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Toute une campagne médiatique s’est déployée il y a peu de temps autour de la scandaleuse affaire Théo, ce jeune homme interpellé violemment par la police le 2 février à Aulnay-sous-Bois, et sodomisé avec la matraque d’un des policiers. A en croire l’IGPN en charge de l’enquête interne de la police : il s’agissait d’un “accident”, un coup de matraque “malencontreux”… mais en aucun cas d’un viol ! Bref, la faute à “pas de chance”. Une telle hypocrisie ne vient que rajouter à l’ignominie de l’agression elle-même.
Au vu des témoignages, ce jeune homme se serait opposé au contrôle musclé d’un groupe de jeunes par des policiers qui se seraient alors retournés contre lui. Nous savons combien les contrôles et interpellations policières ne se font jamais dans la dentelle : mépris, insultes racistes et humiliations en tout genre sont souvent au rendez-vous. Mais une telle violence dans une simple interpellation témoigne de la banalisation des répressions musclées.
Cette agression a logiquement abouti à une indignation légitime qui a pris la forme de messages de soutien, de témoignages, de rassemblements, mais aussi de confrontations violentes avec les flics. Tout ceci, la classe politique ne pouvait l’ignorer : du président Hollande se rendant au chevet de Théo à la secrétaire d’État à l’Aide aux victimes traitant ces policiers de “délinquants”, en passant par le maire de Nice, Christian Estrosi, parlant de “flics voyous” : tous s’y sont mis pour condamner cette “bavure”.
Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Derrière leur prétendue “solidarité” envers Théo, l’objectif était avant tout de désamorcer les explosions émeutières et les flambées de colère (sur lesquelles a pesé d’ailleurs un certain black-out) pouvant à leur tour entraîner d’autres dérapages. Il s’agissait de préserver l’image de l’État et d’une institution policière mise à mal et de préserver le “bon déroulement” de la campagne électorale déjà largement éclaboussée par d’autres scandales. Mélenchon, soi-disant plus radical que les autres, y allait de son couplet pour défendre l’image des institutions bourgeoise en déclarant que “L’affaire Théo est le scandale de trop : la police doit être républicaine” (sic).
En revanche, l’indignation chez les jeunes lycéens, mobilisés dans la rue et les lycées contre les violences policières au quotidien, est un sincère cri de colère qui n’a aujourd’hui, hélas, pas les moyens d’éviter l’impasse que représente la confrontation directe avec les flics. Ces jeunes dénoncent pourtant, à travers leur mobilisation, les discours officiels selon lesquels il n’y aurait que de simples “brebis galeuses” au sein d’une police essentiellement “au service de la démocratie et du peuple”, nous “protégeant du terrorisme et des attentats”, au point de nous inciter à les applaudir lors des “manifs citoyennes” après les attentats contre Charlie Hebdo !
Mais les faits sont têtus : il ne fait pas bon d’être noir ou d’origine maghrébine et habitant un quartier populaire. Une récente enquête publique confirme d’ailleurs que les contrôles d’identité sont effectivement très ciblés : les jeunes de 18 à 25 ans sont contrôlés sept fois plus que les autres personnes, 80 % des jeunes hommes “perçus comme Noirs ou Arabes” disent avoir été contrôlés ces cinq dernières années, huit sur dix ont été fouillés, sans parler du tutoiement très fréquent, des insultes ou brutalités en tout genre. En clair, le viol de Théo n’est que l’expression spectaculaire et brutale des stigmatisations et de la répression policière permanente. Cette violence policière est en réalité celle de l’État. Un État qui impose son ordre derrière le masque hypocrite de la démocratie et de la république par la force au quotidien, n’en déplaise à Mélenchon qui clame qu’“une autre police est possible”, en tout cas “une autre république”, faute d’un autre monde. Lénine disait déjà contre ce type de discours que “l’État, c’est l’organisation de la violence destinée à mater une certaine classe”. Et c’est encore et toujours le cas aujourd’hui.
La récupération de ce mouvement de colère a commencé tout de suite : d’abord en jetant le doute sur la moralité de Théo et sa famille, sur la véracité des faits, en stigmatisant bien sûr les “casseurs” de tous poils qui ne cherchent qu’à se “payer du flic” lors de chaque manif. Ensuite, pour relancer la campagne électorale elle-même, sur le terrain de la sécurité et du retour à une “police de proximité” qui permettrait de “renouer du lien avec les jeunes”. Comme si chez les jeunes, l’enjeu était une simple question de “communication” en lieu et place d’une véritable perspective de vie, professionnelle et sociale, que le capitalisme ne peut leur offrir.
La “police de proximité” n’est qu’un cache-sexe de circonstance que Sarkozy a d’ailleurs jeté aux orties, il y a quelques années, en déclarant aux flics en 2003 : “la police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter des délinquants, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux.” Le programme est donc respecté à la lettre, y compris par la gauche au pouvoir. Et cette gauche, si prompte pourtant à s’indigner aujourd’hui, a toujours été capable, dès les années 1980, de “s’adapter” dans la rue en réactivant, par exemple, ses fameuses brigades de police motorisées, dites “voltigeurs”, à l’origine de la mort de Malik Oussekine lors des manifestations étudiantes de 1986 et réapparues dernièrement en 2016 lors des manifestations contre la loi El Khomri.
Comme quoi, il n’y a aucune illusion à se faire sur la bourgeoisie et sa violence institutionnalisée, il y a d’un côté ses beaux discours, la main sur le cœur, et de l’autre, ses actes qui prouvent le contraire. Nous n’avons rien à attendre d’autre de l’État que la terreur, la répression, l’ordre des exploiteurs au quotidien.
Stopio, 2 mars 2017