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Révolution internationale n°487 - mars avril 2021

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La bourgeoisie profite de la pandémie de Covid-19 pour attaquer la classe ouvrière!

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Plus de 2,5 millions de morts à ce jour, une deuxième vague presque trois fois plus meurtrière que la première. Ce bilan morbide suffit pour révéler l’incapacité de la bourgeoisie à juguler les effets désastreux de la pandémie de Covid-19. Alors que les gouvernements, censés avoir tiré les leçons de la vague du printemps dernier, “promettaient” de “tout faire” pour éviter une deuxième vague, il n’en est rien. La bourgeoisie continue à faire face à la pandémie avec toute l’hypocrisie et le cynisme qui la caractérisent. En France, comme partout ailleurs, le gouvernement n’a pris aucune disposition pour accroître la capacité de prise en charge des hôpitaux, aucune augmentation de lits de réanimation, aucune augmentation des effectifs de soignants. L’incurie se poursuit, rendant les États incapables de soigner à peine plus de quelques milliers de malades. Dans ces conditions lamentables, la vaccination demeure à ce jour la seule porte de sortie. Or, là aussi, la logique de la concurrence capitaliste et du chacun pour soi entre chaque État et entre chaque laboratoire pharmaceutique aboutit à un fiasco de la campagne vaccinale puisqu’on assiste à une véritable pénurie de doses, laissant les populations toujours aussi vulnérables. En Europe, à peine quelques dizaines de millions de personnes ont été vaccinées. En France, où la pénurie est particulièrement caricaturale, il n’y a même pas suffisamment de doses pour vacciner les personnes de plus de 75 ans.

Les autorités politiques et scientifiques se dédouanent en dénonçant l’avidité des laboratoires pharmaceutiques ou bien en nous demandant encore de la patience : les livraisons conséquentes devraient arriver pour le mois d’avril ! Mais tous se gardent bien de prôner la levée des brevets déposés sur les vaccins qui permettrait une vaccination massive et beaucoup plus rapide. En effet, Pfizer et consorts ne veulent en aucun cas fournir la recette de la potion magique à leurs principaux concurrents afin de garder le monopole du marché et engranger le maximum de profits. C’est donc la logique pure des lois du capitalisme qui s’impose froidement au détriment de dizaines de millions de vies humaines. D’ailleurs, la bourgeoisie française se garde bien de protester contre le maintien de ces monopoles : elle sait pertinemment que ses poulains, Sanofi et l’Institut Pasteur, agiront de la même manière que leurs rivaux s’ils sont en mesure de sortir un vaccin. Chacun pour soi et Dieu pour tous, telle est la logique du système, de tous les États et de leurs labos. C’est bien le capitalisme mondial et sa classe dominante qui sont les seuls responsables de la poursuite de la pandémie.

La bourgeoisie poursuit donc son incurie qu’elle masque en cherchant à nous culpabiliser, en nous faisant porter le chapeau des contaminations, de l’épuisement des soignants victimes des “comportements irresponsables” des individus. Chaque jour, toute une kyrielle d’hommes politiques et de scientifiques défilent sur les plateaux télé en nous exhortant “à tenir bon”, à faire preuve de patience et à accepter les “sacrifices”. L’État nous impose le couvre-feu dès 18 heures ou des confinements le week-end, alors qu’on laisse ouvertement les prolétaires se contaminer sur les lieux de travail ou dans des transports en commun toujours aussi bondés aux heures de pointe.

C’est donc à la population de supporter, sous la contrainte, les “efforts” imposés par la classe dominante qui se moque royalement de la préservation des vies humaines et de la santé des travailleurs malgré ses beaux discours. Mais le cynisme de l’État “protecteur” ne s’arrête pas là ! La bourgeoisie et son gouvernement profitent encore de la situation pour poursuivre et renforcer ses attaques contre la classe ouvrière. En France, le gouvernent, avec la complicité des syndicats et de tous les partis de gauche, utilise l’état d’urgence sanitaire pour adopter en catimini la réforme de l’assurance-chômage qui prévoit notamment la réduction drastique des indemnisations des demandeurs d’emploi et l’augmentation de la durée des cotisations. Alors que la misère et la précarité explosent sous l’effet de la crise et de la pandémie, que des vagues de licenciements massifs vont déferler dans de nombreux secteurs et entreprises, la bourgeoisie n’a aucun scrupule à plonger les chômeurs dans une misère encore plus noire. Les promesses de Macron de ne laisser personne sur le carreau “quoi qu’il en coûte” ont fait long feu…

Bien sûr, officiellement, les syndicats se sont opposés à cette réforme, mais ce rejet est animé uniquement par l’objectif de ne pas se discréditer trop ouvertement auprès des salariés. En réalité, leur frilosité à protester contre cette nouvelle attaque contre la classe ouvrière correspond à ce qu’ils sont réellement : des organes de l’État capitaliste dans les rangs ouvriers. Ils ne crient à hue et à dia et ne tiennent un discours “radical” que quand ils sentent que le classe ouvrière risque de faire exploser sa colère et sa combativité par des grèves spontanées, des assemblées générales, des manifestations, en dehors de leurs consignes et de leur contrôle.

Aujourd’hui, ces saboteurs patentés des luttes ne cherchent nullement à pousser les prolétaires à riposter et mettent à profit les difficultés des travailleurs à se mobiliser du fait de la crise sanitaire et des mesures de distanciation sociale. Gouvernements, syndicats et patronats sont tous complices, main dans la main pour faire passer les attaques contre les chômeurs et contre l’ensemble de la classe ouvrière.

La crise sanitaire, encore loin d’être derrière nous, va continuer à aggraver les conditions de travail et d’existence de la classe exploitée en France, comme partout dans le monde. Avec l’aggravation de la crise économique, c’est encore et toujours la classe ouvrière qui va devoir payer la note. Face à la misère croissante que nous promet le capitalisme, nous n’aurons pas d’autre choix que de lutter tous ensemble et massivement en développant notre unité et solidarité face à la bourgeoisie et aux chiens de garde du capital que sont les syndicats.

Aujourd’hui, les travailleurs sont paralysés par la crise sanitaire, obligés de marcher au pas cadencé derrière les mesures drastiques de limitation de la vie sociale. L’État “protecteur” et son gouvernement ont le vent en poupe. Mais dès que la pandémie sera derrière nous, il faudra de nouveau occuper la rue, occuper tous les espaces publics pour discuter des moyens de la lutte et résister aux plans d’austérité que la classe dominante va chercher à nous imposer. Si la classe ouvrière hésite à se mobiliser sur son propre terrain de classe pour défendre ses conditions d’existence, si elle courbe l’échine, si elle fait confiance aux syndicats pour déclencher, organiser et diriger ses luttes, elle laissera les mains libres à la bourgeoisie pour cogner encore plus fort !

Dans ce monde pourri qui mène l’humanité vers le néant, le seul avenir de la société est entre les mains de la classe ouvrière, de ses combats contre le capitalisme et tous les fléaux qu’il engendre.

Vincent, 4 mars 2021

Récent et en cours: 

  • Coronavirus [2]
  • COVID-19 [3]

Rubrique: 

Covid-19

Mobilisation des étudiants: Confrontée à la misère, la jeunesse ne se résigne pas!

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Le 21 janvier dernier, des centaines d’étudiants sont descendus dans la rue partout en France pour exprimer leur exaspération et leur colère. Depuis maintenant un an, pour faire face à la pandémie, le gouvernement a régulièrement stoppé les cours en présentiel dans les universités, laissant les étudiants sans autre perspective qu’un tête à tête avec un écran d’ordinateur. Macron a eu beau claironner haut et fort qu’il était hors de question de confiner uniquement les vieux et les jeunes, c’est pourtant bien un des axes de la politique menée dans la gestion de la pandémie. Par conséquent, les cours se résument à des vidéoconférences pour les plus chanceux ou de simples fichiers PDF pour les autres. Quant aux enseignants en arrêt, ils ne sont pas remplacés et les étudiants doivent se débrouiller pour trouver seuls sur Internet le contenu de leurs cours. À cette situation d’isolement, s’ajoute la précarité financière faisant de la jeunesse une des victimes privilégiées de l’accroissement de la misère. En temps normal, 40 % des étudiants travaillent pour boucler leurs fins de mois… mais les jobs étudiants ont quasiment tous disparu, laissant une grande frange de cette population appauvrie et dans la détresse. 75 % d’entre eux affirment avoir des difficultés financières. Beaucoup n’ont plus de quoi payer leur loyer ou même de quoi se nourrir à partir du 15 du mois, ce qui amène un nombre croissant de cette frange de la population à gonfler les rangs de ceux qui sont réduits à la “soupe populaire” ou à recourir aux “banques alimentaires”.

Et ce n’est pas les quelques miettes jetées par le gouvernement Macron pour “calmer les esprits” qui changera quelque chose. Un chèque-santé pour aller voir un psychologue ?… Quand on sait que dans cette profession, ils sont au nombre de 1 pour 30 000 étudiants sur les campus ! Deux repas à 1 euro par jour pour tous ?… Cela a conduit certains restaurants universitaires à fortement diminuer les portions et la qualité des repas !

Moins d’argent, quasiment plus de vie sociale, aucune perspective, tel est le sort que la société “offre” aux jeunes générations : “Un jeune sur six a arrêté ses études, 30 % a renoncé à l’accès aux soins, et plus de la moitié est inquiète pour sa santé mentale”. (1) Les troubles psychologiques explosent, touchant 30 % des étudiants contre 20 %, il y a 4 ans. (2) L’isolement extrême lié à la pandémie et l’atomisation de la société capitaliste semblent avoir raison de toute une génération. Face à une situation aussi insoutenable, les tentatives de suicides se sont multipliées ces derniers mois, (3) marque supplémentaire du désespoir et de l’absence de futur auprès d’une frange toujours plus grande la population.

“Entre la fatigue, le flou, la colère et la solitude, on fait quoi ?” (4)

Si les étudiants se définissent eux-mêmes comme “une génération sacrifiée”, ils ne sont pas prêts pour autant à baisser les bras et à se laisser piétiner par le capitalisme pourrissant. “La vie d’un étudiant ne doit pas finir au cimetière” ! (5)

Ainsi, malgré le risque sanitaire, les plus combatifs ont repris le chemin de la rue pour dénoncer leurs conditions d’existence mais aussi pour tous ceux qui restent isolés : “c’est pour cela qu’on est là aussi, c’est pour s’exprimer pour eux aussi”, (6) témoignait un étudiant en manifestation.

Mais cela fait des années, voire des décennies que le malaise étudiant existe. Déjà, en 2017, 20 % des étudiants vivaient en dessous du seuil de pauvreté, 46 % travaillaient pour vivre. Des chiffres édifiants tandis que depuis 2009, le coût de la vie étudiante ne cessait d’augmenter. (7) En septembre 2019, symbole de cette dégradation sans fin, un étudiant s’immolait par le feu devant le CROUS (8) de l’Université de Lyon. Il accompagnait son geste d’un message sur Facebook où il dénonçait les conditions de vie étudiantes et “les politiques menées depuis plusieurs années” par les différentes fractions de la bourgeoisie au pouvoir, “Macron, Hollande, Sarkozy notamment”. (9) Et déjà, en réaction, les étudiants descendaient dans la rue pour revendiquer le droit d’étudier dignement : “la précarité tue !” “conditions de vie décentes pour tout.te.s les étudiant.e.s”, (10) pouvait-on lire à cette époque d’avant Covid.

Aujourd’hui, si la pandémie a certes renforcé l’isolement et l’atomisation, elle n’a été au final qu’un catalyseur de la dégradation incessante et continue des conditions de vie étudiantes, et cela pas seulement en France mais dans toute l’Union européene ou en Grande-Bretagne où se sont généralisées une détérioration et une précarisation accélérées des conditions de vie totalement similaires. (11) Une partie de la nouvelle génération de prolétaires le ressent. La colère n’est pas seulement dirigée contre les effets délétères de la crise du Covid comme l’atomisation et l’enfermement imposé par l’État. Comme on a pu le constater dans les cortèges, les préoccupations demeuraient bien plus larges : “étudiants révoltés : contre l’État et la précarité”, “étudiant.e.s : nous isoler est leur arme, la solidarité était, est et sera notre riposte”, “au lycée, à la fac, à l’usine et partout, combattons la précarité et la misère”. (12) Derrière ces revendications, se cache un leitmotiv sous-jacent : Comment lutter contre cette société ? Comment envisager un autre avenir ?

Les manifestations étudiantes de ce mois de janvier en France se placent donc dans la continuité des luttes de l’automne 2019 et de l’hiver 2020. La stupeur et la sidération provoquées par le surgissement de la pandémie n’ont pas totalement brisé la volonté de se battre, de lutter ensemble, de discuter et d’échanger même si le chemin vers le développement de luttes plus massives est encore long.

En effet, ces mobilisations sont demeurées très furtives du fait du contexte sanitaire et de la capacité de la bourgeoisie à désamorcer très rapidement la mobilisation en écartant “la crainte” d’un nouveau confinement et par le travail de division des syndicats. Ceux-ci ont fait tout leur possible pour empêcher la participation des étudiants à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 6 février en organisant des rassemblements alternatifs et des assemblées générales isolées et stériles à l’intérieur même des universités ou encore en mettant en avant des mots d’ordres spécifiques tels que “jeunesse oubliée : nous ne paierons pas la crise” !

Pourtant, malgré ces tentatives d’opposer cette jeunesse que l’on “sacrifie pour la santé des plus vieux”, la mayonnaise a des difficultés à prendre. “70 % des 18-30 ans pensent en effet que c’est choquant de dire qu’on a sacrifié leur génération pour sauver les plus âgés”. (13)

Non : il n’y a pas opposition entre les générations d’une même classe ! C’est dans la solidarité et les leçons des luttes passées que les jeunes prolétaires doivent puiser leur force. Le capitalisme n’a rien à offrir à aucune génération de prolétaire. Ainsi le slogan forgé lors du mouvement contre le Contrat Premier embauche (CPE) en 2006 reste pleinement d’actualité : “Vieux croûtons, jeunes lardons : tous la même salade !” (14)

 

Élise, 18 février 2021

1) “Covid-19 en France : les étudiants en détresse”, France 24 (26 janvier 2021).

2) “Le nombre d’étudiants souffrant de fragilités psychologiques est passé de 20 % à 30 % en 4 ans”, Le Journal du dimanche (27 janvier 2021).

3) “La crise sanitaire pèse sur la santé mentale des étudiants”, Le Monde (28 décembre 2020).

4) “Mobilisation étudiante : “Entre la fatigue, le flou, la colère et la solitude, on fait quoi ?”, Le Monde (21 janvier 2021).

5) “On se sent abandonnés” : face à la crise sanitaire, des étudiants manifestent leur détresse”, Le Parisien (20 janvier 2021).

6) Ibid.

7) “Précarité : près de 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté”, Le Monde (14 novembre 2019).

8) Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires.

9) “Que disent les chiffres sur la précarité étudiante ?”, Le Journal du Dimanche (13 novembre 2019).

10) Ibid.

11) En Allemagne, par exemple, 40 % des étudiants avouaient en 2019 (avant le Covid) de très grosses difficultés financières pour survivre, alors qu’à Londres, où les frais d’inscription universitaires sont exorbitants, il leur est quasiment impossible de trouver un logment à moins de 800 euros.

12) Ibid.

13) “Coronavirus : 81 % des 18-30 ne se reconnaissent pas dans l’appellation génération Covid”, 20 minutes (10 juin 2020).

14) En 2006, les étudiants et jeunes précaires qui luttaient contre le CPE ont été rejoints et soutenus par toutes les générations de prolétaires.

Situations territoriales: 

  • Situation sociale en France [4]

Rubrique: 

Crise économique

Bilan des réunions publiques du 23 janvier 2021

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Fin janvier, la section du CCI en France a organisé des réunions publiques en ligne sur le thème : “Pandémie de Covid-19, assaut du Capitole à Washington : deux expressions de l’intensification de la décomposition du capitalisme”. Nos réunions publiques, comme nos permanences, (1) sont ouvertes à tous les camarades intéressés par le combat pour l’émancipation de la classe ouvrière et pour le communisme. Tous les individus, groupes et organisations politiques révolutionnaires sont les bienvenus pour débattre des positions, analyses et principes défendus par le CCI, y compris en cas de désaccords. Notre vision s’inspire de la culture du débat, telle qu’elle a toujours été défendue dans l’histoire du mouvement ouvrier, c’est-à-dire avec le souci de confronter les idées, avec une volonté d’écoute et le souci de convaincre.

Afin de lancer le débat, l’exposé introductif présenté par le CCI a commencé par donner un tableau de la gravité de la situation actuelle marquée par une accélération de la décomposition qui vient maintenant frapper de plein fouet les pays les plus industrialisés, et notamment la première puissance mondiale, les États-Unis. En voici de larges extraits : (2)

“La décomposition du capitalisme est due au fait qu’aucune des deux classes fondamentales de la société, ni la bourgeoisie ni le prolétariat, n’a pu apporter sa propre réponse à la crise économique : soit une nouvelle guerre mondiale (comme c’était le cas avec la crise des années 1930), soit la révolution prolétarienne. La bourgeoisie n’a pas réussi à embrigader le prolétariat derrière les drapeaux nationaux pour l’envoyer se faire massacrer sur les champs de bataille. Mais le prolétariat, de son côté, n’a pas pu développer des luttes révolutionnaires pour renverser le capitalisme. C’est cette absence de perspective qui a provoqué le pourrissement sur pied de la société capitaliste depuis la fin des années 1980. Depuis 30 ans, cette décomposition s’est manifestée par toutes sortes de calamités meurtrières : la multiplication des massacres y compris en Europe avec la guerre dans l’ex-Yougoslavie, le développement des attentats terroristes aussi en Europe, les vagues de réfugiés qui cherchent désespérément un asile dans les pays de l’espace Schengen, les catastrophes dites naturelles à répétition, les catastrophes nucléaires comme celles de Tchernobyl en 1986 en Russie et celle de Fukushima en 2011 au Japon. Et plus récemment, la catastrophe qui a complètement détruit le port de Beyrouth au Liban, le 4 août 2020”. Nous pourrions rajouter à cela le développement continu du chacun pour soi, du no future et de l’irrationnel.

Et sur tous ces plans, la pandémie comme l’assaut du Capitole révèlent l’aggravation de la décomposition de la société capitaliste : “La crise sanitaire que nous vivons aujourd’hui est l’événement le plus grave depuis l’effondrement du bloc de l’Est. Contrairement aux épidémies d’origine animale du passé (comme la peste introduite au Moyen Âge par les rats), cette pandémie est due essentiellement à l’état de délabrement de la planète : le réchauffement climatique, la déforestation, la destruction des territoires naturels des animaux sauvages, de même que la prolifération des bidonvilles dans les pays sous-développés,… La pandémie de Covid-19 n’est donc pas une catastrophe imprévisible qui répondrait aux lois obscures du hasard et de la nature ! Le responsable de cette catastrophe planétaire, de ces millions de morts, c’est le capitalisme lui-même. Un système basé non pas sur la satisfaction des besoins humains, mais sur la recherche du profit, de la rentabilité par l’exploitation féroce de la classe ouvrière. Un système basé sur la concurrence effrénée entre les entreprises et entre les États. Une concurrence qui empêche toute coordination et coopération internationale pour éradiquer cette pandémie. C’est ce qu’on voit aujourd’hui avec la “guerre des vaccins”, après la “guerre des masques” au début de la pandémie. Jusqu’à présent, c’étaient les pays les plus pauvres et sous-développés qui étaient régulièrement frappés par des épidémies. Maintenant, ce sont les pays les plus développés qui sont ébranlés par la pandémie de Covid-19, c’est le cœur même du système capitaliste qui est attaqué. Il faut dire que face à l’aggravation de la crise économique, dans tous les pays, les gouvernements de droite comme de gauche, n’ont cessé depuis des décennies de réduire les budgets sociaux, les budgets de la santé et de la recherche. Le système de santé n’étant pas rentable, ils ont supprimé des lits, fermé des services hospitaliers, supprimé des postes de médecins, aggravé les conditions de travail des soignants. En France, le laboratoire Sanofi (lié à l’Institut Pasteur) a supprimé 500 postes de chercheurs depuis 2007. Toutes les recherches scientifiques et technologiques de pointe aux États-Unis ont été consacrées essentiellement au secteur militaire, avec y compris la recherche d’armes bactériologiques. Cette pandémie mondiale incontrôlable confirme que le capitalisme est devenu, depuis le cataclysme de la Première Guerre mondiale, un système décadent qui met en jeu la survie de l’humanité. Après un siècle d’enfoncement dans la décadence, ce système est entré dans la phase ultime de cette décadence : celle de la décomposition”. L’assaut du Capitole souligne que ce pourrissement touche jusqu’à la première puissance mondiale : “L’arrivée de Trump au pouvoir, puis le refus d’admettre sa défaite électorale aux dernières présidentielles, a provoqué une explosion effarante du populisme. À Washington, ses troupes de choc avec leurs commandos, leurs milices armées complètement fanatisées, ont pris d’assaut le Capitole le 6 janvier dernier, sans que les forces de sécurité, censées protéger ce bâtiment, n’aient pu les en empêcher. Le pays de la Démocratie et de Liberté est ainsi apparu comme une vulgaire république bananière du Tiers-Monde (comme le reconnaissait l’ex-président George Bush lui-même) avec le risque d’affrontements armés dans la population civile. La montée de la violence sociale, de la criminalité, la fragmentation de la société américaine, les violences racistes contre les noirs, tout cela montre que les États-Unis sont devenus un concentré et le miroir de la pourriture sociale”.

La décomposition, phase ultime de la décadence du capitalisme

Suite à cette introduction, l’un des participants a affirmé que, pour lui, la pandémie comme l’assaut du Capitole étaient des symboles de la décadence du capitalisme et, donc, qu’il n’y avait pas “besoin d’utiliser la notion de décomposition” pour comprendre ces événements. Il est effectivement impossible de comprendre la situation actuelle sans se référer à la période de décadence. Mais cette période de décadence a elle-même une histoire.Pour comprendre l’ampleur de l’irrationalité, du chacun pour soi, de l’incurie, de la courte-vue de toutes les politiques menées partout par la bourgeoisie, il faut comprendre l’étape actuelle de la décadence : la décomposition, qui concentre en elle toutes les caractéristiques de la décadence. (3) En fait, de même que le capitalisme connaît différentes périodes dans son parcours historique (naissance, ascendance, décadence), chacune de ces périodes contient elle aussi un certain nombre de phases distinctes et différentes. Par exemple, la période d’ascendance comportait les phases successives du libre marché, de la société par actions, du monopole, du capital financier, des conquêtes coloniales, de l’établissement du marché mondial. De même, la période de décadence a aussi son histoire : impérialisme, guerres mondiales, capitalisme d’État, crise permanente et, aujourd’hui, décomposition. Dans la mesure où les contradictions et manifestations de la décadence du capitalisme, qui, successivement, marquent les différents moments de cette décadence, ne disparaissent pas avec le temps, mais se maintiennent, et même s’approfondissent, la phase de décomposition apparaît comme celle résultant de l’accumulation de toute ces caractéristiques d’un système moribond, celle-ci parachève et chapeaute trois quarts de siècle d’agonie d’un mode de production condamné par l’histoire. Concrètement, non seulement la nature impérialiste de tous les États, la multiplication des guerres et massacres, l’absorption de la société civile par le Moloch étatique, la crise permanente de l’économie capitaliste, se maintiennent dans la phase de décomposition, mais cette dernière se présente encore comme la conséquence ultime, la synthèse achevée de tous ces éléments.

La décomposition, une période historique inédite

Pourquoi le CCI parle-t-il d’une phase spécifique de décomposition alors que de nombreux phénomènes de décomposition se sont manifestés régulièrement dans toute l’histoire des sociétés de classe ? Ainsi, une camarade se demandait : “En quoi la décadence actuelle est-elle différente de celle des autres systèmes ? Est-ce que la décomposition du capitalisme est unique historiquement ?”

Face à cette question, le CCI a avancé les arguments suivants. Il existe une différence cruciale entre la décadence du capitalisme et la décadence des autres modes de production l’ayant précédé. Pour ne donner que l’exemple de la décadence du féodalisme, celle-ci était limitée par l’émergence “en parallèle” des rapports sociaux capitalistes et l’ascension de façon graduelle et partielle de la classe bourgeoise. La société féodale en déclin pouvait donc se projeter dans le futur avec l’émergence en son sein d’un autre mode de production. Si la société féodale a connu des éléments de décomposition sociale, (4) ces derniers ont pu être atténués ou annihilés par l’ascension du nouveau mode de production capitaliste, celui-ci parvenant même à en instrumentaliser certains (même si ce n’était pas nécessairement avec une réelle conscience) pour défendre ses propres intérêts.

On peut en donner une illustration : la monarchie absolue a participé dans certains pays, comme en France au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, au développement économique du capital contribuant à former un marché national et à voir s’affirmer la bourgeoisie sur les plans économique et politique au détriment de la noblesse. C’est pour cela que, dans la décadence du féodalisme, il pouvait exister des manifestations de décomposition sociale plus ou moins poussées, mais il ne pouvait pas exister une période historique spécifique de décomposition. Dans l’histoire humaine, certaines civilisations très isolées ont pu finir dans une complète décomposition conduisant à leur disparition, tel que l’exemple bien connu de l’île de Pâques.

Cependant, seul le capitalisme peut avoir dans sa décadence une période globale de décomposition, comme phénomène historique et mondial. Comme le CCI l’a souligné dans la discussion, le communisme ne peut pas coexister avec le capitalisme décadent, ni même commencer à s’instaurer, sans que la nouvelle classe révolutionnaire, le prolétariat, ait auparavant exécuté la sanction de l’histoire en ayant préalablement pris le pouvoir politique en renversant celui de la bourgeoisie pour donner un avenir à toute la société. Le prolétariat commence sa révolution sociale là où les précédentes révolutions la terminaient en transformant d’abord les bases économiques de l’ancienne société qui n’était plus en mesure de développer les forces productives. Le communisme n’est pas l’œuvre d’une classe exploiteuse qui pourrait, comme par le passé, partager le pouvoir avec l’ancienne classe dominante. Classe exploitée, le prolétariat ne peut s’émanciper qu’en détruisant de fond en comble le pouvoir de la bourgeoisie. Il n’y a aucune possibilité pour que les prémices de nouveaux rapports de production, puissent venir alléger, limiter les effets de la décadence capitaliste.

Du fait que le prolétariat n’ait pas été en mesure jusqu’à présent d’affirmer son projet révolutionnaire face à l’impasse du capitalisme, la société se trouve confrontée à une absence totale de perspective, à un avenir qui semble bouché. C’est ce qui explique le pourrissement sur pied du système capitaliste. La morbidité de la décadence capitaliste s’impose à tous comme une voie sans issue ; le no future et la fuite en avant dans le chacun pour soi et l’irrationnel rongent toute la société qui tend de plus en plus à se disloquer, à se décomposer.

La décomposition et la perspective révolutionnaire

La phase de décomposition signifie-t-elle que la perspective communiste est devenue hors d’atteinte ou en tout cas fort compromise ? Une participante a ainsi résumé le pessimisme grandement partagé par l’assemblée : “L’alternative reste toujours la même : socialisme ou barbarie. Mais le prolétariat est dans une situation de plus en plus précaire. Sa conscience va en prendre un coup : le quotidien est de plus en plus difficile à gérer : pandémie et décomposition. La perspective révolutionnaire s’éloigne”. Il est vrai que cette situation de chaos généralisé donne une vision apocalyptique du monde. Mais l’avenir est-il complètement bouché ? Comme nous l’avons mis en avant dans notre exposé, notre réponse est : Non ! “Au fond du gouffre de la décomposition, il existe une force sociale capable de renverser le capitalisme pour construire un monde nouveau, une véritable société humaine unifiée. Cette force sociale, c’est la classe ouvrière. C’est elle qui produit l’essentiel des richesses du monde. Mais c’est elle aussi qui est la principale victime de toutes les catastrophes engendrées par le capitalisme. C’est elle qui va encore faire les frais de l’aggravation de la crise économique mondiale. La crise sanitaire ne peut qu’aggraver encore plus la crise économique. Et on le voit déjà avec les faillites d’entreprises, les charrettes de licenciements depuis le début de cette pandémie. Face à l’aggravation de la misère, à la dégradation de toutes ses conditions de vie dans tous les pays, la classe ouvrière n’aura pas d’autre choix que de lutter contre les attaques de la bourgeoisie. Même si, aujourd’hui, elle subit le choc de cette pandémie, même si la décomposition sociale rend beaucoup plus difficile le développement de ses luttes, elle n’aura pas d’autre choix que de se battre pour survivre. Avec l’explosion du chômage dans les pays les plus développés, lutter ou crever, voilà la seule alternative qui va se poser aux masses croissantes de prolétaires et aux jeunes générations ! C’est dans ses combats futurs, sur son propre terrain de classe et au milieu des miasmes de la décomposition sociale, que le prolétariat va devoir se frayer un chemin, pour retrouver et affirmer sa perspective révolutionnaire”.

Quels sont ces dangers qu’il faut aujourd’hui prévenir ? Un camarade dans l’assistance a commencé à répondre à cette question : “La crise économique fait tomber dans la pauvreté beaucoup de couches sociales. On en voit les prémices au travers des luttes interclassistes. Le prolétariat est embrigadé par des couches sociales qui n’expriment pas une perspective pour l’humanité. La situation la plus difficile, c’est d’être englué dans ces couches sociales, en particulier la petite bourgeoisie. Renouer avec une identité de classe, se reconnaître comme classe, porteur d’un projet social.”

Tout au long de son existence, le CCI a mis en garde la classe contre les émeutes et les luttes des couches sociales non-exploiteuses, qui par leurs objectifs et leurs méthodes de lutte risquent de dévoyer certaines fractions du prolétariat vers des luttes interclassistes où le prolétariat perd son autonomie de classe en se dissolvant dans la population en général, dans le “peuple” au milieu de couches intermédiaires telles que la petite bourgeoisie confrontée à une paupérisation croissante. Il risque aussi de se mobiliser sur le terrain de luttes “parcellaires” en se focalisant sur un aspect partiel de la domination capitaliste (contre le racisme, l’oppression des femmes ou le réchauffement climatique). Il risque même de se laisser entraîner sur un terrain bourgeois, comme la revendication d’une police “propre” et “démocratique”, se disant au “service du peuple” alors que les forces de répression ne servent qu’à maintenir l’ordre du capital. La phase historique de la décomposition multiplie ces risques, sans oublier le poids des visions complotistes, nihilistes, du fondamentalisme religieux que porte une petite bourgeoisie étranglée par la crise et tous les éléments déclassés qui viennent en prophètes promettre le paradis sur terre ou l’apocalypse. Face à cette situation pleine de dangers pour la lutte de classe, la tâche de l’heure pour les révolutionnaires est de défendre la solidarité prolétarienne et l’affirmation de l’autonomie de classe du prolétariat.

Le poids de l’isolement et du sentiment d’impuissance liée à la pandémie est indéniable, comme l’a très bien fait remarquer une intervention : “Je reviens sur le défaitisme : quand je discute avec des copains, le défaitisme est difficile à dépasser. Oui, individuellement, tu ne peux rien faire. Comment dépasser cela ? [...] En ce moment, il est difficile de lutter contre le défaitisme ambiant”. C’est aussi pour cela que les réunions organisées par le CCI, comme toutes les réunions des organisations révolutionnaires, sont des moments importants pour la classe ouvrière : en débattant, en cherchant à confronter nos positions et à les clarifier, nous faisons aussi vivre ce qu’est l’âme du prolétariat, son activité consciente collective, sa solidarité dans la lutte et dans le développement de sa conscience révolutionnaire.

Malgré toutes les souffrances qu’elle engendre, la crise économique reste, aujourd’hui encore, la meilleure alliée du prolétariat. Il ne faut donc pas voir dans la misère que la misère, mais aussi les conditions du dépassement de cette misère. L’avenir de l’humanité appartient toujours à la classe exploitée.

RI, 28 février 2021

1) Les dates des réunions sont indiquées sur notre site internet (rubrique “agenda”).

2) La version complète est disponible sur notre site internet.

3) Voir : “La décomposition, phase ultime de la décadence capitaliste”, Revue internationale n° 107.

4) Par exemple, la dislocation du corps social dans certaines parties de l’Europe au cours des XIVe et XVe siècles à travers les effets de la guerre de Cent Ans ou de la peste noire.

Vie du CCI: 

  • Réunions publiques [5]

Récent et en cours: 

  • Coronavirus [2]
  • COVID-19 [3]

Rubrique: 

Réunions publiques du CCI

Coup d’état en Birmanie: Démocratie ou junte militaire, la même dictature capitaliste

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Avec le dernier coup d’État militaire en Birmanie, l’armée reprend officiellement le pouvoir. Mais l’avait-elle vraiment quitté ? L’armée birmane, institution majeure de l’État et puissance mafieuse historique en chef, impose sa dictature et tire le maximum de bénéfices de sa position, depuis des décennies. Elle est, en effet, la seule force encore en mesure de maintenir l’ordre, la stabilité et l’unité d’un pays où les divisions et les confrontations ethniques (il existe plus de 130 ethnies différentes) sont légions. C’est donc aussi autour de l’armée que se jouent les appétits impérialistes des différentes puissances comme la Chine, la Russie, les États-Unis ou l’Inde qui ne font qu’aviver les confrontations dans cette région hautement stratégique d’Asie. L’armée birmane a généralement fait valoir ses intérêts par la force, avec un appui ouvert des impérialismes chinois et russe.

En dépit du passage de témoin à un gouvernement démocratique de façade, élu en 2015, une première depuis 1961, le coup d’État, ce 1er février, s’inscrit dans la logique d’une domination militaire permanente par une armée toute puissante qui n’a jamais cessé, depuis l’indépendance de 1948, d’être un État dans l’État. La Birmanie aura été sans interruption placée sous le joug de généraux comme le propre père d’Aung San Suu Kyi, assassiné par ses pairs en 1948, déjà. L’icone démocrate, soi-disant égérie de la paix est renversée aujourd’hui par une soldatesque qui l’avait arrêtée, puis emprisonnée de nombreuses années, pour finalement la porter au pouvoir en 2015. La “dame de Rangoon” avait su composer sans état d’âme avec ces mêmes militaires, appuyant sans scrupule la répression sanglante des Rohingyas en 2017. De fait, les forces armées birmanes n’ont jamais cédé le pouvoir : s’octroyant les ministères clés et un pourcentage conséquent des sièges au parlement.

Une expression de l’enfoncement dans la décomposition…

Le 22 décembre 2020, le patron de la Tatmadaw (1) avait réaffirmé que les forces armées doivent être aussi les figures de proue de la défense “des politiques nationales, de la sasana [religion bouddhiste], des traditions, des coutumes et de la culture”.

Il aurait d’ailleurs pu rajouter que la puissance de l’armée birmane n’est pas seulement militaire ou “culturelle” (sic), elle est aussi économique. Dès 1962, l’armée a fait main basse sur l’économie du pays. Elle dispose, officiellement aujourd’hui, de 14 % du budget national, beaucoup plus en réalité, avec une corruption et des financements largement opaques. Outre son implication dans les mines de jade, l’industrie du bois de teck, les pierres précieuses et, cerise sur le gâteau, le très rentable trafic de drogue, les militaires birmans peuvent profiter des dividendes engrangés par un conglomérat lui appartenant, la Myanmar Economic Holding Public Company Ltd (MEHL), l’une des organisations les plus puissantes et corrompues du pays. La MEHL a désormais étendu son influence dans pratiquement chaque secteur économique, des brasseries de bière au tabac en passant par l’exploitation minière et les manufactures textiles.

Historiquement, pour les États, c’est souvent l’armée qui assure, en dernier recours, la cohésion nationale et la défense des intérêts bourgeois dans des situations de division et de confrontation internes. La Birmanie n’y fait certes pas exception mais en est un exemple caricatural. Si l’armée a assuré une certaine unité du pays dans un contexte de divisions ethniques, son intérêt reste de “diviser pour régner”, garantir ses profits, entretenir les dissensions des différentes factions bourgeoises pour maintenir sa domination.

Le coup d’État de la junte dirigée par le général Ming Aung Hliang est le dernier avatar de ce processus de chaos et de décomposition grandissant où il est parfois difficile de retrouver ses petits dans un tel maelstrom de confrontations, de violences, d’épurations ethniques et de barbarie… Et toutes les manifestations de rue de la population en défense de la clique bourgeoise d’Aung San Suu Kyi, cette foi dans les illusions démocratiques, tout cela n’augure que toujours plus de chaos et de repression. Chaque situation de crise en Birmanie comme en 1988 ou en 2007 a concrètement débouché sur une répression sanglante avec chaque fois des milliers de morts. C’est aujourd’hui encore une éventualité avec les tirs à balles réelles des forces de répression qui ont déjà fait leurs premières victimes. Alors, pourquoi un coup d’État maintenant ?

Beaucoup de commentateurs bourgeois estiment que ce coup d’État est inattendu, incompréhensible, au vu de la domination militaire qui ne s’est jamais démentie, y compris ces dernières années avec l’ouverture démocratique sous contrôle militaire, et l’arrivée au pouvoir d’Aung San Suu Kyi en avril 2016.

Des hypothèses sont avancées dans les médias : le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, bientôt retraité, aurait pu être rattrapé par la Cour internationale des droits de l’homme pour ses crimes humanitaires… Autre explication : la toute dernière victoire écrasante du parti d’Aung San Suu Kyi aux élections législatives aurait constitué un revers cinglant pour la junte militaire qui ne l’aurait pas supporté…

Tous ces éléments, aussi plausibles soient-ils, expriment surtout l’exacerbation des luttes entre les différentes fractions de la bourgeoisie au sein de l’appareil d’État birman, tout cela au détriment de la stabilité et de la gestion rationnelle de l’État lui-même. Autrement dit, les intérêts respectifs de chaque clique, qu’elle soit habillée en uniforme militaire ou à la mode démocratique, prime sur les intérêts globaux du capital national, alimentant toujours plus la corruption au sommet de l’État comme à tous les niveaux du fonctionnement de la société birmane.

La situation économique déjà précaire du Myanmar s’est dramatiquement aggravée avec la pandémie.En plus de l’accroissement du chômage, déjà traditionnellement élevé et de la paupérisation de la population et alors que le PIB a chuté vertigineusement ces dernières années dans un des pays déjà parmi les plus pauvres du monde, selon le FMI, une crise humanitaire et sanitaire alarmante est en train de voir le jour, ce qui a déjà provoqué l’émigration de centaines de milliers de personnes vers le Bangladesh ou la Thaïlande.

En définitive, les événements en Birmanie sont l’expression de cette même décomposition qui transpire de tous les pores de la société bourgeoise, de l’assaut du Capitole aux États-Unis à la crise sanitaire planétaire.

… et de l’aiguisement des tensions impérialistes

Mais ces querelles de cliques ne suffisent pas à comprendre pleinement la situation. C’est surtout au niveau des rivalités et des pressions impérialistes que se nouent les principaux enjeux. Les principales puissances occidentales, à commencer par les États-Unis, ont, elles, unanimement condamné cette opération des militaires. Juste après le coup d’État, les États-Unis, encore sous l’administration sortante de Trump, ont demandé à l’ONU une résolution en ce sens et réclamé un embargo envers ce pays. Cette résolution n’a pas été adoptée en raison du veto de la Russie et de la Chine. Dans le contexte de confrontation grandissante entre la Chine et les États-Unis, la Birmanie reste une zone stratégique de premier ordre. L’enjeu n’est autre que le contrôle de la mer de Chine méridionale, de l’île de Taïwan et du golfe du Bengale. L’impérialisme chinois n’a absolument pas intérêt à permettre une “stabilisation”, à prétention démocratique qui plus est, qui profiterait avant tout aux États-Unis. Entretenir le bourbier birman est un choix stratégique chinois en Asie, les débouchés sur le golfe du Bengale, étant un objectif majeur de la Chine, comme de l’Inde également. La Chine a donc intérêt à maintenir la déstabilisation en soutenant par exemple des guérillas dans le Nord, comme dans l’État d’Arakan, tout en caressant dans le sens du poil les militaires, en qualifiant notamment ce dernier coup d’État de “remaniement ministériel” ! Un des objectifs de Pékin est d’achever le corridor économique Chine-Myanmar (CMEC) permettant d’accéder à l’océan Indien, en contournant le détroit de Malacca qui a toujours été contrôlé par la marine américaine. Sa volonté est de maintenir l’équilibre des relations commerciales et politiques avec le Myanmar. Et surtout, il s’agit d’un pion stratégique majeur pour son projet de “route de la soie”, le long de laquelle Pékin a besoin de s’assurer des points d’appui, notamment sous la forme de futures bases militaires ou sur le terrain des alliances diplomatiques. Après le soutien affiché par Pékin au Pakistan, l’appui résolu dans la région au régime militaire du Myanmar est une opportunité de défendre ses intérêts tout en contrecarrant les propositions d’embargo et de sanction du régime militaire birman réclamés par les États-Unis.

Quant au Kremlin, il a en sous-main cautionné le coup d’État des militaires : “Une semaine avant le coup d’État, le ministre russe de la défense, Sergei Shoigu, s’est rendu au Myanmar pour finaliser un accord sur la fourniture de systèmes de missiles sol-air, de drones de surveillance et d’équipements radar, selon le Nikkei Asia Magazine. La Russie a également signé un accord sur la sécurité des vols avec le général Ming, qui se serait rendu six fois en Russie au cours de la dernière décennie”. L’Inde se retrouve dans une situation plus délicate : alors qu’elle s’était opposée résolument au putsch du régime militaire birman il y a 30 ans, elle n’a cessé de tisser depuis des liens de coopération avec le régime birman, tant avec la junte qu’avec la fraction d’Aung San Suu Kyi. Aujourd’hui, le gouvernement de Modi est tenté de maintenir une relation de dialogue avec son voisin même s’il veut éviter à tout prix de céder le moindre pouce de terrain à la Chine.

Le piège de la défense de la démocratie

Face à ce troisième coup d’État, et dans un contexte de crise où 60 % de la population vit dans l’extrême pauvreté, l’ensemble de la population, et surtout la nouvelle génération birmane ont réagi. De multiples manifestations de rue, et même des grèves se sont développées. Ce mouvement de “désobéissance civile” où sont privilégiés les actes de sabotage dans les transports, dans les télécommunications, dans l’informatique, avec l’objectif de “renouer avec la démocratie”, ne pourront pas mettre un terme à cette situation de chaos et de violence.

Même s’il est sûr que l’armée a sous-estimé la résistance civile en provoquant un mouvement de rejet sans précédent, particulièrement dans la jeunesse, le mouvement social qui se développe sur le terrain purement bourgeois de revendications démocratiques, ne contient en aucune façon les germes d’un avenir meilleur. La jeunesse est encore bourrée d’illusions à l’égard de la démocratie bourgeoise à laquelle elle a goûté ces dernières années. Mais le terrain de la défense d’un État démocratique, la défense du parti d’Aung San Suu Kyi, complice des crimes perpétrés par l’armée à l’encontre des populations rohingyas, est un piège qui ne peut que lui apporter de graves désillusions. Malgré le bilan économique décevant de quatre ans au pouvoir de la “conseillère d’État” Aung San Suu Kyi, celle-ci reste plébiscitée par une population marquée par les années de la dictature (1962-2011). Or, le parti démocratique et la junte militaire sont deux faces de la même médaille, celle de l’État bourgeois. Celui-ci est un organe ayant pour vocation de maintenir l’ordre social et le statu quo social afin de préserver les intérêts de la classe dominante et non pas pour améliorer le sort des exploités et des opprimés. Par conséquent, les centaines de milliers de jeunes et de travailleurs participant à ces manifestations sont prisonniers d’un mouvement qui ne fait que renforcer l’ordre capitaliste. Le terrain de la défense de la démocratie demeure un leurre et une véritable impasse. Pire : lutter sur ce terrain ne peut qu’aboutir à l’impuissance et aux sacrifices sanglants pour la classe ouvrière comme pour l’ensemble de la population.

Stopio, 27 février 2021

1) Autre dénomination de l’armée birmane.

Géographique: 

  • Asie [6]

Personnages: 

  • Aung San Suu Kyi [7]

Récent et en cours: 

  • Birmanie [8]

Rubrique: 

Tensions impérialistes

“Tous contre Amazon !”: Une impasse de la gauche du capital

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Des salariés précaires payés au lance-pierre, une armée de livreurs “auto-entrepreneurs” travaillant à des cadences délirantes, des milliers d’emplois détruits dans le “petit commerce”, le travail de nuit systématique, les licenciements abusifs pour ceux qui “ne font pas l’affaire”, une logistique ubuesque en totale contradiction avec les prétendues velléités écologiques des gouvernements… Amazon, l’une des entreprises les plus puissantes du monde, est à l’image du système capitaliste dans lequel elle s’est développée : un ogre d’exploitation ! Suite aux nouvelles implantations d’entrepôts en France, un certain nombre de partis de gauche et d’ONG sont partis en guerre contre le mastodonte du e-commerce pour alerter sur les dangers du “monde selon Amazon” : “Amazon est devenu l’acteur incontournable de la vente en ligne : symbole de notre société de consommation, rien ne semble pouvoir arrêter le développement du géant américain, et ce au détriment de l’emploi, de l’environnement et du climat. Mais c’est sans compter la détermination des citoyen.nes à changer nos modèles de consommation…” (1) C’est ainsi qu’ATTAC, suivi par Les Amis de la Terre, EELV, La France insoumise, les gauchistes du NPA et de LO, notamment, occupent le terrain médiatique et prétendent mener un grand combat contre la société de consommation et la précarité. Qu’en est-il exactement ?

Les partis et les associations de gauche se sont fait une spécialité de dénoncer les “dérives” de tel ou tel exploiteur, particulièrement quand ils ne sont pas “nationaux” et surtout s’ils sont américains (les vieux réflexes de la défense de la “patrie du stalinisme” contre l’adversaire américain ont la vie dure !). En 2008, alors que la crise économique s’approfondissait davantage, les mêmes organisations expliquaient que les fautifs n’étaient autres que les traders, la finance folle ou les paradis fiscaux. Aujourd’hui, Amazon incarne à leurs yeux la précarité et la destruction des “emplois français”, à la différence du “commerce traditionnel” (parce qu’il n’y a pas d’exploitation chez Carrefour ou à la supérette du coin, comme chacun sait !). Pour remédier à ces “dérives”, il faudrait fermer les frontières nationales aux requins étrangers, pour les uns, ou mieux distribuer la richesse, pour les autres. En une phrase : rendre le capitalisme plus juste, ce qui passe bien entendu par la défense du capital national… pardon : des “emplois français” ! Il ne s’agit ni plus ni moins que de détourner les exploités de la lutte de classes contre le capitalisme, par une haine ciblée contre des personnes ou acteurs qu’il suffirait de mieux contrôler pour rendre, comme ils disent, la société plus “soutenable”. C’est dans cette perspective que ces cliques politiques bourgeoises tentent de remplacer les revendications ouvrières par la lutte de classes au profit de luttes “citoyennes”…

Pour s’en convaincre, il suffit de lister les quelques solutions qu’ils entendent apporter aux dérives d’Amazon.

À propos de l’impact écologique des entrepôts et de la logistique d’Amazon, après nous avoir expliqué comment la firme américaine utilise sa position dominante, écrasant tous ses concurrents sur son passage, les Amis de la Terre concluent “énergiquement” par cette formule : “nous aspirons à un changement de société profond, empêcher le développement du modèle Amazon est un impératif”. Quelle audace ! Comment les Amis de la Terre comptent-ils appliquer cet ambitieux programme ? En formulant des “demandes”, bien entendu ! La première est adressée au gouvernement : “le gouvernement doit stopper l’implantation de nouveaux entrepôts d’Amazon”. Rappelons que 19 projets sont actuellement en chantier… mais ça ne coûte rien de “demander” !

Les articles des Amis de la Terre dénoncent également le million de camionnettes de livraison qui circulent chaque jour et le fret aérien d’Amazon. Pour lutter contre ce fiasco écologique, ils ont là encore une demande citoyenne à formuler au gouvernement : “limiter le fret aérien des marchandises en arrêtant de louer des Boeing 767 pour les livraisons”. Et si Amazon fait son business avec l’avionneur européen Airbus, ça passe ? En réalité, la “demande” de ces (faux) Amis n’est qu’un vœu pieux ridicule : Amazon renoncerait à son profit en acceptant (on ne sait ni pourquoi ni comment) de ne pas développer sa propre flotte aérienne ? Et qu’en est-il des autres grosses firmes et de celles qui dévastent tout autant la planète ? Mais soyons rassurés car même le ministre français de l’économie a entendu la supplique des Amis de la Terre : il veut lui aussi lutter contre la trop grande influence des GAFAM ! Mais que le lecteur sur-consomateur qui à l’outrecuidance de commander ses chaussettes en ligne se rassure : le champion national du e-commerce, Cdiscount, pourra continuer à exploiter sa main-d’œuvre et construire ses entrepôts avec la bénédiction des Amis de la Terre et du gouvernement français.

Avec en tête les futures échéances électorales, les partis de gauche et organisations gauchistes ne sont pas en reste. Ils ont bruyamment apporté leur soutien à l’initiative “Stop au monde d’Amazon !” lancée par ATTAC (2) et eux aussi “demandent” une politique “volontariste” pour “faire payer les riches” ou en finir avec “la domination des trusts capitalistes” !

Ce que tous ces gauchistes ne disent pas, c’est que les entreprises privées et notamment les gros mastodontes que sont les firmes “transnationales” ne peuvent pas se développer si l’État ne leur prépare pas le terrain en amont sur le plan de la recherche fondamentale comme des infrastructures, qu’elles ne peuvent non plus exister sans les armes de la guerre économique que les États fourbissent pour défendre leurs entreprises nationales. Inversement, pour l’État, les grandes multinationales qui lui sont liées représentent bien souvent un secteur stratégique de l’économie nationale. Donc, en appeler à l’État et à sa “législation” revient quasiment à formuler une demande au bon vouloir des patrons eux-mêmes. Le prolétariat n’a rien à attendre d’une quelconque réglementation autour d’Amazon. Le capitalisme n’est pas réformable : il doit être détruit. C’est donc une imposture que de prétendre inverser le cours de la spirale infernale dans laquelle le capitalisme décadent s’enfonce par la simple bonne volonté de l’État qui n’est rien de moins qu’un “comité de direction” de la bourgeoisie.

À la recherche frénétique de rentabilité et de “rationalisation” de la production, plus le capitalisme s’enfonce dans la crise, plus il engendre des mastodontes comme Amazon, comme il sème de plus en plus le chômage, la précarité et la pauvreté. Toute la dégradation des conditions de vie du prolétariat n’est pas en soi le fait de l’existence ou non des monstres industriels et autres GAFAM. Les gauchistes déplorent les mauvaises conditions de travail chez Amazon. Quelle trouvaille ! Amazon exploite en effet sans vergogne ses salariés : bien évidemment, puisque l’économie capitaliste est fondée sur l’exploitation et la recherche de profit. Il en va de même pour toutes les entreprises, des plus petites aux plus grandes, y compris de l’État lui-même qui s’avère bien souvent le pire des patrons.

Derrière l’idée d’une prétendue moralisation du capitalisme au moyen de la lutte contre les GAFAM (que les mêmes appelaient les “multinationales” hier) se cache un double objectif non avouable :

– le soutien indéfectible à l’État capitaliste qui est le garant de l’exploitation ;

– la volonté de masquer ce que réserve ce système en crise : l’inévitable poursuite de la détérioration des conditions de vie de tous les prolétaires et un chômage massif.

Tant que le capitalisme régnera, l’exploitation et ses conséquences destructrices persisteront.

Ian, 25 février 2021

1) “Stop au monde d’Amazon !” sur le site internet Les Amis de la Terre.

2) “La contribution d’ATTAC aux pièges idéologiques de la bourgeoisie”, Révolution internationale n° 370 (Juillet – Août 2006).

Récent et en cours: 

  • Amazon [9]

Courants politiques: 

  • Gauchisme [10]

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Campagne idéologique

G5 Sahel: L’impérialisme français dans l’étau du chaos guerrier

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Le 15 février dernier, Emmanuel Macron organisait une conférence avec le “G5 Sahel” (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad) afin de faire le point sur la situation dans cette région d’Afrique touchée par une déstabilisation toujours plus grave. Le président français y déclarait : “Des évolutions sans doute significatives seront apportées à notre dispositif militaire au Sahel en temps voulu, mais elles n’interviendront pas dans l’immédiat. Un retrait français, retirer massivement les hommes, qui est un schéma que j’ai étudié, serait une erreur”. Cela signifie que la mission militaire Barkhane mise en place depuis 2014 restera sur place et que la France se pose de plus en plus la question de savoir comment sortir de ce qui est clairement un bourbier militaire (55 soldats français ont déjà été tués ces dernières années.)

Il y a un an, la pression des insurgés locaux faisait peser un risque de déstabilisation de tout l’édifice politique et économique du Sahel, entraînant un sommet improvisé à Pau entre chefs d’État du G5 pour sauver la situation ; la France annonçait à cette occasion l’envoi de 500 soldats supplémentaires ; le sommet du 15 février dernier tirait en fait le bilan de cette action depuis un an, et si ce bilan peut superficiellement paraître “positif” du point de vue de la bourgeoisie française, nombre d’acteurs tirent la sonnette d’alarme.

La France dans le bourbier malien

Les militaires français sont, par exemple, tout sauf optimistes sur la suite des opérations, d’autant que la véritable menace n’est pas uniquement celle des groupes armés affrontés au Sahel : “Dès 2018, le chef d’état-major des armées avait bien pris les devants à l’Assemblée nationale : “Je ne pense pas qu’il soit possible de régler le problème au Mali en moins de dix à quinze ans, si tant est que nous le puissions. Mais, aujourd’hui, d’autres contingences sont venues complexifier cette projection. À commencer par des inquiétudes diplomatiques et stratégiques, en raison, notamment, des manœuvres de la Russie et de la Turquie en Méditerranée orientale””. (1) Autrement dit, le vrai problème, ce sont les rivaux impérialistes de la France, principalement la Chine, la Russie et la Turquie.

Tout le problème de la gestion de “l’après-Barkhane” se trouve là ! Et si le gouvernement français se pose bien une question, c’est : comment se retirer du Mali sans laisser la place à d’autres ? En réalité, la réponse ne peut pas être militaire, comme le reconnaît par exemple le porte-parole officieux du Quai d’Orsay, le journal Le Monde : “L’absence de résultats décisifs obtenus par l’opération Barkhane, ainsi que les pertes humaines et son coût financier, sont soulignés de toutes parts. La négation de la dimension politique de la lutte insurrectionnelle menée par les groupes djihadistes qu’elle affronte (réduits à leur seul mode de combat à travers l’utilisation du vocable de terroriste, y compris lorsque leurs principales cibles sont des unités combattantes) a compromis la formulation d’objectifs politiques au service desquels mobiliser l’instrument militaire français”. Comme l’ex-otage Sophie Pétronin l’avait souligné lors de sa libération, au grand scandale du chef d’état-major de l’armée française, (2) la plupart des groupes que l’armée française combat au Mali sont autochtones et produit de rivalités locales entre tribus, entre pasteurs et agriculteurs, entre groupes ethniques, pour le contrôle des terres arables, des points d’eau, des zones d’influence.

Une situation locale fort préoccupante pour l’impérialisme français

Le problème qu’affronte l’impérialisme français est donc bien plus la fragmentation des sociétés locales, l’impuissance politique des États locaux et l’incapacité à apporter des solutions économiques et politiques, que la simple présence de quelques groupes armés dispersés sur un espace grand comme cinq fois la France. L’état des alliés de la France dans la région est significatif : le Burkina ne contrôle plus le nord de son territoire, devenu un repaire de “djihadistes” contre lequel l’armée française lance régulièrement des opérations ; le Tchad voit une des parties les plus importantes du pays, le lac Tchad, lui échapper, sous la coupe du groupe Boko Haram, et si Idriss Déby entend bien faire un sixième mandat de président, c’est en enfermant préventivement ses opposants qu’il organise les élections ! Les troupes tchadiennes ont la réputation d’être les meilleures de la région, et le principal pilier sur lequel l’armée française s’appuie, mais cette armée a dernièrement subi ses plus lourdes pertes (une centaine de morts) lors de l’attaque d’une de ses bases. (3) Le Niger, un des pays les plus importants de la région pour la France, à cause de ses mines d’uranium exploitées par Orano (ex-Areva), est à son tour touché dans la “zone des trois frontières”, où Barkhane a concentré son action militaire récente. Au Mali, enfin, épicentre du conflit, l’État en pleine déréliction ne tient que grâce au soutien français, ne contrôle pas de grandes parties de son territoire et a été le théâtre récent d’un coup d’État militaire qui a éliminé le président démocratiquement élu Ibrahim Boubacar Keita pour cause d’incurie face aux groupes armés. La seule institution qui tient encore dans le pays reste l’armée malienne, et cela ne fait pas un programme politique…

Le recul de l’influence française

Si la France dépense 900 millions d’euros pour entretenir Barkhane, alors que l’aide au développement qu’elle fournit en même temps n’atteint que le dixième de cette somme, c’est d’abord pour tenir une position impérialiste en péril face à des rivaux nettement plus dangereux que les Peuls ou les Touaregs ; de fait, la lutte contre les “terroristes” au Sahel est un écran de fumée et un alibi permettant de dissimuler l’enjeu fondamental de l’affaire : le recul de l’influence française dans la région face à la Chine, la Russie et même la Turquie. Les alliés de la France dans la région sont affaiblis, minés par la corruption, par la faiblesse des États locaux, par les luttes intestines dont les groupes armés locaux ne sont que la traduction la plus visible. La solution au problème n’est donc pas militaire, mais politique. Et politiquement autant que militairement, les alliés de la France montrent leur dramatique faiblesse ; l’armée française porte l’effort militaire à bout de bras, les gouvernements locaux sont incapables de répondre aux nécessités de la situation (le coup d’État récent au Mali le montre suffisamment) et tout le monde commence à parler ouvertement de “discuter” avec des groupes armés infréquentables.

Malgré la présence militaire française, l’extension des troubles et une véritable guerre civile semble se profiler dans toute la région : “La présence des groupes djihadistes, leur enracinement dans les communautés villageoises, où ils imposent leur “protection” et leur loi dans les conflits entre agriculteurs et éleveurs, se confirment dans un contexte où les États n’assurent ni la sécurité ni la justice. Il ne se passe pratiquement pas un jour sans une attaque armée, l’explosion d’une mine artisanale ou des exactions contre les civils. La région compte déjà plus de deux millions de personnes déplacées. L’armée française ne se risque même pas au centre du Mali, là où le chaos est à son comble. Paris redoute en outre l’extension de la nébuleuse terroriste vers les pays du golfe de Guinée, faisant courir le risque de l’entraînement dans un conflit régional”. De fait, comme des observateurs bourgeois le soulignent, la situation de la France dans la région ressemble furieusement à celle des Américains en Afghanistan ou en Irak, où elle est amenée, comme les États-Unis, à discuter d’une sortie de crise avec ceux-là même qu’elle combat depuis si longtemps… Dans le cadre d’une situation où la décomposition du système capitaliste détruit peu à peu le tissu social, fragmente la société toute entière, détruit toute vision globale au profit du chacun-pour-soi, met les États totalement à nu en montrant leur impuissance à contrôler leurs territoires, la volonté de la France de préserver ses intérêts en confortant des soutiens locaux en faillite et jouant de plus en plus leur propre carte dans la situation est fondamentalement une impasse.

Emmanuel Macron, au-delà des rodomontades sur la présence militaire française et sur le “sursaut civil” qu’il appelle de ses vœux dans la région, cherche bien entendu à se désengager militairement du Sahel, en essayant d’impliquer les autres pays de l’Union européenne dans la lutte militaire, et en soutenant les États locaux, notamment en formant et équipant leurs armées.

“Sur les modalités de cet éventuel retrait, le chef d’état-major des armées se montre d’ailleurs prudent : “je ne sais pas à quel rythme, ni sous quels procédés [se fera cette évolution], mais ce sera durable. Il faut le faire intelligemment pour ne pas, notamment, que les Russes ou les Chinois viennent occuper le vide qu’on aura laissé”, prévient-il. Une décision qui dépend en partie des signaux que pourrait envoyer, à partir de janvier 2021, le nouveau président américain Joe Biden vis-à-vis des engagements militaires de son pays en Afrique”. (4) Comme on le voit, la France est dans une position de plus en plus intenable, et, comme les États-Unis en Irak et en Afghanistan, ne cherche sur le fond qu’à se retirer du bourbier sahélien. Avec les mêmes difficultés que les Américains : aucune victoire militaire ne peut garantir la stabilité politique de régimes locaux faibles, pauvres, corrompus et incompétents. Et la véritable menace est parfaitement identifiée : encore une fois, ce sont les rivaux impérialistes qui déjà frappent à la porte.

Si la France compte sur l’engagement américain dans la région pour pallier en partie son retrait, elle compte surtout sur un soutien européen. Et ce soutien se fait attendre, car les autres pays européens, non seulement n’ont pas grand intérêt dans la région, mais n’ont aucune envie de se mouiller pour défendre les intérêts de la France, surtout dans l’inextricable situation où a mené l’intervention militaire française, confortant une fois de plus la dynamique politique générale du “chacun pour soi”. La création d’une task force européenne Takuba, claironnée triomphalement au sommet de Pau début 2020 a toutes les peines à se déployer au Mali dans la zone des trois frontières : jusqu’ici, elle se limite à de maigres “renforts” de militaires tchèques, estoniens et suédois. L’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne ont catégoriquement refusé d’y participer. L’argument principal du gouvernement français, c’est-à-dire la menace terroriste que feraient peser les groupes djihadistes sahéliens sur l’Europe, s’avère pour l’instant totalement creux : aucun attentat en Europe ne peut être imputé à la nébuleuse djihadiste sahélienne.

Bien sûr, la France ne va pas retirer ses troupes brutalement, mais la question montre que le problème est clairement sur la table. Le problème est de savoir comment réaliser ce retrait.

La décomposition de toute la société bourgeoise prend un tour particulièrement aigu dans des pays africains dont les États en faillite ont montré depuis longtemps qu’ils n’avaient qu’une très faible capacité à contrôler leurs territoires ; l’intervention militaire française, au lieu de stabiliser la situation, ne pouvait que prolonger et accentuer le chaos local, l’étendre à une région toujours plus vaste, exacerber toujours plus les oppositions entre groupes locaux et rivaux impérialistes. La France se heurte ici à des rivaux nombreux et avides, et sa perte d’influence dans cette région, centrale pour elle, confirme que les grandes puissances ne peuvent que générer toujours plus de chaos et de guerres partout où elles interviennent.

HD, 2 mars 2021

1) “On a fait le tour du cadran : la France cherche une stratégie de sortie pour l’opération “Barkhane” au Sahel”, [11]Le Monde (17 décembre 2020). [11]

2) “Le général Lecointre fait part de “l’indignation” suscitée par les propos de Sophie Pétronin”, [12]Le Monde (15 octobre 2020). [12]

3) “Au Sahel, cinq États en première ligne face au défi du jihad”, Libération (15 février 2021).

4) “On a fait le tour du cadran : la France cherche une stratégie de sortie pour l’opération “Barkhane” au Sahel”, [11] Le Monde (17 décembre 2020). [11]

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Tensions impérialistes

Covid-19 en Afrique: Du vain espoir de 2020 à la dure réalité de 2021

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En 2020, avec l’expansion fulgurante du Covid-19 dans le monde, le continent africain paraissait relativement épargné, un continent où, dans de nombreux pays, une épidémie en chasse une autre, avec des services sanitaires très dégradés, voire inexistants, où la corruption règne en maître, où on se demande si la fosse insondable de la misère a une fin. Mais, en 2020, l’Afrique paraissait échapper à cette nouvelle calamité, à l’exception de l’Afrique du Sud où le taux de mortalité officiel reste élevé depuis le printemps dernier. Pourtant, rien qu’en regardant la situation de ce pays, le seul de l’Afrique subsaharienne doté d’un système sanitaire plus ou moins correct, on pouvait déjà imaginer ce qui allait se passer dans le reste du continent, si le Covid-19 se propageait davantage. Avec le nouveau variant dit “sud-africain”, la menace se concrétise.

Certes, il y a les “aléas” du virus, mais il y a surtout la certitude que la plupart des États d’Afrique sont gouvernés par des bourgeoisies nationales cleptomanes, clanistes et parasitaires, une classe dominante “jeune” mais déjà bien décomposée.

Des populations victimes de l’incurie des États

Pendant l’année 2020 et pour justifier l’inaction des États, toute une série de mythes, de mensonges et d’approximations ont circulé en Afrique, (1) relayés par les différents pouvoirs : le Covid-19 éviterait l’Afrique parce que la population y est majoritairement jeune, parce que le climat ne lui est pas favorable, parce qu’il y a une moindre interaction avec les autres continents, voire qu’il s’agit d’une “maladie de Blancs”, tout cela assaisonné par des croyances plus ou moins ancestrales. La bourgeoisie et ses États utilisent ces croyances pour rendre les populations africaines encore plus soumises et résignées, ces populations qui souffrent déjà des ravages des épidémies à répétition. Pendant ce temps, le virus continuait à se répandre, mais, dans certains pays, cela se voyait surtout dans les cimetières, jouant le rôle morbide des statistiques tandis que les fossoyeurs jouaient celui des comptables. (2)

Certaines affabulations sont même arrivées à auto-mystifier plusieurs dirigeants : “Au Zimbabwe, le sommet de l’État décimé par l’épidémie”, titrait le journal français Le Monde, (janvier 2021) : “Depuis décembre 2020, plusieurs membres du gouvernement prenaient la pose bras dessus, bras dessous, visages découverts, des ministres [en particulier celui qui a détrôné Robert Mugabe], des “héros nationaux” victimes du Covid : ils semblaient convaincus d’être immunisés grâce à leurs privilèges”. Il y a trois semaines, le vice-président de ce pays affirmait que les témoignages assurant que les hôpitaux étaient saturés, c’était de “belles histoires écrites par des mercenaires armés de stylo”. Début février, “alors qu’il enterrait trois de ses camarades, le ton avait changé : “[Le virus] ne fait pas la différence entre les puissants et les faibles, les privilégiés et les défavorisés, ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien”. On ne va pas plaindre la bourgeoisie responsable de l’hécatombe qui s’annonçait alors. On plaint surtout les populations africaines otages d’une telle engeance. 

En Tanzanie, les autorités assurent que le pays est victime d’une simple pneumonie : “Jusqu’à la fin de l’année dernière, le gouvernement de Tanzanie a essayé de convaincre les habitants et le monde entier qu’on guérissait du Covid par la prière, tout en refusant de prendre des mesures pour enrayer sa propagation, jusqu’à ce que la multiplication de décès par “pneumonie” et jusqu’à ce qu’un homme politique de Zanzibar ait admis avoir contracté le virus”. (3)  Tous ces mensonges pour tenter de sauvegarder le tourisme de safari !

Depuis le mois de décembre, les populations subissent de plein fouet les conséquences de l’incurie, de l’insupportable arrogance d’une classe dominante aussi vaniteuse que décomposée. “La deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 se révèle plus meurtrière en Afrique”, selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC), qui dépend de l’Union Africaine. Déjà, officiellement, beaucoup des pays dépassent les taux moyens de létalité. Au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, les autorités sanitaires rapportent devoir “choisir quels patients prendre en charge et auxquels refuser les soins”, selon le CDC. Il manque des lits partout, de l’oxygène, des équipes de protection. Au Ghana, ce sont les jeunes qui sont infectés. Et tout cela face au variant “sud-africain” qui serait 50 % plus contagieux que le premier Covid-19.

Afrique du Sud : “l’exemple” macabre

Pendant des années, l’Afrique du Sud a été célébré comme un exemple pour le continent, autant du point de vue économique que social, tout en vantant une “démocratie multiraciale” après les temps sinistres de l’apartheid. (4) Mais une fois l’euphorie retombée, la “nouvelle” bourgeoisie post-apartheid n’a pas fait dans le détail : répression brutale des luttes ouvrières, (5) corruption à tous les étages de l’État, destruction systématique des services de santé et comme résultat une gestion clownesque et criminelle de l’épidémie du SIDA. La misère des townships n’a fait qu’augmenter et de sinistres tueries racistes contre des immigrés ont même été perpétrées à Soweto.

C’est dans un tel contexte que la pandémie est arrivée dans ce pays. Et le désastre s’est ajouté au désastre. Comme nous l’avons souligné, le taux d’infection en Afrique du Sud a été le plus élevé depuis la première vague : officiellement, 36 000 décés ; mais sans doute autour de 80 000 en tenant compte de l’évolution du nombre des morts naturelles. Une situation que révèle le journal Le Monde et que la bourgeoisie ne pouvait plus vraiment cacher : “Des soignants, les pieds dans l’eau après des pluies intenses, s’occupant de malades du Covid-19 abrités par une simple structure métallique sur un parking. Publiées sur un compte Instagram supprimé depuis, les images sont devenues le symbole de la nouvelle crise sanitaire qui frappe l’Afrique du Sud. Submergé par un nombre record de patients gravement atteints, l’hôpital Steve-Biko, à Pretoria, n’a d’autre choix que de prendre en charge les nouveaux cas dans des tentes initialement destinées au triage des arrivées”. (6) Tout cela avec le poids du nouveau variant qui tue davantage que le premier. La seule chose que le pouvoir fait dans les hôpitaux, c’est interdire au personnel soignant de faire des déclarations pour exprimer leur désarroi face à des conditions de travail hallucinantes.

Vacciner l’Afrique : la Chine à l’affût dans la foire d’empoigne mondiale

L’Union Africaine a promis au moins 600 000 doses du vaccin pour 2021-22 à ajouter à celles de l’OMS (et son dispositif “équitable”, Covax). Les puissances étatiques, surtout européennes, ont plus ou moins compris que si l’Afrique devenait un foyer incontrôlable pour le coronavirus, cela ne ferait qu’ajouter un peu plus de chaos au désordre. Alors, on va prétendument “aider l’Afrique” avec une quantité de doses ridicule pour un continent qui aurait besoin d’environ 2,6 milliards de doses. Dans le contexte actuel, malgré toutes les promesses des uns et des autres, personne n’est capable de dire quand et comment des vaccins pourront être distribués convenablement dans le continent, (7) exceptés quatre ou cinq pays qui disposent de “super congélateurs” et, surtout, de moyens financiers.

Mais c’est surtout la Chine qui va trouver, avec le vaccin, un moyen supplémentaire d’accroître son influence impérialiste en Afrique : la “diplomatie sanitaire” inaugurée l’an dernier avec les masques, le matériel médical ou encore l’annulation de prêts à certains pays comme la République Démocratique du Congo, pays touché autant par le Covid que par la résurgence d’Ebola.

Après la guerre des masques, celle des respirateurs, on assiste maintenant au niveau mondial à la foire d’empoigne autour des vaccins dans une danse macabre entre États, entre ceux-ci et les industries pharmaceutiques, tous contre tous et cela malgré l’urgence, mettant pleinement en exergue le chacun pour soi effréné qui rythme la politique des États. C’est ainsi que la Chine profite de la pandémie pour accélérer sa diplomatie du soft power ou comme sa bourgeoisie mao-stalinienne l’affirme la main sur le cœur : pour une “communauté de destin sino-africaine plus forte” en faisant des pays africains des otages-débiteurs à perpétuité. Elle se présente en Afrique comme l’antithèse des anciennes puissances coloniales avec un discours mielleux de puissance “amie”.

Grâce au Covid, la Chine fait de grands pas dans sa mainmise sur l’Afrique. Sa présence “soft” ne va pas arranger les choses, ne va pas sortir de la misère les populations, elle fera la même chose que les autres puissances avec lesquelles, dans un monde de plus en plus chaotique, elle finira par s’affronter.

Après quelques années où l’on entendait parler du “miracle africain”, il faut bien constater les choses : ni les “pays émergents”, ni les nouveaux pays pétroliers ne s’en sortent. Sans rentrer ici dans le détail, l’avenir de beaucoup de pays d’Afrique paraît aller plutôt vers la “somalisation” que vers la stabilité. La pandémie n’est pas seulement venue s’ajouter aux malheurs des populations africaines : accentuation des famines, violences inter-ethniques, actions criminelles des sectes (comme les kidnappings de masse au Nigeria), déplacements violents de populations (comme dans les pays du Sahel) ainsi que, bien entendu, les affrontements inter-impérialistes tous azimuts. Et la pandémie ne fera que les amplifier de manière dramatique.

Dans ce contexte, que peuvent dire les révolutionnaires ? Nous ne sommes pas des prophètes du malheur, nous ne nous réjouissons pas des maux qui frappent le prolétariat et les populations exploitées de ces pays : cela, on le laisse aux vautours de cette classe d’exploiteurs qui tentent de profiter de la situation dans un monde capitaliste en pleine putréfaction et qui attendent leur heure pour remplacer les hyènes en place.

C’est la lutte du prolétariat autant africain que mondial qui pourra nous sortir de l’enfer du capitalisme décadent. Face aux mystifications et aux balivernes de toutes sortes propagées par les “libérateurs” nationaux, ethniques ou religieux, les exploités doivent prendre conscience qu’ils forment une seule et même classe dont la lutte internationale contient les germes d’une nouvelle société.

Fajar, 5 février 2021

1) On ne peut que rappeler ici les affirmations criminelles de l’ancien président de l’Afrique du Sud minimisant le fléau du SIDA, contribuant ainsi à l’expansion de la maladie.

2) “Normalement, Moussa Aboubakar creusait deux ou trois tombes par jour dans le cimetière principal de la ville de Kano, dans le nord du Nigeria. Du jour au lendemain, ce chiffre est monté à 75. ‘‘Je n’avais jamais vu autant de morts qu’aujourd’hui”, dit cet homme de 75 ans, dont le caftan blanc est souillé par la saleté de son travail au cimetière d’Abbatuwa, où il travaille depuis 60 ans. L’information du fait que les décès avaient augmenté de 600 en une semaine a créé l’alarme dans cette deuxième ville du pays et le pays tout entier. Mais les autorités ont nié que ce soit dû au coronavirus en affirmant qu’on exagérait. Mais, entretemps, les fossoyeurs d’Abbattawa avaient de moins en moins d’espace” (El País, du 23 mai 2020). En fait, les États et les bourgeoisies africaines, pour ne pas compter spécifiquement les morts du Covid-19, comptent surtout sur le désespoir et la résignation des populations face à un destin fait de calamités à répétition. Il faut dire que, même dans les pays développés, où la bourgeoisie a intérêt à faire des statistiques plus ou moins exactes, elle les tripatouille à sa convenance, comme en Espagne, en ne comptant pas les morts par Covid des EHPAD, en se disant sans doute qu’après tout, ils allaient mourir bientôt, à leur âge !

3) El País (13 février 2021).

4) Voir : “Contribution à l’histoire du mouvement ouvrier en Afrique du Sud (II) : De la Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1970 [16]”, Revue internationale n° 155 (été 2015).

Voir également : “Contribution à l’histoire du mouvement ouvrier en Afrique du Sud (III) [17]”, Revue internationale n° 163 (2e semestre 2019).

5) Voir notre article sur le massacre des mineurs en grève à Marikana par la police sud-africaine, le 16 août 2012 (RI n° 435, septembre 2012) ainsi que l’article de notre section en Belgique (Internationalisme n° 356, décembre 2012) qui traite également de la vague de répression des luttes ouvrières qui ont suivi ce massacre.

6) “Covid-19 : l’Afrique du Sud confrontée à une deuxième vague brutale [18]”, Le Monde (18 janvier 2021).

7) Tout récemment les gouvernements ont accueilli en grandes pompes et avec force battage médiatique les premiers vaccins Covax qui ont atterri en Côte d’Ivoire. N’empêche que “très vite le chacun pour soi et le “nationalisme vaccinal” ont repris le dessus […]. L’Afrique a alors vu ses “amis” chinois, russes et indiens, prêts à lui venir en aide” (Jeune Afrique de février 2021).

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