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Actuellement l’Espagne nous offre un exemple particulièrement parlant de la forme dont la bourgeoisie parvient à prendre conscience de la nécessité de mettre sur pied une mascarade de gauche, antifasciste, sans que pourtant on ait vu surgir un "machiavel" méphistophélique de derrière la banque de Bilbao. L’année dernière, l’Espagne fut le pays d’Europe qui connut le plus grand nombre d’heures de grève. Ces grèves ont parfois pris des formes quasi insurrectionnelles, du fait de l’affrontement immédiat avec la police. Dans des régions comme Barcelone et le pays basque, il y a des zones industrielles qui sont en lutte presque permanente. A force d’affronter la police pour la moindre grève, à force de lutter en permanence, la classe ouvrière espagnole a acquis une redoutable confiance en elle-même, et une puissante conscience de ce que classe et solidarité veulent dire. Dans certaines usines les ouvriers font des assemblées générales tous les jours pour s’informer des luttes existantes et préparer de nouveaux combats. Les menaces patronales, les licenciements n’y peuvent rien. Ils servent plutôt de nouveau stimulant à la lutte.
Que peuvent faire les patrons devant une telle situation ? Augmenter la répression ? C’est ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. Mais, accompagnée devant les effets de plus en plus violents de la crise sur la condition ouvrière, elle n’a servi qu’à intensifier les luttes de solidarité. La seule solution, les libéraux ont commencé depuis un bon moment à la défendre : il faut créer des syndicats qui ont la confiance des travailleurs, il faut créer une structure "démocratique" à l’européenne, pour que se forge un véritable appareil d’encadrement économique et politique de la classe ouvrière. Devant l’échec répété du gouvernement franquiste pour rétablir l’ordre, les plus grands capitalistes espagnols tels les Barreiros, les plus grands défenseurs de l’exploitation capitaliste, tels le chef d’Etat-major de l’armée franquiste (démis depuis de ses fonctions) ou le cardinal de Madrid lui même, sont devenus des partisans de la "démocratie" et des antifascistes véhéments. Est-ce parce qu’ils seraient devenus fous et auraient décidé du jour au lendemain de se transformer en défenseurs de ceux qu’ils exploitent et oppriment tous les jours ? Non ! Ils comprennent simplement et empiriquement qu’il est de plus en plus difficile de maintenir l’ordre, le leur, que l’ancienne équipe à la tête de l’Etat n’est plus efficace et qu’il faut la changer (...)
A ce niveau la gauche est évidemment en tête de la course. Le parti communiste espagnol, qui a créé avec les monarchistes et autres bourgeois, reconvertis récemment à "l’antifascisme", une "junte démocratique" pour gouverner le pays, ne fait que répéter à tous les partis de la classe dominante qu’il est le seul capable de rétablir l’ordre car il est le seul à disposer déjà sur tout le territoire d’un réseau de concessionnaires du pouvoir : les syndicats illégaux, les "Commissiones Obreras" inféodés au P.C. ; qu’il est le plus antifasciste de tous, puisque le plus réprimé par Franco et que, comme le montre le Portugal actuellement, c’est un argument utile lorsqu’il s’agit de faire terminer une grève. Le Portugal, cette vitrine d’exposition des staliniens, est d’ailleurs la meilleure publicité pour la marchandise "antifasciste" en milieu bourgeois. Regardez, peut dire Carillo, chef du P.C.E aux bourgeois, qui d’autre que nous a permis de remettre au travail les grévistes des postes, des chantiers navals ou des lignes aériennes ? Qui d’autre que nous peut se donner le luxe de publier en pleine grève de la TAP un tract (_)disant :
- "Que les travailleurs discutent et décident de terminer cette grève ! (...)"
- "En conduisant à un affrontement avec les forces armées, qui risqueraient de compromettre leur alliance avec les masses travailleuses, en sabotant l’économie nationale, les éléments aventuristes responsables du déclenchement de la grève étaient objectivement en train de faire le jeu des forces les plus réactionnaires." (tract de la cellule du P.C.P à la TAP du 28/8/74).
L’ordre, pourrait conclure aujourd’hui Carillo, "c’est nous !"
Ce sont des arguments, concrets, précis et simples comme ceux-là que comprend la bourgeoisie. Si elle ne les comprend pas, ce qui arrive parfois, les nécessités de la survie du capital lui-même s’imposent à elle, sous la forme d’une action de l’armée par exemple.