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Nous publions ci-dessous la traduction d'une prise de position commune de trois groupes révolutionnaires sur la répression sanglante qui a frappé des mineurs grévistes au Pérou : el Grupo de Lucha Proletaria, l'Organización Anarco Punk et le Courant Communiste International.
Le 4 avril, dans le cadre des mobilisations menées par la Fédération Nationale des Mineurs Artisanaux du Pérou, les mineurs artisanaux des alentours de Chala et d'Arequipa coupent la route Panaméricaine et s’affrontent à la police, laquelle, armée jusqu’aux dents, se préparait à les déloger. Le résultat de ces affrontements a été officiellement de 6 mineurs tués (des sources syndicales parlent de 14 morts) et plus de 20 blessés. La répression fut brutale et sans discernement, touchant même le chauffeur d’une moto-taxi qui ne participait pas du tout à la protestation.
La première chose, et la plus importante face à ces événements, c’est d’exprimer sa solidarité envers ces travailleurs. Il y a eu dans différents lieux, des actes de solidarité qui ont débordé l’emprise syndicale. C’est ainsi qu’on peut exprimer la volonté de défendre nos vies et l’indignation pleinement justifiée contre la sauvagerie de la répression et l’hypocrisie démocratique avec laquelle elle est exercée.
Et, en même temps, cette hypocrisie démocratique avec laquelle la répression a été déchaînée doit nous pousser à analyser et à tirer des leçons des pièges idéologiques que ce conflit a mis en relief.
La région de Madre de Dios et celle aussi de la côte d’Arequipa ou la zone d’Ica, ont connu ces dernières années l’arrivée de familles entières qui survivent dans des taudis misérables, dont tous les membres, hommes, femmes et enfants, sont obligés de réaliser un travail épuisant à la recherche de minerais. C’est eux qui souffrent des maladies, eux qui crèvent dans les multiples accidents, qui subissent les maffias multiples qui les « protègent », eux dont la « récompense » est juste de quoi mal vivre, tandis que les profits des affaires minières s’accumulent entre les mains des capitalistes locaux, ou russes ou brésiliens, propriétaires des dragues gigantesques installées sur les rivières (qui, en plus, produisent une forte contamination). Ce sont de grands magnats qui exploitent ce qu’on appelle « l’industrie minière informelle ou artisanale ».
Et ces travailleurs ne sont pas seulement les victimes des balles de la police mais aussi de la manipulation et des tromperies de l’action combinée des syndicats, du patronat et du gouvernement, des médias et des autres institutions bourgeoises, qui les ont entraînés à lutter pour la défense d’intérêts qui ne sont pas les leurs : la dérogation du décret « DU 012-2010 » approuvé par le gouvernement pour réguler l’industrie minière informelle.
Les mineurs sont tombés dans le piège de la lutte d’intérêts entre deux secteurs de la bourgeoisie : « l’industrie minière formelle » et « l'industrie minière informelle ou artisanale ». L’exacerbation de la crise économique mondiale a des effets partout dans le monde, le Pérou évidemment y inclus, et dans tous les secteurs économiques, dont l’industrie minière qui est la principale activité économique du pays. C'est pourquoi cette lutte d’intérêts est de plus en plus acharnée. Une série d’exploitations, de recherches et de projets miniers ont dû être abandonnés sans rémission, face aux effets négatifs de la crise capitaliste. Et c’est maintenant, alors que la bourgeoisie gouvernementale a recruté les meilleurs lobbyistes dans l’Assemblée nationale pour y mener la guerre pour ses intérêts : « réguler l’activité minière informelle » qui est un concurrent face à la grande industrie minière, en mettant en avant, entre autres arguments, que les mineurs informels « ne payent pas d’impôts », « qu’ils engendrent trop de contamination », « qu’ils exploitent les enfants ». En fait, la cause de ce conflit sanglant c’est le marché, mais il n’y a que le sang ouvrier qui se répand.
L’intérêt de l'État péruvien pour réguler l’industrie minière informelle n’a rien à voir avec la lutte contre la pollution de l’environnement, ni avec l’élimination de l’exploitation des enfants – comme il le prétend dans ses discours hypocrites – mais avec quelque chose de plus prosaïque : recueillir des impôts d’une activité qui n’en payait pas jusqu’à maintenant. L’intérêt des patrons de l’industrie minière formelle, qui ose, avec un cynisme rare, brandir ces arguments écologiques ou de « défense des enfants » (eux qui contaminent sans vergogne et exploitent "leurs" travailleurs en se moquant de savoir si leurs enfants vivent dans la misère ou crèvent de faim), est également inavouable : il s’agit d’éliminer ou du moins réduire des concurrents pour essayer d’accroître leur part de marché.
De l’autre côté, l’intérêt de la dite « industrie minière informelle » est que tout reste en l’état actuel.
Que le décret « DU 012-2010 » soit appliqué ou abrogé, que les mineurs soient exploités par un patron « formel » ou « informel », ne va pas apporter la moindre amélioration. Rappelons-nous l’affaire de la Minera Yanacocha à Cajamarca [gigantesque mine d’or, une affaire tout ce qu'il y a de plus légal, NDT] où les maladies et la mort ont proliféré dans des conditions d’exploitation terribles !
L’affaire du décret, de son vote favorable ou de son rejet, est une bagarre entre capitalistes. Dans cette bagarre, les travailleurs n’ont rien à gagner et tout à perdre.
Quelles leçons tirer de cette expérience ?
Nous, travailleurs, que nous soyons des mineurs ou de n’importe quel autre secteur, au Pérou ou ailleurs dans le monde, nous ne pouvons pas y laisser notre peau pour défendre des intérêts qui ne sont pas les nôtres, mais ceux de nos exploiteurs.
De même, nous ne pouvons pas accepter le terrain de division qui depuis le début du conflit a été choisi par les syndicats. Ils ont tout fait pour que les mineurs « informels » luttent seuls et isolés, tandis qu’ils fomentaient la passivité et l’idée de « ne pas se mêler » chez les mineurs de l’industrie « formelle », sans oublier le lynchage médiatique qu’a dû subir le « secteur informel » et qui l’a séparé encore plus du reste de la classe et de la population en général. Nous avons déjà dénoncé l’amalgame abject répandu par les médias, les politiciens et autres, qui ont présenté les familles minières comme des « barbares destructeurs de l’environnement », « des gens sans-cœur qui exploitent leurs propres enfants », tout cela pour occulter que ce sont les capitalistes et les mafias du « secteur informel » qui contaminent et polluent, que ce sont eux qui imposent des salaires si bas qu'ils obligent ces familles à employer leurs enfants pour gagner de quoi survivre.
Ce terrain de division et d’isolement a empêché d’aller plus loin dans les actions solidaires et indignées des autres travailleurs face au massacre perpétré sur l’asphalte de la route Panaméricaine.
Même si aucun journal ni la télévision ne parlent plus de ces morts, qui sont les nôtres, le moment est arrivé, pour leur rendre le meilleur hommage, de tirer les leçons de ces événements tragiques, de comprendre les pièges qui ont été tendus et qu’on va continuer à tendre tant que nous, les prolétaires, nous ne serons pas capables de nous défendre avec les seules et véritables armes de notre combat : l’unité, la solidarité et la lutte commune contre toute exploitation, au-delà de toutes les divisons en secteur, branche ou nation, face à des patrons privés ou d’État, d’ici ou étrangers, « formels » ou « informels ».
Pour l’organisation et la lutte autonomes de la classe ouvrière mondiale !
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Grupo de Lucha Proletaria ; Organización Anarco Punk ; Courant Communiste International (avril 2010).