Campagne sur la chute de Ben Ali : les médias aux ordres de la bourgeoisie démocratique

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Pendant plusieurs semaines, tous les États démocratiques, la France en tête, ont apporté leur caution au régime sanguinaire de Ben Ali. Un black-out presque total de l'information a été organisé alors que tous les gouvernements savaient pertinemment ce qui se passait en Tunisie. Tous les medias bourgeois ont justifié la désinformation en faisant croire que le pays était en proie à des émeutes, à une situation "confuse", "chaotique", "difficile à comprendre". Ils nous ont fait croire que personne ne savait ce qui se passait réellement. Mensonges ! La sauvagerie de la répression était connue dans le monde entier. Grâce aux vidéos, aux réseaux Internet utilisés par les jeunes manifestants, aux touristes et aux journalistes qui étaient sur place, l'information n'était pas "totalement verrouillée" comme l'ont affirmé tous les gouvernements et leurs médias aux ordres. C'est de façon délibérée que la loi et l'ordre du silence se sont imposés face aux exactions des assassins à la solde de Ben Ali. C'est de façon délibérée que les grèves, les manifestations de rue, la révolte dans les lycées et les universités ont fait l'objet d'un black out total afin que les prolétaires des pays démocratiques ne puissent pas se sentir concernés par la répression du mouvement et manifester leur solidarité.
Aujourd'hui, après la chute de Ben Ali, les langues se délient enfin et toutes les caméras sont braquées sur la "révolution" en Tunisie. Immédiatement après l'annonce officielle du départ de Ben Ali, pendant que l'état d'urgence est décrété et que l'armée est déployée dans tout le pays, les chaînes de télévision françaises nous ont abreuvés de scènes de la communauté tunisienne en liesse, notamment dans les quartiers de Paris. Alors que pendant plusieurs semaines, rien ne filtrait des manifestations quotidiennes réprimées dans le sang par la police, les images de la foule immense qui a envahi l'avenue Bourguiba à Tunis le 14 janvier sont maintenant largement diffusées et tournent en boucle sur toutes les chaînes de télévision. Sur les plateaux télé, des personnalités de la classe politique (tel Bertrand Delanoë qui prétend, la main sur le coeur, n'avoir pas été en mesure de dénoncer l'atteinte aux "droits de l'homme"), des journalistes, des spécialistes et autres "envoyés spéciaux" sont invités dans un grand débat "démocratique" sur la situation en Tunisie qui est suivie heure après heure. Et bien sûr, tout ce joli monde prend maintenant hypocritement ses distances avec le régime de Ben Ali et glorifie "le courage et la dignité du peuple tunisien" (selon les propres termes de Barak Obama) qui a pu, "tout seul", se débarrasser du dictateur !
La chute de Ben Ali fait aujourd'hui la Une de tous les quotidiens alors que, pendant près d'un mois, le calvaire de la population tunisienne en proie à une répression féroce n'a pas fait couler beaucoup d'encre. Une telle hypocrisie n'est pas gratuite. Si les médias nous inondent maintenant d'informations en temps réel après plusieurs semaines de black out, ce n'est certainement pas parce que la classe dominante des États démocratiques serait aujourd'hui "aux côtés du peule tunisien", comme l'a affirmé avec un cynisme sans borne le gouvernement français (qui, 3 jours auparavant, se proposait de prêter main forte aux forces de répression de Ben Ali après que l'armée ait décidé de ne pas tirer sur la population !). Si la bourgeoisie des pays démocratiques, avec tout son appareil de manipulation médiatique, retourne aujourd'hui sa veste en encensant la "révolution du peuple tunisien", c'est parce qu'elle y trouve un intérêt évident. La débandade de Ben Ali lui donne une nouvelle opportunité de déchaîner une gigantesque campagne visant à vanter les bienfaits de la "démocratie" et de la mascarade électorale.
Les médias bourgeois continuent à mentir lorsqu'ils montent en épingle aujourd'hui la grève des avocats du 6 janvier que certains présentent comme l'élément moteur de la révolte qui aurait fait tomber la dictature de Ben Ali. Ils mentent lorsqu'ils prétendent que c'est une jeunesse cultivée appartenant à la "classe moyenne" qui a fait tomber le dictateur. Ils mentent lorsqu'ils mettent en avant que la seule aspiration de la classe exploitée et des jeunes générations qui ont été au cœur du mouvement est celle de la liberté d'expression. Ils mentent lorsqu'ils occultent aujourd'hui les raisons profondes de la colère : la misère et le chômage qui touche 55% des jeunes diplômés et ont provoqué plusieurs suicides au début du mouvement. C'est cette réalité, résultant de l'aggravation de la crise économique mondiale, que la campagne médiatique, orchestrée autour de la chute de Ben Ali, s'efforce aujourd'hui de masquer. Le seul objectif de cet engouement des médias pour la "révolution tunisienne" vise à intoxiquer la conscience des exploités, à dévoyer leurs luttes contre la misère et le chômage sur le terrain de la défense de l'État démocratique bourgeois qui n'est rien d'autre que la forme la plus sournoise, la plus hypocrite, de la dictature du capital.

Sofiane (14 janvier)

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