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En 2008, la crise financière qui a frappé de plein fouet les États-Unis, avec les faillites en cascade de plusieurs banques, a plongé subitement des millions de prolétaires dans la misère. Parmi les principaux acteurs emblématiques du secteur bancaire, Lehman Brothers, un des grands piliers du système économique américain, a brusquement fait faillite provoquant la panique dans tout le système bancaire international dont elle était un des acteurs de premier plan.
Derrière la crise des subprimes, la barbarie du capitalisme
Grâce aux prêts accordés aux établissements bancaires par la banque d’investissement Lehman Brothers, ces dernières avaient octroyé des crédits immobiliers hypothécaires à taux variables (les subprimes) à des ménages précaires. Ces ouvriers, parmi les plus pauvres des États-Unis, se sont fait arnaquer en croyant que ces crédits à long terme allaient leur permettre d’acheter leur maison. En réalité, les taux étaient “intéressants” tant que le prix de l’immobilier était en hausse. Les nouveaux propriétaires potentiels pouvaient ainsi revendre leur bien immobilier en faisant une plus-value permettant de rembourser leur emprunt s’ils ne pouvaient plus payer leur créance. Mais fin 2006-début 2007, le marché de l’immobilier s’effondre aux États-Unis. Les taux de crédit variables des subprimes augmentent et les ouvriers ne peuvent plus rembourser. Les banques prêteuses ont alors voulu récupérer les maisons hypothéquées et se sont lancées, sans aucun état d’âme, dans une gigantesque et sordide opération de saisies immobilières. Ce sont 7,5 millions de familles ouvrières qui ont été, du jour au lendemain, brutalement jetées à la rue, expulsées de leur logement, parfois manu militari avec l’aide de la police. Tandis que ces familles se sont retrouvées sans toit, obligées pour certaines de dormir dans des abris de fortune ou de se faire héberger, la plupart des maisons saisies pour être revendues n’ont trouvé aucun acquéreur.
Il est clair que ces ouvriers se sont fait tout simplement escroquer en croyant naïvement pouvoir accéder à la propriété grâce aux crédits “intéressants” qu’on leur a fait miroiter. La plupart d’entre eux ne savaient d’ailleurs même pas ce que les banques leur avaient fait signer ! Ces familles ouvrières ont été ainsi directement victimes des requins capitalistes du “monde de la finance”, un secteur particulièrement pourri et corrompu de la classe dominante.
L’État américain n’a évidemment rien fait pour empêcher cette catastrophe humaine. Au contraire, c’est de façon délibérée qu’il a laissé Lehman Brothers mettre la clef sous la porte. L’État américain porte donc une responsabilité de premier plan dans la plongée de millions de prolétaires dans la misère et le dénuement aggravé par l’explosion de la “bulle immobilière”.
L’État à la rescousse de son système financier
Si la banque centrale américaine a décidé de laisser couler Lehman Brothers (alors qu’elle a soutenu d’autres banques au bord de la faillite), c’est parce que la première puissance mondiale voulait faire un exemple et tirer la sonnette d’alarme afin que toute la bourgeoise des principaux États industrialisés se mobilise pour sauver le système financier international, le spectre d’un krach boursier identique, voire pire que celui de 1929 étant à l’horizon. Les principales banques européennes ont également investi dans les subprimes, croyant faire des placements juteux. Après la faillite de Lehman Brothers, la secousse a immédiatement touché les autres grands pays industrialisés. Dès le départ, la menace d’autres faillites et l’annonce d’un possible “effet domino” ont accompagné l’explosion de la bulle immobilière. Pour endiguer le risque de faillites en chaîne ; les États et les banques centrales, en Europe comme aux États-Unis, ont été obligés de mettre en place des plans de sauvetage d’urgence. En Grande-Bretagne, le gouvernement nationalise immédiatement certaines banques, notamment Northern Rock. En France et en Allemagne, l’État décide d’injecter une masse colossale de liquidités dans les caisses des grandes banques pour éviter la banqueroute et l’effondrement du système financier mondial. Mais ces mesures d’urgence ont eu comme conséquence, en creusant davantage l’endettement des États, d’aggraver le chômage et la précarité. Les cures d’austérité déployées par la classe dominante pour tenter d’atténuer quelque peu le déficit des États se sont rapidement faites sentir dans les pays les plus vulnérables tels que la Grèce, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et progressivement dans l’ensemble des pays développés de la planète.
Une intense propagande…
Aujourd’hui, alors que la menace d’une nouvelle secousse financière plane de nouveau sur le monde, les médias ont repris une propagande sournoise autour de l’anniversaire des dix ans de la faillite de Lehman Brothers. Au nom du “sauvetage” de l’économie mondiale, les États ont désigné des coupables idéaux en faisant peser la responsabilité de la crise sur le “monde de la finance”, incarné par les “traders” et les “patrons voyous”. Tout cela afin d’innocenter le système capitaliste dans son ensemble.
En exploitant efficacement les nationalisations et le rôle des banques centrales dans le renflouement des caisses de celles menacées par la faillite, la bourgeoisie en a profité pour mener une offensive idéologique présentant l’État comme le régulateur des “excès” de la finance et le protecteur des petits épargnants. C’est justement grâce au rôle de l’État présenté comme le “sauveur de l’économie mondiale” que les gouvernements de tout poil ont pu justifier, en partie, la nécessité de pressurer davantage les salariés afin d’accroître la compétitivité des économies nationales sur le marché mondial et réduire la dette de leur État respectif.
Contrairement aux mensonges qui ont alimenté et alimentent encore les discours officiels, ce n’est pas la crise financière de 2008 qui a initié le train des “réformes” qui n’ont fait que dégrader les conditions de vie des prolétaires en remettant en cause de prétendus acquis sociaux. Si les grandes “réformes” et les attaques massives contre les conditions de vie et de travail se sont fortement aggravées partout dans le monde après cette dramatique secousse de 2008, elles étaient déjà en cours depuis des décennies. Toutes ont été orchestrées par les États et leurs gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédés sans bien sûr parvenir à résoudre la crise.(1)
On comprend donc mieux la propagande idéologique déchaînée en 2008 qui avait pour but de donner une explication frauduleuse en faisant passer le symptôme de la crise financière pour la maladie, celle de la crise historique de l’économie capitaliste. Depuis le retour de la crise ouverte du capitalisme à la fin des années 1960, des rechutes de plus en plus profondes sont venues ponctuer la vie sociale. À chaque fois, la bourgeoisie a su trouver des justifications et des boucs émissaires. En 1973, c’était la faute du “choc pétrolier” ! À l’époque, les fauteurs de troubles étaient ces pays du Golfe et leurs princes roulant sur l’or. En 1987, 1998, 2001 et 2008, ce fut au tour de la finance et des banquiers d’être pointés du doigt. Mais jamais ces campagnes idéologiques ne furent aussi intenses qu’en 2008. Ainsi, on a pu entendre toute sorte de discours fallacieux sur la nécessité d’assainir le système bancaire, de “moraliser” les banques en sanctionnant les spéculateurs véreux et les banquiers “irresponsables”, tel le PDG de Lehman Brothers, présenté par les médias comme “l’homme le plus détesté de l’Amérique”.
… pour masquer la faillite du capitalisme
Aux dires même de tous les responsables bourgeois, de tous les “spécialistes” de l’économie, la crise de 2008 est la plus grave qu’ait connu le système capitaliste depuis la grande dépression qui a débuté en 1929. Cependant, les explications qu’ils donnent ne permettent évidemment pas de comprendre la véritable signification de ces convulsions et la perspective qu’elles annoncent pour l’ensemble de la société et notamment pour la classe ouvrière.
Aujourd’hui, ce qui est occulté par l’ensemble des “spécialistes” de l’économie, c’est la crise de surproduction de ce système, son incapacité à vendre la masse des marchandises qu’il produit. Bien sûr, il n’y a pas surproduction par rapport aux besoins réels de l’humanité (que le capitalisme est incapable de satisfaire), mais surproduction par rapport aux marchés solvables, en moyens de paiement pour cette production. Les discours officiels se focalisent sur la crise financière, sur la seule faillite des banques, mais en réalité, ce que les thuriféraires bourgeois appellent “l’économie réelle” (par opposition à “l’économie fictive”) est illustrée par le fait que chaque jour on annonce des fermetures d’usine, des licenciements massifs, des faillites d’entreprise.
Lors de la crise de 2008, la chute du commerce mondial a révélé l’incapacité pour les entreprises de trouver des acheteurs pour écouler leur production. Ainsi, ce n’est pas la crise “financière” (et encore moins la faillite de Lehman Brothers) qui était à l’origine de la récession ouverte en 2008. Bien au contraire, cette crise financière n’a fait que révéler que la fuite en avant dans l’endettement, comme palliatif à la surproduction ne pouvait se poursuivre indéfiniment. Tôt ou tard, “l’économie réelle” se venge, c’est-à-dire que ce qui est à la base des contradictions du capitalisme (l’incapacité des entreprises à vendre la totalité des marchandises produites), revient au-devant de la scène. Cette crise de surproduction n’est pas une simple conséquence de la crise “financière” comme essaient de le faire croire la plupart des “spécialistes” bourgeois. C’est dans les rouages mêmes de l’économie capitaliste qu’elle réside, comme l’a mis en évidence le marxisme depuis un siècle et demi.
Comme le disaient Marx et Engels dans le “Manifeste du Parti communiste” de 1848, la société est devenue trop riche ! Le capitalisme produit beaucoup trop de marchandises alors que les marchés solvables se contractent de plus en plus, comme en témoigne la guerre commerciale acharnée entre les États-Unis et l’Europe, qui doivent en plus affronter la compétitivité des marchandises chinoises.
Aujourd’hui le capitalisme est asphyxié par le poids faramineux de l’endettement. En même temps, il ne peut se maintenir, de façon artificielle, que grâce au crédit. La seule “solution” que la bourgeoisie est capable de mettre en œuvre est… une nouvelle fuite en avant dans le cercle vicieux de l’endettement. Avec le développement de la spéculation, ce mode de production, basé sur la recherche du profit, ressemble de plus en plus à une économie de casino. Le remède consistant à injecter des liquidités dans les caisses des principales banques ne peut, en réalité, qu’aggraver le mal, notamment en accentuant la crise de la dette souveraine des États.
Dix ans après le séisme de 2008, et malgré les plans de sauvetage d’urgence du système financier, malgré une certaine “reprise” apparente et très fragile des taux de croissance en 2012-2013, l’inquiétude saisit à nouveau la classe bourgeoise. Les dix années de cure d’austérité n’ont rien changé sur le fond. Les États restent surendettés et les banques centrales gavées d’actifs plus que douteux. La croissance mondiale ralentit à nouveau. Tous les acteurs prennent de plus en plus de risques. Depuis le milieu de l’année 2018, les médias et les discours des économistes bourgeois tirent la sonnette d’alarme et redoutent une situation identique, voire pire, que celle de 2008. En développant ces discours alarmistes, et ces campagnes sur les dérives du monde de la finance, la bourgeoisie cherche à terroriser et paralyser la classe ouvrière derrière la défense de l’ “État sauveur”. Pour ne pas entraver les “plans de sauvetage” (illusoires !) du système financier, les prolétaires sont évidemment appelés à se serrer encore la ceinture, à accepter de nouveaux sacrifices sur leur pouvoir d’achat.
Face à la barbarie du capitalisme, révélée notamment en 2008 par le scandale des millions d’expulsions d’ouvriers de leur logement dans le pays le plus riche du monde, le prolétariat n’aura pas d’autre choix que de reprendre partout le combat pour la défense de ses conditions de vie et contre l’ordre social de ses exploiteurs. Il devra comprendre pour cela que loin d’être un “protecteur neutre”, qui lutte contre les dérives spéculatives des traders, l’État bourgeois est avant tout un organe de répression et de conservation de tous les méfaits du capitalisme. La faillite des banques et des entreprises ne fait que révéler la faillite du mode de production capitaliste qui n’a aucun avenir à offrir à l’humanité. La seule solution à la crise, c’est le renversement de ce système et la destruction de l’État par la classe qui produit toutes les richesses de la société : la classe ouvrière mondiale.
Sonia, 17 novembre 2018
1) C’est d’ailleurs cela qui explique en partie le fort discrédit des partis politiques traditionnels aux yeux de la classe ouvrière. Aux États-Unis, c’est le rejet de l’establishment, en particulier dans les régions industrielles sinistrées, qui a poussé une grande partie de la classe ouvrière à voter pour Trump.