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Icône du cinéma et de la bande dessinée, Mickey, la petite souris créée par Walt Disney en 1928, fête ses 90 ans. C’est pendant la Grande Dépression que le personnage devient populaire aux États-Unis et dans le monde entier. Alors que la crise économique et le chômage de masse frappent la planète, Mickey, avec son optimisme à toute épreuve et ses traits attachants, divertit l’Amérique.
Dès son plus jeune âge, Mickey est exploité par l’industrie cinématographique : il n’a que 2 ans lorsque Walt Disney l’envoie sur les routes comme représentant commercial, contraint de vendre toute sorte de jouets, de livres, de tasses... Car la souris doit aussi son succès à la création du Mickey Mouse Club où se côtoient événements commerciaux et scoutisme. En 1932, plus d’un million d’enfants reçoivent leur carte de membres leur permettant d’obtenir “réductions” et “avantages” pour l’achat de produits dérivés.
Dès 1929, Disney cherche à faire de Mickey un soldat. Dans The Barnyard Battle, la souris interprète une jeune recrue de la guerre entre les souris et les chats coiffés d’un casque à pointe allemand. Heureusement, contrairement à d’autres personnages du studio, Mickey, trop gentil, ne s’engage pas dans la Seconde Guerre mondiale. Walt Disney lui préfère d’autres personnages plus brutaux pour ses films de propagande, notamment Donald Duck (qu’il ne faut pas confondre avec un autre Donald, bien que la ressemblance est frappante). Donald reçoit son avis d’incorporation en 1942 dans Donald Gets Drafted et devient soldat dans pas moins de neuf films ! La production des Mickey est stoppée la même année ; la petite souris est au chômage. C’est Minnie, sa fiancée, qui rapporte de quoi manger à la maison. Walt Disney l’oblige, en effet, à contribuer à l’effort de guerre dans Out of the Frying Pan Into the Firing Line, un film de propagande dans lequel elle apprend aux enfants à faire des munitions pour le front à partir d’huile de friture.
Après la Guerre, Mickey retrouve son emploi de VRP et devient, avec d’autres marques emblématiques, un symbole de la puissance économique et culturelle des États-Unis. Emblème de la Walt Disney Company, il est si efficace que le petit studio se métamorphose en colosse international du divertissement assis sur un chiffre d’affaires annuel de près de 60 milliards ! Dessins animés, films, livres, bandes dessinées, parcs d’attraction, vêtements, dentifrices... Mickey est partout, omniprésent jusque dans l’éducation des enfants.
Naturellement, les enfants, bercés dès le plus jeune âge par la souris aux grandes oreilles, rêvent tous de partager un peu de la féerie de l’univers de Mickey. Quoi de mieux alors que de visiter son “royaume enchanté”, celui de Disneyland, particulièrement pendant cette période de fêtes de fin d’année où le parc d’attraction se revêt d’un manteau blanc et chatoyant ? D’après le slogan, Disneyland est l’endroit “où la magie prend vie”... la magie du capitalisme surtout ! La direction du parc n’hésite pas à déguiser ses employés, embauchés avec des contrats ultra-précaires, en les faisant passer pour Mickey et ses amis. Derrière le déguisement, de vrais danseurs de 25 ou 30 ans, ayant rêvé de monter sur les planches, se retrouvent, contre un SMIC, sur le trottoir pour la parade.
La pauvre souris est, par ailleurs, mise à contribution pour soutirer le maximum de fric aux visiteurs. Entre le billet d’entrée, la nuit d’hôtel, les repas (il est interdit d’apporter sa nourriture et ses boissons) et les boutiques de souvenirs, la plupart des familles ouvrières sont contraintes d’économiser une année entière pour arpenter le “royaume enchanté” du Capital où tout est prétexte à amasser de l’argent. Quant aux enfants des familles les plus pauvres, la “magie de Noël” restera bien sûr inaccessible, à moins que “papy” et “mamie” profitent de la diminution de la CSG sur leur pension de retraite pour leur offrir un ticket.
Mickey, lui, malgré ses 90 ans, n’a pas encore droit à la retraite. Il paraît qu’avec sa période de chômage de longue durée dans les années 1940, il n’a pas encore suffisamment cotisé.
DL, 23 décembre 2018