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Malgré la polarisation qu'entretient la bourgeoisie autour du
référendum sur la
Constitution européenne, le mécontentement social est
toujours présent.
Une confirmation de
la combativité ouvrière
Le ras-le-bol continue à s'accumuler et à se manifester à travers une multitude de luttes sporadiques, bien qu'encore très isolées les unes des autres. Au cœur du maintien de cette effervescence se retrouvent les mêmes revendications d'augmentation de salaires, les mêmes refus de détérioration des conditions de travail, de cadences infernales, de réductions d'effectifs, de suppressions de postes, de fermetures d'usines. Cela s'exprime au sein de secteurs aussi divers que chez les techniciens de Radio-France, dans le personnel hospitalier, chez les instituteurs, les chauffeurs de bus, les salariés de PME, les ouvriers de grands groupes industriels (Alcan, Citroën, Colgate-Palmolive…), les marins, les employés de grands magasins (Carrefour). Des départements ou des régions connaissent plusieurs foyers simultanés de lutte : en Rhône-Alpes (postiers de l'Isère, ST-Microelectronics, Cotelle-Rilleux, Sanofi-Pasteur, deux usines Danfoss, un grand garage, une fabrique de cercueils), la Touraine (ST- Microelectronics encore, Hutchinson-Chambray, hôpital Trousseau de Saint-Avertin), dans les Yvelines (Snecma-Services, chauffeurs de bus de la Connex aux Mureaux qui assurent le ramassage scolaire et le transport des ouvriers de Renault-Flins ou de PSA-Poissy) sans compter Aluminium- Dunkerque dans le Nord, Sanofi Aventis près de Bordeaux ou VPS France à Saint-Denis dans le département de Seine St Denis. Une vague de protestation grandit contre la suppression du lundi de Pentecôte férié dont le prétexte donné par le gouvernement (une "journée de solidarité au bénéfice des personnes âgées") est profondément mis en doute, donnant déjà lieu à des grèves préventives chez les salariés de Total ou les ouvriers de Hutchinson. Face à la pénurie de personnel et à l'amputation encore plus drastique de moyens financiers et d'effectifs annoncés, le personnel de l'institut de cancérologie IGR de Villejuif (présenté comme un modèle européen notamment lors du "plan anti-cancer " mis en avant par Chirac), prend le relais de la grogne des hospitaliers urgentistes. Les marins de la compagnie SNCM à Marseille (Société Nationale Corse-Méditerranée) ont été "lock-outés" par la direction le 20 avril, après neuf jours de grève, pour avoir occupé les navires et s'être quasiment mutinés contre leurs officiers face au recrutement massif de marins étrangers aux salaires les plus bas possible. Ils se sont durement affrontés aux forces de police qui cherchaient à les déloger et ont reçu dans cette lutte le soutien actifs des dockers et du personnel du port de Marseille, venus leur prêter main-forte.
Tout cela témoigne du fait que la combativité ouvrière n'est pas vraiment étouffée par le battage électoral. Après les embryons de manifestations de solidarité qui ont germé au cours de ces derniers mois (voir RI du mois précédent), les travailleurs des aéroports ont été momentanément réduits à une rage impuissante malgré une autre grève de soutien le 19 avril, suite au licenciement d'un des leurs rendu responsable, par la direction de l'aéroport, de la chute mortelle d'une hôtesse de l'air à Orly. Mais cette rage ravalée est un sentiment qui se nourrit de toutes les défaites et humiliations accumulées et mûrit dans les entrailles du prolétariat.
Les matraquages policiers systématiques des manifestations lycéennes de ces dernières semaines, et les manipulations dont elles ont été l'objet comme les agressions par de jeunes "casseurs" de banlieue lumpenisés lors de la grande manifestation lycéenne du 8 mars ont considérablement affaibli le mouvement lycéen. Mais ils n'ont pas calmé la colère d'une minorité de jeunes qui s'est "radicalisée" et qui gardera la trace de cette expérience dans le futur pour le développement ultérieur de leur conscience et de leur réflexion. Ceci est révélateur d'un questionnement sur le système et l'avenir qu'il réserve. Ce n’est d’ailleurs pas que dans la jeunesse que ce processus est à l’œuvre mais plus largement et plus profondément dans l’ensemble de la société.
Les ouvriers ne doivent pas tomber dans le piège électoral
De larges fractions de la bourgeoisie française chargées de l'encadrement de la classe ouvrière, partis de gauche et syndicats, en sont conscients et ne se privent pas d'utiliser aujourd'hui le référendum sur l'Europe pour gagner du temps et repousser momentanément les échéances d'une confrontation plus massive et globale avec le prolétariat. Ils profitent de cette échéance et de la querelle qu'elle suscite au sein de la bourgeoisie pour chercher à défouler la montée de la colère et du mécontentement social en la détournant sur le terrain électoral en prônant un Non de gauche comme désaveu du gouvernement. Ceci un piège.
La classe ouvrière n'a absolument rien à attendre du vote sur la Constitution européenne. Ce n'est pas le terrain ni le problème de la classe ouvrière, c'est le terrain et le problème de la bourgeoisie (voir article page 2).
Les intérêts de la classe ouvrière, eux, n'ont rien à voir avec ce référendum ni avec la Constitution européenne. Que le Oui ou le Non l'emporte ne changera rien aux conditions d'exploitation des prolétaires. Et ce n'est pas la victoire du Oui ou celle du Non qui changera quoi que ce soit à l'intensification des attaques antiouvrières menées par les différentes bourgeoisies nationales. Le résultat de ce vote ne changera rien à l'accélération de la dégradation des conditions de vie des prolétaires, aux licenciements, aux délocalisations, à la montée du chômage et de la précarité, à l'amputation de tous les budgets sociaux, au démantèlement accéléré de la protection sociale. Ce sont les produits de la crise et les manifestations de la faillite du système capitaliste au niveau mondial. De l'extrême droite aux organisations gauchistes en passant par tout l'appareil politique de la bourgeoisie, l'incessant battage idéologique depuis près de trois mois autour du référendum , dramatisé à souhait, ne vise qu'à attirer et à rabattre un maximum de prolétaires sur le terrain électoral. A travers ce battage, la bourgeoisie tente de raviver parmi les prolétaires les illusions réformistes selon lesquelles la défense de leurs conditions de vie, de plus en plus fortement attaquées par le capitalisme, passerait par l'Etat bourgeois. C'est un énorme mensonge, une mystification pure et simple. L'Etat bourgeois a toujours assuré dans le passé et assurera toujours à l'avenir la défense du capital national CONTRE la classe ouvrière et CONTRE la défense de ses intérêts de classe. Quel que soit le modèle qui en soit proposé ou qui nous soit promis, il n'offrira jamais le progrès des droits sociaux qu'on nous fait miroiter pour demain.
Pas plus dans ce référendum que dans une autre élection, la réponse des ouvriers ne passe par le bulletin de vote. Celui-ci ne sert qu'à désarmer la classe ouvrière et à l'atomiser dans l'isoloir. Il ne sert qu'à l'empêcher de prendre conscience que le responsable de la misère, de la dégradation constante de ses conditions de vie, ce n'est pas l'Europe, ni l'orientation trop libérale de celle-ci, ni encore la politique de tel ou tel gouvernement. Le responsable, c'est la perpétuation de ce système capitaliste de concurrence et d'exploitation dans le monde entier. Le problème n'est pas français ni européen, il est mondial.
Wim (22 avril)