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Le vandalisme dont ont fait preuve les “patrons-voyous” des Vosges n’est pas un fait isolé mais appartient à une longue tradition capitaliste.(1) L’année 1917 en est un exemple concret particulièrement significatif.
Cette année-là, outre la rage et la vengeance contre l’audace politique des exploités, la classe dominante s’est livrée à ce qui relevait d’actes de guerre contre son ennemi prolétarien, visant à générer désordres, chômage et même famines, dans le but de discréditer la révolution. Les révolutionnaires ont dénoncé avec indignation la brutalité de ces pratiques de sabotage et de destructions, en particulier venant des plus hypocrites : les démocrates, notamment les politiciens “socialistes” usurpateurs du gouvernement provisoire, encensés aujourd’hui par la propagande officielle.(2) Victor Serge s’indignait ainsi très justement : ““Tous les moyens sont bons !” Ce n’était pas des mots. La démocratie contre-révolutionnaire recourait, en grand, à une arme impitoyable, du reste contraire aux usages de la guerre : au sabotage systématique de toutes les entreprises d’intérêt général (ravitaillement, services publics, etc.) La guerre des classes, dès son début, brisait le moule conventionnel du droit de la guerre”.(3)
Sous la plume de Léon Trotski, qui s’appuie lui-même sur le témoignage de John Reed, nous voyons que les sabotages obéissaient à une vaste entreprise contre-révolutionnaire, quasiment planifiée. Au-delà de cette dimension politique essentielle, nous voulons souligner l’indignation morale partagée à propos de la réalité d’odieux scandales révélés. L’ironie mordante de Trotski, lorsqu’il évoque le “courage” des industriels, donne une vigueur supplémentaire à ce qui constitue, selon nous, un véritable réquisitoire :
“L’affaiblissement, en juillet, des positions du prolétariat rendit courage aux industriels. Un congrès des treize plus importantes organisations d’entreprises, et dans ce nombre des établissements bancaires, créa un comité de défense de l’industrie qui se chargea de la direction des lock-out et en général de toute la politique d’offensive contre la révolution. (...) Le défaitisme économique constituait le principal instrument des entrepreneurs contre la dualité de pouvoir dans les usines. A la conférence des comités de fabriques et d’usines, dans la première quinzaine d’août, l’on dénonça en détail la politique nocive des industriels, tendant à désorganiser et à arrêter la production. Outre des manigances financières, on appliquait largement le recel des matériaux, la fermeture des ateliers de fabrication d’instruments ou de réparation, etc. Sur le sabotage mené par les entrepreneurs, d’éclatants témoignages sont donnés par John Reed qui, en qualité de correspondant américain, avait accès dans les cercles les plus divers, obtenait des informations confidentielles des agents diplomatiques de l’Entente et pouvait écouter les francs aveux des politiciens russes bourgeois. Le secrétaire de la section pétersbourgeoise du parti cadet (écrit Reed) me disait que la décomposition de l’économie faisait partie de la campagne menée pour discréditer la révolution. Un diplomate allié dont j’ai promis sur parole de ne pas révéler le nom, confirmait le fait sur la base de ses informations personnelles. Je connais des charbonnages près de Kharkov qui furent incendiés ou noyés par les propriétaires. Je connais des manufactures textiles de la région moscovite où les ingénieurs, en abandonnant le travail, mettaient les machines hors d’état. Je connais des employés de la voie ferrée que les ouvriers surprirent à détériorer les locomotives. Telle était l’atroce réalité économique. Elle répondait non point aux illusions des conciliateurs, non point à la politique de coalition, mais à la préparation du soulèvement kornilovien”.(4)
1) Dans la toute première enfance du mouvement ouvrier, des révoltes d’ouvriers ont conduit parfois à des destructions de machines, notamment en Angleterre (les Luddistes). Mais ces actes avaient une toute autre nature. Ponctuels et limités, ils exprimaient un cri de révolte contre le bagne industriel ; surtout ils étaient la marque de l’immaturité du mouvement ouvrier naissant.
2) Lire notre article à propos de l’émission diffusée par Arte sur la révolution russe : la bourgeoisie récupère la révolution démocratique de Février 1917 pour falsifier la Révolution d’Octobre.
3) Victor Serge, L’an I de la révolution russe.
4) Léon Trotski, Histoire de la Révolution russe, Tome II. Sur la tentative de putsch réactionnaire du général Kornilov, lire notre brochure : Octobre 1917 début de la révolution mondiale.