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En juin 2017 s’est tenu comme chaque année le diplôme national du brevet. Et cette fois encore l’épreuve “d’enseignement moral et civique” a défrayé la chronique. Il faut dire que l’État ne rate jamais l’occasion d’y étaler sans retenue sa propagande puisque, après tout, cette discipline a été créée tout spécialement pour cela. Cette année donc, sous le titre : Les grands principes de la Défense nationale, a été demandé aux élèves de 3e : “Vous avez été choisi(e) pour représenter la France au prochain sommet de l’Union européenne. Vous êtes chargé(e) de réaliser une note pour présenter une mission des militaires français sur le territoire national ou à l’étranger.
Montrez en quelques lignes que l’armée française est au service des valeurs de la République et de l’Union européenne.” Voilà. Sobre et efficace. Tu as 15 ans et tu veux ton brevet des collèges, alors écris tout le bien que tu penses de l’armée française et des guerres qu’elle mène à travers le monde... en quelques lignes.
Rappelons simplement qu’au moment où ces enfants étaient sommés de se comporter en bons citoyens français en chantant les louanges des valeurs guerrières de la République, deux faits particulièrement barbares s’étalaient dans les colonnes des journaux :
- le soutien de plus en plus notoire de l’État français au gouvernement génocidaire rwandais en 1994 (environ 1 million de morts) ;
- l’utilisation par la coalition internationale en Irak et en Syrie d’armes incendiaires très meurtrières, les obus au phosphore.
Finalement, ce qu’affirme cette épreuve du brevet des collèges est tout à fait exact, effectivement “l’armée française est au service des valeurs de la République” : le nationalisme, l’exploitation, la concurrence économique et guerrière, l’impérialisme, la barbarie.
L’hypocrisie syndicale
“Le SNES-FSU a pris connaissance avec effarement de l’exercice d’enseignement moral et civique (EMC) du Diplôme National du brevet sur lequel ont dû composer les élèves de 3e de série générale en métropole et ne peut que s’en indigner, tant sur le fond que sur la forme. (…) Il s’agit encore une fois de glorifier notre armée, sans demander aux élèves de faire preuve de recul ni du moindre esprit critique, contrairement aux objectifs affichés de l’EMC... Il s’agit bien de propagande, qui entretient la confusion entre l’UE et ses institutions, la République française et “ses valeurs” et qui oblige les candidat(e)s à défendre une opinion partisane”. Cette déclaration du 3 juillet du premier syndicat du secondaire, la FSU, semble en apparence une réaction indignée et légitime. Mais le diable se cache souvent dans les détails. Car au fond, que réclame là la FSU ? Un bon “enseignement moral et civique”, un enseignement développant “l’esprit critique”, pour former des citoyens responsables. Il s’agit là aussi d’un véritable poison idéologique. Tout comme l’impérialisme, qu’on le baptise “guerre humanitaire” ou pas, engendre forcément l’horreur et la mort, l’éducation “à la citoyenneté”, “l’instruction civique”, avec ou sans “esprit critique”, borne l’horizon de la pensée et de la réflexion des élèves en les façonnant inexorablement dans le moule des intérêts de la Nation et du capital. C’est d’ailleurs là la force des bourgeoisies les plus expérimentées et sophistiquées, ne pas imposer par la terreur policière brute un mode unique de pensée mais de favoriser un ensemble de débats d’idées “contradictoires” qui toutes s’inscrivent in fine dans le cadre de l’intérêt du système capitaliste et de ses nations respectives.
La citoyenneté, inexorablement liée au nationalisme
C’est ce lien inextricable entre la citoyenneté et l’idéologie bourgeoise, dont le nationalisme fait partie intégrante, que la FSU tente de dissimuler derrière ses hypocrites cris d’orfraies clamant son “effarement” et sa prétendue défense de “l’esprit critique”. Ainsi, entre mille exemples, voici un extrait du Bulletin officiel n°26 du 30 juin 2016 qui fonde tout particulièrement “les valeurs” de tout “l’enseignement moral et civique” que ce syndicat tente de défendre : “Les ministres de la Défense, de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, (...) déclarent que la compréhension des notions essentielles de défense et de sécurité nationale est indispensable au futur citoyen comme au responsable économique, culturel, social ou environnemental. L’engagement formulé en 1982 par Charles Hernu et Alain Savary, dans le premier protocole “défense éducation nationale”, reste pleinement d’actualité : “La mission de l’éducation nationale est, d’assurer sous la conduite des maîtres et des professeurs, une éducation globale visant à former des futurs citoyens responsables, prêts à contribuer au développement et au rayonnement de leur pays.” (...) L’enseignement de défense et de sécurité nationale, conçu en lien avec la formation à la citoyenneté, est centré sur la défense militaire, qui lui confère sens et visibilité, et concerne l’ensemble des disciplines. Il permet aux élèves de :
- percevoir concrètement les intérêts vitaux ou nécessités stratégiques de la Nation, à travers la présence ou les interventions militaires qu’ils justifient ;
- comprendre le cadre démocratique de l’usage de la force et de l’exercice de la mission de défense dans l’État républicain ;
- appréhender les valeurs inhérentes au métier militaire, à partir de l’étude des aspects techniques. La formation à la citoyenneté et le sens de l’engagement, qui participent au développement de la résilience nationale, figurent dans la définition du “socle commun de connaissances, de compétences et de culture”. (...) Afin d’accroître la portée et l’efficacité de l’enseignement de défense, première étape du “parcours de citoyenneté”, les signataires du présent protocole s’accordent sur la nécessité de sensibiliser aux notions de défense et de sécurité nationale, de façon cohérente et continue, de l’école primaire à l’enseignement supérieur.”
La bourgeoisie est la classe dominante la plus intelligente de l’histoire. Si elle ne se prive pas de la terreur pour maintenir et assurer l’exploitation des ouvriers, l’hypocrisie, la manipulation et le mensonge en sont des piliers tout aussi importants et efficaces. La démocratie, la citoyenneté, le civisme font partie intégrante de l’arsenal idéologique destiné au maintien de l’ordre capitaliste.
Charles, 30 juillet 2017