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"J'ai été élu pour mettre en œuvre des réformes profondes, pour moderniser la France, et ces réformes se feront" déclarait encore Sarkozy lors de son interview télévisée du 20 septembre. Il est clair que dans la bouche des hommes d'Etat, "réformer" signifie attaquer et attaquer sans cesse les conditions de vie et de travail de la classe ouvrière. L'enchaînement de ces attaques énoncées quelques jours auparavant est impressionnant :
- remise en cause des régimes spéciauxde retraites passant de 37,5 à 40ans de cotisations pour la fin de l'année puis des régimes généraux à 41annuités d'ici la fin du 1er semestre 2008. A terme, il s'agira de repousser l'âge légal de la retraite, jusqu'à 65, 67ans, voire davantage1;
- 29200 suppressions de postes dans le budget 2008 et poursuite du non remplacement d'un emploi sur 2 aboutissant d'ici 2012 à la suppression de 300 000fonctionnaires. C'est également une précarisation parallèle de ces fonctionnaires qui est annoncée avec la remise en cause du statut de la fonction publique toujours à l'horizon 2012 (fin de la garantie de "l'emploi à vie", alignement sur le privé, suppression du recrutement par concours, part de salaire au mérite, fusion et regroupement des corps de l'Etat permettant aussi une privatisation de plusieurs "métiers");
- instauration d'une série de "franchises médicales" début 2008 (dont celle de payer 50 centimes par boîte de médicaments prescrite) suivi d'un plan plus conséquent qui promet notamment une augmentation des cotisations et de la Contribution sociale généralisée, une poursuite du démantèlement des structures hospitalières avec la fermeture des "hôpitaux non rentables" et de porter le déremboursement des consultations médicales jusqu'à 10 euros ;
- durcissement des mesures répressives envers les chômeurs (fusion ANPE-UNEDIC) d'ici la fin de l'année et mise en place d'un Revenu de solidarité active dès octobre conditionnant l'octroi d'un RMI par la contrepartie d'un "travail social";
- remise en cause du contrat de travail institutionnalisant une généralisation de la précarité dans les prochains mois2.
Il s'agit là d'une série d'attaques massives touchant toutes les catégories de la classe ouvrière que le gouvernement Sarkozy dit vouloir réaliser en quelques mois, voire quelques semaines.
Pourquoi enchaîner en rafales des attaques d'une telle ampleur ?
Tout simplement parce que se profile une croissance catastrophique, ramenée à 1,5%, avec une dette publique vertigineuse qui contraint la bourgeoisie française à tenter de combler son retard par rapport à ses principaux rivaux et à donner un sérieux tour de vis. Quand le premier ministre Fillon déclare de façon alarmiste que l'Etat "est en situation de faillite", cela veut dire en clair que la bourgeoisie veut faire payer à la classe ouvrière la faillite de son Etat.
L'attaque contre les "régimes spéciaux" : une attaque contre toute la classe ouvrière
Si la bourgeoisie a décidé de s'attaquer en priorité aux régimes spéciaux de retraites, ce n'est pas pour des raisons purement économiques : ces mesures ne peuvent représenter qu'une part dérisoire dans le budget. Par contre, dans la série de toutes les attaques prévues, c'est celle qui permet de mieux tenter de diviser la classe ouvrière, d'enfoncer un coin pour déclencher ensuite d'autres attaques encore plus lourdes. C'est au nom de l'équité et de la justice sociale que cette "réforme" est mise en avant. On cherche à présenter les catégories d'ouvriers qui en bénéficient encore comme des privilégiés. Il faut rappeler pourquoi, ces régimes spéciaux ont été octroyés il y a 60 ans. Il fallait convaincre les ouvriers de "retrousser les manches" comme l'exhortait le PCF au profit de la "reconstruction nationale" d'après guerre. Ainsi, les salariés d'EDF ou de GDF ont en échange été astreints de travailler dans l'urgence, de nuit comme de jour sur des lignes à haute tension ou sur des canalisations, dans des conditions particulièrement dangereuses. Une autre contrepartie est que leurs salaires ont été maintenus à des niveaux relativement modestes. De même, à la SNCF ou à la RATP, la pénibilité des horaires ou du métier se double d'un haut niveau de responsabilité vis-à-vis des passagers. La classe ouvrière n'a rien à gagner à la suppression des régimes spéciaux qui touche déjà directement de larges parties des familles de prolétaires mais il doit être particulièrement clair que laisser passer ces mesures, c'est surtout laisser la porte ouverte à toutes les autres attaques qui s'annoncent encore plus féroces. Demain, ce sera le tour des fonctionnaires d'être dans le collimateur et présentés comme des nantis, comme les ouvriers réduits au chômage ou les salariés en arrêt maladie désignés comme des profiteurs, etc.... Cette logique qui prétend agir au nom de l'intérêt collectif, de la solidarité et de la justice sociale ne débouche que sur toujours plus de sacrifices pour les prolétaires. Elle a déjà permis d'imposer l'allongement de la durée des cotisations et de diminuer les pensions de retraite, elle entraîne vers le démantèlement de toute protection sociale, elle n'offre pas d'autre perspective que de faire plonger dans la misère une partie croissante des ouvriers. Il s'agira toujours de travailler plus pour gagner moins.
Pour en sortir, il ne faut nullement compter sur la gauche et le PS qui défendent les mêmes objectifs que le gouvernement. François Hollande lors des Universités d'été de La Rochelle déclarait "la France, globalement, doit travailler plus, mais en s'organisant autrement", Ségolène Royal elle aussi lors de la campagne présidentielle était intervenue pour préconiser "une remise à plat du système des retraites". Quant au "jeune loup" du PS, Manuel Valls, il plagie carrément Sarkozy lors d'une interview dans le journal Les Echos : "Les régimes spéciaux doivent être alignés sur le régime général." Il ne faut pas oublier que c'est le socialiste Rocard et son fameux Livre Blanc en 1986 qui a commencé à s'attaquer à la question des retraites, et tous les gouvernements, de gauche comme de droite, s'en sont par la suite largement inspiré.
Contre la nécessité de la lutte unie, le sale travail de division des syndicats
Face à toutes ces attaques, il n'y a qu'un seul chemin permettant de lutter contre la dégradation continuelle des conditions de vie : se réunir, se rassembler, dépasser et refuser la division concurrentielle entre secteurs, catégories, entreprises dans laquelle la bourgeoisie cherche à nous enfermer. Les besoins de la classe ouvrière en lutte, ce sont les assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs, du privé comme du public, en activité, retraités ou réduits au chômage, ce sont aussi les manifestations les plus larges et les plus massives où les ouvriers d'autres secteurs sont entraînés dans la lutte. C'est seulement de cette manière que les prolétaires seront capables d'imposer collectivement un rapport de forces susceptible de faire reculer les attaques de la bourgeoisie, comme l'a démontré la lutte des étudiants et lycéens contre le CPE au printemps 2006 que la bourgeoisie cherche aujourd'hui à faire oublier.
Est-ce ce type de riposte unie et solidaire que les "spécialistes de la lutte", les syndicats, sont en train de préparer ? Evidemment non ! La réelle "spécialité" de ces organes d'encadrement et de quadrillage de la classe ouvrière depuis des décennies, c'est bien la division des rangs ouvriers et le sabotage des luttes ! Ils déploient leur énergie pour que l'abolition des régimes spéciaux ne soit surtout pas l'étincelle d'une lutte plus générale contre toutes les attaques anti-ouvrières. Ainsi, une fois encore, les syndicats poussent les prolétaires à accepter de négocier au cas par cas, secteur par secteur, branche par branche. Ce n'est pas la réforme elle-même qu'ils critiquent (avec laquelle plusieurs leaders syndicaux, Chérèque de la CFDT ou Mailly de FO en tête, ont publiquement manifesté leur accord sur le fond) mais c'est uniquement "la méthode Sarkozy" qui prétend passer en force. C'est de la pure hypocrisie car il y a un partage du travail entre le gouvernement et les syndicats. Il n'y a jamais eu autant de rencontres et de concertation entre les syndicats et les ministres. Leur but, c'est de focaliser l'attention des ouvriers sur la méthode de négociation, ce qui permet d'occulter le contenu de l'attaque. Alors, les syndicats freinent des quatre fers la mobilisation pour ne pas attiser la colère des travailleurs : c'est un mois après l'annonce officielle de la réforme des régimes spéciaux qu'ils programment une journée d'action le 18 octobre. Chaque syndicat y va de son couplet pour faire entendre qu'ils ne sont pas vraiment d'accord entre eux : la CFDT et FO ont manifesté leur réticence à "mélanger les problèmes" sous prétexte que la SNCF et la RATP n'auraient pas les mêmes statuts que les gaziers3 et les électriciens et que chacun devrait faire entendre ses propres revendications, la CGT met en avant la nécessité d'une riposte unitaire pour le 18 octobre (et seulement pour le 18) mais elle se distingue à la RATP en refusant de mettre en avant le maintien des 37,5 annuités pour le départ à la retraite tandis que Sud-Rail et les autonomes de la RATP appellent à une grève illimitée dans leur secteur à partir du 18 octobre. Le choix de cette date n'est pas fortuit : la date de "bouclage" de la réforme (15 jours) sera passée et les syndicats pourront prétexter qu'ils sont mis devant le fait accompli, ce qui renforcera leur protestation contre la "méthode Sarkozy" mais ils pourront aussi justifier par la suite qu'il faudra se plier devant la loi. C'est un jour de semaine, donc, la paralysie des transports impliqués - SNCF, RATP - relancera le débat autour du "service minimum" récemment adopté par le gouvernement et devrait favoriser la division entre public et privé. Enfin, cette paralysie des transports devrait empêcher les ouvriers de se retrouver trop nombreux ensemble dans la rue.
Car ce que redoutent par-dessus tout les syndicats comme l'ensemble de la bourgeoisie, c'est que les ouvriers expriment à travers une mobilisation massive leur unité et leur solidarité de classe !
W (26 septembre)
1) La Grande-Bretagne sert de modèle à l'avenir qui nous attend en matière de retraites : il y a actuellement 10 millions de retraités, 20% vivent au dessous du seuil de pauvreté, 2,5 millions perçoivent moins de 50% de leur salaire d'actif. Face à cette paupérisation, beaucoup sont obligés d'accepter, tant qu'ils en ont la force, quantité de "petits boulots". Les départs à la retraite se font après 44 ans d'activité, ce qui fait pour les hommes un départ à 65 ans, le rapport Turner prévoit de passer cet âge de départ à 67, voire 68 ans.
2) Comme cela vient de se passer en Allemagne à Deutsche Telekom où les salariés pour conserver leur emploi ont été "revendus" à des entreprises privées, moyennant une amputation de 50% de leurs salaires.
3 Ceux-ci sont d'ailleurs invités à protester avant tout contre leur privatisation et contre la fusion récente entre GDF et Suez.