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Le 19 décembre dernier, un terroriste fonçait en camion sur une foule déambulant au marché de Noël de Berlin, causant 12 morts et environ 50 blessés. Le conducteur, Anis Amri, un jeune migrant embrigadé par l’État islamique (EI), était abattu quatre jours plus tard par la police milanaise.
Ce carnage n’est évidemment pas sans rappeler l’horreur de l’attentat de Nice et confirme le fait que les attaques sanguinaires deviennent une réalité quotidienne et sordide pour les populations des principales puissances capitalistes, comme elles le sont depuis plusieurs années dans de nombreuses autres régions du monde 1. Ces derniers jours, la vie de dizaines de personnes a aussi été fauchée en Turquie et en Irak. En 2016, on dénombre pas moins de quatre attentats et attaques revendiqués par l’EI rien qu’en Allemagne ; l’organisation terroriste cherchait visiblement à frapper un grand coup au cœur de la première puissance européenne, symbole d’une certaine stabilité et prospérité. La barbarie d’un monde capitaliste putréfié, où des régions entières pataugent dans les trafics les plus glauques, les guerres les plus sales et la terreur permanente, se répand désormais dans une Europe jusqu’alors présentée comme un “havre de paix” depuis 1945. Non seulement le chaos impérialiste mondial, auquel les bourgeoisies occidentales contribuent grandement, frappe à présent le cœur historique du capitalisme, mais nous assistons également à l’explosion de la violence accumulée et intériorisée par une partie de la population locale, comme l’ont attesté les précédents attentats en France ou en Belgique, par exemple.
Cet effroyable événement pourrait, par ailleurs, être un facteur supplémentaire de fragilisation de l’appareil politique allemand. En campagne pour, selon toute vraisemblance, conserver la chancellerie fédérale, Angela Merkel est néanmoins contestée jusque dans son propre camp pour sa politique d’accueil des migrants en 2015. Le parti populiste Alternative für Deutschland (AfD) et les factions les plus droitières de la coalition autour de la CDU ont cherché à se renforcer en brandissant le parcours de migrant d’Anis Amri qui confirmerait, selon eux, que des djihadistes se sont bel et bien infiltrés dans les flux migratoires et représenteraient un danger pour le pays. Au-delà des frontières allemandes, l’attentat pourrait contribuer à déstabiliser un peu plus le jeu démocratique des États européens, d’autant plus que le terroriste a pu tranquillement circuler dans plusieurs pays avant d’être abattu.
L’acte barbare perpétré par Anis Amri exprime ainsi par bien des aspects la déliquescence du capitalisme que la bourgeoisie a néanmoins su exploiter pour renforcer l’encadrement totalitaire de la population et justifier la fuite en avant militariste, mal nommée “lutte contre le terrorisme”.
Un prétexte pour renforcer le totalitarisme d’État...
Derrière les élans de solidarité hypocrite des chefs d’État du monde entier, l’attentat du 19 décembre a surtout permis de justifier partout le renforcement de la surveillance généralisée de la population et de l’appareil répressif. Alors que le terroriste n’était pas encore arrêté, la presse du monde entier n’a ainsi pas trouvé de mots assez durs pour incriminer les “failles de l’antiterrorisme allemand”, dénonçant, pêle-mêle, la faible présence de la police dans les rues de Berlin, l’inertie des services de renseignement ou les défaillances de la coopération internationale en la matière. Il est vrai que le traumatisme du nazisme et des méthodes de la Stasi contraint la police à une certaine discrétion, mais l’Allemagne compte, comme ses voisins européens, plusieurs centaines de milliers de policiers et dépenses des dizaines de milliards d’euros pour maintenir l’ordre et assurer la “sécurité nationale”. Les services secrets connaissaient d’ailleurs parfaitement la menace que représentait Anis Amri, déjà fiché et surveillé.
La méfiance de la population en Allemagne sur les mesures sécuritaires n’a néanmoins pas suffi à empêcher l’État d’instrumentaliser l’émotion et les peurs. Angela Merkel déclarait ainsi : “Nous allons à présent examiner de manière intensive ce qui doit être changé dans l’arsenal des mesures dont dispose l’État”. Aussitôt, au nom de “la défense de notre mode de vie et de nos libertés”, les forces de l’ordre étaient massivement déployées dans tout le pays sous l’œil des caméras des journaux de télévision du monde entier.
Le renforcement spectaculaire des services de renseignement et de la surveillance généralisée était également mis ouvertement à l’ordre du jour. Initiée par les États-Unis et leur Patriot Act, suite aux attentats du 11 septembre 2001, la mise en place de dispositifs sécuritaires exceptionnels a fait école dans l’ensemble des grandes démocraties. Ces mesures, qui font souvent passer la Stasi ou le KGB pour une bande d’amateurs, n’ont finalement jamais freiné le développement du terrorisme. En réalité, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une expansion du contrôle totalitaire de l’État confronté au pourrissement sur pied de la société où n’importe quel paumé peut se transformer en boucher, n’importe quelle bande de supporters en horde ultra-violente, n’importe quelle frustration littéralement exploser dans les lieux publics.
Toutefois, si le renforcement sécuritaire ne répond aujourd’hui à aucune menace révolutionnaire immédiate, il n’en constitue pas moins un coup porté à l’avenir de la classe ouvrière. A terme, outre leur banalisation dans les esprits, ces mesures auront pour effet d’intimider, criminaliser et réprimer toute expression sérieuse de remise en cause des rapports sociaux capitalistes, et même toute forme de révolte contre la dégradation toujours plus insoutenable des conditions de vie.
… et justifier la fuite en avant impérialiste
Les gouvernements des grandes puissances ont par ailleurs profité des attentats pour rajouter une couche sur la prétendue nécessité d’intervenir militairement contre l’EI au nom de la “protection de la population”.
Quel grossier mensonge ! Les grandes puissances impérialistes jouent elles-mêmes un rôle absolument central dans la descente de la planète dans l’enfer guerrier permanent ; elles instrumentalisent n’importe quel seigneur de guerre pour la défense de leurs intérêts impérialistes (comme en Syrie où au moment des “révolutions arabes” les puissances occidentales ont soutenu ou armé des groupes islamistes opposants), sont prêtes à s’adjoindre les services du premier groupuscule fondamentaliste venu, et il faudrait soutenir leur “croisade contre le terrorisme” parce qu’elles n’ont rien d’autre à offrir que la fuite en avant guerrière pour tenter vainement de freiner la dynamique chaotique qu’elles ont largement contribué à créer ? Les ancêtres de Al-Qaïda, qui vient de se prendre une raclée par l’armée russe à Alep, n’étaient-ils pas des alliés choyés par les États-Unis dans leur lutte contre l’URSS ? L’EI n’a-t-il pas émergé grâce au soutien actif de l’Arabie saoudite à qui la France n’a pas hésité à vendre armes et avions de guerre pour 10 milliards ? En réalité, la bourgeoisie n’ignore pas que toutes les interventions militaires “contre le terrorisme” continueront à engendrer plus de chaos, plus de terroristes et de bigots fanatiques. Elles sont prises au piège d’un machine infernale, celle de la logique meurtrière du capitalisme, que seule la révolution prolétarienne pourra briser !
EG, 3 janvier 2016
1 Pour mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit cette vague d’attentats au cœur des grandes puissances capitalistes, nous conseillons la lecture des articles suivants :