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Nous publions ci-dessous la traduction d’un échange qui a eu lieu sur notre site en espagnol (rubrique “Commentaire”) à propos de notre article “Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun” (1).
Le premier camarade affirme des points de désaccords avec notre analyse de la nature de l’anarchisme internationaliste. En particulier, il doute très fortement du bien-fondé de la collaboration avec les anarchistes, même “internationalistes”.
Le second tente de répondre en partie à ces critiques et pose surtout de nouvelles questions.
Nous ne répondrons pas ici à ces interrogations, nous les laissons pour l’heure en suspens (et nous renvoyons nos lecteurs à notre série de trois articles sur “Gauche communiste et anarchisme internationaliste”). Elles sont à nos yeux une contribution au débat, ouvert et fraternel, au-delà des désaccords, qui doit se développer à l’échelle internationale.
Premier commentaire
Chers camarades,
Avant tout, je vous envoie de loin mes plus sincères et fortes salutations. Je vous écris pour un certain nombre de raisons ; entre autres, un bref commentaire à votre article récemment publié dans Acción Proletaria (2) avec le titre “Gauche communiste et anarchisme internationaliste : ce que nous avons en commun”. Ce qui m’a frappé dans cet article, c’est cette salutaire culture du débat que vous pratiquez vis-à-vis d’autres mouvements prolétariens lorsqu’on a la volonté “de comprendre les positions de l’autre, de cerner honnêtement les points de convergence et de divergence” ; d’un autre côté, “encore faut-il savoir distinguer les révolutionnaires (ceux qui défendent la perspective du renversement du capitalisme par le prolétariat) des réactionnaires (ceux qui, d’une façon ou d’une autre, contribuent à la perpétuation de ce système)”. Et ceci, pour toujours mettre en avant les principes révolutionnaires communistes. Ceci dit, et je voudrais que vous preniez cette critique comme salutaire, il y a un point dans cet article que je ne partage pas du tout. Votre texte dit : “[Ces maladresses de notre part] révèlent la difficulté de voir, au-delà des divergences, les éléments essentiels qui rapprochent les révolutionnaires.”. Je considère que le communisme et l’anarchisme ne partagent pas des éléments essentiels, mais plutôt des perspectives générales pour l’humanité et peut-être certains objectifs immédiats qui peuvent faire que certaines interventions conjointes puissent être acceptables. Je pense que lutter pour la révolution communiste dans ces eaux troubles, froides et traîtresses du capitalisme avec des mouvements qui se prétendent et qui montrent une apparence de révolutionnaires est toujours dangereux à long terme. En fait, je ne sais pas si cet anarchisme “révolutionnaire” pourrait être catalogué comme tel. En tout cas, il faudrait regarder la pratique à long terme de l’anarchisme “révolutionnaire” pour tirer les conclusions appropriées et mettre en avant, depuis le début et d’une façon claire, les délimitations qui existent entre le communisme et l’anarchisme avant de mener une intervention commune. Cela ne signifie pas que je m’oppose à ce que l’on établisse certaines “alliances” avec les anarchistes pour lutter pour les intérêts généraux du prolétariat ; ce que je veux exprimer, c’est qu’on doit différencier avec plus de précision les éléments essentiels qui configurent le mouvement anarchiste. Je considère, en effet, que les éléments qui rapproche l’anarchisme du communisme ne sont pas essentiels, mais plutôt des éléments apparents et passagers quel que soit le degré d’honnêteté de l’anarchisme. Ce ne serait pas de trop de rappeler aux anarchistes eux-mêmes que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Une organisation révolutionnaire ne l’est vraiment que si, en premier lieu, elle ne perd jamais de vue la perspective révolutionnaire de transformer qualitativement le régime de production actuel qui génère tant d’oppression, mais aussi si elle ne se développe pas de façon permanente sur la base de principes programmatiques qui doivent être nécessairement homogènes ; des principes programmatiques dont l’objectif indispensable est l’abolition de tout ce qui existe avec une stratégie pour le mener à terme, une stratégie que l’anarchisme ne partage pas sur la forme et encore moins sur le fond : le communisme. Autrement dit, si on perdait de vue les principes communistes qui animent et donnent vie à une structure politique véritablement révolutionnaire, cela aurait pour conséquence l’oubli des différences politiquement transcendantales avec d’autres mouvements au moment même de sauvegarder la révolution elle-même, celle d’un prolétariat organisé en soviets. Je souhaiterais que ce que je dis ici soit pris comme une critique fraternelle, étant donné que c’est bien avec vous que je partage non seulement une bon nombre de principes, mais aussi des positions concrètes sur des faits concrets.
Leon’s
Second commentaire
Il faut saluer le camarade Leon’s pour sa critique à l’article d’Acción Proletaria sur l’anarchisme. Dans l’article, et aussi dans cette critique de Leon’s, on met en avant le fait que l’internationalisme est une frontière de classe autant chez les marxistes que chez les anarchistes. Ce qui arrive souvent c’est qu’on parle d’internationalisme d’une façon confuse, abstraite, et cela donne lieu à de nombreuses ambiguïtés. Je ne fais pas du tout référence aux petits toutous apprivoisés de la bourgeoisie, qu’ils soient marxistes ou anarchistes, ça c’est une autre affaire ; je parle des camarades qui pensent et agissent avec loyauté, qu’ils soient anarchistes ou marxistes, qui se trouvent aujourd’hui sur le terrain de l’internationalisme. Ici et maintenant je me pose, personnellement, deux questions :
1) Je connais quelques camarades anarchistes honnêtes, mais qui ne pensent pas que la lutte de classe soit un fait déterminant dans la marche de l’histoire, qui parlent d’oppresseurs et d’opprimés, de peuple exploité par les riches et les multinationales, mais ne parlent pas de la lutte de classe comme quelque chose de central. Ceci est somme toute logique, puisque, historiquement, cette question de la lutte de classe n’a jamais été tout à fait claire chez les anarchistes. Donc, pour moi, la question concrète, une question qui n’est pas posée ni dans l’article du CCI ni dans le commentaire du camarade Leon’s, est de savoir si ces éléments qui ne pensent pas que la lutte de classe soit un facteur essentiel dans les changements historiques peuvent faire partie du terrain internationaliste. Voilà une question que je me pose et dont j’aimerais bien discuter.
2) D’un autre coté, je pense que l’internationalisme, comme le disait Lénine par rapport à la vérité, c’est toujours quelque chose de concret, parfaitement palpable et mesurable… ou est-ce qu’il existe des formes différentes d’internationalisme prolétarien ? C’est pour cela que je me permets d’attirer l’attention des camarades comme Leon’s, mais aussi ceux du CCI, sur une partie de l’introduction (3) à la brochure Nation ou classe, où il est dit que l’internationalisme prolétarien se concrétise sur une série de points que je me permets de citer en partie… Voici la citation : “Mais, quel est donc le véritable internationalisme ? Comment pouvons-nous le mettre en pratique ? L’internationalisme prolétarien se concrétise dans :
“1. La dénonciation totale des blocs impérialistes, des idéologies qui leur servent de sergents recruteurs, des partis qui les soutiennent.
“2. La dénonciation de la “neutralité”, du “tiers-mondisme”, des “troisièmes voies”, etc. qui ne sont que des leurres inventés par les nations de second ordre pour défendre leur propre appétit impérialiste.
“3. L’opposition radicale à toute idée de lutte nationale, d’autonomie, de fédéralisme, de racisme (ou son parallèle, la lutte “raciale”), dont la fonction est toujours celle de diviser le prolétariat et le diluer en toutes sortes de fronts interclassistes.
“4. La lutte intransigeante contre toute guerre impérialiste en menant en pratique face à elle le “défaitisme révolutionnaire”, autrement dit, la fraternisation entre ouvriers et opprimés des deux camps, en retournant des deux cotés les fusils contre leur propre commandement, contre leur capital national respectif.
“5. L’opposition de nos intérêts de classe contre l’intérêt national du capital. En luttant avec intransigeance contre tout licenciement, sacrifice, agression que le capital voudrait nous imposer au nom de la “sauvegarde de l’économie nationale” et d’autres mystifications semblables.
“6. Le soutien total aux luttes ouvrières des autres pays. En développant la seule forme de solidarité avec elles : rejoindre leur combat, en ouvrant un nouveau front de lutte contre notre propre capital national.
“7. La recherche de la coordination et de la centralisation internationales des luttes.
“8. L’unité dans une organisation internationale et centralisée de toutes les forces d’avant-garde du prolétariat.
“9. Donner à toutes les luttes qui sont menées aujourd’hui la perspective de la révolution prolétarienne mondiale qui détruise l’État bourgeois dans tous les pays, mette en avant le pouvoir mondial des conseils ouvriers, ouvre un processus d’abolition de la marchandise, du salariat et des frontières nationales en ouvrant le chemin vers la communauté humaine mondiale, le communisme. Il est clair que la révolution commencera probablement dans un pays, mais devra se donner pour tâche l’extension mondiale de la révolution, sinon elle sera condamnée à l’échec.”
Germán
1 http ://fr.internationalism.org/ri414/gauche_communiste_et_anarchisme_internationaliste_ce_que_nous_avons_en_commun.html
2 Organe de presse du CCI en Espagne.