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A la suite des émeutes, une discussion s'est développée au sein du mouvement révolutionnaire sur la nature de classe et la dynamique des émeutes. Des organisations de la Gauche communiste et des groupes anarchistes, comme Solfed, ont vu les émeutes comme résultant de la nature et des contradictions de la société capitaliste, mais elles ont critiqué les attaques contre d'autres ouvriers, qu'il s'agisse d'attaques directes ou de mettre le feu à des magasins au-dessus desquels des ouvriers vivent. D'autres ont vu les émeutes comme une attaque contre la marchandise et contre les rapports de production capitalistes. Certains ont établi une distinction entre ces émeutes et celles des années 1980, faisant valoir que celles-ci sont plus clairement dirigées contre les forces qui oppriment et attaquent la classe ouvrière, en particulier la police.
Cet article tente de contribuer à ce débat en examinant le rapport entre les émeutes et la lutte des classes. La première partie, publiée ici, considère la question dans le contexte de l'histoire du mouvement ouvrier et de la nature générale de la lutte. La seconde partie se penchera plus spécifiquement sur les émeutes de cet été au Royaume-Uni.
Le rapport entre les émeutes et la lutte des classes
Ceux qui sont du côté de la classe ouvrière ne peuvent pas accepter le langage et le cadre donnés par la bourgeoisie. La confrontation entre le prolétariat et la bourgeoisie implique inévitablement que la classe ouvrière s'approprie les biens et la propriété de la bourgeoisie et qu’elle se confronte à ses forces de contrôle, dans des périodes de violence, comme on a pu le voir lors des émeutes de la faim du 18ème siècle, dans les luttes pour organiser et obtenir des augmentations de salaire au 19ème siècle, ou pour renverser le capitalisme au début du 20ème siècle. Pour la bourgeoisie, tout ce qui menace sa domination et qui s'oppose à l'inviolabilité de la propriété est émeute, pillage, acte criminel et immoral, et suscite de ce fait un désir de vengeance qui conduit à la répression, à l'incarcération et souvent à des massacres. Ainsi, toutes les fois que la classe dirigeante parle « d'émeutes », nous ne devons pas la croire sur parole.
De même, il ne faut pas être trop hâtif à rejeter toute action comme étant celle du « lumpen prolétariat ». Sur cette question, le Manifeste Communiste de 1848 écrit : « Le lumpenprolétariat, ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société, peut se trouver, çà et là, entraîné dans le mouvement par une révolution prolétarienne » et que ses conditions de vie « disposeront plutôt à se vendre à la réaction ». Est ici décrit un processus qui a existé tout au long du capitalisme et qui peut s'accroître dans les circonstances actuelles, mais il est également clair qu'il ne représente pas une catégorie immuable.
Ceux qui sont du côté de la classe ouvrière doivent juger tout événement en fonction du fait qu'il accélère ou retarde la lutte de la classe ouvrière pour mettre fin à son exploitation. C'est avant tout une perspective historique ; des gains immédiats ne vont pas nécessairement se traduire par des acquis à long terme. Ainsi évaluer un événement particulier, c'est comprendre son impact sur les armes de la lutte de la classe ouvrière : son organisation et sa conscience.
Marx et Engels soulignent l'unité et la dynamique de ces deux aspects dans le Manifeste du Parti Communiste. D'un côté, ils décrivent le développement des syndicats (la forme que les organisations de masse de la classe ouvrière ont pris à cette époque) et les luttes dans lesquelles les ouvriers se sont engagés et ils commentent : « Parfois, les ouvriers triomphent ; mais c'est un triomphe éphémère. Le résultat véritable de leurs luttes est moins le succès immédiat que l'union grandissante des travailleurs. » De l'autre, ils décrivent comment « la bourgeoisie fournit aux prolétaires les éléments de sa propre éducation, c'est-à-dire des armes contre elle-même », avant de faire valoir que les communistes sont « pratiquement,... la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres ; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. »
Organisation et conscience, conscience et organisation, telles sont les qualités de la classe ouvrière qui se renforcent mutuellement, le fruit de son être et de sa lutte au niveau historique et international. Elles ne sont pas identiques et se présentent et se manifestent sous des rythmes différents, mais connexes. Des éléments des autres classes peuvent rejoindre le prolétariat et contribuer à son développement, mais l'origine, la dynamique et la force de ce développement viennent du sein de la classe ouvrière.
Quand on examine la question générale de savoir comment la classe ouvrière lutte et la question spécifique de la place que les émeutes ont dans cette lutte, le mouvement ouvrier en fait une analyse critique à la fois théorique et pratique.
L'analyse théorique
Dans La Situation de la Classe Laborieuse en Angleterre, publié en allemand en 1845, Engels expose la position dans laquelle le capitalisme met chaque travailleur (sans distinction de sexe, malgré le langage des citations suivantes) : « le travailleur est fait pour sentir à chaque instant que la bourgeoisie le traite comme un bien mobilier, comme sa propriété, et pour cette raison, si ce n'est pour d'autres, il doit se présenter comme son ennemi ... dans notre société actuelle, il ne peut sauver sa virilité que dans la haine et la rébellion contre la bourgeoisie. » Il a ensuite esquissé les grandes lignes du développement de la révolte de la classe ouvrière : « La première forme, la plus brutale et la plus stérile, que revêtit cette révolte fut le crime. L'ouvrier vivait dans la misère et l'indigence et il voyait que d'autres jouissaient d'un meilleur sort. Sa raison ne parvenait pas à comprendre pourquoi, précisément lui, devait souffrir dans ces conditions, alors qu'il faisait bien davantage pour la société que le riche oisif. Le besoin vainquit en outre le respect inné de la propriété - il se mit à voler... Mais les ouvriers eurent tôt fait de constater l'inanité de cette méthode. Les délinquants ne pouvaient par leurs vols, protester contre la société qu'isolément, qu'individuellement ; toute la puissance de la société s'abattait sur chaque individu et l'écrasait de son énorme supériorité. » La classe ouvrière s'est mobilisée pour s'opposer aux machines qui excluaient les uns et dominaient les autres puis, pour développer les syndicats, d'abord de façon secrète, puis ouvertement, pour défendre leurs intérêts en maintenant les salaires les plus élevés possibles et pour empêcher la bourgeoisie de diviser la classe avec des taux de rémunérations différents pour le même travail.
Dans cette analyse, Engels avance clairement que la classe ouvrière devait à la fois contester la bourgeoisie de façon légale et être prête à utiliser la force, si nécessaire. Il donne l'exemple d'une grève dans une usine de tuiles à Manchester en 1843, lorsque la dimension des tuiles produites avait été agrandie, sans augmentation des salaires. Lorsque les propriétaires eurent posté des gardes armés, « une bande d'ouvriers tuiliers assaillit la cour, un soir à dix heures, avançant en ordre de combat, les premiers rangs armés de fusils... » et les travailleurs réussirent dans leur objectif à détruire les tuiles nouvellement produites. Plus généralement, il remarque que « les ouvriers ne respectent pas la loi, se contentant au contraire de laisser s'exercer sa force quand eux-mêmes n'ont pas le pouvoir de la changer » et il donne l'exemple des attaques contre la police, chaque semaine à Manchester.
Cependant, ni Marx, ni Engels n'ont vu la violence et l'infraction à la loi comme révolutionnaire en soi et ils étaient prêts à critiquer les actions qui vont contre le développement de la lutte de la classe ouvrière, même quand elles apparaissaient comme spectaculaires et provocatrices. Ainsi en 1886, Engels a vivement attaqué l'activité de la Fédération social-démocrate par rapport à son organisation d'une manifestation de chômeurs qui, tout en passant par Pall Mall et d'autres quartiers riches de Londres sur le chemin de Hyde Park, a attaqué des magasins et pillé des boutiques de vin. Engels a fait valoir que peu de travailleurs y avaient pris part, que la plupart des personnes impliquées « étaient sorties pour rigoler et dans certains cas, étaient déjà à moitié bourrées » et que les chômeurs qui y avaient participé « étaient pour la plupart de ce genre qui ne souhaitent pas travailler – des marchands de quatre saisons, des oisifs, des espions de la police et des voyous. » L'absence de la police était « tellement visible que ce n'était pas seulement nous qui croyions qu'elle était intentionnelle ». Quoi qu'on puisse penser de certaines expressions d'Engels, sa critique essentielle suivant laquelle « ces messieurs socialistes [c'est-à-dire les dirigeants de la FSD] sont déterminés à faire apparaître de façon immédiate un mouvement qui, ici comme ailleurs, réclame nécessairement des années de travail » est valable. La révolution n'est pas le produit du spectacle, de la manipulation ou du pillage.
La pratique de la classe ouvrière
Pour l'ensemble de la critique théorique développée par les grandes figures du mouvement ouvrier, la critique la plus éloquente est celle qui découle de la pratique réelle de la classe ouvrière. Dans l'histoire de la lutte des classes, la question par rapport à la classe ouvrière n'était pas simplement de savoir si un moment particulier avait été violent et « séditieux » ou non, mais dans quelle mesure il aurait eu lieu sur le terrain de la classe ouvrière et contrôlé par celle-ci. Parmi les nombreux cas de troubles, d'émeutes et d'insurrections qui ont eu lieu dans les dernières décennies du 18ème siècle et dans la première du 19ème, il est possible de distinguer entre ceux où la « foule » a été manipulée par la bourgeoisie et ceux où la classe ouvrière naissante a lutté pour se défendre et pour survivre.
Parmi les premiers, il y a eu divers incidents pour attiser l'antipathie religieuse, que ce soit contre les catholiques ou contre des dissidents et aussi des mouvements politiques « populaires », comme ceux menée par Wilkes, à la fin du 18ème siècle. Un exemple est donné par les émeutes de Gordon en 1780 qui ont commencé avec une marche sur la Chambre des Communes pour protester contre les concessions données aux catholiques et dirigées pour attaquer les églises catholiques et la propriété des riches catholiques, et ne fut arrêtée que lorsque la foule a tourné son attention vers la Banque d'Angleterre. Cette perte de contrôle met en évidence l'un des dangers qui menacent la bourgeoisie dans ses efforts visant à utiliser la foule : le mouvement peut glisser hors de son contrôle. Ceci est illustré par le mouvement dirigé par Wilkes, qui était essentiellement une lutte entre différentes factions de la classe dirigeante, alors que le mouvement créé pour soutenir sa campagne a commencé à fusionner avec un mouvement social, et que des slogans révolutionnaires ont été lancés.
Parmi les derniers, on peut voir les émeutes de la faim qui ont eu lieu dans de nombreuses parties de la Grande-Bretagne, qui se sont souvent caractérisées par des saisies de nourriture auprès des commerçants et sa vente forcée à un prix inférieur. Ces mouvements pouvaient être très organisés, durant plusieurs jours sans violence, avec les marchands à qui ont donnait l'argent que les gens estimaient être le « juste prix ». Ces derniers ont également inclus le mouvement Luddiste qui a eu lieu à différents moments dans les Midlands et le Nord de l'Angleterre et qui a cherché à protéger les salaires et les conditions de travail de la classe ouvrière, face à l'industrialisation rapide et à la réorganisation des modes de vie et de travail. Le mouvement s'est caractérisé tant par son organisation et le soutien populaire que par le sabotage de machines qui lui est souvent associé. La bourgeoisie a réagi en alternant usage de la force et concessions. À son apogée, en 1812, plus de 12 000 soldats ont été déployés entre Leicester et York, et la valeur totale des biens détruits a été estimée à 100 000 £ d’aujourd’hui.
Dans La Situation de la Classe Ouvrière en Angleterre, Engels a retracé le développement des syndicats et surtout du chartisme qui découlait de ces premiers efforts de la classe ouvrière. Pour Engels, le chartisme était « la forme condensée de l'opposition à la bourgeoisie », « Dans les unions et les grèves, cette opposition restait toujours isolée, c'étaient des ouvriers ou des sections ouvrières qui, isolément, luttaient contre des bourgeois isolés ; si le combat devenait général, ce n'était guère l'intention des ouvriers... Mais dans le chartisme, c'est toute la classe ouvrière qui se dresse contre la bourgeoisie. » Le chartisme peut se prévaloir d’avoir été la première organisation politique de la classe ouvrière et il peut aussi se targuer d’avoir lutté pour des objectifs tels que le suffrage universel qui ont ensuite été concédés à titre de réformes destinées à contenir la lutte, mais en son temps cette lutte était révolutionnaire et les ouvriers étaient prêts à recourir à la violence si nécessaire. La grève générale et l'insurrection armée y ont été discutées et elles ont trouvé leur expression dans le soulèvement de Newport en 1839 et dans la grève générale de 1842.
Tout au long de leur histoire, les luttes de la classe ouvrière ont été confrontées à la nécessité de recourir à la violence à certains moments. Les libéraux et les pacifistes qui dénoncent la violence ne voient jamais que la vie « ordinaire », « pacifique », sous le capitalisme, est un acte de violence continuel contre les exploités. Il ne s'agit pas de faire l'éloge de la violence en soi, mais de reconnaître qu'elle est une partie inévitable de la lutte des classes. Dans son histoire de la lutte des classes aux Etats-Unis, Louis Adamic montre comment l'exploitation particulièrement brutale et la répression infligée par les patrons aux Etats-Unis ont parfois suscité une réaction tout aussi vigoureuse.
Nous pouvons revenir à la Grande-Bretagne pour examiner l'exemple particulier de l'émeute de Tonypandy, en novembre 1910. Celle-ci a fait partie du conflit plus large de Cambrien Combine, après que les mineurs ont été victimes d’un lock-out par les propriétaires des mines qui déclaraient qu'ils travaillaient de façon délibérément lente. D'autres mines ont apporté leur soutien et 12 000 mineurs ont pris part à la fermeture de presque toutes les mines de la région. La bourgeoisie a réagi en envoyant la police et la troupe, ce qui a provoqué des affrontements violents entre la police et les travailleurs. Les émeutes ont éclaté lorsque des travailleurs ont tenté d'arrêter des briseurs de grève qui entraient dans une des mines pour maintenir les pompes en fonctionnement, ce qui a conduit à un combat au corps à corps entre les ouvriers et la police. Vers minuit, après des assauts répétés à la matraque de la part de la police, les travailleurs ont dû retourner dans le centre de Tonypandy où ils ont affronté d'autres attaques de la police. Au cours des premières heures de la matinée, les magasins ont été brisés et certains pillés. La police n'était pas présente pendant le pillage et celui-ci a été utilisé par la bourgeoisie comme prétexte pour appeler à une intervention militaire. Beaucoup de travailleurs ont été blessés et un d’entre eux a été tué à la suite des affrontements. Cette grande confrontation a suscité une réflexion dans la Fédération des Mineurs du Sud du Pays de Galles et a contribué à l'élaboration d'un courant qui a contesté la direction de la Fédération et avancé des idées syndicalistes dans la brochure La Prochaine Etape des Mineurs, publiée à Tonypandy en 1912.
Encore une fois, la question essentielle n'est pas celle de la violence d'une lutte qui serait le baromètre de nature prolétarienne ou non prolétarienne de celle-ci, le contexte dans lequel elle a eu lieu et sa dynamique. Ainsi, à côté de l'histoire des luttes qui ont fait avancer les intérêts de la classe ouvrière, il existe un autre volet d'actions qui ont fait le contraire et ont poussé la classe ouvrière hors de son terrain de classe. Pour donner quelques exemples :
- Au cours de l'été de 1919, des « émeutes raciales » ont éclaté à Liverpool et à Cardiff après le débarquement de marins noirs et blancs. Les syndicats, qui sont plus tard devenus l'Union Nationale des Marins, se sont plaints que des marins noirs se voyaient attribuer un emploi, alors que des blancs étaient au chômage et, en mai 1919, cinq mille chômeurs blancs, anciens militaires, se sont plaints auprès du maire de Liverpool sur le fait que les travailleurs noirs étaient en concurrence avec les blancs pour les emplois. En juin, des anciens militaires noirs et leurs familles furent attaqués à leur domicile. A Liverpool, une foule de deux à dix mille personnes a attaqué les Noirs dans les rues et, à Cardiff, les quartiers arabes et noirs ont été pris pour cibles. Au cours de ces affrontements, trois personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées.
- En mai 1974, l'Ulster Workers Council organise une grève générale des travailleurs protestants en opposition aux concessions supposées aux travailleurs catholiques. La grève était contrôlée par des organisations politiques et loyalistes paramilitaires et, bien qu'il y ait des preuves que les travailleurs aient été réticents à y participer, elles avaient cependant réussi à diviser la classe ouvrière.
A l'assaut du ciel
La condamnation du système faite par la classe ouvrière est à son apogée quand elle remet en question le pouvoir de la bourgeoisie et commence à affirmer qu'elle porte en elle l'avenir de la société humaine contre le régime inhumain de la bourgeoisie, comme dans la Commune de Paris en 1871, dans le révolution de 1905 en Russie et dans la vague révolutionnaire lancée en Russie.
La question fondamentale de ces mouvements n'était pas tant l'appropriation directe de la propriété, mais la question du pouvoir, exprimée dans la lutte contre la bourgeoisie et pour la réorganisation de la société.
Cela se trouve au cœur de l'analyse de la Commune de Paris faite par Marx dans La Guerre Civile en France, publiée par l'Association Internationale des Travailleurs en 1871. Elle met l'accent sur l'opposition de la Commune à l'organisation de l'Etat, exprimée dans ses premières mesures qui suppriment l'armée permanente et la remplacent par la Garde Nationale. Dans les conditions de siège dans lesquelles elle vivait, la Commune ne pouvait qu'indiquer la direction de la reconstruction sociale à laquelle elle aspirait : « La grande mesure sociale de la Commune, ce fut sa propre existence et son action. Ses mesures particulières ne pouvaient qu'indiquer la tendance d'un gouvernement du peuple par le peuple. Telles furent l'abolition du travail de nuit pour les compagnons boulangers ; l'interdiction, sous peine d'amende, de la pratique en usage chez les employeurs, qui consistait à réduire les salaires en prélevant des amendes sur leurs ouvriers sous de multiples prétextes ... Une autre mesure de cet ordre fut la remise aux associations d'ouvriers ...de tous les ateliers et fabriques qui avaient fermé. » Les membres élus de la Commune, dont la majorité était des travailleurs, et de ses administrateurs ont tous reçu un salaire équivalent à celui d'un simple ouvrier. L'église a été dissoute et l'éducation rendue accessible à tous : «Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de leur église... La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'Église et de l'État. Ainsi, non seulement l'instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée. » Les tentatives faites par le gouvernement français pour affamer la Commune échouèrent et un approvisionnement régulier en nourriture fut maintenu.
La révolution de 1905 a vu l'apparition de comités de grève, dans de larges parties de la Russie, pour contrôler la lutte dans les usines et leur développement ; ceux-ci se réunissaient et ils sont devenus des organes élus et révocables en permanence : les Soviets. Bref, c’était une dynamique constante allant et venant de la lutte économique immédiate à la lutte plus générale fusionnant avec la lutte politique pour le pouvoir. Des questions de survie immédiate ont été abordées dans ce contexte plus large : ainsi, pour les travailleurs licenciés pour fait de grève à l'usine Poutilov, « des mesures de secours furent prises, parmi lesquelles se trouvaient quatre soupes populaires. » Le coeur de la révolution, le Soviet de Saint-Pétersbourg, s'est impliqué dans l'organisation de la vie quotidienne, y compris dans la prévention de la censure de la presse par l'Etat et pour donner des instructions aux chemins de fer et à la poste. A Moscou, le Soviet émit des directives « réglementant la fourniture en eau, pour maintenir ouverts les magasins essentiels [et] pour le report des paiements de loyer pour les travailleurs...»
En 1917, cette situation s'est répétée puis est allée plus loin, la classe ouvrière ayant pris le pouvoir à la bourgeoisie : « … dans de nombreux cas, l'effondrement du gouvernement central et des bureaucraties locales ont fait de ces instruments de la révolution des instances gouvernementales qui sont intervenues et se sont arrogées des fonctions administratives. » Lorsque la perturbation de la révolution a conduit à des pénuries alimentaires dans les zones urbaines, « les soviets locaux ont indépendamment adopté des mesures strictes de lutte contre celles-ci. A Nijni-Novgorod, par exemple, l'exportation de pain a été réduite ; à Krasnoïarsk, le soviet a introduit des cartes de rationnement ; dans d'autres lieux 'bourgeois' , des maisons ont été fouillées et des biens confisqués » Dans l'Histoire de la Révolution Russe, Trotsky écrit : « Dans l'Oural , où le bolchevisme prévalait depuis 1905, les soviets ont fréquemment administré le droits civil et pénal; créé leur propre milice dans de nombreuses usines, en les payant au moyen de fonds d'usine, organisé le contrôle par les ouvriers de matières premières et du carburant pour les usines, supervisé la distribution, et déterminé les échelles de salaires. Dans certaines régions de l'Oural, les soviets ont exproprié des terres pour la culture commune. »
Même dans des luttes moins spectaculaires que celles déjà mentionnées, les méthodes de la classe ouvrière viennent au premier plan. Ainsi, durant les premiers jours de la grève de masse en Pologne, en 1980, des représentants des usines en grève se sont réunis pour former le Comité Inter-Usines (MKS en polonais), qui «contrôlait toute la région et résolvait les problèmes de distribution et de transport de la nourriture. »
Ainsi, nous pouvons tirer un certain nombre de conclusions des luttes qui se déroulent sur un terrain de classe, qu'il s'agisse d'une simple grève ou d'un mouvement révolutionnaire. Tout d'abord, la violence n'est pas une fin en soi, ni une simple expression de la frustration, mais un moyen par lequel la classe ouvrière prend et défend le pouvoir pour changer le monde. Deuxièmement, lorsqu'il y a appropriation des marchandises, cela se fait avant tout comme un moyen de maintenir la lutte collective et c'est la valeur d'usage de la marchandise qui domine plutôt que sa valeur d'échange. Troisièmement, elles sont marquées par l'action collective et la solidarité et elles les renforcent. De telles luttes sont toujours orientées vers l'avenir, vers la transformation de la société.
North (25 janvier)