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La terrible contre-révolution qui a écrasé la classe ouvrière après ses combats glorieux du premier après-guerre s'est prolongée pendant près de quarante ans.
Les partis communistes ayant trahi, ils sont devenus le fer de lance de la contre-révolution. Grâce au prestige de la révolution russe et au nom de la défense de la "patrie socialiste", ils ont saboté les luttes ouvrières provoquées par la crise de 1929 et ont embrigadé les ouvriers dans la Seconde guerre mondiale. La défaite ouvrière était si profonde que le prolétariat n'a pas réussi à réagir contre la guerre impérialiste comme il l'avait fait en 1917-18 notamment en Russie et en Allemagne. A la fin de la guerre, le PCF, par exemple, avait réussi à entraîner les ouvriers derrière les drapeaux tricolores avec des slogans comme : "A chacun son boche". L'Humanité titrait : "Vive la France éternelle !". Par la suite, il y avait eu des luttes ouvrières importantes, mais les partis de gauche et les syndicats avaient réussi à les contrôler et à les canaliser sur des mots d'ordre bourgeois. Et puis le "boom économique" d'après-guerre a endormi pendant un certain temps la combativité ouvrière.
Mai 68 ouvre un cours nouveau aux affrontements de classe
Mais lorsque les derniers feux de la reconstruction du second après guerre se sont éteints et que le capitalisme a de nouveau été confronté à la crise ouverte de son économie, à la fin des années 1960, le prolétariat a redressé la tête. "Mai 1968" en France, le "mai rampant" de 1969 en Italie, les combats de l'hiver 1970 en Pologne et toute une série de luttes ouvrières en Europe et sur d'autres continents : c'en était fini de la contre-révolution.
C'est ainsi que s'est ouvert un cours nouveau avec en perspective, non pas la guerre impérialiste, mais des affrontements décisifs entre prolétariat et bourgeoisie, dont l'issue déterminera la marche de la société vers la révolution ou une troisième guerre mondiale.
En conformité avec cette perspective on a assisté depuis 68, et particulièrement au cours des années 80, au développement de la combativité et de la conscience de la classe ouvrière, cette dernière se manifestant particulièrement à travers une méfiance grandissante envers la gauche et les syndicats et plus généralement les institutions démocratiques. Ce fait est très important puisque ces organisations, qui avaient été les principaux instruments de la bourgeoisie pour maintenir la chape de la contre-révolution sur la classe ouvrière, se trouvent encore être depuis 68 le premier obstacle au développement des luttes ouvrières. Ce sont donc elles qui constituent le principal danger contre la classe ouvrière et non pas le fascisme qui n'est plus à l'ordre du jour.
Les campagnes démocratiques contre la lutte de classe
Pour faire face à cette situation, la bourgeoisie a développé depuis 68 des campagnes idéologiques destinées à faire diversion et à affaiblir la conscience de la classe ouvrière. Parmi celles-ci, les campagnes démocratiques agitant un danger fasciste occupent une place de choix. Présentant l'extrême-droite comme l'ennemi principal, elles ont pour but de rabattre les prolétaires vers la démocratie qui n'est autre que le visage que se donne la dictature du capital pour mystifier la classe ouvrière, et dissimuler ainsi le rôle de premier ordre joué par la gauche dans la défense de l'ordre capitaliste.
Le premier texte que nous publions dans cette partie, "Quand la démocratie prend la relève de la dictature franquiste pour affaiblir la lutte de classe" illustre justement, comme l'indique son titre, que l'arme dont la bourgeoisie a besoin pour affronter le cours montant de la lutte de classe, c'est la démocratie et non pas une dictature.
Le second texte, "l'antifascisme radical de l'extrême-gauche", s'emploie à réfuter tous les arguments que l'extrême-gauche du capital utilisait dans les années 70 pour tenter de faire adhérer les prolétaires aux campagnes antifascistes, en particulier en quoi le cadre démocratique constituerait un atout pour la lutte de classe, méritant en conséquence que la classe ouvrière mobilise ses forces pour le défendre.
La montée de l'extrême-droite dans un certain nombre de pays d'Europe, depuis la fin des années 80, a en effet donné un semblant de vraisemblance aux cris d'alerte de la bourgeoisie contre un danger fasciste et a constitué un facteur de relance des campagnes démocratiques et antifascistes. Là encore il y a utilisation par la bourgeoisie d'une situation qui n'est pas celle des années trente.
La montée de l'extrême-droite n'est pas celle du fascisme
Ce n'est qu'une apparence et il convient de faire la différence entre les circonstances de la montée du fascisme dans les années 30 et celles de l'extrême-droite dans la période actuelle.
L’actuelle plongée de la société capitaliste dans la décomposition nourrit le développement de toutes sortes d’idéologies cherchant des boucs émissaires à la faillite générale de la société et compensant l’absence de perspectives par des programmes populistes et ouvertement xénophobes et racistes. A ce niveau, Le Pen ou les groupuscules néo-nazis en Allemagne font pleinement partie de ces autres manifestations de la décomposition que sont la drogue ou les sectes, expressions d’une société capitaliste qui pourrit littéralement sur pied, privée de perspective, de vision d’avenir et d’espoir.
Mais surtout, même avec son succès populaire et la publicité médiatique qui lui est faite, ce n’est pas cela qui fait de Le Pen un nouvel Hitler, pas plus que le "désespoir populaire" n’explique la prise du pouvoir par ce dernier en 1933.
Contrairement au parti nazi à l’époque, le FN, et les autres partis d’extrême-droite existant en Europe, sont loin d’être les représentants d’un quelconque programme de sortie de la crise pour le capital national. Si Hitler et son parti ont pris le pouvoir, c’est bien parce que leur programme de capitalisme d’Etat et de fuite en avant vers la guerre, constituait la seule issue possible pour le capital allemand et qu’il a effectivement résorbé en quelques années le chômage à travers sa politique de grands travaux et d’économie de guerre. Aujourd’hui, outre le fait que la bourgeoisie n’a pas les moyens de s’engager vers une nouvelle guerre mondiale face à une classe ouvrière qui n’est pas défaite, les politiques de grands travaux, de commandes publiques basées sur un endettement gigantesque des finances publiques sont déjà derrière nous. S'il y a quelque chose d’utilisable dans le programme de Le Pen, c’est la politique de limitation de l’immigration et d’utilisation des travailleurs immigrés comme boucs émissaires, et cela, la bourgeoisie française, de droite comme de gauche, n’a pas eu besoin de nommer un ministre FN pour le mettre en place.
Mais, surtout, la bourgeoisie a bien trop besoin aujourd’hui de son paravent démocratique pour affronter la classe ouvrière. Nous ne sommes pas dans les années 30, années où le prolifératrice payait le prix de la terrible défaite de la vague révolutionnaire. Quelles que soient les difficultés actuelles de la classe ouvrière, c’est une classe qui n’a pas connu la défaite et dont la capacité de résistance sur son terrain de classe aux attaques du capital n’est nullement entamée. Un Le Pen au pouvoir serait bien incapable de contrôler la situation sociale, alors que le mode "démocratique" de domination du capital, avec ses syndicats divers et variés, son parlement, son jeu opposition-gouvernement et ses médias "libres" est d’une bien plus terrible efficacité pour conserver le contrôle social, pour assurer un encadrement serré des luttes ouvrières et pour mener à bien les manipulations idéologiques. Et c’est bien là la seule raison pour laquelle Le Pen existe et qui fait que la bourgeoisie a besoin de lui : il sert de faire valoir à l’Etat démocratique.
Les deux articles suivants, "La gauche utilise l'épouvantail Le Pen pour tenter d'affaiblir la classe ouvrière" et "campagnes antiracistes : la bourgeoisie cherche à ramener les ouvriers derrière l'Etat démocratique" s'attaquent à l'utilisation par la bourgeoisie du phénomène Le Pen en France et de la décomposition en Allemagne pour relancer les campagnes antifascistes.
Par ailleurs, les éléments que nous avons donnés ne suffisent encore pas à expliquer le fameux "phénomène Le Pen". En effet, il est désormais admis, y compris dans les discours bourgeois, que le FN ne serait jamais arrivé là sans la volonté délibérée de la bourgeoisie française qui, de scrutins proportionnels en coups de pouce répétés dans les médias, a fait de lui une véritable vedette nationale. L'importance du Front National en France a servi de faire valoir à la gauche au gouvernement, défenseur des libertés démocratiques, alors que les attaques qu'elle portait sur la classe ouvrière faisaient apparaître de plus en plus ouvertement ses composantes, le PC et surtout le PS, pour ce qu'ils sont réellement à savoir des partis bourgeois comme les autres. La meilleure preuve de cela est la manière dont la bourgeoisie en France a organisé le sabordage du FN, après l'avoir dopé, pour le ramener à une importance politique beaucoup plus modeste, parce que son poids électoral constituait par ailleurs un facteur aggravant de la déroute de la droite. Nous mettons à nu les ficelles de ce coup de la bourgeoisie contre l'extrême-droite dans l'article "Front National : gonflé hier, éclaté aujourd'hui, manipulé toujours".
Une seule voie pour la classe ouvrière : la lutte de classe
Dire que le fascisme n’est pas à l’ordre du jour et que la bourgeoisie lui préfère aujourd’hui la méthode "démocratique", ne veut pas pour autant dire que cette bourgeoisie pétrie de "démocratie" serait incapable de mener à bien, quand nécessaire, la répression des luttes de la classe ouvrière et celle de son avant-garde politique, ni qu’elle ne se servira pas de quelques bandes et milices d’extrême-droite, comme forces d’appoint, l’heure venue. L’histoire est pleine de preuves du contraire, à commencer par la répression de janvier 1919 en Allemagne. Mais au grand jamais, la mobilisation sur le terrain de l’antifascisme n’est une quelconque garantie contre cela. Au contraire, y céder, accepter de faire front derrière une fraction de la bourgeoisie contre une autre, c’est quitter son terrain de classe pour se livrer pieds et poings liés à la classe dominante et subir, à coups sûrs, demain la répression sanglante. De la même façon, c'est seulement en répondant sur son terrain de classe, en tant que classe, et non derrière une de ces mobilisations "citoyennes" orchestrées aujourd’hui par la bourgeoisie, que le prolétariat peut apporter une réponse aux miasmes de la décomposition et au développement des idéologies racistes et xénophobes, qu’elles soient véhiculées par l’extrême-droite, par les staliniens ou, dans sa version "douce" mais tout aussi anti-ouvrière, par la gauche démocratique.
Les campagnes anti-négationnistes : une arme pour discréditer le camp révolutionnaire
"La dénonciation de l’anti-fascisme comme instrument de l’embrigadement du prolétariat dans le pire carnage inter-impérialiste de l’histoire et comme moyen de dissimuler quel est le vrai responsable de toutes ces horreurs, à savoir le capitalisme comme un tout, n’a jamais signifié la moindre complaisance dans la dénonciation du camp fasciste dont les premières victimes furent les militants prolétariens" (Cf. Infra Campagnes anti-négationnistes, une attaque contre la Gauche communiste). C'est cette réalité, que nous rétablissons dans l'article cité, que les campagnes anti-négationnistes, animées par les secteurs de gauche ou d'extrême-gauche de la bourgeoisie (Le Monde et la LCR étaient en pointe de ces campagnes), ont tenté de dissimuler, de manière à discréditer le seul courant véritablement internationaliste dans la seconde guerre mondiale, celui de la Gauche communiste, et dont est issu l'actuel milieu révolutionnaire. Après l'effondrement du bloc de l'Est, il s'est agi pour la bourgeoisie de tenter d'éradiquer de la mémoire de la classe ouvrière l'histoire de ses combats révolutionnaires. De telles campagnes qui s'insèrent dans les campagnes démocratiques en général ont pour but d'établir un solide cordon sanitaire entre les minorités révolutionnaires et des éléments que la situation pousse à se poser des questions. On ne peut que déplorer que de telles campagnes aient pu prendre appui sur les divagations d'éléments dit d'ultra-gauche ayant montré quelque complaisance avec le négationnisme. La Gauche communiste n’a aucune espèce de parenté, même lointaine, avec la mouvance "négationniste" rassemblant l’extrême-droite traditionnelle et certains éléments de"l’ultra-gauche". Elle n'a pas d'avantage de parenté avec cette ultra-gauche quel que soit son positionnement dans le débat négationnisme/anti-négationnisme.
Dans ce chapitre
- Espagne : Quand la démocratie prend la relève de la dictature franquiste pour désamorcer la lutte de classe ; extrait de Révolution Internationale n° 14 ; mars 1975.
- L'antifascisme radical de l'extrême-gauche de la bourgeoisie ; d’après Révolution Internationale n°21; janvier 1976.
- Présidentielles de 88 : La gauche utilise l'épouvantail Le Pen pour tenter d'affaiblir la classe ouvrière ; Révolution Internationale n° 168, mai 1988.
- Campagnes anti-racistes : la bourgeoisie cherche à ramener les ouvriers derrière l'Etat démocratique, Révolution Internationale n° 219, janvier 1993.
- Front National : gonflé hier, éclaté aujourd'hui, manipulé toujours. Révolution Internationale n° 287, février 1999.
- Campagnes anti-négationnistes : une attaque contre la Gauche communiste.
- Le marais de "l'ultra-gauche" au service des campagnes de la bourgeoisie. D'après Révolution Internationale n° 263 ; décembre 1996.