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En
France, alors que la plus forte récession depuis la Seconde Guerre
mondiale (comme en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux
Etats-Unis) est annoncée pour 2009, le gouvernement Sarkozy tente de
faire passer un certain nombre de « réformes » destinées
à frapper de nombreux secteurs, dans un contexte de mécontentement
social qui tend de plus en plus à se généraliser. Face à une
telle situation, la bourgeoisie déploie une série de manœuvres en
tous genres. En particulier, les syndicats, qui ne cessent
d’émietter et d’éparpiller toute riposte ouvrière depuis des
mois, ont été contraints d’appeler à une grève générale
interprofessionnelle, mais seulement… le 29 janvier, pour se donner
le temps de se concerter avec le reste de la bourgeoisie.
L’inquiétude
de la bourgeoisie face à la montée « des périls sociaux »
Dans
toutes les couches de la société, la paupérisation et la précarité
se font brutalement sentir, et en particulier chez les nouvelles
générations encore scolarisées. Face au mur du chômage et à
l’avenir bouché que leur réserve le capitalisme en crise, les
jeunes générations de prolétaires, surtout dans les lycées et les
collèges, où les trois-quarts sont des enfants d’ouvriers, se
mobilisent de plus en plus fortement. Ces lycéens et ces étudiants
se réfèrent en outre de plus en plus fréquemment à l’expérience
et aux méthodes de leurs aînés qui se sont mobilisés massivement
contre le CPE en 2006 et contre la LRU en 20071.
L’agitation n’a d’ailleurs pas cessé au cours de ces derniers
mois avec les luttes contre les suppressions massives de postes dans
l’Education nationale et la suppression programmée des RASED
(Réseaux d’aide pour les élèves en difficulté). L’aspect le
plus significatif de l’expression de ce ras-le-bol et de cette
combativité montante est que malgré le « recul » du
ministre Darcos reportant d’un an sa réforme sur les programmes
des lycées (classes de seconde), reniant ainsi piteusement sa
tonitruante déclaration 48 heures auparavant : « Je
ne serai pas le ministre de l’hésitation nationale »,
la mobilisation des lycéens n’a pas faibli. Au contraire, elle
s’est amplifiée, comme en témoigne la journée du 18 décembre où
150 000 lycéens se sont retrouvés dans les rues à travers
tout le pays, au lendemain même de la reculade du ministre, pour
réclamer l’abrogation pure et simple de la réforme. De nombreux
établissements scolaires étaient toujours bloqués à Bordeaux,
Lille, Brest, Toulouse ou Paris à la veille des vacances de fin
d’année. Ils promettent de faire repartir le mouvement dès la
rentrée : une grève massive est annoncée pour le 17 janvier
dans le secteur, provoquant un nouveau pas en arrière de Darcos,
désormais hanté par la crainte « d’une
agitation sociale allant bien au-delà de la réforme des lycées »2,
qui promet de « tout
reprendre à zéro »
et de convoquer des Etats généraux sur l’école début 2009. Il
faut dire que ce « recul » a été dicté par Sarkozy
proclamant partout qu’il redoutait le déclenchement d’une
« série
d’affrontements sociaux, voire des événements violents en
France »
et toute la presse s’est fait l’écho de cette « grande
peur » : « Climat
tendu dans les lycées, malaise et crise chez les salariés : la
classe politique s’inquiète d’une possible agitation sociale, à
l’image de la Grèce. » « Après la Grèce, la France
peut-elle s’enflammer ? »
(titres de 1ère
page de Libération
du 12 décembre), « Social,
jeunesse, banlieues : la France gagnée par l’inquiétude, la
droite comme la gauche scrutent attentivement les événements de
Grèce »
(manchette du Monde
du 13 décembre) ou, selon l’éditorial de Marianne
signé N. Domenach, « Le
feu, d’un bout à l’autre du monde ? » :
« ‘Il
suffirait d’une étincelle’,
s’alarment des élus inquiets, carrément angoissés à gauche,
mais pas non plus rassurés à droite… Beaucoup savent qu’un
mistral télévisuel est capable de propager n’importe quel feu
social. »
Au PS, Julien Dray3
a proclamé explicitement que « le
syndrome grec menace l’ensemble des pays parce qu’on est dans une
crise très grave, avec une explosion des inégalités sociales ».
Et en effet, les jeunes générations en lutte se reconnaissent dans
la révolte et la mobilisation actuelle des étudiants en Grèce
envers lesquels un profond sentiment de solidarité se dégage (comme
le démontre la participation nombreuse de lycéens aux
manifestations contre la répression en Grèce). Cette crainte de
la bourgeoisie explique l’attitude provocatrice des forces de
l’ordre pour inciter à l’affrontement comme à Lyon le 18
décembre (voir article page 3) visant à discréditer le mouvement
lycéen et à les faire passer pour des casseurs. De la même façon,
on a vu les médias mettre sans cesse en avant des faits divers avec
des histoires horribles sur les jeunes, depuis la montée de la
délinquance, de la consommation de drogue ou d’alcool dans leurs
rangs jusqu’à une campagne savamment orchestrée diffusant
insidieusement l’équation jeunes = révolte = violence aveugle =
casseurs en puissance, mettant en scène des affrontements
meurtriers entre bandes rivales notamment à Paris et dans les
banlieues. Il s’agit non seulement d’agiter le spectre imminent
de nouvelles émeutes dans les banlieues mais surtout de tenter de
couper ces jeunes générations du reste de la classe ouvrière, de
les isoler au moment même où leur mobilisation se traduit par une
solidarité de classe entre toutes les générations dans les
mouvements sociaux. Aujourd’hui, par exemple en province, ces
lycéens multiplient les initiatives pour préparer une mobilisation
plus large dans les semaines à venir, et sont en train de tisser des
liens avec d’autres salariés, comme ils cherchent à créer des
comités de solidarité avec les étudiants et les travailleurs grecs
victimes de la répression.
« L’explosion
des inégalités sociales »
Mais ce sont aussi les plans sociaux et les annonces de licenciements qui «se multiplient à un rythme jamais vu »4 avec une hausse brutale du chômage et une baisse du pouvoir d’achat, sous l’effet de l’accélération brutale de la crise économique mondiale. Il faut dire que le reste des attaques dans les établissements scolaires est passé : suppression de 3000 RASED dont la disparition pure et simple est programmée à court terme, réforme de l’école primaire5, des IUT pour réduire l’afflux dans cette filière, tandis que les effets des 13 500 suppressions d’emplois dans l’enseignement commencent à se faire sentir chez les lycéens comme chez les enseignants. Dans le même temps, c’est l’ensemble de la fonction publique et des services publics où les réformes sont appliquées en douce qui est durement touchée. Quant au secteur privé, outre la nouvelle législation sur le travail le dimanche dans les grandes surfaces et les grands magasins, c’est la grande lessive des emplois : en France, près de 50 000 emplois ont été détruits en un semestre (entre début avril et fin septembre). Mais l’INSEE annonce d’ores et déjà une perte de 147 000 emplois (hors du secteur marchand agricole) au cours du second semestre 2008 et en prévoit 214 000 autres pour le semestre suivant. A elle seule, l’industrie enregistrerait la suppression de 71 000 emplois cette année et de 81 000 au 1er semestre 2009. Le PIB chuterait de 0,8 % au cours du 4e trimestre 2008. Comme ailleurs dans le monde, le secteur de l’automobile est le plus massivement touché : plusieurs semaines de mise au chômage technique chez Renault ou PSA. Par ailleurs, Renault a annoncé la suppression de 4000 emplois en 2009, PSA-Peugeot-Citroën va virer 3550 salariés (dont 850 sur son site de Rennes), chez les équipementiers Valeo a annoncé 5000 suppressions d’emploi dans le monde (dont 1600 en France), Faurecia, 1215 emplois en moins d’ici 2011 (dont 700 dès 2009), en particulier dans l’Essonne, l’Orne, en Loire-Atlantique et dans les Vosges, Tyco Electronics, 520 et d’innombrables sous-traitants du secteur sont menacés de faillite. Dans la sidérurgie, ArcelorMittal a annoncé pour sa part 9000 suppressions d’emplois dans le monde dont un plan de 1400 « départs volontaires » applicable début 2009 en France. 1000 postes de cadres seront supprimés chez Alcatel Lucent qui prévoit également de se passer des services de 5000 sous-traitants. Depuis la fusion de 2006 entre ces 2 groupes, 16 500 suppressions d’emplois dans le monde (dont 1800 en France) ont été décidées en 3 ans.
Dans l’industrie pharmaceutique et la chimie, 927 suppressions d’emploi sont annoncés chez Sanofi-Aventis, 740 chez MBO, 700 licenciements chez Pfizer France dont 500 visiteurs médicaux sur 1250 et 200 employés commerciaux au siège . Depuis début 2008, 17 plans sociaux ont été annoncés dans cette branche devant supprimer 4350 postes sur 3 ans. Dans le même temps, 5000 à 6000 visiteurs médicaux seront supprimés, soit plus de 20% des effectifs de cette filière. La liste de tous ces plans de licenciements dévoilés depuis deux mois serait trop longue à énumérer ici.
Les
320 milliards d’euros débloqués pour les banques passent d’autant
plus mal que, pendant ce temps là, il est demandé aux prolétaires
de se serrer la ceinture (70 % de salariés ont constaté une
brutale et forte dégradation de leur pouvoir d’achat au cours de
l’année).
Le
Père Noël capitaliste est vraiment une ordure
Doté d’un cynisme sans borne, pendant que l’Etat français met en œuvre ces attaques en règle, son gouvernement prétend faire en sorte de travailler à améliorer le sort des salariés.
Dans
le fameux plan de relance pour l’économie de 26 milliards d’euros
de Sarkozy, qui va entraîner un quasi-doublement du déficit
budgétaire qu’il faudra payer au prix de « sacrifices »
encore plus lourds, la seule mesure présentée comme
« sociale » est une « prime de solidarité active
» de fin d’année de 200 euros ne servant que de dérisoire
cache-misère pour 3,7 millions de travailleurs pauvres ou
d’allocataires du RMI. Le reste est dévolu au « sauvetage »
des grandes entreprises de l’automobile ou de travaux publics. Et
encore, la plupart des mesures ne sont que de la poudre aux yeux :
ainsi l’augmentation du nombre de prêts à taux zéro ne peut
qu’inciter de nouveaux ménages à revenus modestes ou victimes de
licenciements à s’endetter jusqu’au cou et à se retrouver dans
la situation de millions d’Américains jetés à la rue et sans
ressources du jour au lendemain. Quant à la prime à la casse dans
le secteur automobile : seuls ceux qui ont les moyens d’acheter
une voiture neuve vont toucher cette prime. Ceux qui veulent acheter
une voiture d’occasion pas chère, n’en trouveront maintenant
plus à moins de 1000 euros ! Une fois de plus, ce ne sont pas
ceux qui en ont le plus besoin qui en profiteront !
Comme en Grèce, avec la précarité, les licenciements, le chômage, les salaires de misère qu’impose sa crise mondiale, l’Etat capitaliste ne peut apporter partout que davantage de police et de répression. Seul, le développement international de la lutte et de la solidarité de classe entre ouvriers, employés, lycéens, étudiants, chômeurs, travailleurs précaires, retraités, toutes générations confondues, peut ouvrir la voie à une perspective d’avenir pour abolir ce système d’exploitation.
W. (20 décembre)
1 Comme le montre par exemple des extraits de cet appel des étudiants grévistes de l’Université de Clermont-Ferrand datée du 19 décembre : « Les étudiants de Clermont Gergovia-Carnot, réunis en Assemblée Générale (…) appellent l’ensemble des Universités du pays à se battre contre le démantèlement de l’Éducation que le gouvernement cherche à nous imposer par la force, de la maternelle au doctorat.(…) Nous sommes en grève avec blocage, ni spectateurs, ni résignés, mais déterminés pour dire que tous ensemble nous pouvons gagner ! Le CPE nous l’a montré. En revanche, nous perdrons si nous nous battons isolément. La LRU nous l’a malheureusement enseigné aussi. Alors maintenant, le temps des lamentations est terminé ! On ne courbe plus l’échine ! (…)
Etudiants en France, les Italiens mobilisés contre la casse de l’Éducation depuis plusieurs mois nous montrent la voie. Les Grecs confirment cette voie ! C’est celle que nous avons ouverte par notre résistance historique contre le CPE ! Leur mot d’ordre « L’Éducation ne paiera pas leur crise ! » doit être le notre.
Tous en bataille, donc, en grève coordonnée dès janvier pour faire plier ce gouvernement et son projet de société !
Nous, ici, on ne « lâchera pas le steack ! »
2 Déclaration sur Europe 1 le 16 décembre 2008
3 Par ailleurs, ce dirigeant socialiste « pur et dur » fait actuellement l’objet d’une enquête pour d’importants détournements de fonds à titre personnel provenant du syndicat lycéen FIDL et de l’association SOS-Racisme.
4 Le Monde du 16 décembre
5 Son arrogance provocatrice pour justifier les suppressions de postes en maternelle où il réduisait le rôle des enseignants à « changer les couches » est restée en travers de la gorge des enseignants.