France: l’instrumentalisation du populisme contre la conscience du prolétariat

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L’affrontement entre le ministre de l’Intérieur Manuel Valls et l’humoriste Dieudonné a alimenté les colonnes de la presse pendant plusieurs semaines. Cet accrochage est une manifestation, au même titre que la poussée électorale du FN, les manifestations contre le mariage homosexuel rassemblant des milliers de personnes ou celles des “bonnets rouge”, d’une orchestration nourrie par une véritable montée en puissance médiatique. Récemment encore, tandis qu’une hystérie collective s’emparait des pourfendeurs de la théorie du genre, des propos ouvertement xénophobes étaient scandés sans vergogne par les manifestants du “Jour de colère”, ce triste cortège où s’étaient rassemblées les innombrables chapelles de l’extrême-droite, réactivées pour l’occasion par ce climat favorable.

La France est néanmoins loin d’être le seul pays à connaître une telle dynamique. Partout dans le monde, les partis et mouvances populistes, du Tea Party américain aux islamistes salafistes, sont en mesure de mobiliser et de troubler parfois le jeu politique. Il suffit d’ailleurs de lire sur Internet les commentaires de n’importe quel site d’actualité en n’importe quelle langue pour mesurer l’extraordinaire capacité de mobilisation de la “fachosphère”.

L’un des effets les plus significatifs de la promotion de ces idéologies d’extrême-droite est la prolifération ou le renouveau de mouvances, certes marginales mais parfois très violentes, nihilistes et complètement hystériques, à l’image des JNR de Serge Ayoub ou du Bloc Identitaire. En fait, l’incapacité de la bourgeoisie à imposer sa réponse historique, la guerre mondiale, à la crise de son système, conjuguée aux immenses difficultés du prolétariat à défendre sa propre alternative historique, la révolution, sont un terrain propice au développement de ce type d’expressions politiques que l’Etat instrumentalise en permanence.

Le succès relatif de cette idéologie nauséabonde qu’est l’antisémitisme et ses délires complotistes sont à ce titre un des produits de la décomposition du système capitaliste. Pour se faire une idée précise du degré d’irrationalité qui frappe le milieu dont Dieudonné est aujourd’hui la figure médiatique, il suffit, par exemple, d’écouter les indigestes monologues de son maître à penser, le semi-intellectuel d’ultra-droite, Alain Soral, qui pullulent sur le web. Tous les ingrédients d’un “néo-fascisme” mal bricolé sont là : l’obsession du complot sioniste et maçonnique, le mépris goguenard pour tout ce qui n’est pas “viril” – entendez les femmes et les homosexuels – les divagations mystico-religieuses, la haine épidermique pour toute expression un tant soit peu saine de lutte des classes... le tout généreusement saupoudré d’un orgueil démesuré où, entre deux insultes à connotation sexuelle, ce “bon client” des émissions de divertissement bas-de-gamme se peint lui-même en théoricien illustre disposé au martyre.

Mais au-delà des provocations de Dieudonné et de ses amis, des déclarations hypocrites du gouvernement et des rebondissements judiciaires, la classe dominante a soigneusement maintenu les débats sur un terrain complètement pourri pour le prolétariat, celui de ce faux choix : lutte contre l’antisémitisme ou liberté d’expression ? Le milieu sordide, composé d’Alain Soral et du négationniste Robert Faurisson, dans lequel grenouille Dieudonné, tout comme les appels du gouvernement à “défendre les valeurs de la République” révèlent en effet le sens profond de la fausse alternative mis en avant par la classe dominante : fascisme ou démocratie ! Ce vieux mot d’ordre, jadis destiné à embrigader la classe ouvrière sous les drapeaux des régiments pour être transformée en chair à canon, est encore aujourd’hui un poison idéologique poussant le prolétariat dans les bras de l’État démocratique, c’est-à-dire dans ceux de son ennemie de classe, la bourgeoisie.

Ce relatif dynamisme de l’extrême- droite ne doit en effet pas cacher que son exploitation médiatique n’échappe pas à une logique machiavélique d’encadrement idéologique de la classe ouvrière, créant un véritable écran de fumée sur une situation où les attaques anti-ouvrières se multiplient et redoublent : comme sous Mitterrand, le PS stimule l’extrême-droite pour constituer un repoussoir crédible au profit de la défense, non seulement des “valeurs des partis de gauche” en particulier, mais surtout de la démocratie en général, cette expression politique particulièrement sournoise de la dictature capitaliste.

Les manœuvres habiles du PS constituent ainsi une vaste hypocrisie. En effet, le gouvernement a cru bon d’envoyer en première ligne dans sa “lutte contre le racisme et la haine” Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur en charge du harcèlement et du lynchage abject de Roms, le chef d’orchestre de l’expulsion de la petite Léonarda, celui qui voulait, en 2009, “plus de whites, plus de blancos” dans sa bonne ville d’Evry !

D’ailleurs, la violence médiatisée des propos de l’extrême-droite n’a d’égale que la barbarie parfaitement tangible des gouvernements démocratiques largement responsables des “tragiques accidents” de migrants embarqués au large de la Méditerranée et traqués à l’ombre de bien des frontières.

Face à la barbarie de toutes les fractions de la bourgeoisie, le prolétariat ne vaincra pas la xénophobie et la chasse aux immigrés en s’alliant à tel ou tel parti de l’appareil politique ; il n’a d’autre solution pour cela que de développer sa lutte autonome, sur un terrain de classe pour un monde nouveau, solidaire et sans concurrence, sans patrie ni frontière.

El Generico, 11 février

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