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Il y a soixante dix ans, en janvier 1933, un événement d'une portée historique mondiale est venu frapper la "civilisation" capitaliste : l'arrivée d'Hitler au pouvoir et l'instauration du régime nazi en Allemagne. A en croire la bourgeoisie, le fascisme se serait imposé brutalement à la société capitaliste, à son "corps défendant". Ce mensonge ne tient pas un seul instant à l'épreuve des faits historiques. En réalité, le nazisme en Allemagne, comme le fascisme en Italie, est le produit organique du capital. La victoire du nazisme s'est effectuée démocratiquement. Quant au racisme répugnant, l'hystérie nationaliste ou la barbarie qui, toujours selon la bourgeoisie démocratique, caractériseraient en propre les régimes fascistes, ils ne sont pas du tout spécifiques à ces régimes. Ils sont au contraire le produit du capitalisme, en particulier dans sa phase de décadence, et l'attribut de toutes les fractions de la bourgeoisie, démocrates, staliniennes ou fascistes.
La terrible réalité de l'holocauste est souvent utilisée, en faisant appel à l'émotion plus qu'à l'objectivité, pour étayer l'idée d'une nature du fascisme qui le différencierait dans le fond du capitalisme en général et de la démocratie en particulier. L'examen objectif des faits eux-mêmes montrent que la barbarie n'est pas l'exclusivité du fascisme mais que la démocratie capitaliste, si prompte à dénoncer les crimes nazis, est directement responsable de millions de morts et de souffrances équivalentes pour l'humanité (bombardements de Dresde et Hambourg, bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki). Le comble du cynisme criminel est d'ailleurs allé jusqu'au refus catégorique des puissances "démocratiques", notamment anglo-américaine, de toute proposition visant à faire libérer plusieurs centaines de milliers de juifs des camps hitlériens. D'ailleurs, contrairement à la propagande officielle accréditant la thèse de la découverte des camps d'extermination à la fin de la guerre, les états-majors alliés étaient parfaitement au courant de leur existence dès 1942 (voir notre brochure "Fascisme et démocratie, deux expressions de la dictature du capital".)
La victoire du nazisme en Allemagne
Le mensonge selon lequel la classe dominante ne savait pas quels étaient
les vrais projets du parti nazi, en d'autres termes qu'elle se serait
fait piéger, ne tient pas un seul instant face à l'évidence
des faits historiques. L'origine du parti nazi plonge ses racines dans
deux facteurs qui vont déterminer toute l'histoire des années
1930 : d'une part l'écrasement de la révolution allemande
ouvrant la porte au triomphe de la contre-révolution à
l'échelle mondiale et d'autre part la défaite essuyée
par l'impérialisme allemand à l'issue de la première
boucherie mondiale. Dès le départ, les objectifs du parti
fasciste naissant sont, sur la base de la terrible saignée infligée
à la classe ouvrière en Allemagne par le Parti social-démocrate,
le SPD des Noske et Scheidemann, de parachever l'écrasement du
prolétariat afin de reconstituer les forces militaires de l'impérialisme
allemand. Ces objectifs étaient partagés par l'ensemble
de la bourgeoisie allemande, au-delà des divergences réelles
tant sur les moyens à employer que sur le moment le plus opportun
pour les mettre en œuvre. Les SA, milices sur lesquelles s'appuie
Hitler dans sa marche vers le pouvoir, sont les héritiers directs
des corps francs qui ont assassiné Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht
ainsi que des milliers de communistes et de militants ouvriers. La plupart
des dirigeants SA ont commencé leur carrière de bouchers
dans ces mêmes corps francs. Ils ont été "la
garde blanche" utilisée par le SPD au pouvoir pour écraser
dans le sang la révolution, et cela avec l'appui des très
démocratiques puissances victorieuses. Celles-ci d'ailleurs,
tout en désarmant l'armée allemande, ont toujours veillé
à ce que ces milices contre-révolutionnaires disposent
des armes suffisantes pour accomplir leur sale besogne. Le fascisme
n'a pu se développer et prospérer que sur la base de la
défaite physique et idéologique infligée au prolétariat
par la gauche du capital, laquelle était seule en mesure d'endiguer
puis de vaincre la vague révolutionnaire qui submergea l'Allemagne
en 1918-19. C'est ce qu'avait compris parfaitement l'état-major
de l'armée allemande en donnant carte blanche au SPD afin de
porter un coup décisif au mouvement révolutionnaire qui
se développait en janvier 1919. Et si Hitler ne fut pas suivi
dans sa tentative de putsch à Munich en 1923, c'est parce que
l'avènement du fascisme était jugé encore prématuré
par les secteurs les plus lucides de la classe dominante. Il fallait,
au préalable, parachever la défaite du prolétariat
en utilisant jusqu'au bout la carte de la mystification démocratique.
Celle-ci était loin d'être usée et bénéficiait
encore, au travers de la République de Weimar (bien que présidée
par le junker Hindenburg), d'un vernis radical grâce à
la participation régulière, dans ses gouvernements successifs,
de ministres venant du soi-disant parti "socialiste".
Mais dès que la menace prolétarienne fut définitivement
conjurée, la classe dominante, sous sa forme - soulignons le
- la plus classique, au travers des fleurons du capitalisme allemand
tels Krupp, Thyssen, AG Farben, n'aura de cesse de soutenir de toutes
ses forces le parti nazi et sa marche victorieuse vers le pouvoir. C'est
que, désormais, la volonté de Hitler de réunir
toutes les forces nécessaires à la restauration de la
puissance militaire de l'impérialisme allemand, correspondait
parfaitement aux besoins du capital national. Ce dernier, vaincu et
spolié par ses rivaux impérialistes suite à la
Première Guerre mondiale, ne pouvait que chercher à reconquérir
le terrain perdu en s'engageant dans une nouvelle guerre. Loin d'être
le produit d'une prétendue agressivité congénitale
germanique qui aurait enfin trouvé dans le fascisme le moyen
de se déchaîner, cette volonté n'était que
la stricte expression des lois de l'impérialisme dans la décadence
du système capitaliste comme un tout. Face à un marché
mondial entièrement partagé, ces lois ne laissent aucune
autre solution aux puissances impérialistes lésées
dans le partage du "gâteau impérialiste" que
celle d'essayer, en engageant une nouvelle guerre, d'en arracher une
plus grosse part. La défaite physique du prolétariat allemand
d'une part, et le statut de puissance impérialiste spoliée
dévolu à l'Allemagne suite à sa défaite
en 1918 d'autre part, firent du fascisme - contrairement aux pays vainqueurs
où la classe ouvrière n'avait pas été physiquement
écrasée - le moyen le plus adéquat pour que le
capitalisme allemand puisse se préparer à la seconde boucherie
mondiale. Le fascisme n'est qu'une forme brutale du capitalisme d'Etat
qui était en train de se renforcer partout, y compris dans les
Etats dits "démocratiques". Il est l'instrument de
la centralisation et de la concentration de tout le capital dans les
mains de l'Etat face à la crise économique, pour orienter
l'ensemble de l'économie en vue de la préparation à
la guerre. C'est donc le plus démocratiquement du monde, c'est-à-dire
avec l'aval total de la bourgeoisie allemande, qu'Hitler arrive au pouvoir.
En effet, une fois la menace prolétarienne définitivement
écartée, la classe dominante n'a plus à se préoccuper
de maintenir tout l'arsenal démocratique, suivant en cela le
processus alors déjà à l'œuvre en Italie.
Il n'y a pas d'antagonisme entre la barbarie nazie et les "valeurs" de la démocratie
"Oui, peut-être..." nous dira-t-on, "mais ne faites-vous
pas abstraction de l'un des traits qui distinguent le fascisme de tous
les autres partis et fractions de la bourgeoisie, à savoir, son
antisémitisme viscéral, alors que c'est justement cette
caractéristique particulière qui a provoqué l'holocauste
?" C'est cette idée que défendent en particulier
les trotskistes. Ceux-ci, en effet, ne reconnaissent formellement la
responsabilité du capitalisme et de la bourgeoisie en général
dans la genèse du fascisme que pour ajouter aussitôt que
ce dernier est malgré tout bien pire que la démocratie
bourgeoise, comme en témoigne l'holocauste. Selon eux donc, devant
cette idéologie du génocide, il n'y a pas à hésiter
un seul instant : il faut choisir son camp, celui de l'antifascisme,
celui des Alliés. Et c'est cet argument, avec celui de la défense
de l'URSS, qui leur a servi à justifier leur trahison de l'internationalisme
prolétarien et leur passage dans le camp de la bourgeoisie durant
la Seconde Guerre mondiale (non sans avoir traficoté pour certains
d'entre eux dans la milice en France au temps du pacte Germano-soviétique,
défense de l'URSS oblige). Il est donc parfaitement logique de
retrouver aujourd'hui en France, par exemple, les groupes trotskistes
- la Ligue Communiste Révolutionnaire et son leader Krivine avec
le soutien discret, mais bien réel, de Lutte Ouvrière
- en tête de la croisade antifasciste et "anti-négationniste",
défendant la vision selon laquelle le fascisme est le "mal
absolu" et, de ce fait, qualitativement différent de toutes
les autres expressions de la barbarie capitaliste ; ceci impliquant
que, face à lui, la classe ouvrière devrait se porter
à l'avant-garde du combat et défendre voire revitaliser
la démocratie.
Que l'extrême droite (le nazisme en particulier) soit profondément
raciste, cela n'a jamais été contesté par la Gauche
communiste pas plus d'ailleurs que la réalité effrayante
des camps de la mort. La vraie question est ailleurs. Elle consiste
à savoir si ce racisme et la répugnante désignation
des juifs comme boucs émissaires, responsables de tous les maux,
ne seraient que l'expression de la nature particulière du fascisme,
le produit maléfique de cerveaux malades ou s'il n'est pas plutôt
le sinistre produit du mode de production capitaliste confronté
à la crise historique de son système, un rejeton monstrueux
mais naturel de l'idéologie nationaliste défendue et propagée
par la classe dominante toutes fractions confondues. Le racisme n'est
pas un attribut éternel de la nature humaine. Si l'entrée
en décadence du capitalisme a exacerbé le racisme à
un degré jamais atteint auparavant dans toute l'histoire de l'humanité,
si le 20e siècle est un siècle où les génocides
ne sont plus l'exception mais la règle, cela n'est pas dû
à on ne sait quelle perversion de la nature humaine. C'est le
résultat du fait que, face à la guerre désormais
permanente que doit mener chaque Etat dans le cadre d'un marché
mondial sursaturé, la bourgeoisie, pour être à même
de supporter et de justifier cette guerre permanente, se doit, dans
tous les pays, de renforcer le nationalisme par tous les moyens. Quoi
de plus propice, en effet, à l'épanouissement du racisme
que cette atmosphère si bien décrite par Rosa Luxemburg
au début de sa brochure de dénonciation du premier carnage
mondial : "(...) la population de toute une ville changée
en populace, prête à dénoncer n'importe qui, à
molester les femmes, à crier : hourrah, et à atteindre
au paroxysme du délire en lançant elle-même des
rumeurs folles ; un climat de crime rituel, une atmosphère de
pogrom, où le seul représentant de la dignité humaine
était l'agent de police au coin de la rue." Et elle poursuit
en disant : "Souillée, déshonorée, pataugeant
dans le sang, couverte de crasse, voilà comment se présente
la société bourgeoise, voilà ce qu'elle est..."
(La Crise de la Social-démocratie). On pourrait reprendre exactement
les mêmes termes pour décrire les multiples scènes
d'horreur en Allemagne durant les années 1930 (pillages des magasins
juifs, lynchages, enfants séparés de leurs parents) ou
évoquer, entre autres, l'atmosphère de pogrom qui régnait
en France en 1945 quand le journal stalinien du PCF titrait odieusement
: "A chacun son boche !". Non, le racisme n'est pas l'apanage
exclusif du fascisme, pas plus que sa forme antisémite. Le célèbre
Patton, général de la très "démocratique"
Amérique, celle-là même qui était censée
libérer l'humanité de "la bête immonde",
ne déclarait-il pas, lors de la libération des camps :
"Les juifs sont pires que des animaux" ; tandis que l'autre
grand "libérateur", Staline, organisa lui-même
des séries de pogroms contre les juifs, les tziganes, les tchétchènes,
etc. Le racisme est le produit de la nature foncièrement nationaliste
de la bourgeoisie, quelle que soit la forme de sa domination, "totalitaire"
ou "démocratique". Son nationalisme atteint son point
culminant avec la décadence de son système.
Quand le prolétariat est absent de la scène de l'histoire,
la barbarie capitaliste ne connaît pas de limite
La seule force en mesure de s'opposer à ce nationalisme qui
suintait par tous les pores de la société bourgeoise pourrissante,
à savoir le prolétariat, était vaincue, défaite
physiquement et idéologiquement. De ce fait, le nazisme, avec
l'assentiment de l'ensemble de sa classe, put s'appuyer notamment sur
le racisme latent de la petite-bourgeoisie pour en faire, sous sa forme
antisémite, l'idéologie officielle du régime. Encore
une fois, aussi irrationnel et monstrueux que soit l'antisémitisme
professé puis mis en pratique par le régime nazi, il ne
saurait s'expliquer par la seule folie et perversité, par ailleurs
bien réelles, des dirigeants nazis. Comme le souligne très
justement la brochure publiée par le Parti Communiste International,
"Auschwitz ou le grand alibi", l'extermination des juifs "...
a eu lieu, non pas à un moment quelconque, mais en pleine crise
et guerre impérialistes. C'est donc à l'intérieur
de cette gigantesque entreprise de destruction qu'il faut l'expliquer.
Le problème se trouve de ce fait éclairci : nous n'avons
plus à expliquer le 'nihilisme destructeur' des nazis, mais pourquoi
la destruction s'est concentrée en partie sur les juifs."
Pour expliquer pourquoi la population juive, même si elle ne fut
pas la seule, fut désignée tout d'abord à la vindicte
générale, puis exterminée en masse par le nazisme,
il faut prendre en compte deux facteurs : les besoins de l'effort de
guerre allemand et le rôle joué dans cette sinistre période
par la petite-bourgeoisie. Cette dernière fut réduite
à la ruine par la violence de la crise économique en Allemagne
et sombra massivement dans une situation de lumpen-prolétarisation.
Dès lors, désespérée et en l'absence d'un
prolétariat pouvant jouer le rôle de contrepoison, elle
donna libre cours à tous les préjugés les plus
réactionnaires, caractéristiques de cette classe sans
avenir, et se jeta, telle une bête furieuse, encouragée
par les formations fascistes, dans le racisme et l'antisémitisme.
Le "juif" était supposé représenter la
figure par excellence de "l'apatride" qui "suce le sang
du peuple" ; il était désigné comme le responsable
de la misère à laquelle était réduite la
petite-bourgeoisie. Voilà pourquoi les premières troupes
de choc utilisées par les nazis étaient issues des rangs
d'une petite-bourgeoisie en train de sombrer. Et cette désignation
du "juif" comme l'ennemi par excellence aura aussi comme fonction
de permettre à l'Etat allemand, grâce à la confiscation
des biens des juifs, de ramasser des fonds destinés à
contribuer à son réarmement militaire. Au début,
il dut le faire discrètement pour ne pas attirer l'attention
des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Les camps de déportation,
au départ, eurent la fonction de fournir à la bourgeoisie
une main-d'œuvre gratuite, tout entière dédiée
à la préparation de la guerre.
C'est au nom de cette barbarie nazie que le camp des forces démocratiques
alliées a pu tenter de justifier aux yeux des ouvriers son implication
dans la boucherie mondiale et tous ses crimes. Loin de permettre d'éviter
à l'avenir de nouveaux holocaustes, la défense des valeurs
démocratiques de la classe dominante ne peut que servir la survie
d'un système à l'agonie, le capitalisme, qui depuis le
début du siècle dernier n'a cessé d'accumuler les
massacres et les génocides.
RI