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• Nous avons vu dans une première partie ce que dissimulaient les droits démocratiques et les droits de l'homme dans la société capitaliste dès son origine et comment la "démocratie" bourgeoise avec la décadence était devenue une pure mystification dissimulant le totalitarisme de l’Etat. Au mensonge de cette "démocratie" frelatée, le marxisme, depuis la Commune de Paris, oppose la dictature du prolétariat, comme phase de transition au socialisme. S’agit-il d’une "dictature" dans le sens usuel du terme ? Cette "dictature" ouvre-t-elle la voie à une société fondée sur la liberté et l'égalité réelles, et non abstraites et mensongères de la bourgeoisie ? Le prolétariat, pour parvenir au "royaume de la liberté" (Engels) utilise-t-il et engendre-t-il une démocratie d'un type nouveau ou la supprime-t-il en établissant un pouvoir totalitaire ? Telles sont les questions que se pose et doit se poser tout ouvrier conscient à l'heure où la bourgeoisie mène une offensive idéologique pour discréditer le socialisme, dénigrer la notion de dictature du prolétariat.
Aujourd'hui, plus de soixante années après la plus grande expérience prolétarienne, la révolution russe, la crise générale du capitalisme remet à l'ordre du jour la nécessité de la dictature du prolétariat. Alors que le prolétariat n'a pas été battu, qu'il a ressurgi sur la scène historique par de vastes mouvements de classe, la crise le pousse à des confrontations de plus en plus violentes avec le pouvoir d'Etat partout dans le monde. L'approfondissement de la lutte de classe, pour autant que le capitalisme ne réussit pas à imposer sa solution : la guerre mondiale, va le conduire à des affrontements décisifs avec la bourgeoisie, dont le point le plus haut ne peut être que le renversement mondial du système d'exploitation et l'instauration de sa dictature comme condition nécessaire du passage au socialisme et à la société sans classes.
Il est donc nécessaire de dégager les caractéristiques de la dictature du prolétariat, en montrant qu'elle n'est pas un "mal nécessaire", mais une condition du passage d'une société gangrenée par les crises, les guerres impérialistes, à une société de véritable liberté.
Plus de cinquante années de contrerévolution ont malheureusement déformé le sens du terme "dictature du prolétariat". Celle-ci, dans l'esprit de beaucoup d'ouvriers et en particulier dans les pays de l'Est, est assimilée au capitalisme d'Etat, à l'omniprésence de l'Etat, avec ses camps, le déploiement gigantesque de sa police, sa répression violente des luttes ouvrières comme en 53 en Allemagne de l'Est, 56 en Hongrie et 70 en Pologne. Alors que la prétendue "dictature du prolétariat" dans les pays de l'Est n'est qu'un mensonge monstrueux pour voiler la réalité de l'exploitation de l'Etat capitaliste, les défenseurs zélés du capitalisme n'ont pas manqué pour pré- tendre que la dictature du prolétariat , dans la conception marxiste, ne mènerai qu'à une "dictature sur le prolétariat" Des mencheviks aux actuels "défenseurs des droits de l'homme", les agents acharnés du capitalisme ne manquent pas pour essayer de décourager le prolétariat de renverser la société bourgeoise çt le persuader que la "démocratie occidentale" est préférable, avec ses "libertés".
Cependant, la mystification de la "démocratie" bourgeoise -pour le grand malheur des Carter et autres "nouveaux philosophes"- ne peut que s'effilocher au fil de la crise. Quel ouvrier sensé croira aujourd'hui dans les vertus de la "démocratie" bourgeoise, quand les fameuses "libertés " qui font tant pleur er dans les chaumières signifient : "liberté" d'être au chômage, "liberté " de se faire tuer dans les guerres impérialistes, "liberté " de crever tous les jours à petit feu avec une exploitation toujours plus féroce.
La crise du capitalisme remet donc à ordre du jour la nécessité du socialisme, celle d'en finir avec un système qui n'arrête pas quotidiennement de s'enfoncer dans la barbarie qu'il sécrète.
Pourquoi parler de «dictature» ?
La notion de "dictature", dans le sens non du totalitarisme de l'Etat capitaliste décadent, mais de l'exercice du pouvoir par la classe révolutionnaire historiquement progressiste, dérive des révolutions bourgeoises. Pour établir sa domination économique, la bourgeoisie devrait dominer politiquement le reste de la société à travers l'Etat qu'elle conquérait, par la mise hors la-loi de la classe féodale. Cest par la violence, la terreur généralisée,que les Cromwell, les jacobins, affirmaient la domination de leur classe. Cette terreur s'appliquait sur l'ensemble des couches sociales, aussi bien les classes exploitées (artisans, ouvriers) que sur les fractions indécises de la bourgeoisie prêtes à transiger avec la classe féodale. Mais cette terreur était momentanée pour la bourgeoisie qui n'aspirait qu'à respirer l'air du libéralisme politique, l'air serein de la "démocratie". Cette "démocratie " pour la bourgeoisie ne mettait pas fin néanmoins à la terreur sur la classe exploitée prolétarienne. La dictature est le mode de vie même du capitalisme, fût-il le plus "démocratique", le plus riche en "libertés juridiques" qui soit.
Est-ce à dire que le prolétariat, lorsqu'il prendra le pouvoir, devra établir sa domination de classe sans dictature sur la classe exploiteuse ? L'expérience même montre qu'il est impossible au prolétariat de réaliser son but : le socialisme, sans employer la violence organisée, sans briser la résistance d'une bourgeoisie qui préfère voir le monde s'ensanglanter en entraînant toute l'humanité avec elle, plutôt que d'abandonner le système qui l'a engendré. Contre l'illusion criminelle des anarchistes qui affirment que le prolétariat n'a pas à utiliser la coercition sur les classes exploiteuses, mais doit généreusement garantir la liberté de chacun, de chaque individu, le marxisme affirme que la question de la liberté ne se pose pas en termes d'individus, mais de classes sociales absolument antagoniques.
- "Ces messieurs ont-ils jamais vu une révolution ? Une révolution est à coup sûr la chose la plus autoritaire qui soit. C'est un acte par lequel une part i e de la population impose à l'autre partie sa volonté à coups de fusils, de baïonnettes et de canons -moyens autoritaires s'il est fut. Force en est au parti vainqueur de maintenir sa domination par la crainte que ses armes inspirent aux réactionnaires. Est-ce que la Commune de Paris aurait pu se maintenir plus d'un jour si elle ne s'était servie de l'autorité d'un peuple en armes contre la bourgeoisie ? Ne pouvons-nous pas, au contraire, la blâmer d'avoir fait trop peu usage de cette autorité ?" (Engels, "De l'autorité")
Ainsi la domination du prolétariat n'implique pas la "liberté pour tous", drapeau derrière lequel se cache la bourgeoisie. A la différence de celle - ci qui dissimule toujours hypocritement sa dictature féroce derrière "l'intérêt général", "Tordre social", "les libertés fondamentales", le prolétariat n'a pas peur d'affirmer sans détours la nécessité de la violence pour briser le carcan capitaliste qui enserre la société, de l'appliquer farouchement et ouvertement contre les forces de la contre-révolution.
Dictature du prolétariat=terreur ?
Cependant le prolétariat, tout en employant la violence contre la classe ennemie, n'établit pas son pouvoir de classe en se nourrissant de la chair des vaincus, comme le dieu Moloch de la Bible. Le culte de la "violence en soi", de la violence pour la violence, est une pratique absolument étrangère au prolétariat. Il est de l'essence même du capitalisme de reposer sur des rapports de violence, qui finissent par dominer l'ensemble de la société, pour culminer dans la terreur permanente incarnée par l'Etat. Les soixante dernières années avec leurs sinistre s massacres de millions d'hommes, l'anéantissement de populations entières, la torture institutionnalisée donnent une image exacte de la finalité du capitalisme décadent : l'anéantissement de l'humanité.
Le prolétariat a pour finalité non la conservation, mais la destruction de la barbarie. Classe exploitée, il ne peut avoir pour moteur de son activité révolutionnaire que son but : la suppression de toute exploitation. En détruisant le capitalisme, le prolétariat supprime non seulement son exploitation, mais celle de l'humanité entière. Pour tenter d'opposer le prolétariat au reste des exploités, les idéologues bourgeois et petits-bourgeois ne manquent jamais d'affirmer que "au fond les ouvriers voudraient être patrons", et que "de toutes façons, il faudra toujours des patrons". Pour la bourgeoisie, il est inconcevable qu'il puisse exister un autre système que le sien, fondé non sur l'exploitation, mais sur l’émancipation de toute l'humanité de la société de classes.
Lorsque le prolétariat est amené à utiliser la violence pour enlever toute capacité de résistance à la classe bourgeoise, c'est non pour exercer une terreur sans fin sur cette classe, mais pour mettre fin à la longue nuit de la préhistoire humaine où "l'histoire" des classes exploiteuses s'est transcrit e sur des annales souillées du sang et de la boue de leur système. La dictature du prolétariat n'est pas le renforcement, le développement de la terreur. Cette idée, développée par Staline dans les années 20 que la "dictature du prolétariat" se renforcerai t au fur et à mesure qu'on se rapprocherait du socialisme est la théorisation de la terreur stalinienne dirigée contre le prolétariat. Au contraire, la phase de "dictature" pour briser la contre-révolution bourgeoise est transitoire. Son but n'est pas de se perpétuer, mais de disparaître pour laisser place au socialisme. C'est pourquoi, si la phase de dictature du prolétariat signifie la plus grande fermeté et vigilance vis-à-vis de la bourgeoisie prête à un bain de sang monstrueux, elle n'est pas une "dictature" dans le sens classique du terme que lui a donné la bourgeoisie. Le prolétariat n'est pas une classe assoiffée de sang, le "couteau entre les dents", propre visage de la bourgeoisie que celle-ci projette sur lui pour les besoins de sa propagande vis à vis des Représentant les intérêts de l'humanité sortant du cauchemar de la société de classes, il n'aspire pas à détruire, et se refuse à utilise r les méthodes d'avilissement et d'extermination caractéristiques de la bourgeoisie. Son but, c'est de CONSTRUIRE la société de l'homme, le communisme.
Le communisme, dont le prolétariat porte le germe, est donc aux antipodes du totalitarisme actuel, où Etat et terreur s'identifient. Le marxisme ne peut que rejeter l'assertion selon laquelle la dictature du prolétariat serait "l'instauration de la société mono-classiste, mono-parti et ouvertement totalitaire du prolétariat dirigée par le parti de classe" (Le Prolétaire, N°276). A ces apologistes de la dictature totalitaire d'un parti, on ne peut que répondre, comme le faisait Engels à partir de l'expérience de la Commune : "Regardez donc la Commune de Paris". Regardez donc la révolution russe ! La dictature du prolétariat, c'était au début, non la dictature d'un parti unique, mais celle des conseils ouvriers, "forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat" (Lénine). Totalitaire, une révolution qui pendant son existence, fut l'œuvre de millions d’ouvriers qui établirent leur pouvoir non en développant, mais en détruisant l'Etat tzariste totalitaire ? Y avait-il donc un seul parti ouvrier dans les conseils en 1917 ? Dictature d'un parti, le gouvernement des commissaires du peuple, désigné par les conseils ? L'expérience concrète d'octobre 17 est un clair démenti à une telle vision où la fière devise de Marx "l'émancipation de la classe ouvrière sera l'œuvre de la classe ouvrière elle-même" est remplacée par "la dictature du parti sera l'œuvre totalitaire du mono-classiste mono-parti".
Le contenu véritable de la dictature du prolétariat, de la révolution russe, c'est la démocratie pour les masses ouvrières et travailleuses. C'est ce que nous verrons dans un prochain article.
Ch.