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“Nous sommes dans un monde un peu fou. Le Kosovo où l'on découvre chaque jour des crimes contre l'humanité ; les autres conflits moins spectaculaires mais aussi porteurs d'horreurs en Afrique et en Asie ; les crises économiques et financières qui éclatent soudain, imprévues, destructrices, la misère qui s'accroît dans bien des parties du monde...” (Le Monde, 22/6). Dix ans après la fin de la “guerre froide”, l'éclatement du bloc de l'Est et la disparition de l'URSS, dix ans après les proclamations dithyrambiques sur la “victoire du capitalisme” et les déclarations enthousiastes sur l'ouverture d'une “ère de paix et de prospérité”, voilà le constat désabusé, ou plutôt cynique, –mais discret– d'un des principaux dirigeants de la bourgeoisie, le président français, Jacques Chirac. Autre homme politique éminent de la bourgeoisie, l'ex-président américain Jimmy Carter trace exactement le même bilan sur la réalité du capitalisme depuis 1989. “Quand la guerre froide a pris fin il y a dix ans, nous nous attendions à une ère de paix. Ce que nous avons eu à la place c'est une décennie de guerre” (International Herald Tribune, 17/6). La situation du monde capitaliste est catastrophique. La crise économique jette des milliards d'êtres humains dans le dénuement et la misère la plus complète. La moitié de la population mondiale vit avec moins de 1,50 $ (1,53 €) par jour et un milliard d'hommes et de femmes avec moins de 1 $ (0,76 €) (Le Monde Diplomatique, juin 99). La guerre et son cortège d'atrocités font rage sur tous les continents. Cette folie –pour reprendre l'expression de J. Chirac– implacable, dévastatrice, sanglante et meurtrière est la conséquence de l'impasse historique du monde capitaliste dont les guerres au Kosovo et en Serbie, entre l'Inde et le Pakistan –deux pays dotés de l'arme nucléaire–, sont les dernières illustrations dramatiques.
Au moment où la guerre aérienne s'est achevée sur la Yougoslavie, où les grandes puissances impérialistes crient une nouvelle fois victoire, où les médias développent d'énormes campagnes sur les bienfaits humanitaires de la guerre menée par l'OTAN et sur la noble cause qu'elle défendait, au moment où l'on parle de reconstruction, de paix et de prospérité pour les Balkans, il est bon de retenir les confidences discrètes –dans un moment de lassitude?– de J. Carter et J. Chirac. Elles dévoilent la réalité des campagnes idéologiques que nous subissons chaque jour : elles ne sont que des mensonges.
A nous, communistes, elles ne nous apprennent rien. Depuis toujours, le marxisme[1] a défendu au sein du mouvement ouvrier que le capitalisme ne pouvait mener qu'à l'impasse économique, à la crise, à la misère et aux conflits sanglants entre Etats bourgeois. Depuis toujours, et plus particulièrement depuis la 1re guerre mondiale, le marxisme a affirmé que “le capitalisme, c'est la guerre”. Un temps de paix n'est qu'un moment de préparation à la guerre impérialiste ; plus les capitalistes parlent de paix, plus ils préparent la guerre.
Dans les colonnes de notre Revue internationale, durant ces dix dernières années, nous avons maintes fois dénoncé les discours sur la “victoire du capitalisme” et la “fin du communisme”, sur la “prospérité à venir” et la “disparition des guerres”. Nous n'avons eu de cesse de dénoncer les “paix qui préparent les guerres”. Ici même, nous avons dénoncé la responsabilité des grandes puissances impérialistes dans la multiplication des conflits locaux tout autour du globe. Ce sont les antagonismes impérialistes entre les principaux pays capitalistes qui sont à l'origine du dépeçage de la Yougoslavie, de l'explosion des exactions et tueries en tout genre par les petits gangsters nationalistes, et du déchaînement de la guerre. Dans la Revue internationale, nous avons dénoncé l'inéluctabilité du développement du chaos guerrier dans les Balkans. “La boucherie qui ensanglante l’ex-Yougoslavie, depuis maintenant trois ans, n’est pas près de se terminer. Elle n’a fait que démontrer à quel point les conflits guerriers et le chaos nés de la décomposition du capitalisme se trouvent attisés par les menées des grands impérialismes. Et aussi, qu’au bout du compte, au nom du ‘devoir d’ingérence humanitaire’, la seule alternative qu’ils aient, les uns et les autres, à proposer, c’est la suivante : soit bombarder les forces serbes, soit envoyer plus d’armes aux bosniaques. En d’autres termes, face au chaos guerrier que provoque la décomposition du système capitaliste, la seule réponse que celui-ci ait à donner, de la part des pays les plus puissants et les plus industrialisés, c’est d’y ajouter encore plus de guerre.” (Revue internationale n°78, juin 1994)
A l'époque, l'alternative était soit bombarder les serbes, soit armer les bosniaques. Et ils ont fini par bombarder les serbes et par armer les bosniaques. Résultat : cette guerre a fait encore plus de victimes ; la Bosnie est partagée en trois zones “ethniquement pures” et occupée par les armées des grandes puissances, la population vit dans la misère, une grande partie étant constituée de réfugiés qui ne rentreront jamais chez eux. Résultat : des populations qui pouvaient cohabiter depuis des siècles, sont maintenant déchirées, divisées, par le sang et les massacres.
LES GRANDS ET PETITS IMPERIALISMES SEMENT LA TERREUR ET LA MORT
Au Kosovo, “tirant les leçons de la Bosnie”, les grands impérialismes ont tout de suite bombardé les forces serbes et envoyé des armes aux kosovars de l'UCK ajoutant encore plus de guerre. L'admiration et l'enthousiasme des experts militaires et des journalistes devant les 1100 avions militaires utilisés par l'OTAN, les 35 000 missions accomplies, pour les 18 000 bombes dont plus de 10 000 missiles qui ont “traités” –c'est le mot utilisé– 2000 objectifs, est à vomir. Résultat de cette terreur exercée par les grands et les petits impérialismes, par l'OTAN, les forces serbes, et l'UCK : des dizaines de milliers de morts, des exactions innombrables exercées par la soldatesque des petits gangsters impérialistes, les paramilitaires serbes et l'UCK, 1 million de kosovars et une centaine de milliers de serbes obligés de fuir dans des conditions dramatiques, leur maison en flamme et leurs affaires pillées, rançonnés par les uns et les autres. Les grandes puissances impérialistes sont les premières responsables de la terreur et des massacres perpétués par les milices serbes et l'UCK. Les populations kosovars et serbes sont les victimes de l'impérialisme tout comme les bosniaques, croates et serbes l'étaient lors de la guerre en Bosnie et le sont encore. Depuis 1991, ce sont plus de 250 000 morts et 3 millions de “personnes déplacées” qu'a provoqué le partage nationaliste et impérialiste de la Yougoslavie.
Que disent les Etats démocratiques face à un bilan aussi effroyable ? “Il nous faut accepter la mort de quelques uns pour sauver le plus grand nombre” (Jamie Shea le 15 avril, Supplément Le Monde du 19/6). Cette déclaration du porte-parole de l'OTAN, qui justifie les meurtres de civils innocents serbes et kosovars à l'occasion des “dommages collatéraux”, faite au nom des “grandes démocraties”, n'a rien à envier au fanatisme des dictateurs diabolisés pour les besoins de la cause, d'un Milosevic d'aujourd'hui, d'un Saddam Hussein d'hier, d'un Hitler d'avant-hier. Voilà la réalité des beaux discours sur “l'ingérence humanitaire” des grandes puissances. Démocratie et dictature sont bien du même monde capitaliste.
Les impérialismes provoquent la ruine des Balkans et la catastrophe écologique
Nous l'avons vu avec Chirac et Carter, il arrive à la bourgeoisie de ne pas mentir. Il lui arrive même de tenir ses promesses. Les généraux de l'OTAN avait promis de détruire la Serbie et de la faire revenir 50 ans en arrière. Ils ont tenu parole. “Après 79 jours de bombardements, la fédération (de Yougoslavie) est économiquement retournée cinquante ans en arrière. Les centrales électriques et les raffineries de pétrole ont été sinon entièrement détruites, du moins au point de ne plus pouvoir fournir une production d'énergie suffisante –en tout cas pour cette hiver–, les infrastructures routières et les télécommunications sont hors d'usage, les voies navigables quasiment impraticables. Le chômage, qui atteignait presque 35 % avant les frappes, devrait presque doubler. Selon l'expert Pavle Petrovic, l'activité économique s'est rétractée de 60 % par rapport à ce qu'elle était en 1998.” (Supplément Le Monde, 19/6). La ruine de la Yougoslavie s'accompagne d'une véritable catastrophe économique aussi pour les pays voisins –déjà parmi les plus pauvres d'Europe, Macédoine, Albanie, Bulgarie, Roumanie– par l'afflux des réfugiés et la paralysie des économies, par l'arrêt des échanges avec la Serbie et par le blocage du commerce sur le Danube et par voie routière.
Les bombardements ont provoqué une catastrophe écologique en Serbie tout comme dans les pays alentour : largage des bombes non utilisées dans la mer Adriatique au grand dam des pêcheurs italiens, pluies acides en Roumanie, “taux anormaux de dioxine” en Grèce, “concentrations atmosphériques en dioxyde de soufre et en métaux lourds” en Bulgarie, de nombreuses nappes de pétrole sur le Danube. “En Serbie, les dégâts écologiques semblent nettement plus inquiétant (...). Mais comme le dit un fonctionnaire des Nations unies sous le couvert de l'anonymat, ‘en d'autres circonstances, personne n'hésiterait : on parlerait de désastre environnemental’.” (Le Monde, 26/5) Comme le dit notre courageux anonyme, “en d'autres circonstances” nombreux seraient ceux qui s'indigneraient, et au premier chef, les écologistes. Mais dans cette circonstance-là, les Verts, au gouvernement en Allemagne et en France en particulier, ont été parmi les plus va-t-en-guerre, les plus bellicistes, et ils partagent la responsabilité d'une des plus grosses catastrophes écologiques de notre temps. Ils ont participé à la décision de lancer des bombes au graphite qui provoquent des poussières cancérigènes aux conséquences incalculables pour les années à venir. Ils ont fait de même pour les bombes à fragmentation –aux mêmes effets dévastateurs que les mines anti-personel– qui sont maintenant disséminées en Serbie, et surtout au... Kosovo où elles ont déjà commencé à faire des ravages parmi les enfants (et les... soldats anglais) ! Leur “pacifisme” et leur “défense de l'écologie” sont au service du capital et, de toute façon, subordonnés aux intérêts fondamentaux de leur capital national, surtout lorsque ceux-ci sont en jeu. C'est-à-dire qu'ils sont pacifistes et écologistes quand il n'y a pas de guerre. Dans les faits, dans la guerre impérialiste et pour les besoins du capital national, ils sont bellicistes et pollueurs à grande échelle comme tous les autres partis de la bourgeoisie.
Le mensonge de la guerre juste et humanitaire de l'OTAN
Face à la terreur de l'Etat serbe sur les populations kosovars, ne fallait-il pas intervenir ? Ne fallait-il pas arrêter Milosevic ? C'est le coup du pompier pyromane. Les incendiaires, ceux qui ont mis le feu aux poudres à partir de 1991, viennent justifier leur intervention par leurs propres méfaits. Qui, sinon les grandes puissances impérialistes durant ces dix ans, ont permis aux pires cliques et mafias nationalistes croates, serbes, bosniaques, et maintenant kosovars, de déchaîner leur hystérie nationaliste sanglante et l'épuration ethnique généralisée dans un processus infernal ? Qui, sinon l'Allemagne, a poussé à l'indépendance unilatérale de la Slovénie et de la Croatie autorisant et précipitant les déferlements nationalistes dans les Balkans, aux massacres et à l'exil de populations serbes, puis bosniaques ? Qui, sinon la Grande-Bretagne et la France, ont cautionné la répression, les massacres des populations croate et bosniaque et l'épuration ethnique de Milosevic et des nationalistes grand-serbes ? Qui, sinon les Etats-Unis, ont soutenu puis équipé les différentes bandes armées en fonction du positionnement de leur rivaux à tel ou tel moment ? L'hypocrisie et la duplicité des démocraties occidentales “alliées” est sans borne quand elles justifient les bombardements par “l'ingérence humanitaire”. Tout comme les rivalités entre les grandes puissances en provoquant l'éclatement de la Yougoslavie ont libéré, précipité, l’hystérie et la terreur nationaliste, l'intervention aérienne massive de l'OTAN a autorisé Milosevic à aggraver sa répression anti-kosovar et à déchaîner sa soldatesque. Même les experts bourgeois le reconnaissent, discrètement certes, faisant mine de s'interroger : “L'intensification du nettoyage ethnique était prévisible (...). Le nettoyage ethnique massif au début des bombardements avait-il été prévu ? Si la réponse est positive, comment justifier alors la faible cadence des opérations de l'OTAN en comparaison du rythme qui leur a été imprimé au bout d'un mois, après le sommet de Washington ?” (François Heisbourg, président du Centre de politique de sécurité de Genève, 3/5, Supplément Le Monde 19/6). La réponse à la question est pourtant claire : l'utilisation ignoble du million de réfugiés, de leurs drames, des conditions de leur expulsion, des menaces, des sévices de tout ordre qu'ils subissaient de la part des milices serbes, à des fins impérialistes, ceci afin d'émouvoir les populations des grandes puissances et pouvoir ainsi justifier l'occupation militaire du Kosovo (et une éventuelle guerre terrestre si elle avait été “nécessaire”). Aujourd'hui, la découverte des charniers et son utilisation médiatique visent encore à justifier le maintien d’une situation de guerre et à masquer les vraies responsabilités.
Mais en fin de compte le succès militaire de l'OTAN n'a-t-il pas permis de faire rentrer les réfugiés chez eux et de ramener la paix ? Une partie des réfugiés kosovars (“Il est déjà clair que beaucoup d'Albanais kosovars ne retourneront jamais dans leur maison dévastée”, Flora Lewis, International Herald Tribune, 4/6) vont rentrer chez eux pour trouver une région dévastée et, bien souvent, les décombres fumantes de leur maison. Quant aux serbes vivant au Kosovo, ils deviennent à leur tour des réfugiés expulsés –dont la bourgeoisie serbe ne veut pas et qu'elle essaie de refouler au Kosovo, là où ils sont l'objet de toutes les haines– quand ils ne sont pas tout simplement assassinés par l'UCK. Tout comme en Bosnie, un fossé de sang et de haine sépare maintenant les différentes populations. Tout comme en Bosnie, tout est à reconstruire. Mais tout comme en Bosnie, la reconstruction et le développement économiques ne resteront que des promesses médiatiques des grandes puissances impérialistes. Les quelques réparations concerneront les routes et les ponts afin de rétablir au plus vite la meilleure circulation possible pour la force d'occupation de la KFOR. Les médias s'en serviront pour en remettre une couche de propagande sur les “bienfaits humanitaires” de l'intervention militaire. N'en doutons pas, le Kosovo déjà misérable avant la guerre, ne se relèvera pas. Par contre, la situation de guerre ne va pas disparaître. Les pompiers incendiaires de l'OTAN sont intervenus avec de l'essence et ont porté le feu à une dimension supérieure, déstabilisant encore plus la région : avec l'occupation, et le partage du Kosovo par les différents impérialismes sous la casquette KFOR, se reproduit la situation de la Bosnie -où IFOR et SFOR occupent toujours le pays depuis 1995- et les accords de “paix” de Dayton. “Avec la Bosnie, l'ensemble de cette région va être militarisée par l'OTAN pour vingt ou trente ans” (William Zimmermann, dernier ambassadeur des Etats-Unis à Belgrade, Le Monde 6-7/6). Qu’en est-il pour les populations ? Au mieux et dans un premier temps, une paix armée au milieu d'un pays en ruines, la division ethnique, la misère, les exactions des milices, le règne des bandes armées et de la mafia. Et dans un second temps, à nouveau des affrontements militaires sur place et aux alentours (au Monténégro, en Macédoine... ?) dans lesquels s'exprimeront encore et toujours les rivalités impérialistes des grandes puissances. S'ouvre donc au Kosovo le règne des petits seigneurs de la guerre, des différents clans mafieux, sous l'uniforme de l'UCK bien souvent, derrière lesquels chaque grand impérialisme –en particulier dans sa zone d'occupation– va essayer de damer le pion à ses rivaux.
En douterions-nous que la cavalcade précipitée des parachutistes russes pour arriver les premiers à Pristina et occuper l'aéroport, révèle ouvertement, et de manière caricaturale, la logique implacable des grands gangsters impérialistes. Non pas qu'ils espèrent en retirer des profits économiques, se gagner le “marché de la reconstruction”, voire s'assurer le contrôle des quelques pauvres ressources minières ou autres. Il n'y a point d'intérêt économique direct dans la guerre du Kosovo, ou d’une importance si minime qu’il n’est en rien la raison, ni même une des raisons de la guerre. Il serait ridicule de croire que la guerre contre la Serbie visait à s'assurer le contrôle des ressources économiques serbes, voire du contrôle du Danube, même si celui-ci est une voie d'eau commerciale importante. Dans cette guerre, il s'agit pour chaque impérialisme de s'assurer une place, la meilleure possible, dans le développement irréversible des rivalités entre grandes puissances afin de défendre ses intérêts impérialistes, c'est-à-dire stratégiques, diplomatiques et militaires.
Une des conséquences majeures de l'impasse économique du capitalisme et de la concurrence effrénée qui en résulte, est de porter cette concurrence du plan économique au plan impérialiste pour finir dans la guerre généralisée, comme le montrent les deux guerres impérialistes mondiales de ce siècle. Conséquence historique de l'impasse économique, les antagonismes impérialistes ont leur propre dynamique : ils ne sont pas l'expression directe des rivalités économiques et commerciales comme l'ont démontré les différents alignements impérialistes tout au long de ce siècle, particulièrement dans et à l'issue des deux guerres mondiales. La recherche d'avantages économiques directs joue un rôle de plus en plus secondaire dans les motivations impérialistes.
Une telle compréhension des enjeux stratégiques de la guerre actuelle, on la trouve chez un certain nombre de “penseurs” de la classe bourgeoise (dans des publications qui, évidemment, ne sont pas destinées aux masses ouvrières mais à une minorité “éclairée”) : “Concernant les finalités, les buts, les objectifs réels de cette guerre, l'Union européenne et les Etats-Unis poursuivent, chacun de leur côté et pour des motifs différents, des desseins fort précis mais non rendus publics. L'union européenne le fait pour des considérations stratégiques” et pour les Etats-Unis “ l'affaire du Kosovo procure un prétexte idéal pour boucler un dossier auquel ils tiennent fortement : la nouvelle légitimation de l'OTAN (...) ‘en raison de l'influence politique qu'elle procure aux Etats-Unis en Europe et parce qu'elle bloque le développement d'un système stratégique européen rival de celui des Etats-Unis’.” (Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, juin 99, citant William Pfaf, “What Good Is NATO if America Intends to Go It Alone” International Herald Tribune, 20/5)
LES RIVALITES IMPERIALISTES SONT LES VERITABLES CAUSES DE LA GUERRE AU KOSOVO
Cette logique implacable de l'impérialisme, faite de rivalités, d'antagonismes et de conflits chaque fois plus aigus, s'est exprimée dans l'éclatement et le cours même de la guerre. L'unité des alliés occidentaux dans l'OTAN n'était elle-même que le résultat d'un rapport de forces momentané et instable entre rivaux. Aux négociations de Rambouillet sous l'égide de la Grande-Bretagne et de la France –et desquelles était absente l'Allemagne– ce furent les représentants kosovars qui commencèrent par refuser les conditions d'un accord sous la pression... des Etats-Unis. Puis, avec l'arrivée impromptue de l'américaine Madeleine Albright face à l'impuissance des Européens, ce furent les Serbes qui refusèrent les conditions que les Etats-Unis voulaient leur imposer et qui exigeaient en fait la capitulation complète et sans combat de Milosevic : le droit pour les forces de l'OTAN de circuler librement, sans autorisation, ni avis sur tout le territoire de la Yougoslavie[2]. Pourquoi un tel ultimatum inacceptable ? “L'épreuve de force à Rambouillet, a dit récemment un de ses aides (de Mme Albright), avait ‘un seul but’ : que la guerre débute avec les Européens obligés d'y participer[3].” Encore un démenti aux mensonges humanitaires de la bourgeoisie sur les raisons de faire la guerre. Et effectivement, les bourgeoisies anglaise et française, alliées traditionnelles de la Serbie, ne purent se soustraire à l'engagement militaire contre la Serbie. Refuser de s'engager aurait signifié pour elles être hors jeu à la fin du conflit. A partir de là, toutes les forces impérialistes appartenant à l'OTAN, des plus grandes aux plus petites, se devaient de participer aux bombardements. Absente de Rambouillet, l'Allemagne eut là l'occasion “humanitaire” de revenir dans le jeu et de participer pour la première fois depuis 1945 à une intervention militaire. Le résultat direct de ces antagonismes fut d'octroyer carte blanche à Milosevic et aux siens pour l'épuration ethnique “sans entrave” et l'enfer pour plusieurs millions de personnes au Kosovo et en Serbie.
L'occupation et le partage impérialiste du Kosovo : un succès britannique
Et aujourd'hui, de ces divisions impérialistes a résulté le partage du Kosovo en cinq zones d'occupation –avec un contingent russe au milieu– dans lesquelles chaque impérialisme va jouer une nouvelle partie contre les autres. Chacun est en place pour protéger et mettre en avant ses alliés traditionnels contre les autres. Le jeu impérialiste meurtrier va pouvoir reprendre une nouvelle partie avec la nouvelle donne. La non-participation de la Grande-Bretagne et de la France aux bombardements contre la Yougoslavie, les aurait ravalé au niveau de la Russie. Leur participation aux frappes de l'OTAN leur a donné des cartes nettement meilleures, surtout aux britanniques qui sont à la tête de l'occupation terrestre. Dirigeant la KFOR, occupant le centre du pays et sa capitale, l’impérialisme anglais sort considérablement renforcé tant sur le plan militaire que diplomatique. Aujourd'hui au Kosovo, c'est lui qui a les meilleures cartes depuis la fin des bombardements et le début de l'intervention terrestre à la fois comme alliée historique de la Serbie, malgré les bombardements, grâce à sa plus grande capacité à envoyer le plus grand nombre de soldats le plus rapidement possible et l'extrême professionnalisation de ses troupes au sol. Là réside l'explication des appels incessants de Tony Blair à l'intervention terrestre tout au long de la guerre. La bourgeoisie américaine, maître absolu de la guerre aérienne, en essayant de saboter chaque avancée diplomatique, a essayé de retarder le moment d’un cessez-le-feu où elle perdrait son contrôle total sur les événements[4]. La France, à un degré nettement moindre que la Grande-Bretagne reste dans la partie, tout comme l'Italie plus au titre de voisin que de grande puissance déterminante. Enfin, la Russie a réussi à arracher un strapontin duquel elle ne pourra jouer aucun rôle déterminant, sinon celui de fauteur de trouble.
Un nouveau pas dans les prétentions impérialistes de l'Allemagne
Mais tout au long de cette dernière décennie sanglante dans les Balkans, il n'est qu'une seule puissance impérialiste qui ait réellement avancé vers ses objectifs : l'Allemagne. Alors que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France –pour ne citer que les puissances les plus déterminantes– étaient opposées à l'éclatement de la Yougoslavie, dès le début de 1991, faisant “de l'affaire yougoslave son cheval de bataille”[5], l'Allemagne poursuivait un objectif opposé, contre le “verrou” serbe. C’est ce qu’elle poursuit aujourd’hui avec le financement et l’armement en sous-main de l'UCK au Kosovo, tout en s'assurant une position forte en Albanie. Tout au long de cette décennie, l'Allemagne a avancé ses pions impérialistes. La dislocation de la Yougoslavie lui a permis d'élargir son influence impérialiste de la Slovénie et de la Croatie jusqu'à l'Albanie. La guerre contre la Serbie, son isolement et sa ruine, lui ont permis de participer pour la première fois depuis 1945 à des opérations militaires aériennes et terrestres. Exclue de Rambouillet, c'est à Bonn et à Cologne, sous sa présidence, que le G8 –le groupe des sept pays les plus riches plus la Russie– a discuté et adopté les accords de paix et la résolution de l'ONU. Avec 8500 soldats, elle est la deuxième armée de la KFOR, adossée à l'Albanie. Qualifiée de géant économique et de nain politique encore au début des années 1990, l'Allemagne est la puissance impérialiste qui s'est affirmée chaque fois plus et a marqué le plus de points contre ses rivaux depuis lors.
Helmut Kohl, l'ex-chancelier allemand, exprime très bien les espérances et l'objectif de la bourgeoisie allemande : “le 20e siècle a été longtemps bipolaire. Aujourd'hui, nombreux sont ceux, y compris aux Etats-Unis, qui s'accrochent à l'idée que le 21e siècle sera unipolaire et américain. C'est une erreur.” (Courrier International, 12/5) Il ne le dit pas, mais il espère bien que le 21e siècle deviendra bipolaire avec l'Allemagne comme rivale de l'Amérique.
Le partage du Kosovo aggrave les rivalités entre les grandes puissances
Toutes les puissances impérialistes sont donc maintenant face à face au Kosovo, directement et militairement sur le terrain. Même si des affrontements armés directs entre les grandes puissances sont à écarter dans la période présente, ce face à face représente une nouvelle aggravation, un nouveau pas, dans le développement et l'aiguisement des antagonismes impérialistes. Directement sur place pour “vingt ans” comme le dit l'ex-ambassadeur américain en Yougoslavie, les uns et les autres vont armer et exciter les bandes armés de leurs protégés locaux, milices serbes et bandes mafieuses albanaises, afin de piéger et de gêner les rivaux. Les coups tordus en tout genre et les provocations vont se multiplier. En clair, pour des intérêts géostratégiques antagonistes, c'est-à-dire pour des intérêts impérialistes antagoniques, des millions d'ex-yougoslaves ont vécu l'enfer et vont maintenant payer de leur misère, de leurs drames et de leur désespoir la “folie” impérialiste du monde capitaliste.
La guerre du Kosovo va relancer encore plus la multiplication des conflits locaux
Car, il ne faut pas en douter, la mécanique infernale des conflits impérialistes va encore s'accentuer et s'accélérer, allant d'un point à l'autre du globe. Dans cette spirale dévastatrice, c'est tous les continents et tous les Etats capitalistes, petits et grands qui sont touchés. L'éclatement du conflit armé entre l'Inde et le Pakistan alors que ces deux pays se livrent déjà à une course effrénée aux armements nucléaires, en est une expression tout comme les derniers affrontements entre les deux Corée. D'ores et déjà, l'intervention armée de l'OTAN relance l'incendie de par le globe et annonce les conflagrations à venir. “Le succès de la coalition multinationale menée par les Etats-Unis au Kosovo renforcera la diffusion des missiles et des armes de destruction massives en Asie (...). Il est impératif maintenant que les nations aient la meilleure technologie militaire” (International Herald Tribune, 19/6)
Pourquoi est-ce impératif ? Parce que “dans la période de décadence du capitalisme, tous les Etats sont impérialistes et prennent les dispositions pour assumer cette réalité : économie de guerre, armements, etc. C’est pour cela que l’aggravation des convulsions de l’économie mondiale ne pourra qu’attiser les déchirements entre ces différents Etats, y compris, et de plus en plus, sur le plan militaire. La différence avec la période qui vient de s’achever [la disparition de l'URSS et du bloc de l'Est], c’est que ces déchirements et antagonismes, qui auparavant étaient contenus et utilisés par les deux grands blocs impérialistes, vont maintenant passer au premier plan. La disparition du gendarme impérialiste russe, et celle qui va en découler pour le gendarme américain vis-à-vis de ses principaux “partenaire” d’hier, ouvrent la porte à toute une série de rivalités plus locales. Ces rivalités et affrontements ne peuvent pas, à l’heure actuelle, dégénérer en un conflit mondial (même en supposant que le prolétariat ne soit plus en mesure de s’y opposer). En revanche, du fait de la disparition de la discipline imposée par la présence des blocs, ces conflits risquent d’être plus violents et plus nombreux, en particulier, évidemment, dans les zones où le prolétariat est le plus faible.” (Revue Internationale n° 61, février 1990)
Notre prise de position s'est vue confirmée depuis tout au long de cette décennie et jusqu'à aujourd'hui. Au moins sur le plan des conflits impérialistes locaux. Mais qu'en est-il de notre position sur le rôle et la place que nous donnions au prolétariat international dans l'évolution de la situation ?
LE PROLETARIAT FACE A LA GUERRE
Le prolétariat international n'a pu s'opposer à l'éclatement des conflits impérialistes locaux tout au long de la décennie. Même en Europe, en Yougoslavie, à deux pas des principales concentrations ouvrières du monde. L'impuissance du prolétariat à ce niveau s'est encore révélée lors de la guerre du Kosovo. Ni le prolétariat international, à plus forte raison ni le prolétariat en Serbie n'ont exprimé d'opposition directe à la guerre.
Nous sommes bien sûr solidaires de la population serbe qui a manifesté au retour des cercueils de ses soldats. Tout comme nous sommes solidaires des quelques désertions collectives qui se sont produites à cette occasion. Elles ont opposé un démenti clair aux ignobles mensonges de la propagande des grandes puissances de l'OTAN qui présentaient tous les serbes comme des assassins et des tortionnaires unis derrière Milosevic. Malheureusement, ces réactions à la guerre n'ont pu déboucher sur une réelle expression de la classe ouvrière, seule capable d'offrir ne serait-ce qu'un début de réponse prolétarienne à la guerre impérialiste. C'est essentiellement l'isolement international de la Serbie, le désespoir de fractions significatives de la bourgeoisie serbe devant les destructions de l'appareil économique, la perspective de l'intervention terrestre de l'OTAN qui se rapprochait, et la lassitude qui s'emparait de la population soumise quotidiennement aux bombardements, qui ont poussé Milosevic à signer les accords de paix. “Nous sommes seuls. L'OTAN n'est pas près de s'effondrer. La Russie n'aidera pas militairement la Yougoslavie et l'opinion internationale est contre nous.” (Vuk Draskovic, Vice premier ministre de Milosevic, tournant casaque le 26/4, Supplément Le Monde, 19/6)
Est-ce à dire que le prolétariat a été complètement absent face à la guerre au Kosovo ? Est-ce à dire que le rapport de forces existant entre le prolétariat et la bourgeoisie, au niveau historique et international, ne joue pas dans la multiplication des conflits locaux ? Non. En premier lieu, la situation historique actuelle issue de la fin des blocs impérialistes, est le résultat du rapport de forces entre les deux classes. L'opposition du prolétariat international tout au long des années 1970 et 1980 aux attaques économiques et politiques s'est aussi exprimée dans sa résistance, particulièrement dans les pays centraux du capitalisme, et son “insoumission” à la défense des intérêts nationaux au plan économique, et a fortiori au plan impérialiste (Voir Revue Internationale n°18, sur Le cours historique). Et ce cours historique, cette résistance prolétarienne, viennent d'être confirmés encore par le déroulement de la guerre au Kosovo même si le prolétariat n'a pu l'empêcher.
Durant cette guerre, la classe ouvrière est restée une préoccupation constante de la bourgeoisie. Les thèmes de campagne de propagande, l'intensité du matraquage médiatique, ont nécessité du temps et des efforts pour arriver péniblement à faire “accepter” –par défaut pourrions-nous dire– une faible majorité dans les... sondages dans les pays de l'OTAN en faveur de la guerre. Et pas dans tous les pays. Et certainement pas au début. Il a fallu les images dramatiques et insoutenables des familles albanaises affamées et exténuées pour que la bourgeoisie réussisse à obtenir un minimum d'acceptation (on ne peut pas parler d'“adhésion”). Et malgré cela, le “syndrome du Vietnam”, c'est-à-dire les inquiétudes devant l'intervention terrestre et les risques de réactions populaires face au retour de soldats morts, a continué à freiner la bourgeoisie dans l'engagement de ses forces armées. “L'option aérienne retenue vise à préserver autant que possible la vie des pilotes, car la perte ou la capture de quelques-uns d'entre eux pourrait avoir des effets néfastes sur le soutien de l'opinion publique à l'opération.” (Jamie Shea, 15/4, Supplément au Monde, 19/6) Et pourtant, il s'agit dans la plupart des armées occidentales de soldats de métier et non de contingents d'appelés. Ce n'est pas nous qui le disons, ce sont les politiciens bourgeois eux-mêmes qui sont obligés de reconnaître que le prolétariat des grandes puissances impérialistes est un frein à la guerre. Même si “l’opinion publique” n’est pas identique au prolétariat, ce dernier est au sein de la population la seule classe capable d’avoir un poids sur la bourgeoisie.
Cette “insoumission” –latente et instinctive– du prolétariat international s'est exprimée aussi directement dans des différentes mobilisations ouvrières. Malgré la guerre, malgré les campagnes sur le nationalisme et la démocratie, des grèves significatives ont eu lieu dans certains pays. La grève des cheminots en France contre l'avis des grandes centrales syndicales, CGT et CFDT, et contre l'introduction d'une flexibilité accrue lors du passage aux 35 heures hebdomadaires ; une manifestation organisée par les syndicats qui a rassemblé plus de 25 000 ouvriers municipaux à New-York ; ce sont les deux expressions les plus significatives d'une montée lente mais réelle de la combativité ouvrière et de sa “résistance”, au moment même où se déchaînait la guerre. Contrairement à la guerre du Golfe qui avait provoqué un sentiment d'impuissance et d'apathie dans la classe ouvrière, le déferlement de la guerre dans les Balkans n'a pas suscité le même désarroi.
Certes, cette résistance ouvrière se limite encore au terrain économique, et le lien entre l'impasse économique du capitalisme, ses attaques, et la multiplication des conflits impérialistes n'est pas fait. Ce lien devra pourtant se réaliser car il sera un élément important, essentiel, pour le développement de la conscience révolutionnaire parmi les ouvriers. De ce point de vue, l'intérêt et l'accueil que nous avons reçus lors de la diffusion de notre tract international dénonçant la guerre impérialiste au Kosovo, par exemple l'accueil et les discussions qu'a suscité sa diffusion dans la manifestation ouvrière de New-York, alors que son objet était tout autre, est encourageant. Il appartient aux groupes communistes non seulement de dénoncer la guerre, et de défendre les positions internationalistes, mais aussi de favoriser la prise de conscience de l'impasse historique dans laquelle le capitalisme se trouve[6]. Sa crise économique porte les rivalités et la compétition économiques à un niveau exacerbé et pousse inéluctablement à l'aiguisement des antagonismes impérialistes et à la multiplication des guerres. Même si les rivalités économiques ne recoupent pas forcement et toujours les rivalités impérialistes, celles-ci ayant leur propre dynamique, les contradictions économiques qui s'expriment dans la crise du capitalisme, sont à la source de la guerre impérialiste. Le capitalisme, c'est la crise économique et la guerre. C'est la misère et la mort.
Face à la guerre, et dans des moments de “bombardement” médiatique massif, au milieu de campagnes idéologiques intenses, les révolutionnaires ne peuvent se contenter d'attendre que ça passe, d'attendre des jours meilleurs en gardant leur position internationaliste bien à l'abri de leur certitude (Voir dans ce numéro “A propos de l’appel lancé par le CCI sur la guerre en Serbie”). Ils doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour intervenir et défendre les positions internationalistes face à la classe ouvrière, le plus largement possible, le plus efficacement possible, tout en inscrivant leur action sur le long terme. Ils doivent lui montrer qu'il y a une alternative à cette barbarie, et que cette alternative passe par l'affirmation et le développement de “l'insoumission” tant au plan économique qu'au plan politique. Qu'elle passe par le refus des sacrifices dans les conditions de travail et d'existence et par le rejet des sacrifices pour la guerre impérialiste. Si la guerre impérialiste est le produit, en dernière instance, de la faillite économique du capitalisme, elle est à son tour facteur d'aggravation de la crise économique, et donc de l'accentuation terrible des attaques économiques contre les ouvriers.
L'intensité de la guerre au Kosovo, son éclatement en Europe, la participation militaire sanglante de toutes les puissances impérialistes, les répercussions de cette guerre sur tous les continents, la dramatique aggravation et accélération des conflits impérialistes à l'échelle planétaire, l'étendue, la profondeur et l'actualité des enjeux historiques, mettent le prolétariat international et les groupes communistes devant leur responsabilité historique. Le prolétariat n'est pas battu. Il reste porteur du renversement du capitalisme et de la fin de ses horreurs. Socialisme ou aggravation de la barbarie capitaliste reste l'alternative historique.
RL, 25/6/99
[1] Rappelons encore une fois que le marxisme et le communisme n'ont rien à voir avec le stalinisme, les staliniens au pouvoir à l'époque dans les pays de l'ex-bloc de l'Est –tel un Milosevic– avec les staliniens des PC occidentaux, ni avec les maoïstes et ex-maoïstes qui pullulent aujourd'hui dans les milieux intellectuels occidentaux va-t-en-guerre. Historiquement et politiquement, le stalinisme, au service du capitalisme d'État russe, a été et est toujours la négation du marxisme et un des massacreurs de générations de militants communistes.
[2] Cette condition n'a été connue qu'à la suite du déclenchement de la guerre et a été confirmée lors des accords de cessez-le-feu : “Les Russes ont obtenu pour Mr Milosevic d'importantes concessions, disent les officiels, qui rendent meilleure l'offre finale pour Belgrade que le plan occidental précédent imposé aux Serbes et aux Albanais à Rambouillet.” (International Herald Tribune, 5/6). En particulier, “il n'est plus question d'autoriser les forces de l'OTAN à circuler librement dans l'ensemble du territoire yougoslave” J. Eyal, Le Monde, 8/6.
[3] International Herald Tribune, 11/6 : “The showdown at Rambouillet, one of her (Mrs Albright) aides said recently, has ‘only one purpose’: to get the war started with the Europeans locked in.”
[4] Les puissances européennes ont plus de moyens politiques, diplomatiques et militaires, et plus de détermination aussi, du fait de l'histoire et de la proximité géographique, pour contrecarrer et refuser de se laisser imposer le leadership américain comme, par exemple, dans la guerre du Golfe. La capacité militaire de “projection” des forces militaires - en particulier de la Grande-Bretagne - en Europe affaiblit d'autant le leadership américain une fois la guerre aérienne terminée, une fois les opérations militaires de “paix” entamées. La concrétisation de cette réalité s'est traduite par la direction de la KFOR par un général britannique à la place du général américain qui commandait les bombardements aériens.
[5] Nous avons analysé le rôle de l’Allemagne dans la dislocation de la Yougoslavie dès 1991 : voir, entre autres les Revue internationale n° 67 et 68. La bourgeoisie a elle aussi rapidement compris cette politique : “l'Allemagne eut une tout autre attitude. Bien avant que le gouvernement lui-même ne prenne position, la presse et les milieux politiques ont réagi de manière unanime, immédiate et comme instinctive : ils furent aussitôt, sans nuances, favorables à la sécession de la Slovénie et de la Croatie (...). Il est difficile, pourtant, de ne pas y voir une résurgence de l'hostilité de la politique allemande envers l'existence même de la Yougoslavie depuis les traités de 1919 et tout au long de l'entre-deux-guerre. Les observateurs allemands (...) ne pouvaient ignorer (...) que la dislocation de la Yougoslavie ne se ferait pas paisiblement, qu'elle susciterait de fortes résistances. Néanmoins, la politique allemande allait s'engager à fond en faveur du démembrement du pays.” (Paul-Marie de la Gorce, Le Monde Diplomatique, juillet 92)
[6] Pour rejeter nos propositions de faire quelque chose en commun contre la guerre, les groupes du BIPR essaient de ridiculiser notre analyse de l’influence du prolétariat dans la situation historique actuelle. La CWO déclare ainsi dans son courrier de refus de tenir une réunion publique commune : “Nous ne pouvons pas marcher ensemble pour combattre pour une alternative communiste si vous pensez que la classe ouvrière est encore une force avec qui il faut compter dans la situation actuelle. (...) nous ne voulons pas être identifiés même de façon minimale avec une vision qui considère que tout va bien pour la classe ouvrière.” Nous engageons la CWO à considérer avec plus d’attention et de sérieux nos analyses.