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L’agression verbale contre le “philosophe” Alain Finkielkraut par un groupe de “gilets jaunes” lors de la manifestation du 16 février à Paris a donné lieu à une levée de boucliers générale de toute la classe politique et à une gigantesque campagne d’union nationale contre l’ignominie de l’antisémitisme.
Même Marine Le Pen (dont le père, fondateur du FN, avait affirmé que les chambres à gaz de la Shoah n’étaient qu’un “détail” de l’histoire !) a tenu à exprimer son soutien à Finkielkraut : “L’agression d’Alain Finkielkraut aujourd’hui est un acte détestable et choquant, qui illustre la tentative d’infiltration du mouvement des “gilets jaunes” par l’extrême-gauche (pourquoi pas l’extrême-droite alors, NDLR ?) antisémite”.
Alors que Finkielkraut lui-même déclarait sur LCI : “on ne m’a pas traité de sale juif. Et on ne m’a jamais traité de sale juif”, toute la classe politique, du RN au PCF, a néanmoins sauté sur l’événement pour surjouer l’indignation, exploiter l’incident en s’affichant en hérauts de la lutte contre l’antisémitisme et pour ériger Finkielkraut en martyr de la nouvelle “peste brune”.
Bien évidemment, personne ne peut ni soutenir ni “excuser” les propos répugnants de ces “gilets jaunes” pro-salafistes, qui ont permis de monter en épingle ce fait divers. “Barre-toi, sale sioniste de merde”, “Nous sommes le peuple”, “La France, elle est à nous”, “Rentre chez toi en Israël”, “Tu vas mourir”. Ces insultes ou menaces sont d’ailleurs de la même veine que les propos xénophobes proférés, au début du mouvement, par d’autres “gilets jaunes” qui avaient dénoncé à la gendarmerie des migrants clandestins cachés dans un camion-citerne : “c’est encore avec nos impôts qu’on va payer pour ces enculés !”.
Finkielkraut étant devenu une star nationale, il n’est pas inutile de rappeler son curriculum vitae politique. “Finkie” fait partie de ces anciens gauchistes soixante-huitards (principalement des maoïstes) qui ont retourné leur veste pour s’intégrer dans la société capitaliste comme idéologues patentés au service de la classe dominante. Au palmarès de cette intelligentsia qui a fait ses choux gras des décombres du mouvement de Mai 68, on trouve Daniel Cohn-Bendit (devenu président des “Verts” au Parlement européen), Bernard Kouchner (ex-ministre “socialiste”, puis du gouvernement Fillon), Serge July (grand patron de la médiasphère, dont le journal Libération était financé par le banquier Édouard de Rothschild) et la brochette des “nouveaux philosophes” : André Glucksmann (devenu un “fan” de Nicolas Sarkozy), BHL (dandy en chemise blanche des plateaux TV), Alain Finkielkraut (pédant candidat à l’Académie française)… Ces arrivistes, anciens adeptes du Petit Livre rouge de Mao, se sont reconvertis en défenseurs zélés de l’ordre capitaliste, d’abord en faisant leurs classes comme supporters du PS et de Mitterrand, puis en penchant vers la droite néolibérale avant d’apporter leurs voix à Émmanuel Macron aux dernières présidentielles. Dans une interview en juillet-août 1988, Finkielkraut expliquait dans Passages :
“J’avais l’impression que le fait d’être juif faisait de moi le porte-parole naturel des opprimés : les Black Panthers aux États-Unis, les peuples colonisés. Je croyais qu’il y avait a priori une sorte de fraternité des victimes de l’histoire.
– Je suppose que vous vous sentiez solidaire des Palestiniens ?
– Non, jamais”... No comment !
Parmi les ex-gauchistes de Mai 68, seul Guy Hocquenghem avait pu garder un minimum de dignité, comme en témoigne son pamphlet : Lettre ouverte à ceux qui sont passé du col Mao au Rotary. C’est en ces termes cinglants que Hocquenghem s’adressait en 1986, deux ans avant sa mort, à ses anciens camarades renégats : “Cher ex-contestataires, le retour de la droite ne vous rendra pas votre jeunesse. Mais c’est bien la gauche au pouvoir qui vous l’a fait perdre. Définitivement. Ce fut sous Mitterrand que vous vous êtes “normalisés” ; et sous Fabius que vous avez viré votre cuti. Pour devenir les néo-bourgeois des années 1980, les maos-gauchos-contestos crachant sur leur passé ont profité de l’hypocrisie nationale que fut le pouvoir socialiste. Sous lui, ils s’installèrent dans tous les fromages. Plus que personne, ils s’en goinfrèrent. Deux reniements ainsi se sont alliés : celui des “ex” de Mai 68 devenus conseillers ministériels, patrons de choc ou nouveaux guerriers en chambre, et celui du socialisme passé plus à droite que la droite. Votre apostasie servit d’aiguillon à celle de la gauche officielle”.
Toute cette clique d’anciens soixante-huitards repentis (dont le fonds de commerce a consisté d’abord à dénoncer le marxisme comme étant l’idéologie totalitaire du stalinisme et à faire un parallèle plus que douteux entre le nazisme et le marxisme) se sont particulièrement distingués par leur soutien à toutes les croisades impérialistes du camp “démocratique” pro-américain.
Les “nouveaux philosophes” BHL, Glucksmann et Finkielkraut, après avoir fustigé dans leurs jeunes années l’ “impérialisme yankee” pendant la guerre du Vietnam, n’ont eu aucun scrupule à soutenir ce même impérialisme dans la guerre du Golfe en 1991, au nom d’un combat “humanitaire” contre le dictateur Saddam Hussein. Ainsi, Alain Finkielkraut avait-il affirmé être “exaspéré par le pacifisme” et qualifié l’intervention militaire de la coalition pro-américaine contre l’Irak de “guerre moralement juste”. Une guerre “moralement juste” avec ses frappes aériennes intensives, expérimentant les bombes à effets de souffle qui retournaient les soldats irakiens comme des gants ? Une guerre “moralement juste” qui a provoqué plus de 100 000 morts parmi les soldats irakiens et autant dans la population civile victime des “dommages collatéraux” de l’opération “Tempête du désert” commanditée par Georges Bush ? Les discours bellicistes de Finkielkraut en disent long sur la “morale” nauséabonde de ce “nouveau philosophe”, tout comme son engagement, aux côtés de son ami BHL dans le soutien sans faille à l’intervention militaire occidentale en ex-Yougoslavie (toujours au nom de la même “juste” cause : l’hypocrite croisade “humanitaire” contre les dictateurs sanguinaires). Déjà, lors de la guerre du Kippour en 1973, le va-t’en guerre Finkielkraut avait été l’un des premiers “intellectuels” à soutenir l’État impérialiste d’Israël.
Finkielkraut s’offusque d’avoir été traité de “raciste” par les “gilets jaunes” qui l’ont agressé. Faut-il rappeler cette déclaration qu’il avait faite, au lendemain des émeutes des banlieues de l’automne 2005 : “Le problème est que la plupart de ces jeunes sont des Noirs ou des Arabes avec une identité musulmane. Regardez ! En France il y a aussi des immigrés dont la situation est difficile (des Chinois, des Vietnamiens, des Portugais) et ils ne prennent pas part aux émeutes. C’est pourquoi il est clair que cette révolte a un caractère ethnique et religieux” (Interview au quotidien israélien Haaretz, retranscrite par le journal Le Monde).
Cette sortie de Finkielkraut se situe, en réalité, dans la droite ligne des discours “sécuritaires” (de sinistre mémoire) de l’ex-Premier flic de France, Nicolas Sarkozy :
“Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé !” (19 juin 2005, dans la “cité des 4 000” à La Courneuve, après la mort d’un enfant de 11 ans tué lors d’une rixe entre deux bandes rivales) ;
“Vous en avez assez de cette bande de racaille ? Eh bien, on va vous en débarrasser !” (25 octobre 2005, lors d’une visite de Sarkozy dans le quartier de la dalle d’Argenteuil).
Ce sont ces propos musclés de Sarkozy (dont la candidature à la Présidentielle de 2007 a été soutenue par André Glucksmann, un des meilleurs “potes” de Finkielkraut) qui avaient contribué à déclencher les émeutes des banlieues, en novembre 2005 (après la mort à Clichy-sous-Bois de deux adolescents, électrocutés dans l’enceinte d’un poste électrique alors qu’ils cherchaient à échapper à un contrôle de police).
Il n’est guère surprenant que Finkielkraut ait bénéficié du plein soutien de Nicolas Sarkozy face à l’opposition farouche de certains “Immortels” qui voulaient le virer de l’Académie française, estimant que cet homme de lettres était décidément un peu trop “réac” pour briguer un siège à la Coupole : “Que l’on ait pu si violemment s’opposer à la candidature à l’Académie française d’un de nos plus brillants intellectuels (…) est à pleurer de bêtise”. (Sarkozy, cité dans l’hebdomadaire Le Point).
Parmi les autres bavures verbales de ce “brillant intellectuel” et éminent tribun de la droite, on peut encore signaler ce persiflage à propos de l’équipe de France de football : “Les gens disent que l’équipe nationale française est admirée par tous parce qu’elle est black-blanc-beur. En fait, l’équipe de France est aujourd’hui black-black-black, ce qui provoque des ricanements dans toute l’Europe”.
Finkielkraut est aujourd’hui la figure emblématique de la mobilisation contre l’antisémitisme. Ses protestations indignées face aux injures le qualifiant de “raciste” ne sont que la feuille de vigne derrière laquelle se cache l’islamophobie (à peine voilée) de ce “brillant intellectuel” érigé en héros national depuis son agression du 16 février. C’est bien pour cela que Marine Le Pen lui a témoigné également sa “solidarité”.
Pour paraphraser Marx (qui avait stigmatisé la Misère de la philosophie du socialiste bourgeois Proudhon), on est en droit de s’écrier : misère de la “nouvelle philosophie” !
Ces nouveaux “philosophes”, arrivistes et anciens maos défroqués, ne sont que les dignes maîtres à penser de la bourgeoisie décadente. Leur idéologie nationaliste, sioniste et militariste n’a pas grand-chose à envier ni au fanatisme réactionnaire des islamistes, ni à l’islamophobie des troupes de choc du Rassemblement National.
Marianne, 1er mars 2019