Pourquoi nous considèrent-ils comme leurs ennemis ?

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Nous traduisons ci-dessous un article publié dans Acción Proletaria, organe de presse du CCI en Espagne, à propos des déclarations faites par un chef de la Police sur la répression des lycéens et des étudiants à Valence. Ces déclarations sont effectivement bien éclairantes...

Lors d’une conférence de presse, à la question sur le nombre de policiers employés pour réprimer les étudiants, le chef supérieur de la police de la Région de Valence a répondu : “Il n’est pas prudent, du point de vue de la tactique et des forces de police mises en œuvre, que je dise à l’ennemi quelles sont mes forces et mes faiblesses” (1).

Il faut remercier ce haut fonctionnaire de la police pour la grande leçon de marxisme qu’il vient de donner : un, on nous considère comme des ennemis, et deux, on est impliqués dans une guerre dans laquelle il faut avoir une tactique et où il faut cacher ses propres faiblesses.

Par contre, les politiciens de tout poil, les syndicalistes, les idéologues, les table-rondiers (2) spécialistes en tout genre, prêchent dans l’autre sens : d’après eux, on ferait partie d’une communauté de “citoyens libres et égaux” dans laquelle l’État et ses différentes institutions – dont la police – seraient au “service de tous”. Lorsque le plus hauts responsables de l’État sont obligés de prendre de mesures extrêmement dures, ce serait pour le “bien de tous”. Ainsi la réforme du code du travail serait faite pour “favoriser les chômeurs” et, avec les coupes et autres restrictions, ils essaieraient de préserver “l’État providence”.

Les déclarations du grand chef de la police démentent radicalement de tels discours fumeux. Ce qui s’en dégage c’est, d’abord, que nous ne sommes pas des citoyens libres et égaux, mais que nous sommes divisés entre une classe minoritaire qui possède tout et ne produit rien et une classe majoritaire qui n’a rien et qui produit tout. Et, deuxièmement, que l’immense toile d’araignée bureaucratique que tisse l’Etat, n’est pas au “service des citoyens”, mais qu’elle est le patrimoine exclusif et excluant de cette minorité privilégié, ce qui fait que celle-ci considère comme des ennemis les manifestants qui luttent et qu’elle conçoit ses propres agissements comme une guerre contre l’immense majorité.

On va nous dire que cette haute autorité est de droite et que la droite a une conception patrimoniale de l’Etat et qu’elle ne cache pas son égoïsme et sa vénalité. Cependant, quand on regarde la carrière politique de cet individu haut gradé, on apprend qu’il l’avait commencé au sein de la Brigade politico-sociale à la fin du franquisme et qu’en 2008 il a été nommé à son poste actuel par le ministre de l’Intérieur d’alors, le sieur Rubalcaba, lequel, aujourd’hui chef de l’opposition socialiste, utilise des tons d’une radicalité hautement incendiaire. Dans cette fonction, le chef de la police de Valence était sous le commandement d’un ancien membre du parti dit “communiste” et avocat du travail du syndicat CO, le sieur Peralta. C’est sous leur commandement qu’a eu lieu l’épisode répressif bien connu contre des manifestants dans le quartier des pêcheurs d’El Cabañal (3). Il s’agit donc de quelqu’un qui a servi l’État sous des gouvernements de toutes les couleurs. Ses agissements ne sont pas du tout le fruit d’un “réflexe fasciste de la droite”, mais c’est bien une action d’État, qui a une logique et une continuité qui va bien au-delà de l’étiquette politique du parti aux commandes aujourd’hui.

Il faut se rappeler, pour ne parler que de l’Espagne, que sur les 35 années “d’Etat démocratique”, c’est pendant 21 ans que le gouvernail a été tenu par le PSOE. Ce n’est pas la peine de parler du mandat entre 2004 et 2011 parce qu’il est toujours présent dans les mémoires. En ce qui concerne le premier gouvernement “socialiste”, celui de monsieur Gonzalez (1982-96), rappelons qu’il fut le responsable de 3 assassinats de manifestants ouvriers (Bilbao en 1984, Gijón en 1985 et Reinosa en 1987) et de la destruction d’un million d’emplois.

L’actuel ministre de l’Intérieur, Fernández Díaz, a essayé d’arranger les choses en disant qu’il s’agissait d’un… lapsus. Or, un lapsus consiste à dire involontairement ce que l’on pense… réellement !

La société capitaliste se caractérise par l’hypocrisie et le cynisme les plus repoussants et, en cela, la classe dominante est passée maître. Il n’y a qu’à voir les campagnes électorales où sont affirmées mille promesses par tous les candidats pour appliquer, une fois élu, la politique contraire. Dans le secret de leurs bureaux, les hauts mandataires de la bourgeoisie, classe qui ne représente qu’une petite minorité des populations, parlent tranquillement de tout ce qu’ils vont démentir, nier ou déformer devant les micros. Mais, de temps en temps, un lapsus malvenu, c’est comme une légère déchirure de rideau par laquelle on peut observer ce qu’ils pensent vraiment et qui traduisent leurs vrais mobiles ou leurs crapuleuses machinations contre l’immense majorité, en particulier contre leur pire ennemi, la classe ouvrière, auquel il sont contraints de livrer une guerre permanente.

CCI (23 février)

 

1) El País, 21 février, supplément pour la Région de Valence.

2) Par ce néologisme, nous voudrions traduire le mot “tertuliano”. Sont nommés ainsi, en espagnol, ces personnages spécialistes en tout et surtout en rien qui pullulent dans ces émissions de débat à la TV, où ils donnent leur avis ou plutôt vomissent leurs sentences de “bon sens”.

 

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Lutte de classe