que « le modèle suédois de conventions collectives est un principe important qui doit être défendu ».
Les nouvelles de ce blocus étaient publiées quotidiennement dans les médias suédois, ainsi que des mises à jour continues du conflit. Tandis que la grève se poursuivait, l’intérêt médiatique ne se limitait pas à la Suède, puisque des publications bourgeoises prestigieuses comme The Economist, Financial Times et The Guardian la suivaient de près, ainsi que des représentants de l’UE, qui défendaient le « modèle suédois » de « l’Europe sociale » contre la « politique antisyndicale américaine ». Tout au long des événements, l’accent mis sur la personnalité d’Elon Musk en tant que milliardaire exceptionnellement impitoyable a été utilisé pour détourner l’attention de la réalité : tous les capitalistes doivent intensifier leurs attaques contre les salaires et les conditions de travail des travailleurs. Mieux encore, le fait que cette attaque particulière soit menée par une entreprise américaine permettait d’attiser le sentiment nationaliste.
L’autre face de l’idéologie de la « convention collective » est la promotion des divisions entre travailleurs syndiqués et non syndiqués. Lors de la grève de Tesla, les travailleurs non syndiqués ont continué à travailler, ce qui a conduit IF Metall à établir des piquets de grève devant les ateliers, accusant ces travailleurs non syndiqués d’être des « jaunes ».
Aujourd’hui, la grève se poursuit, sans aucune perspective d’issue, puisqu’Elon Musk et Tesla refusent de négocier. Certains travailleurs syndiqués ont repris le travail, risquant d’être exclus d’IF Metall, et sont également qualifiés de « jaunes » dans la presse de gauche. Depuis le début du mois de décembre, aucune nouvelle n’est parue concernant la grève. Présentée à l’origine comme une lutte entre David et Goliath, l’intérêt médiatique semble s’être évanoui.
Aujourd’hui, les dirigeants d’IF Metall n’ont pas l’intention d’appeler à la solidarité les autres travailleurs du même secteur. Les travailleurs de Tesla sont enfermés dans une dynamique de défaite, dont témoignent les campagnes actuelles contre les « jaunes ».
Face aux sacrifices qui leur seront de plus en plus demandés au nom de l’économie nationale et de la défense du pays, les travailleurs doivent défendre leurs propres revendications, se rassembler et prendre des décisions dans des assemblées générales souveraines, hors du contrôle syndical, étendre leurs luttes à d’autres entreprises et secteurs, syndiqués ou non, et ne pas se laisser piéger par l’idéologie du prétendu modèle suédois.
Eriksson et Amos, 10 janvier 2024
L’expression « le modèle scandinave » a souvent été utilisée pour décrire l’État-providence suédois. Mais à l’origine, elle signifiait une réglementation très stricte des conflits sur le marché du travail.
Dans les années 1930, les grèves étaient monnaie courante en Suède et le gouvernement social-démocrate, arrivé au pouvoir en 1932, ne voulait pas intervenir, se tournant vers LO (l’appareil syndical central suédois, comme le TUC en Grande-Bretagne) pour y mettre un terme. En 1938, LO a signé un accord historique avec la fédération patronale, la SAF, dans lequel il était stipulé que des négociations centrales devaient avoir lieu, syndicat par syndicat, aucun syndicat particulier ne devant en profiter afin de respecter une limite salariale maximale. De cette manière, l’État était assuré d’une économie stable sans avoir besoin d’intervenir pour maintenir les salaires à un faible niveau (très pratique pour l’appareil d’État social-démocrate). Dans cet accord, il était stipulé qu’aucune action revendicative n’était autorisée pendant la période d’accord.
En fait, il s’agissait d’une interdiction des grèves qui était effectivement en vigueur jusqu’à ce que les grèves sauvages commencent à apparaître à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Le modèle scandinave signifie en réalité « la paix sur le marché du travail » et l’interdiction des grèves, ce que les syndicats et la bourgeoisie en général soutient !
Avoir une convention collective sur un lieu de travail signifie que les travailleurs se voient garantir des horaires de travail limités, des congés et le paiement des heures supplémentaires ainsi que des assurances et des allocations chômage (réglementées en Suède par les syndicats). Elles font donc partie du système général de protection sociale.
L’absence de convention collective signifie que dans le cas de Tesla, à l’exception des avantages sociaux et des assurances générales, l’entreprise décide de votre salaire via son propre système de primes et vous devez signer un contrat de confidentialité avant de commencer à travailler (un travailleur a été licencié parce que sa femme avait posté sur X/Twitter un message sur les conditions de travail de l’entreprise).
Bien sûr, ces conditions sont épouvantables, mais c’est une profonde illusion de penser que la légalité des syndicats et les « conventions collectives » peuvent réellement protéger les travailleurs des assauts d’une classe capitaliste poussée au pied du mur par une crise économique mondiale croissante du fait du poids de l’économie de guerre.
De plus, les syndicats comme composante de l’appareil étatique signifie qu’ils sont eux-mêmes agents de ces assauts. IF Metall, le syndicat le plus fort et le plus influent de Suède, est depuis longtemps un rouage de l’appareil d’État social-démocrate. Stefan Löfvén, l’ancien Premier ministre suédois, a montré ses capacités de leadership en tant que président d’IF Metall lorsqu’il a réussi à réduire les revendications salariales de l’accord central juste après la crise financière de 2008, déclarant que les travailleurs doivent être « responsables » face de la crise.
« Cela suffit ! » « Trop, c’est trop ! » Le même sentiment de révolte, de colère et de ras-le-bol traverse les rangs des prolétaires de la Grande-Bretagne aux États-Unis en passant par la France et les pays scandinaves. Les attaques contre nos conditions de vie et de travail, l’attitude brutale, arrogante et cynique tant des gouvernements que des patrons privés n’ont fait que renforcer la combativité et la détermination à lutter. Ce sentiment domine aussi au Québec alors que la grève a mobilisé massivement les 565 000 fonctionnaires du secteur public de la province fédérale (soit 15 % de sa population active) face à la hausse des prix et à la dégradation générale des conditions d’exploitation. Une partie de plus en plus importante des prolétaires dans les pays les plus puissants du capitalisme se trouve ainsi, comme aux États-Unis par exemple, précipitée dans une paupérisation absolue.
Les grèves qui se sont déroulées dans le secteur public pendant plus d’un mois au Canada constituent une pleine confirmation de la reprise internationale des luttes de la classe ouvrière. Ces grèves ont pris une ampleur qui ne s’était pas manifestée depuis plus de cinquante ans quand, le 11 avril 1972, une grève avec occupation d’usines et de mines avait paralysé le territoire du Québec.
Cela constitue aussi un prolongement de la vague de luttes aux États-Unis, notamment dans le secteur automobile où le syndicat UAW a finalement signé successivement avec Ford, Stellantis et GM, entre le 25 et le 30 octobre, un accord présenté comme une « victoire » et qui a mis fin à plus d’un mois de conflit social.
À un niveau plus large, elles confirment la rupture avec trente ans de recul et de désorientation que nous mettions en avant dans le « Rapport et la résolution du 25e congrès du CCI » dans lequel nous soulignions que la reprise de la combativité ouvrière dans un certain nombre de pays qui constituent les centres économiques vitaux du capitalisme, était un événement historique majeur.
Un souffle très puissant de rage, de détermination et d’indignation s’est manifesté pendant plus d’un mois dans la vague de grèves qui a mobilisé massivement le secteur public au Québec, démontrant la très forte combativité des prolétaires face à l’attitude provocatrice et arrogante du gouvernement fédéral. Les attaques ont pris pour cible aussi bien les enseignants que le personnel du secteur de la Santé, et visent à durcir et précariser davantage encore leurs conditions de travail devenues de plus en plus intolérables. Le nombre d’enseignants qui ont démissionné a doublé en quatre ans (plus de 4 000 !), alors que la pénurie de profs est criante dans les écoles publiques québécoises où les classes ont été fermées depuis un mois pour un million d’élèves. Cette mobilisation massive a touché tous les niveaux du corps enseignant (primaire, secondaire, supérieur) mais aussi les transports scolaires, les crèches et garderies, de même que le personnel administratif.
La même explosion de ras-le-bol s’exprime dans les rangs des services de santé comme dans les services sociaux avec la menace d’une « vaste réforme du système de santé ». La bourgeoisie se prépare, là aussi, à accroître drastiquement la détérioration des conditions de vie et de travail. Le gouvernement fédéral promet d’aller encore plus loin avec des centres de gestion de la santé encore plus autonomes et concurrentiels, misant sur une mobilité et une flexibilité accrue du personnel, les déplacements volontaires en fonction des besoins des services, impliquant une pénurie encore plus forte de postes et une surcharge accrue de tâches individuelles déjà épuisantes, des heures de travail supplémentaires non rémunérées. Une technicienne de labo déclarait par exemple : « On travaille déjà comme des chiens les fins de semaine, les jours fériés et les nuits. Et on nous dit : ça ne suffit pas ».
Dans ce contexte, le gouvernement a affiché son intransigeance et son mépris avec le plus grand cynisme et ne propose des hausses salariales négociables qu’en « échange » et au prix d’une « flexibilité » plus forte et étendue, misant délibérément sur un pourrissement de la grève. Cela, tant à travers les déclarations de « fermeté » du Premier ministre Legault que de la Présidente du Conseil chargée des Finances publiques, Sonia Le Bel.
Mais la colère et la mobilisation massive sont déjà ainsi parvenues à provoquer une rupture avec la tendance au repli individuel comme avec le climat de profonde démoralisation qui pesait auparavant.
Ce bras-de-fer a suscité et stimulé en même temps une vague d’entraide et de solidarité. Par exemple, pour les enseignants, un groupe d’entraide, notamment pour fournir de la nourriture ou des vêtements en soutien aux grévistes non payés a été créé sur les réseaux sociaux et sur les piquets de grève. Le mouvement, y compris dans le privé, bénéficie encore de la sympathie ou du soutien de 70 % de la population. Le nombre, la fréquence, la massivité des mobilisations ont démontré la grande détermination des grévistes et la combativité du mouvement.
Déjà, les syndicats avaient consciemment pris les devants pour canaliser la colère et encadrer le mouvement en orchestrant la mobilisation en ordre dispersé pour mieux le diviser. On a ainsi pu voir la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) appeler ses 66 000 adhérents à se lancer dans une grève illimitée à partir du 13 novembre alors que les quatre principales confédérations syndicales qui composent le « Front commun » du secteur public, représentant 420 000 salariés, ont seulement appelé à la grève de manière sporadique, du 21 au 23 novembre puis du 8 au 14 décembre. De son côté, la Fédération interprofessionnelle de la santé a appelé ses 80 000 membres à cesser le travail les 6, 8, 9, 23 et 24 novembre, puis du 11 au 14 décembre. Les uns et les autres avaient d’ailleurs promis de se lancer dans une grève plus dure si les négociations avec le gouvernement n’aboutissaient pas, tout en gagnant du temps et en repoussant cette éventualité… après les fêtes de fin d’année !
Le gouvernement a également sorti de sa manche un atout qu’il n’a pas manqué d’exploiter à fond dans sa manœuvre pour tenter de désamorcer la combativité et instaurer un climat de division et de concurrence : il a entrepris de négocier à la fois par secteur d’activité et de façon séparée avec telle ou telle centrale syndicale et a pu pleinement s’appuyer sur le travail de sape, de division et d’encadrement des luttes par les différents syndicats.
Ainsi, dès le 20 décembre, dans l’enseignement, une partie du « Front commun » a commencé à se fissurer, la FSE-FSQ a manifesté sa volonté de conclure un accord séparé avec le gouvernement et le Conseil du Trésor. Tandis que, parallèlement, la fraction la plus « radicale » des grévistes derrière la FAE en grève illimitée multipliait les « actions commandos » minoritaires comme le blocage de l’accès aux ports de Montréal et de Québec avant de conclure finalement un accord de son côté mettant ainsi fin à la grève des enseignants le 28 décembre.
Ainsi, les syndicats et l’État de Québec sont parvenus à trouver une porte de sortie à travers certaines mesures spécifiques de revalorisation au cas par cas sur les salaires et les retraites comme sur une limitation de la surcharge des effectifs par classe. En revanche, aucun accord n’a apparemment encore été trouvé dans le secteur des infirmiers, ce qui semble montrer une tentative de division en poussant un secteur particulièrement combatif à continuer la grève de façon isolée.
Cela n’exclut toutefois pas que de nouvelles grèves pourraient prochainement éclater dans d’autres secteurs tant le mécontentement est profond.
Malgré ses limites et l’avertissement qu’elle contient déjà sur les dangers mortels pour le développement des luttes futures de se laisser enfermer dans les manœuvres de la bourgeoisie et les pièges de l’encadrement syndical, la grève du secteur public au Québec est avant tout révélatrice de la reprise internationale de la combativité et de la détermination ouvrières, dans un contexte global de fermentation des luttes et de maturation de la conscience ouvrière. Elle réaffirme avant tout la pleine capacité du prolétariat à développer ses combats de classe sous les coups de boutoirs de la crise mondiale et des attaques tous azimuts de la bourgeoisie et de tous ses gouvernements, qu’ils soient de gauche comme de droite. Ces luttes sont une étape majeure indispensable pour le prolétariat sur le chemin qui le conduit vers la réappropriation de son identité et de sa conscience de classe.
Face à toute la propagande et au tombereau de mensonges sur la prétendue faillite ou mort du communisme déversés depuis 1989, elles démontrent que le prolétariat demeure et constitue plus que jamais la seule classe porteuse d’une perspective révolutionnaire de renversement du capitalisme et d’un avenir pour l’humanité, à l’opposé de l’enfoncement inexorable de la société capitaliste dans un océan de misère, de chaos, de guerre généralisée et de barbarie.
GD, 4 janvier 2024
Le gouvernement israélien a proclamé que le but de sa campagne dévastatrice contre Gaza est la destruction du Hamas et ne vise pas les civils, mais les infrastructures et centres de commandement du Hamas. Cependant, tuer « collatéralement » des milliers de civils au point d’atteindre un massacre de masse, des femmes et des enfants en grand nombre, est certainement le moyen le plus sûr de recruter de plus en plus de convertis à la soi-disant « résistance palestinienne », même si elle doit changer de nom, animés par une soif de vengeance toujours plus grande.
Un porte-parole du gouvernement israélien, Avi Dichter a apporté le meilleur éclairage sur les buts réels de l’assaut israélien : « Nous menons maintenant la Nakba [exode palestinien de 1948] de Gaza. D’un point de vue opérationnel, il n’est pas possible de mener une guerre, comme les forces armées israéliennes cherchent à le faire à Gaza, avec des masses de civils au milieu des blindés et des soldats ». (1)
Au cours de la Nakba, en 1948, plus de 700 000 réfugiés palestiniens ont fui le territoire d’Israël, « motivés » à partir par les atrocités perpétrées par les milices sionistes (la plus célèbre étant le massacre de Deir Yassin commis par le gang Stern) et encouragées par la proclamation triomphaliste des pays arabes, lesquels promettaient que les réfugiés pourraient retourner chez eux dès leur imminente victoire militaire. Les armées arabes ont été vaincues et les réfugiés n’ont jamais pu retrouver leurs foyers. Des centaines de milliers d’entre eux sont restés depuis dans les conditions de vie misérables des camps de réfugiés. Pour résumer, la Nakba a été l’épuration ethnique d’Israël, et la « Nakba de Gaza » pourrait se solder par l’expulsion d’une grande majorité de ses habitants, fuyant la mort, les destructions et le blocus permanent.
Une telle « solution » ne reflète que l’absence totale de lucidité et de perspective à long terme de l’actuel gouvernement israélien, du fait qu’elle ne peut qu’être le prélude d’une future instabilité et de nouvelles guerres. L’atroce politique du gouvernement Netanyahou ne fait que refléter une réalité plus profonde : le fait que la classe dominante, dans tous les pays, gardienne d’un ordre capitaliste agonisant, n’a aucune perspective à offrir à l’humanité et se trouve de plus en plus aspirée dans une spirale destructrice, irrationnelle et suicidaire. La tentative de l’OTAN de saigner la Russie à blanc dans la guerre en Ukraine, et les efforts désespérés de la bourgeoisie russe pour annexer les confins orientaux de ce pays, sont la preuve que cette spirale n’épargne pas les plus puissants pays de la planète.
Des centaines de milliers de manifestants ont pris part à travers le monde aux manifestations dénonçant la destruction de Gaza et appelant à un cessez-le-feu. Il ne fait aucun doute que beaucoup d’entre eux étaient motivés par une légitime indignation contre ces impitoyables bombardements, qui auraient fait autour de 20 000 victimes et laissés derrière eux bien plus de blessés et de sans-abris. Malgré cela, la vérité est qu’ils prennent part à des manifestations en faveur de la guerre, dont le principal slogan, « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre », ne peut devenir réalité que par la destruction militaire d’Israël, le massacre de masse et l’expulsion des Juifs israéliens, une Nakba à l’envers. Et sur ces ruines, une Palestine islamique sur le modèle de l’Iran ? (2) Le massacre indiscriminé perpétré par le Hamas le 7 octobre, pratiquement jamais condamné et même parfois célébré dans ces manifestations, a clairement montré les véritables méthodes et buts de cette « résistance ».
L’impossibilité d’une « Palestine libre » n’est que le reflet d’une réalité plus profonde qui montre à nouveau la décadence avancée de ce système : l’impossibilité de toute soi-disant lutte de « libération nationale » et de tout mouvement nationaliste à être autre chose qu’une pièce supplémentaire dans la rivalité sanglante des puissances impérialistes, petites et grandes. L’humanité ne sera libre que lorsque la prison capitaliste qu’est l’État national aura été détruite et qu’il existera une véritable communauté mondiale, sans exploitation ni frontières nationales.
Bien sûr, il existe ceux qui condamnent à la fois la déstruction de Gaza et les atrocités du Hamas. Certains sont engagés dans le dialogue entre Israéliens et Palestiniens malgré le mur de haine toujours plus épais créé par cette guerre. Ils placent leurs espoirs dans une « solution politique » dans laquelle puissances locales et globales s’assiéraient et négocieraient un arrangement en faveur d’une coexistence pacifique entre Israël et un État palestinien nouvellement créé.
Mais faire appel à la « bonne volonté » des États impérialistes n’a jamais arrêté les guerres et ni un Israël plus « libéral », ni un futur État palestinien ne pourraient éviter la tendance à la guerre et à l’impérialisme.
« L’histoire a montré que la seule force qui peut mettre fin à la guerre capitaliste, c’est la classe exploitée, le prolétariat, l’ennemi direct de la classe bourgeoise. Ce fut le cas lorsque les ouvriers de Russie renversèrent l’État bourgeois en octobre 1917 et que les ouvriers et les soldats d’Allemagne se révoltèrent en novembre 1918 : ces grands mouvements de lutte du prolétariat ont contraint les gouvernements à signer l’armistice. C’est cela qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, la force du prolétariat révolutionnaire ! La paix réelle et définitive, partout, la classe ouvrière devra la conquérir en renversant le capitalisme à l’échelle mondiale ». (3)
Quelles que soient leurs bonnes intentions, tous ceux qui diffusent les slogans pacifistes propagent des illusions sur la nature intrinsèquement violente du système capitaliste. La voie vers une communauté humaine mondiale repose sur la lutte de classe dans tous les pays, et cette lutte implique obligatoirement de développer les moyens de nous défendre nous-mêmes contre les assauts de la classe dominante, laquelle se battra jusqu’à la mort pour ses privilèges. Les illusions pacifistes désarment idéologiquement et matériellement la classe ouvrière.
Face à la cacophonie de désillusions et de faux slogans que toute guerre capitaliste génère, le principe de l’internationalisme prolétarien, la solidarité des exploités partout sur terre demeurent notre seule défense, la seule base pour comprendre comment répondre.
Amos, décembre 2023
1 Cette déclaration, qui constitue probablement une critique de la politique officielle, a au moins le mérite de « faire sortir la vérité du placard » en ce qui concerne les buts de guerre du gouvernement israélien.
2 Un autre slogan a émergé de ces manifestations : « Israël est un État terroriste ». Et c’est indubitablement vrai ! Mais trouvez-nous dans le monde capitaliste un État qui n’utilise pas la terreur, aussi bien pour écraser toute dissidence intérieure que pour mener ses guerres. Le principal soutien du Hamas, l’Iran, en est un excellent exemple : au cours de la répression sauvage des manifestations « Femmes, vie, liberté » dans ses propres villes, il a exécuté 127 personnes depuis le début de la guerre entre Israël et la Palestine, dont beaucoup avaient pris part à ces manifestations.
3 Voir notre tract international : « Massacres et guerres en Israël, à Gaza, en Ukraine, en Azerbaïdjan… Le capitalisme sème la mort ! Comment l’en empêcher ? », disponible sur le site web du CCI (7 novembre 2023).
La guerre actuelle au Moyen-Orient est une catastrophe pour les travailleurs et la population en général : le déchaînement de barbarie guerrière a fait plus de mille morts en Israël, des dizaines de milliers à Gaza et des centaines en Cisjordanie, terrorisé des populations entières, jeté des millions de personnes à la rue, sans eau, ni nourriture. Ce conflit a accentué des divisions presque insurmontables entre les travailleurs de ces territoires, où chacun est tenu de choisir un camp impérialiste, entre la barbarie du Hamas ou celle de l’État d’Israël, tandis que les intenses campagnes de propagande exercent une énorme pression sur les travailleurs de tous les pays pour qu’ils soutiennent Israël au nom de la lutte contre l’antisémitisme ou se joignent aux manifestations pro-palestiniennes « pour la paix » contre les massacres perpétrés par l’armée israélienne.
Globalement, les groupes anarchistes ont bien évidemment défendu sans vergogne la « résistance palestinienne » ou entretenu un silence complice. Rien de plus normal pour des groupes bourgeois et les idéologies de la petite-bourgeoisie radicale que d’apporter leur contribution aux discours bellicistes afin d’affaiblir la conscience de classe du prolétariat et le pousser dans le piège du nationalisme.
Seules quelques minorités internationalistes qui se revendiquent de l’anarchisme ont refusé de choisir en faveur de l’une des parties belligérantes, souvent avec d’importantes ambiguïtés. La CNT à Paris et le KRAS à Moscou ont ainsi publié un article intitulé : « Halte à la barbarie », qui n’appelle effectivement pas à la défense des intérêts nationaux de la Palestine ou d’Israël, mais qui ne défend toutefois pas clairement des positions internationalistes. L’article n’affirme pas explicitement que les travailleurs n’ont pas de patrie et que la réponse à la guerre se trouve dans le combat des exploités de tous les pays. En fait, il ne parle tout simplement pas de la classe ouvrière.
Heureusement, le KRAS a aussi publié une traduction d’un autre article intitulé « Contre le nationalisme israélien et palestinien ». Cet article est plus clair que celui de la CNT. Comme l’admet la préface : « Le texte publié exprime bien une position internationaliste, anti-nationaliste, anti-ethnique et de classe ».
D’autres groupes anarchistes ont défendu une position internationaliste plus claire, comme l’ont fait des organisations de la Gauche communiste. Nous avons déjà fait référence à ces déclarations dans un article disponible sur notre site web : « Positions internationalistes contre la guerre ». Parmi eux cependant, il y a l’Anarchist Communist Group (ACG) qui, tout en défendant une position internationaliste dans un premier article, (1) fait d’importantes concessions au nationalisme bourgeois dans un second article, intitulé : « The situation in Gaza ».
Ce second article de l’ACG présente la guerre en Israël comme une confrontation entre une nation coloniale et une nation colonisée dans laquelle Israël serait « l’agresseur dominant, en raison de son statut d’État colonisateur ». Quelles sont les conséquences d’une telle analyse selon l’ACG ?
– Qu’il s’agisse d’une nation colonisatrice ou d’une nation colonisée, « les deux sont des entités qui, en fin de compte, font obstacle à la libération de la classe ouvrière palestinienne et à l’unité de classe de tous les travailleurs de la région ». Par conséquent, l’ACG s’oppose à l’État israélien ainsi qu’au régime du Hamas.
– L’Organisation de libération de la Palestine dans le passé, et le Hamas aujourd’hui, ne peuvent apporter la liberté aux Palestiniens. Aussi, cette libération doit venir de la classe ouvrière palestinienne, « la partie la plus opprimée de la classe ouvrière », dotée d’une « forte conscience politique » et dont la lutte est « une condition préalable à un mouvement révolutionnaire dans la région ».
– Mais la classe ouvrière palestinienne ne peut y parvenir seule, « le peuple palestinien, comme tout peuple,… ne peut être libéré que par une lutte de classe internationaliste ». L’ACG appelle donc « la classe ouvrière internationale à s’organiser pour soutenir et défendre ses homologues palestiniens ».
En soi, nous pourrions être d’accord avec certaines affirmations de cet article, en particulier avec l’appel à la « lutte de classe internationaliste ». Mais, il s’agit de l’arbre qui cache la forêt, car derrière tous ces mots radicaux (« lutte de classe internationaliste », « solidarité internationale », « lutte révolutionnaire »…) se cachent des concessions au nationalisme.
Pourquoi ? Selon l’article, Israël occupe une nation, la Palestine. Dès lors, il préconise que les travailleurs palestiniens combattent l’État israélien et organisent une autodéfense armée. Il affirme donc « le droit et la nécessité pour la classe ouvrière palestinienne de résister à l’État israélien ». La lutte contre l’occupation israélienne vise donc à éjecter Israël de la Palestine. Mais qu’est-ce d’autre qu’une lutte de libération nationale qui ne serait pas dirigée par la bourgeoisie mais par une partie de la classe ouvrière ? L’ACG dit « nous rejetons l’idée d’une libération sous une bannière nationale », mais dans l’article, il a déjà complètement ouvert la fenêtre à cette même idée.
En outre, l’article ne dit rien sur la nécessité pour la classe ouvrière en Palestine de lutter contre sa propre bourgeoisie. L’article ne mentionne pas l’existence d’un État palestinien ou d’une nation palestinienne. C’est une manière d’occulter le vrai enjeu. C’est la porte ouverte à l’idée que les travailleurs de Palestine ne devraient pas lutter contre la bourgeoisie palestinienne. Il ne s’agit que de résister à « l’État israélien, y compris par la méthode de la lutte révolutionnaire », lutte qui pourait « se distinguer des forces nationalistes ». Mais sur un tel terrain, la classe ouvrière en Palestine ne peut en aucun cas mener une véritable lutte de classe autonome et ne pourra pas se distinguer des forces nationalistes palestiniennes.
L’article ne se contente pas d’appeler les travailleurs palestiniens à se libérer de l’occupation israélienne, il lance même un appel aux travailleurs du monde entier pour qu’ils soutiennent cette lutte de « libération ». Abstraction faite de la question de savoir si le prolétariat en Palestine est actuellement capable de se battre sur son propre terrain de classe, ce dont on peut fortement douter, il n’appartient pas à la classe ouvrière mondiale de soutenir un certain secteur de la classe ouvrière pour se débarrasser du joug d’une domination coloniale.
Même s’il est vrai que les travailleurs en Palestine sont généralement plus pauvres que leurs frères de classe en Israël, et que leurs conditions de vie sont bien pires, cela ne change rien au fait que toute idée de « libération » d’une nation particulière n’est rien d’autre qu’un produit de la logique de l’impérialisme mondial, et ne peut donc avoir lieu que sur un terrain bourgeois. (2)
L’article suggère que la libération de cette domination coloniale entraînera également la libération des travailleurs palestiniens en tant que classe. Mais rien n’est plus faux ! La libération de la classe ouvrière dans n’importe quel pays ne peut se produire que par la destruction du capitalisme à l’échelle mondiale. Si l’article souligne que le capitalisme est la base de l’idéologie coloniale, il ne dit rien sur la nécessité de détruire le capitalisme pour abolir tous les États-nations.
En réalité, la position défendue par l’ACG dans cet article est très pernicieuse car, à première vue, elle semble effectivement défendre l’internationalisme prolétarien. Mais ce n’est qu’une apparence. Car si on le lit attentivement, c’est le contraire qui se révèle. L’article ne défend pas directement et ouvertement le nationalisme palestinien, mais sa logique, tout son raisonnement, va dans ce sens. Il s’agit, en vérité, d’un exposé très sophistiqué de l’idéologie de la libération nationale.
Dans les conditions de décadence du capitalisme, toute lutte pour la « libération nationale » est par définition une impasse, ne menant qu’à une chaîne ininterrompue d’affrontements militaires, à l’issue desquels ce n’est pas la classe ouvrière qui prend le pouvoir, mais une nouvelle faction bourgeoise. Dans l’histoire du capitalisme, il n’y a jamais eu de lutte de libération nationale dans laquelle la classe ouvrière ait pu se libérer de manière autonome de l’occupation et de la répression par des factions bourgeoises. Au contraire, toute tentative de se « libérer » d’une occupation étrangère dépend du positionnement d’autres puissances impérialistes qui l’exploiteront dans leur propre intérêt. Les intérêts de la population qui cherche à se « libérer » sont complètement subordonnés aux appétits impérialistes de ces puissances.
Comme nous le rappelions dans un récent article, « l’anarchisme a toujours été divisé en toute une série de tendances, allant de ceux qui sont devenus une partie de l’aile gauche du capital (comme ceux qui ont rejoint le gouvernement républicain pendant la guerre de 1936-39 en Espagne), à ceux qui ont clairement défendu des positions internationalistes contre la guerre impérialiste, comme Emma Goldman pendant la Première Guerre mondiale ». (3) L’internationalisme des anarchistes qui cherchent sincèrement à défendre ce principe ne se fonde toutefois pas sur les conditions imposées au prolétariat par le capitalisme au niveau mondial, c’est-à-dire l’exploitation de sa force de travail dans tous les pays et sur tous les continents.
L’internationalisme prolétarien a, en effet, comme point de départ les conditions pour l’émancipation du prolétariat : par-delà les frontières et les fronts militaires, les races et les cultures, le prolétariat trouve son unité dans la lutte commune contre ses conditions d’exploitation et sa communauté d’intérêt dans l’abolition du salariat, dans le communisme. C’est ce qui fonde sa nature de classe. C’est précisément l’absence d’un fondement pour l’internationalisme de ces anarchistes dans le combat ouvrier contre l’exploitation capitaliste qui explique que l’ACG ait publié cet article. La raison en est que la dénonciation internationaliste de la guerre par l’anarchisme « fait plus partie de ces “principes” abstraits dans lesquels il recueille son inspiration générale et éternelle, comme l’anti-autoritarisme, la liberté, le rejet de tout pouvoir, l’anti-étatisme, etc., plutôt que d’une conception claire et établie que cet internationalisme constitue une frontière de classe inaltérable qui délimite le camp du capital et du prolétariat ». (4)
Une des conséquences est qu’au sein d’une même fédération anarchiste, les positions nationalistes et internationalistes peuvent facilement coexister sans poser de problèmes et sans provoquer de débats houleux. Cette absence de positionnement internationaliste cohérent est également illustrée par la référence, à la fin de l’article de l’ACG, à Palestine Action, un groupe gauchiste totalement pro-palestinien, qui s’en prend aux fournisseurs d’armes à Israël. Lors de la récente Radical Bookfair à Londres, ils ont refusé de discuter de l’argumentation du CCI qui soulignait le contexte impérialiste de la guerre, la qualifiant carrément d’analyse « infantile », reprenant ainsi la rhétorique du stalinisme contre la Gauche communiste.
L’échec de l’anarchisme organisé à combattre la guerre impérialiste sur une base prolétarienne a été clairement démontré en Espagne en 1936, ce qui n’est pas reconnu aujourd’hui par des groupes comme l’ACG ou les minorités internationalistes au sein de la CNT. Tous deux parlent toujours de la « révolution espagnole » au lieu de la guerre impérialiste en Espagne, une répétition générale pour la Seconde Guerre mondiale. Mais tirer les leçons de l’échec et des inconséquences de l’anarchisme face à la guerre n’est possible qu’en rompant avec son approche abstraite, en remettant en cause l’absence de fondement solide et matérialiste à ses proclamations « internationalistes ».
Face à la guerre impérialiste, une seule position rejette toute identification à l’un des camps en présence et trace en même temps une perspective pour mettre fin à toutes les guerres, c’est l’internationalisme prolétarien. Cela signifie que le capitalisme ne peut être renversé qu’à l’échelle mondiale, lorsque la classe ouvrière sera unie au-delà des frontières nationales. Ce point de vue représente la seule perspective qui puisse mettre fin à l’exploitation capitaliste, à la barbarie de la guerre qui menace de plus en plus l’existence même de l’humanité.
Dennis, 15 décembre 2023
1 « Neither Israel nor Hamas ! », sur le site web de l’ACG (11 octobre 2023).
2 L’article accuse même les travailleurs israéliens de complicité dans l’exploitation des travailleurs palestiniens : « la classe ouvrière juive israélienne est honteusement complice de l’oppression du prolétariat palestinien », mais il appelle néanmoins les travailleurs israéliens à exprimer leur solidarité avec les travailleurs palestiniens.
3 « Les anarchistes et la guerre : Entre internationalisme et “défense de la nation” », Révolution internationale n° 494 (2022).
4 « Les anarchistes et la guerre (1er partie) », Révolution internationale n° 402 (2009).
La 28e conférence annuelle des Nations Unies sur le climat, qui s’est tenue, cette année, à Dubaï, s’est achevée sur un nouvel accord qui incite prétendument les nations à abandonner (très) progressivement les combustibles fossiles, à accélérer les « actions en cours » afin d’atteindre un « bilan carbone neutre ». Et tout cela d’une manière « juste, ordonnée et équitable »… d’ici 2050. Le président de la COP 28, Sultan el-Jaber, qui est Ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis et PDG de la compagnie pétrolière Adnoc, a loué l’accord, qui a été approuvé par près de 200 pays : « Pour la première fois, notre accord fait référence aux combustibles fossiles ». À l’en croire, il s’agit d’un accord « historique » et d’un « plan solide » pour maintenir à portée de main l’objectif de limiter les températures mondiales à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.
Quelle sinistre farce ! Les experts expriment déjà des commentaires pour le moins critiques. La résolution contient, en effet, des lacunes très accommodantes qui offrent à l’industrie pétrolière de nombreuses échappatoires en s’appuyant sur des technologies non éprouvées et peu sûres. Mais bien naïf est celui qui s’attendait à autre chose de la part des organisateurs de ce sommet. Les dirigeants de cette région, connue comme l’Eldorado de toutes les mafias et du blanchiment massif de l’argent de la drogue, des armes et de tout ce qu’on voudra, sont rompus, comme leurs homologues du monde entier, aux petits arrangements et l’exploitation des « failles juridiques ». Alors qu’ils se présentent aujourd’hui comme les promoteurs de la transition énergétique, préoccupés par le climat, ils vivent le reste de l’année des énergies fossiles et ne manquent évidemment pas de les promouvoir.
L’évaluation des progrès de chaque État dans la réduction des émissions imposée depuis la COP 21 de Paris de 2015, prétendument contraignante, pour limiter l’augmentation de la température mondiale d’ici 2030, se heurte à la triste réalité du système capitaliste. Aujourd’hui, les combustibles fossiles (charbon, gaz et pétrole) représentent toujours 82 % de l’approvisionnement énergétique ! Au lieu de diminuer, les émissions mondiales ne cessent d’augmenter : de 6 % en 2021 et de 0,9 % en 2022.
Cela démontre une fois de plus que ces sommets internationaux sont incapables d’avoir le moindre impact sur le réchauffement climatique et les conséquences catastrophiques que cela entraîne pour l’humanité, et qu’ils ne sont en fait rien d’autre que des salons de discussion destinés à rassurer sur le fait que la bourgeoisie « agit » et qu’il n’y a plus d’autre choix que de « s’adapter ». L’année 2023 illustre cela de manière dramatique avec de violentes tempêtes et des inondations de grande ampleur sur tous les continents, des incendies de forêt dévastateurs en Amérique du Nord, dans le sud de l’Europe et à Hawaï, la sécheresse dans de vastes zones de la planète.
La crainte grandit que la planète s’approche d’une série de points de basculement où les dommages environnementaux deviendraient incontrôlables et conduiraient à de nouveaux niveaux de destruction. Le réchauffement de la planète, conjugué à des manifestations plus immédiatement palpables de la destruction de l’environnement, telles que la déforestation et la pollution des terres et de la mer par les déchets chimiques, plastiques ou autres, menacent déjà d’extinction un nombre incalculable d’espèces animales et végétales.
La même bourgeoisie qui prétend, lors de ses conférences, chercher des « solutions globales à des problèmes globaux » est elle-même impliquée dans la compétition économique impitoyable qui est le premier obstacle majeur à toute coopération internationale réelle contre le changement climatique. Et, dans la phase actuelle de décomposition du capitalisme, la concurrence nationale prend de plus en plus la forme de rivalités et d’affrontements militaires chaotiques, destructeurs et hyper-polluants. La crise écologique n’approche donc pas seulement d’une série de points de basculement qui en exacerberont et en accéléreront les conséquences, mais elle fait partie d’une série de phénomènes destructeurs qui conduisent l’humanité toujours plus rapidement vers l’abîme.
Sauver la planète ne viendra pas d’une bourgeoisie qui, par nature, est prisonnière d’une logique qui exclut toute remise en cause de l’accumulation capitaliste, de sa soif de profit et de sa dynamique apocalyptique. Car c’est bien le capitalisme qui est responsable de ces dérèglements, ce sont ses lois qui obligent chaque capitaliste à produire toujours plus et à moindre coût. Pour le capitalisme il faut « vendre ». Et c’est tout ! Une démarche anarchique et à court terme, une démarche suicidaire même !
Louis, 29 décembre 2023
Le 20 décembre dernier, le gouvernement français faisait voter au Parlement une loi dite « immigration » dont le contenu est clairement une attaque contre les conditions de vie des prolétaires immigrés en France.
La durée de résidence minimale en France pour que les étrangers non européens en situation régulière touchent des prestations sociales, qui était de six mois, est portée à trente mois à condition de travailler, et à cinq ans pour ceux qui ne peuvent justifier d’un travail.
L’aide personnalisée au logement (APL), que l’on pouvait auparavant toucher immédiatement, demande maintenant un délai de carence de trois mois.
Le regroupement familial des immigrés en situation régulière était possible sans autre condition à partir de 18 mois de présence en France, il l’est maintenant à partir de 24 mois sous condition de ressources financières régulières. Il est également suspendu à l’obtention d’un examen de langue française pour les proches désireux de venir.
Le délit de séjour irrégulier en France, aboli en 2010, est rétabli, avec amende de 3750 € et une interdiction de territoire de trois ans à la clé.
Il n’est plus possible, pour un jeune d’obtenir automatiquement la nationalité française à ses 18 ans quand il est né en France.
Les étudiants étrangers désireux d’étudier en France sont maintenant astreints à déposer une caution, récupérable éventuellement à la fin des études.
La loi fait maintenant la distinction entre les immigrés travaillant dans les métiers dits « à tension », qui peuvent obtenir plus facilement un titre de séjour, et les autres.
Les infractions permettant l’expulsion d’immigrés délinquants sont plus nombreuses.
Il est clair que ces nouvelles dispositions légales ne menacent ni les bourgeois étrangers arrivant en France, ni les étudiants qui ont les moyens de se passer des prestations sociales. Ce n’est évidemment pas le cas du plus grand nombre des immigrés qui arrivent en général sans un sou (après avoir été rackettés par diverses mafias pendant leur voyage) et qui auraient besoin d’une aide financière dès le début de leur séjour. Quant aux étudiants étrangers pauvres, le gouvernement leur signifie clairement qu’il ne veut plus d’eux.
Non seulement la loi inscrit une discrimination et une division entre prolétaires français et étrangers immigrés, mais elle rend la régularisation encore plus compliquée. Sans couverture sociale, isolés et incapables de se défendre, les sans-papiers subissent toutes les avanies du capitalisme : salaires et heures supplémentaires non payés, rémunération en dessous des minimums légaux, horaires de travail à rallonge, absence de prestations sociales, difficultés à se soigner, à se loger, travaux dangereux… Le gouvernement a clairement mis en place une machine pour que cette situation perdure. La main-d’œuvre immigrée clandestine et sans-papiers représente une grande masse de « bouches inutiles » pour le capital, mais elle peut aussi constituer une source de profit indéniable, vu le flux constant de réfugiés qui cherchent à rentrer dans la « forteresse Europe ».
Ceci dit, la mise en place de cette loi par le gouvernement a amené plusieurs secteurs de la bourgeoisie à questionner ce choix, indiquant d’abord qu’un certain nombre de dispositions étaient inconstitutionnelles. Le fait qu’une partie des députés du parti présidentiel a refusé de voter ce texte et que plusieurs ministres ont menacé de démissionner s’il était ratifié montre les dissensions importantes dans la bourgeoisie à son sujet.
De fait, pour obtenir le soutien de la droite « dure » autour des Républicains (LR), et pour empêcher le Rassemblement national (RN) de rester seuls sur le créneau du « contrôle de l’immigration », Macron et Borne n’ont pas hésité à fracturer leur propre majorité et à jouer une partition purement électoraliste, cherchant à limiter les déconvenues trop fortes lors des prochaines élections. La volonté affichée par Macron de réduire l’influence électorale du RN se heurte à la réalité politique d’une absence de majorité claire à l’Assemblée et de la nécessité de s’appuyer sur LR, un parti de plus en plus fracturé et gangrené par le populisme et prêt à toutes les manœuvres pour sauver sa peau. Nous voyons là les effets du chacun-pour-soi et la perte de vue par les fractions pourtant parmi les plus lucides de la bourgeoisie française de toute perspective à long terme.
De fait, Macron et sa fraction au pouvoir ont, à travers cette loi, légitimé les thèmes à coloration populiste et d’extrême-droite : la « lutte » contre l’immigré et le choix de la « préférence nationale ».
En même temps, à l’autre bout de l’échiquier politique, se développait un autre discours, celui de la gauche et des gauchistes : « Le texte est le fascisme en marche », selon Elisa Martin, députée de La France insoumise (LFI). « Ce soir vous avez un choix : la Collaboration, ou la République », a-t-elle même lancé aux parlementaires de la majorité.
Toute la mouvance gauchiste s’est mise en mouvement, du Monde Libertaire à l’Union Communiste Libertaire, de la CNT-f à ATTAC, de Lutte Ouvrière à Révolution Permanente et au NPA, et tout ce beau monde rivalise de volonté de « faire barrage au Rassemblement national » et à « la montée des idées réactionnaires et fasciste ».
Pour cela, comme l’exprime clairement Révolution Permanente, « le mouvement ouvrier a un rôle central à jouer, aux côtés des organisations du mouvement social, notamment anti-racistes et antifascistes, pour structurer une réponse par en bas qui permette d’imposer un autre agenda, de mettre en déroute l’extrême-droite et de faire le lien entre la bataille contre les lois antisociales et xénophobes, nos salaires et la situation à Gaza ».
Ces mots ne servent qu’à masquer que « les organisations du mouvement social », c’est-à-dire les partis de gauche et les syndicats, sont les principaux outils de la bourgeoisie pour détourner le prolétariat de ses véritables luttes. Ces discours ne font que désarmer la classe ouvrière en masquant que la bourgeoisie, c’est autant la gauche que la droite, et qu’en matière d’attaques anti-ouvrières, et notamment contre les immigrés, il n’y a jamais eu la moindre différence.
Le PCF a ainsi mené nombre de campagnes xénophobes dans les années 1980, alors même qu’entre 1981 et 1984 il avait des ministres au gouvernement ! Il suffit de se souvenir du bulldozer envoyé en décembre 1980 par la municipalité stalinienne de Vitry contre un foyer SONACOTRA occupé par des immigrés maliens, ou de la déclaration de Georges Marchais, premier secrétaire du PCF, qui en 1983 disait que « notre position, depuis qu’il y a le chômage, est simple : il faut arrêter la venue des travailleurs immigrés en France ».
Le racisme et la xénophobie ne sont pas une particularité de l’extrême-droite. Ils sont le produit de la division du monde en nations, en classes sociales, de la concurrence entre nations, ils sont les enfants du nationalisme, qui est l’idéologie que toute la bourgeoisie partage, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche : une idéologie du capitalisme !
« L’exode massif de leurs terres d’origine de centaines de milliers d’êtres humains fuyant la famine et la misère n’est pas un phénomène nouveau. Il n’est pas non plus un fléau spécifique aux pays sous-développés. L’immigration appartient au système capitaliste lui-même et remonte aux origines de ce mode de production fondé sur l’exploitation du travail salarié ». (1) La classe ouvrière a toujours été une classe d’immigrés depuis les paysans affamés arrachés à leur campagne, par l’exode de la révolution industrielle.
Les guerres plus ou moins étendues ont elles aussi entraîné des déplacements de population parfois colossaux : Allemands chassés d’Europe centrale en 1945, Juifs rescapés des camps de la mort expédiés en Palestine, Espagnols fuyant la guerre entre 1936 et 1939… Partout la classe ouvrière a fait les frais des soubresauts du développement du capitalisme, avec ses corollaires : guerres, famines, misère, recherche à tout prix d’un moyen de subsistance, sans parler des déportations organisées.
La bourgeoisie cherche aujourd’hui, comme elle l’a toujours fait, à reporter sur les « étrangers » les problèmes générés par son propre système. Il n’y a pas de « bonne » ou de « mauvaise » loi sur l’immigration. Partout, toujours, la concurrence et la xénophobie qui en découle poussera la bourgeoisie à criminaliser les migrants. Et plus le pourrissement sur pied du système capitaliste poussera de miséreux sur les routes pour aller chercher ailleurs de quoi survivre, comme on le voit déjà massivement en Afrique et en Amérique Latine, plus ces politiques xénophobes, racistes, anti-immigrés proliféreront.
La seule issue et véritable perspective ne pourra venir que du développement des luttes ouvrières basées sur la solidarité entre frères de classe qui amènera les migrants les plus récents à s’intégrer aux luttes prolétariennes. La bourgeoisie aura beau chercher à diviser les ouvriers entre immigrés et « autochtones », elle ne pourra pas empêcher la crise historique de son système, ni les attaques toujours plus féroces sur les conditions de vie de tous les prolétaires, quelles que soient leurs origines et leur culture, les forçant même à combattre dans l’unité pour défendre leurs conditions d’existence. Alors le mot d’ordre lancé par le Manifeste du Parti communiste sera à nouveau le point de ralliement de tous les ouvriers : « Les prolétaires n’ont pas de patrie ! Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
HG, 10 janvier 2024
1 « Le prolétariat : une classe d’immigrés ! », Révolution internationale n° 206 (1991).
Avec plus de cinquante ans d’existence et son numéro 500, notre publication Révolution internationale poursuit son combat révolutionnaire de façon déterminée. Ce chiffre rond, marquant une longévité remarquable, pourrait paraître au premier abord celui d’un anniversaire transformé en vulgaire marronnier, le sujet d’un simple prétexte à écriture ritualisée. En réalité, ce numéro est pour nous la marque symbolique d’une trajectoire de lutte, d’un effort constant de construction et d’engagement militant. Ceci est d’autant plus important à souligner que ce numéro, un peu particulier par le temps et la durée de travail qu’il célèbre, s’inscrit dans un contexte international totalement inédit et imprévisible, d’une extrême gravité.
D’un côté le capitalisme en décomposition menace de manière accélérée l’humanité de destruction. De l’autre, le renouveau de la lutte de la classe ouvrière permet d’entrevoir à terme la perspective révolutionnaire. Jamais les enjeux n’auront été aussi cruciaux pour les organisations prolétariennes et pour la presse révolutionnaire que ceux du temps présent.
Pour notre presse et notre journal RI, une telle situation constitue un véritable défi, tant sur le plan théorique que pour assurer une intervention régulière. Nous sommes donc, avec la classe ouvrière, un peu à la croisée des chemins. Plus que jamais, il est important de savoir d’où vient notre presse et vers quoi elle s’oriente.
À ses débuts, dans le feu de la vague internationale des luttes de Mai 68, Révolution Internationale allait faire ses premiers pas en avançant à tâtons et sans expérience, sans lien organique avec les organisations du passé. Le seul fil qui nous permettait d’établir une continuité avec ce passé était assuré par la solide expérience de notre camarade Marc Chirik et par ses efforts patients pour transmettre une méthode de travail et un esprit militant.
Notre publication était au départ une revue ronéotée presque « artisanale », tirée à la main, vendue en librairie, dans les marchés, les manifs et devant les usines. Elle était l’expression du groupe « Révolution Internationale » qui deviendra plus tard la section en France du CCI.
Ce qui allait faire sa force, comme pour tout notre Courant, c’était bel et bien d’inscrire son activité sur le long terme, dans les pas de nos prédécesseurs et de leurs publications héroïques, avec le souci de réappropriation et d’examen critique, avec une ferme volonté d’ancrer notre combat dans toute la tradition du mouvement ouvrier. Notre source d’inspiration fut naturellement celle des bolcheviks, mais aussi et surtout, l’expérience essentielle de Marc Chirik et son legs inestimable puisé dans le combat de la Gauche communiste dans les années 1930.
Avec le développement des luttes ouvrières, notre travail d’écriture et de publication s’est peu à peu intensifié. De 1968 à 1972, notre publication « ancienne série » s’établissait à sept numéros. Fort de cette première expérience et de ces premiers pas, nous nous sommes engagés dans un travail de plus grande ampleur. En 1973, d’un pas plus assuré, « nous lançâmes la seconde série, toujours sous la forme revue, de notre organe. Cela était également le résultat d’un effort de regroupement des forces révolutionnaires, puisque cette nouvelle série devenait l’instrument d’une organisation française élargie par fusion de trois groupes. De 1973 aux derniers mois de 1975, les quelques quinze numéros de RI qui sortirent en moins de trois années, traduisent indubitablement, par rapport à l’époque précédente, l’accélération de notre solidification organisationnelle. La régularité de l’effort, test imparable pour des groupes révolutionnaires prétendant tenir leur rôle dans la classe ouvrière, étant acquise, nous passâmes d’un rythme bimestriel de notre revue à une fréquence mensuelle. Cette adaptation annonçait une mutation plus importante encore, la transformation de la revue en journal. Un journal en effet suppose une plus profonde implication politique par rapport à la marche de la lutte des classes. Cette mutation intervint en février 1976, elle sanctionnait chez nous une prise de conscience des tâches révolutionnaires à notre époque ». (1) Ces progrès allaient s’accompagner d’une mise à l’épreuve durant les trois vagues de luttes internationales au cours des années 1980. Notre journal était alors notre principal outil d’intervention, indispensable pour développer toute une analyse et propagande révolutionnaire au sein même des lieux de combats ouvriers, accompagnant à l’occasion toute agitation militante : dans les manifestations, les AG, les comités de lutte et les cercles de discussions qui avaient émergé de cette dynamique ouverte après 1968. Partout où cela était possible et selon ses forces, le CCI se donnait les moyens d’être présent avec le journal RI pour diffuser et combattre.
À l’aube des années 1990, suite au piétinement des luttes et à l’effondrement du bloc de l’Est, un nouveau défi se présentait à notre organisation : résister dans la durée au recul de la conscience et de la lutte dans la classe et à l’immense battage médiatique, celui d’une prétendue « mort du communisme ». Face à ce rouleau compresseur idéologique, contre vents et marées, notre journal a défendu le combat ouvrier, la perspective révolutionnaire en poursuivant le combat à contre-courant. Ce combat pour le communisme permettait à d’infimes minorités de la classe de résister face à un véritable bourrage de crâne planétaire, au plus grand mensonge de l’histoire consistant également à tirer un trait d’égalité entre stalinisme et communisme. C’est au cours de ces années difficiles que notre journal a su résister et que notre site web est passé au premier plan de notre travail de publication. Par la suite, RI est ainsi passé à un rythme bimestriel (fin 2012) puis trimestriel (printemps 2022), mais cela ne nous a pas empêché de continuer à intervenir dans les luttes avec le journal et nos tracts comme outils d’intervention.
Aujourd’hui, alors que le prolétariat reprend le chemin du combat au niveau international après plusieurs décennies d’atonie, dans un contexte de plus en plus imprévisible, dangereux et menaçant, notre journal papier reste plus que jamais une boussole essentielle, un outil d’intervention irremplaçable, comme il l’a été, par exemple, lors des grandes manifestations en France contre la réforme des retraites en 2023 où nous l’avons diffusé systématiquement.
Ce journal matérialise et incarne bel et bien le caractère vivant de notre organisation, preuve en elle-même de ce qui la distingue nettement de tous les bavards et autres blogueurs. Mais bien au-delà des luttes immédiates, RI reste un véritable outil de réflexion pour les éléments en recherche des positions de classe et de clarté politique révolutionnaire, de même que pour l’ensemble du milieu politique prolétarien.
Naturellement, notre journal ne serait pas totalement ce qu’il est sans nos lecteurs. Nous tenons au passage à les saluer chaleureusement et à les encourager tant pour leur soutien politique et financier que pour le sens critique dont ils ont su faire preuve à différentes occasions. Même si dans nos articles nous pouvons parfois commettre des erreurs, notre état d’esprit est de compter sur leurs critiques fraternelles comme de celles de tous les groupes politiques ouvriers sérieux. Certains de nos sympathisants ou contacts n’ont d’ailleurs pas hésité à s’adresser à nous par courrier pour émettre des critiques ou pour contribuer par des analyses. À chaque fois que possible, nous avons répondu, en alimentant quand nous le jugions opportun notre rubrique « courrier des lecteurs » ou par des polémiques avec les autres organisations révolutionnaires. Certains sympathisants ont également participé à la rédaction et traduction d’articles. Nous les remercions et les encourageons à poursuivre.
Aujourd’hui, RI lutte avec détermination, en complémentarité avec nos autres publications et notre site web. Notre journal poursuit son œuvre, participe à tout l’effort que nous souhaitons développer pour alimenter un véritable débat international. À l’instar des mots de Lénine, il reste « une arme de combat » que nous devons soutenir et défendre.
CCI, 10 janvier 2024
1 Voir Révolution internationale n° 100 (août 1982).
Avec un discours d’ultra-droite, Milei est devenu président de l’Argentine, alors qu’il était inconnu il y a deux ans, tout comme son parti politique. C’est un exemple de plus de la montée du populisme comme résultat de la décomposition accélérée du capitalisme, caractérisée par la perte croissante de contrôle du jeu politique de la bourgeoisie, principalement dans les pays les plus développés, comme l’illustrent des exemples récents en Europe tels que le populisme agraire autour de Caroline van der Plas aux Pays-Bas, ou Kristian Thulesen Dahl, au Danemark, leader du Parti populaire danois, qui est rejeté par l’Union européenne. Ce phénomène, qui touche et se diffuse à partir des pays centraux, touche également les pays périphériques depuis des années. Pour la classe ouvrière, le populisme apparaît comme une mystification et un obstacle supplémentaire à sa prise de conscience.
« Il n’y a pas d’alternative », « ils ne nous ont pas laissé le choix » sont les phrases utilisées par Milei dans son discours de prise de fonction, avec lesquelles il a annoncé la série d’attaques qu’il a préparée contre les exploités. L’avancée de la crise économique et la longue chaîne de gouvernements de droite et de gauche qui, tout en prétendant assainir l’économie argentine, l’ont encore aggravée, ont fait que les partis traditionnels de la bourgeoisie ont fini par perdre beaucoup de leur prestige. Ni les péronistes, qu’ils se présentent de gauche comme de droite, ni les radicaux, ni la stratégie de fusion dans des alliances électorales, n’ont été en mesure de redonner confiance envers les partis politiques d’État traditionnels et institutionnalisés. Cette situation a permis l’émergence d’un leader messianique comme Milei, issu de la droite populiste, qui, bien que chaperonné par certains secteurs de la bourgeoisie, n’était pas dans la situation de pouvoir compter sur un soutien de l’ensemble de la bourgeoisie ou prétendre exercer un contrôle total sur l’État.
Au début de sa campagne électorale, certains secteurs de la bourgeoisie l’ont effectivement poussé en avant, cherchant à tirer profit de sa personnalité déséquilibrée, de ses emportements et de ses mesures économiques basées sur la sanctification du marché et la défense fanatique de la propriété privée. Mais de larges fractions de la classe dirigeante elle-même se sont inquiétées et ont tenté de freiner son ascension. La tendance dominante dans la phase actuelle de décomposition s’est vérifiée : la perte de contrôle de la bourgeoisie sur sa propre stratégie politique, permettant à un personnage comme Milei de se « faufiler » à la tête du gouvernement, avec une équipe « immature et sans expérience ni envergure, sans moyens réels, facilement manipulable », de sorte que, surtout après le premier tour, ils ont essayé de « l’adoucir » en l’accompagnant et l’encadrant avec des membres expérimentés de « l’élite » politique traditionnelle qu’il prétendait rejeter…
C’est ainsi qu’arrive en Argentine un gouvernement populiste qui se révèle être un problème pour la bourgeoisie, mais qu’elle utilise néanmoins pour attaquer les travailleurs. Car la fameuse tronçonneuse de Milei a pour principale victime la classe ouvrière.
Surfant sur la vague populiste, Milei a mis en difficulté le jeu électoral qui s’était formé entre deux coalitions, l’aile centre-gauche des péronistes animée par le couple Kirchner et la fraction péroniste de centre-droit menée par Mauricio Macri. Cette concurrence entre deux factions bourgeoises, qui remonte à 2015, a tenté de redonner de l’air frais au bipartisme rassis qui gravitait autour du péronisme et de l’anti-péronisme. Mais l’usure des partis traditionnels et de leurs coalitions était bien avancée, car au moment où ce schéma se renouvelait, la bourgeoisie a réussi à remplacer un cycle péroniste de centre-gauche de douze ans par un gouvernement de centre-droit, avec Macri à sa tête, qui, face à son échec dans le domaine économique, a été à nouveau remplacé par la coalition péroniste de centre-gauche.
C’est ce qui a conduit des secteurs de la bourgeoisie à promouvoir Milei, qui s’est dressé avec véhémence contre ce cadre politique déjà usé et discrédité et qu’il a décrit comme une « caste politique » qui, de plus, est impliquée depuis des années dans des scandales de corruption, les mêmes dans les gouvernements du couple Kirchner et de Macri. C’est pourquoi, afin de limiter l’incertitude politique qui en découle, ils ont imposé des personnages issus des rangs de la « caste de privilégiés » que Milei dit mépriser, en le forçant à leur octroyer les postes-clés essentiels parmi les portefeuilles gouvernementaux : Patricia Bullrich au ministère de l’Intérieur et Luis Caputo au ministère de l’Économie.
Un autre aspect qui a renforcé les différences au sein de la bourgeoisie argentine et contribué à fracturer le jeu des partis traditionnels a été l’aggravation de la crise économique. Les mesures appliquées par les gouvernements kirchneristes ou par le gouvernement de droite de Macri, dans leur tentative d’assainir l’environnement du capital, avaient fortement accéléré la progression de l’inflation. Les dépenses publiques et le crédit, qui ont été les instruments favoris avec lesquels ils pensaient oxygéner l’économie, ont fini par être un fardeau et bien que la bourgeoisie et son État aient déjà transféré l’essentiel des répercussions de l’accélération de la crise sur le dos des travailleurs, cela n’a pas empêché le mécontentement de se manifester au sein de la bourgeoisie elle-même.
Mais la bourgeoisie n’est pas la seule à s’indigner de ces projets, des fractions du prolétariat aussi ont pu se laisser piéger par les discours radicaux d’un populisme de droite qui, en critiquant le bilan des gouvernements précédents, ont fait miroiter les illusions sur des améliorations miraculeuses et, surtout, en utilisant le désespoir et le nihilisme qui ont pu se répandre dans la population, semant ainsi de faux espoirs parmi les exploités.
L’aggravation du processus d’appauvrissement de la population argentine, qui voit ses salaires se dégrader chaque jour en raison de l’inflation, a conduit au désespoir une grande masse d’exploités (surtout les jeunes), qui, ayant perdu leur identité de classe, ont fini par se laisser piéger par les promesses de Milei.
Mais quelques semaines à peine se sont écoulées depuis l’arrivée au pouvoir de Milei et les coups économiques comme les menaces lancées envers eux montrent déjà clairement aux travailleurs que la bourgeoisie, quel que soit le parti à la tête du gouvernement, et quel que soit le caractère outrancier de son discours, n’a aucune solution à proposer face à la crise capitaliste. La seule chose qu’elle peut leur offrir, c’est plus d’exploitation, plus de misère et plus de répression.
Une plus grande intervention de l’État dans l’économie ou la libéralisation du marché sont de vieux arguments utilisés par la bourgeoisie dans son discours lorsqu’elle définit l’orientation de ses politiques économiques, mais il s’agit d’une pure mystification car que ce soit avec une part plus importante de propriété étatique ou à travers la privatisation des capitaux, la bourgeoisie recherche toujours les conditions qui lui permettent de poursuivre de la manière la plus rentable possible son exploitation. Pour un travailleur, il est indifférent que son exploitation soit gérée par le capital privé ou par l’État.
Engels expliquait déjà que « les forces productives ne perdent pas leur statut de capital, qu’elles deviennent la propriété de sociétés anonymes et de trusts ou qu’elles soient la propriété de l’État. En ce qui concerne les sociétés par actions et les trusts, c’est tout à fait clair. L’État moderne, quant à lui, n’est lui aussi qu’une organisation créée par la société bourgeoise […]. L’État moderne, quelle que soit sa forme, est essentiellement une machine capitaliste, c’est l’État des capitalistes, le capitaliste collectif idéal ». (1) Le danger que représente Milei ne réside donc pas, comme le répète la gauche du capital, dans la menace de privatisation ou la perte de « souveraineté nationale » par l’adoption du dollar comme monnaie nationale. La tronçonneuse de Milei avance en écrasant les travailleurs en lançant contre eux des mesures qui lui permettront d’atteindre son véritable objectif : défendre les profits et les intérêts du capital national, en lançant les attaques les plus brutales contre les conditions de vie des travailleurs.
Pour réduire le déficit et éliminer la banque centrale, dollariser la monnaie et laisser fonctionner à plein régime la libre concurrence sur le marché, il a besoin d’une profonde austérité, qui va paralyser immédiatement la production, ce qui, avec la hausse des prix et des tarifs, va fortement accélérer l’inflation. Cela va frapper aussi directement les salaires en éliminant les primes de Noël et en baissant les pensions. Tout cela, au nom de la défense de l’économie nationale.
Le populisme, comme phénomène général de la société, « comporte un élément commun à la plupart des pays avancés : la perte de confiance profonde dans les “élites” […] en raison de leur incapacité à rétablir la santé de l’économie et à endiguer la montée continue du chômage ou de la pauvreté. Cette révolte contre les dirigeants politiques […] ne peut en aucun cas déboucher sur une perspective alternative au capitalisme ». (2)
En ce sens, elle affecte directement la classe ouvrière, car les campagnes populistes de haine et de ressentiment contre « l’establishment » cherchent un bouc émissaire pour tenter d’expliquer ce qui « ne marche pas », masquant le fait que c’est le système capitaliste dans son ensemble qui est responsable et non telle ou telle personnalité ou parti politique. Pour les travailleurs, il n’y a rien à célébrer dans cette effervescence démocratique de la bourgeoisie, qui s’apprête à commémorer le 40e anniversaire des élections démocratiques dans le pays après la fin de la dictature militaire (1983), avec un « outsider » au gouvernement depuis le 10 décembre 2023, grâce au « vote de sanction » massif dont les partis traditionnels ont fait l’objet, principalement de la part de la jeunesse. L’alternance des partis au pouvoir dans la démocratie électorale est certes un piège pour les travailleurs destiné à leur faire croire que leur vote décide des changements de gouvernement et de politiques publiques, mais le « vote sanction » n’est rien d’autre que la « vengeance » qui lui est offerte pour continuer à les lier à l’idéologie de la démocratie bourgeoise.
S’il n’y a pas de différence entre les kirchneristes et les partisans de Macri quand il s’agit de défendre le capital national et de frapper les travailleurs, il y a déjà des signes évidents montrant que Milei s’est emparé du gouvernement précisément pour continuer cette défense. Cela ne peut se faire qu’en s’attaquant aux conditions de travail et de vie de la classe exploitée, qu’il a d’ailleurs stigmatisée en désignant les bénéficiaires des aides sociales de l’État comme étant les complices de la crise, c’est-à-dire des boucs émissaires, qualifiés de paresseux, de profiteurs et de voleurs.
En somme, si les phénomènes de décomposition comme le populisme affectent son jeu politique, la bourgeoisie a encore les moyens d’en retourner les effets contre la classe ouvrière, par exemple en renforçant le mythe de la démocratie, de l’alternance politique, de la valeur du vote, etc.
Toute la campagne électorale de Milei était basée sur la candidature d’un « libertaire », critique des élites politiques traditionnelles, qui a réussi à effrayer la « caste », et donc porteur d’une alternative. Mais dès son entrée en fonction, il a commencé à attaquer frontalement les travailleurs, rappelant les « plans de choc » des régimes dictatoriaux largement utilisés en Amérique latine dans les années 1980.
Le vieille recette bourgeoise d’alternance de la carotte et du bâton comprend également des mesures qui prétendent être destinées à « l’amélioration des prestations sociales ». Ainsi, il est annoncé une augmentation de 50 % des montants accordés par des programmes tels que le « revenu universel par enfant » et la « carte d’alimentation » qui sont en fait des miettes qu’il saupoudre, pour essayer d’apparaître « bienveillant », et qu'il utilise en réalité comme un instrument de contrôle, car il menace de les retirer à tous ceux qui manifestent dans les rues.
Cette mesure, présentée comme un « protocole anti-piquets de grève » est un complément au plan de répression sauvage des manifestations, présenté par la ministre de l’intérieur Patricia Bullrich, qui prévoit que les personnes participant aux grèves et manifestations devront payer les frais de l’opération policière ! Mais en plus, des amendes seront appliquées aux parents qui accompagnent leurs enfants mineurs aux manifestations. Quelle arrogance et quel mépris de la bourgeoisie pour la classe exploitée et opprimée !
Pour notre part, nous sommes persuadés que les travailleurs argentins ont une tradition historique de lutte et qu’ils seront poussés à se battre. Un aperçu de la réponse dont les travailleurs sont capables s’est déjà manifesté dans la nuit du 20 décembre. Après avoir terminé la présentation télévisée du « décret de nécessité et d’urgence », qui, entre autres aspects, énonçait « la déréglementation de l’économie » et l’interdiction des grèves, dans de nombreux endroits dans Buenos Aires comme en province, des masses d’exploités se sont rassemblées spontanément dans les rues en frappant sur des casseroles et des cuivres, et des centaines d’entre eux ont défilé jusqu’au parlement afin de protester.
Ces réactions, même si elles sont encore bien faibles, sont importantes car elles révèlent le mécontentement et l’effort qui existe chez les travailleurs pour briser les chaînes de leurs illusions dans les promesses du gouvernement. Elles montrent aussi qu’ils ne sont pas prêts à se sacrifier et à accepter docilement leur misère.
Le prolétariat en Argentine doit tirer profit de l’expérience des récentes mobilisations de ses frères de classe en Europe et aux États-Unis : ces mobilisations massives montrent que la classe ouvrière « en luttant contre les effets de la crise économique, contre les attaques orchestrées par les États, contre les sacrifices imposés par le développement de l’économie de guerre, le prolétariat se dresse, non comme citoyens réclamant des “droits” et la “justice”, mais comme exploités contre ses exploiteurs et, à terme, en tant que classe contre le système lui-même. C’est pourquoi, la dynamique internationale de la lutte de la classe ouvrière porte en elle le germe d’une remise en cause fondamentale de tout le capitalisme ». (3)
JRT, 7 janvier 2024
1 Du socialisme utopique au socialisme scientifique (1880).
2 « Rapport sur l’impact de la décomposition sur la vie politique de la bourgeoisie », Revue internatonale n° 164 (2020).
3 « Rapport sur l’impact de la décomposition sur la vie politique de la bourgeoisie », Revue internatonale n° 164 (2020).
Face au danger croissant que représente l’opportunisme au sein du camp prolétarien, le CCI est intervenu à de nombreuses reprises dans sa presse (1) et a organisé plusieurs discussions avec ses contacts et sympathisants proches. Si ce combat peut sembler, à première vue, anecdotique ou secondaire, l’histoire du mouvement ouvrier, depuis les combats déterminés de Marx et Engels (déjà qualifiés de « querelles de clochers » à l’époque), a amplement démontré qu’il n’en est rien. Il suffit, d’ailleurs, pour s’en convaincre de voir comment la Tendance communiste internationaliste (TCI), une organisation de la Gauche communiste, peut se vautrer dans la recherche illusoire d’une influence à tout prix dans la classe ouvrière : la TCI préfère renoncer à la défense des principes politiques fondamentaux du mouvement ouvrier (en particulier, la défense sérieuse de l’internationalisme) et mettre en péril la perspective révolutionnaire, pour espérer se gagner une poignée de militants.
Le CCI n’a pas non plus hésité à défendre becs et ongles le camp révolutionnaire face à la complaisance et la porosité d’organisations de la Gauche communiste vis-à-vis des petites officines de mouchards (comme le GIGC) ou des groupuscules et individus parasitaires. Le parasitisme, tout comme la complaisance des révolutionnaires à son égard, ont toujours été un fléau dans l’histoire du mouvement ouvrier, comme en témoignaient déjà le combat de la Première Internationale face aux manœuvres de Bakounine. La raison d’être de la mouvance parasitaire, pleine de demi-savants à l’égo surdimensionné, est d’entraver le combat et la clarification entre les véritables organisations révolutionnaires.
C’est pourquoi nous saluons fortement le courrier ci-contre rédigé par un de nos contacts en soutien à ce combat.
CCI, 29 novembre 2023
Chers camarades,
Dans la continuité de mes critiques et de mon rejet, à travers mes précédentes déclarations, des différentes formes de parasitisme qui minent le camp politique prolétarien depuis des années, j’exprime également aujourd’hui ma plus large condamnation du parasitisme et ma pleine solidarité avec le CCI.
Mais, parallèlement à cette déclaration, je veux lancer un avertissement aux organisations qui font encore partie du camp politique prolétarien : attention à l’opportunisme, autre fléau irrépressible du mouvement ouvrier et en particulier de ses avant-gardes. Car il ouvre insidieusement la porte non seulement à certains renoncements aux principes prolétariens qui caractérisent ce même camp (jusqu’à le conduire à la trahison, voir par exemple le cas de la social-démocratie allemande à la veille de la Première Guerre mondiale), mais aussi à l’aventurisme, et pire encore, comme le dit justement le rapport du CCI, au dédouanement du parasitisme en lui donnant une reconnaissance communiste de gauche. Cela peut conduire à une véritable contagion pernicieuse du camp politique prolétarien, mettant en péril sa survie, sans laquelle il n’y aura pas de parti demain, organe indispensable pour mener la révolution prolétarienne à la victoire.
Et à cet égard, je veux dénoncer les parasites et les espions du GIGC qui, en tant que menteurs éhontés, en plus d’autres accusations infondées dûment démenties par le CCI – documents en main – à travers sa presse et dans des réunions publiques, se permettent d’attaquer ce dernier en lui attribuant des faiblesses conseillistes inexistantes, précisément sur la conception du parti, faisant ainsi un clin d’œil aux autres formations du camp politique prolétarien. Or, il peut y avoir et il y a des différences sur la conception du parti entre, par exemple, le CCI et la TCI ou les groupes bordiguistes, et celles-ci peuvent et doivent être discutés fraternellement et publiquement avec les différents groupes, précisément dans la continuité de la tradition que la gauche communiste nous a léguée. Au lieu de cela, nous trouvons les camarades de la TCI en train de collaborer, voire même d’accepter dans leurs rangs des éléments indignes et dangereux comme ceux du GIGC. C’est donner un mauvais exemple au milieu, en particulier concernant l’importance et la nécessité de son existence pour des éléments qui évoluent vers des positions de classe (voir la réunion du comité du NWBCW à Paris). Malheureusement, je crains que l’opportunisme de la TCI ne l’entraîne dans une dérive dangereuse, qui menace à la fois sa survie en tant que groupe appartenant au camp politique prolétarien et celle de ce même camp dans son ensemble.
Je suis donc tout à fait d’accord avec votre présentation et lutte sans relâche contre l’opportunisme, l’aventurisme et le parasitisme.
Osvaldo, 15 novembre 2023
1 Lire à ce sujet : « Réunions publiques de la TCI : une véritable faillite politique ! » et « Congrès de la Haye : comment la TCI nie les leçons du marxisme sur la lutte contre le parasitisme politique ». Ces deux articles sont disponibles sur le site web du CCI.
Links
[1] https://fr.internationalism.org/files/fr/ri-500_bat.pdf
[2] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/56/moyen-orient
[3] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/57/israel
[4] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/58/palestine
[5] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/conflit-israelo-palestinien
[6] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/biden
[7] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/netanyahou
[8] https://fr.internationalism.org/en/tag/questions-theoriques/internationalisme
[9] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/47/suede
[10] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/lutte-classe-monde-2022-2023
[11] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/51/canada
[12] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/lanarchisme-internationaliste
[13] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/anarchisme-officiel
[14] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/environnement
[15] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/cop
[16] https://fr.internationalism.org/en/tag/situations-territoriales/situation-sociale-france
[17] https://fr.internationalism.org/en/tag/30/526/emmanuel-macron
[18] https://fr.internationalism.org/en/tag/recent-et-cours/immigration
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[20] https://fr.internationalism.org/en/tag/5/55/argentine
[21] https://fr.internationalism.org/en/tag/personnages/javier-milei
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[25] https://fr.internationalism.org/en/tag/courants-politiques/gauche-communiste