Submitted by Révolution Inte... on

La classe prolétarienne est très jeune.
Dans le numéro précédent nous avons fait quelques remarques sur “l'effondrement du capitalisme”. Pour résumer, on peut dire qu’il y a toujours des effondrements dans les crises économiques mondiales, mais il y a seulement une crise “définitive” quand les ouvriers mettent fin au capitalisme pour s'assurer le pouvoir économico-politique de la société.
Cependant l'effondrement en ce sens ne figure pas encore à l'ordre du jour. Il est sûr que c'est le prolétariat mondial qui a la tâche d'abolir le salariat et d'organiser l'économie sur la base du temps de travail. Mais nous ne pouvons pas oublier que le prolétariat n'est pas encore mûr pour cette tâche.
Cela ne doit pas étonner. Le capitalisme industriel, et par là aussi le prolétariat, sont historiquement très jeunes. Commencer environ en 1800 en Angleterre, l'industrialisation capitaliste s'étendit lentement sur l'Europe. La révolution européenne de 1848 de la jeune bourgeoisie échoue et les classes féodales en Allemagne et en Autriche surent se maintenir. Autrement dit : la bourgeoisie était encore trop faible, il n'y avait pas encore un développement suffisant du capitalisme et cela signifie en même temps que le prolétariat était encore une classe faible. Le développement du capitalisme industriel prend place en Allemagne, France, Hollande ; celui de l'Italie ne date que d'après 1860 ou 1870. Et dès ce temps-là, le prolétariat se développe, apparaissent dans le mouvement ouvrier, les partis socialistes et les syndicats. C’est aussi en ce temps que les théories socialistes scientifiques étaient formulées.
Changement des centres mondiaux
Jusqu'à 1900 ou 1914 l'Europe constituait le centre du monde, économiquement, politiquement culturellement. L’Amérique, la Russie, l'Asie existaient géographiquement, mais ces parties du monde avait très peu d'industrie et par conséquent très peu de prolétariat. Le développement industriel de l'Amérique ne date que d'après 1900 ; celui de la Russie que d'après 1927. C'est pourquoi avant 1914 tous les [problèmes socialistes (?)] étaient surtout des problèmes européens, tâche du prolétariat européen. Une révolution prolétarienne en Europe embrasserait pratiquement le capitalisme mondial. La révolution prolétarienne se posait comme un problème des masses de l'Europe.
Mais après la Première Guerre mondiale et surtout après la deuxième, la situation a fondamentalement changé. Le centre du capitalisme s'est déplacé vers l'Amérique et la Russie. Économiquement l'Europe n'a plus une place dominante et politiquement elle a très peu à dire. Le développement du monde dépend surtout de l'Amérique et de la Russie. Et par là les problèmes du socialisme sont devenus surtout des problèmes du prolétariat russe et américain. Ils maintiennent la position clé de la Révolution. Quand il y a des révoltes ou des révolutions en Europe, leur sort est décidé par le prolétariat russe et américain.
le prolétariat américain
Est-il permis de mettre provisoirement beaucoup d'espoir sur des prolétariats à l'égard d'une révolution prolétarienne ? Ce n'est pas évident. Le prolétariat américain est très jeune dans le “plus riche pays du monde”. Il ne se soucie pas de “politique”, n'objecte pas au système et les problèmes des luttes de classe se meuvent au niveau d'un bon salaire pour un bon travail. Il n'existe guère un mouvement socialiste et le système des deux partis, les démocrates et les républicains, est une expression du mauvais développement de la conscience de classe des ouvriers.
Le manque d'un mouvement et de théories socialistes en Amérique à sa signification. L'homme en général est tout d'abord un être pratique et quand il peut se maintenir par des solutions pratiques, il n'a pas besoin de théories subversives pour l'avenir.
Quand les luttes sont très lourdes et ne mènent pas à des succès, on est conduit à chercher les causes des défaites, le caractère des obstacles. On fait des théories.
En général, le travailleur américain trouvait toujours des issues avant 1929. L'industrie se développant très vite, manquait toujours d'ouvriers qualifiés, et le haut degré de rationalisation de production faisait hausser le niveau de vie au-dessus de celui de l'Europe. Certainement, les crises ravageaient souvent les bases de l'existence, mais jusqu'à 1929, elles étaient surmontées en relativement peu de temps. De tout cela, un “sens pratique” se formait qui pouvait résoudre beaucoup de problèmes comme “mesures pratiques”, sans beaucoup de théories.
Dès maintenant il semble que la situation devient moins avantageuse pour les ouvriers américains. L'économie a besoin de nouveaux territoires d'exploitation, que l'on pense trouver en Asie. Mais une condition impérative en est la “pacification” de l'Asie et il est douteux que cette pacification soit réalisée en un temps court. Tant que l'exploitation de l'Asie n'est pas encore possible, la bourgeoisie doit chercher d'autres solutions pour les difficultés de sa puissante industrie. C'est pourquoi elle se prépare à une solution militaire pour s'assurer la maîtrise du monde entier.
Tout cela conduit à un standard de vie moins haut pour les travailleurs. Les impôts augmentent, les prix ont tendance à augmenter plus vite que les salaires, l'intervention de l'État dans la vie est plus sévère et le service militaire rendu obligatoire se pose aussi pour les Américains. Le poids de l'État et de la bourgeoisie se fait plus lourd. Que feront les ouvriers ? Comment useront-ils leur sens pratique ? nous ne le savons pas, mais le fait qu'ils n'ont pas beaucoup de théories et peu de traditions culturelles nous avertit que nous pouvons nous attendre à des surprises.
Du point de vue d'une révolution prolétarienne mondiale, ce “sens pratique” est en tout cas un point avantageux. Mais cela ne peut pas nous faire fermer les yeux sur le fait inéluctable d'aujourd'hui, à savoir que la jeune classe prolétarienne d'Amérique n'est pas encore un élément révolutionnaire. Elle doit encore trouver son chemin elle-même, un chemin prenant sûrement une autre route qu'en Europe. Et parce que la classe ouvrière américaine occupe une position clé en regard d'une révolution mondiale, il est sûr qu'une telle révolution ne peut pas éclater dans un court délai.
Le prolétariat russe
Du prolétariat nous savons très peu, sauf la mauvaise situation. Mais il y a une chose que nous savons, et qui est de grande importance. C'est d'abord qu'il s'agit d'une classe très jeune, recrutée parmi les paysans. En 1930 Trotsky se plaignait (“Russ. Korrespondenz” 1930, n°10, p.12) qu'il y avait seulement 850.000 travailleurs dans l'industrie. D'où sont-ils venus ? De 1927 jusqu'à 1938 environ 34 millions de paysans ont quitté la campagne pour les villes. C'est un prolétariat tout nouveau, avec une mentalité paysanne. Certainement, il est vrai que la mentalité paysanne n'équivaut pas à celle des paysans européens ou américains parce que les paysans russes travaillent en “organisation collective”, et sous l'influence de la propagande du gouvernement. Mais il est sûr qu’il est impossible qu'une classe si jeune ait pu s'adapter mentalement aux conditions nouvelles pour leur lutte contre la bureaucratie exploitatrice, contre le pouvoir oppresseur le plus puissant que le monde n’ait jamais vu.
Du reste nous ne savons pas s'il y a virtuellement des tendances sévères pour lutter contre cette bureaucratie en tant que système. La bureaucratie peut se vanter de grands résultats. Le niveau de vie étant très bas pour le prolétariat, la Russie est devenue une des deux plus grandes puissances du monde, sous la direction de cette bureaucratie. Et les grandes usines, les bâtiments, les avions et les autos fabriqués en Russie, montrent au monde entier l'habileté de la bureaucratie et de ses acolytes. De plus l'enseignement s'est beaucoup amélioré comparativement au tsarisme, l'analphabétisme est anéanti, il y a des organisations de jeunesse et d'industrie d'amusement et plus développées qu'autrefois.
Il est sûr que tout cela ne manque pas de faire impression sur un prolétariat qui vivait encore il y a quelques années dans les campagnes, et ceci malgré son bas niveau de vie. L'habileté de l'intelligentsia provoque chez les ouvriers un sentiment de faiblesse seulement sur le G.P. U. Elle repose aussi, et probablement en très grande partie, sur l'admiration silencieuse et le sentiment de sa propre faiblesse du prolétariat. Bref : il se forme un sentiment de respect qui est, au fond, une fusion de crainte et d'admiration.
Aussi ce prolétariat a-t-il, une position clé en regard d'une révolution prolétarienne mondiale. Est-il raisonnable d'attendre que ce prolétariat puisse faire maintenant une révolution amenant les moyens de production sous la gestion des ouvriers ? Non. D'abord pour le prolétariat russe, il s'agit de trouver des méthodes de lutte contre leurs exploiteurs, et que dans cette lutte se forme de nouvelles perceptions d'une nouvelle société. Ceux qui attendent une révolution prolétarienne du prolétariat russe actuel, attendent des merveilles, mais il ne se base pas sur le matérialisme historique.
Le prolétariat européen
Il est certain que le développement du capitalisme pendant les derniers cent ans après une autre marche que celle prévue par les fondateurs des théories socialistes. Ils avaient cru que les difficultés, suscitées par l'accumulation du capital, mais n'aurait plus vite à une situation insupportable pour les populations et partant, un changement de la mentalité des travailleurs dans un sens révolutionnaire ; selon la théorie, la croissance des moyens de production engendrer des crises économiques, surpopulation, des guerres, diminution du niveau de vie. Bref l'accroissement de l'accumulation du capital serait accompagné par l'accumulation de la pauvreté des travailleurs.
Dans cette perspective on savait très bien qu'il s'agissait d'une tendance générale, d'un schéma où on faisait abstraction des modifications temporelles qui étaient de nature à enrayer les tendances au prénom. Aussi dans la théorie on comptait avec une élévation du niveau de vie de plus ou moins courte durée.
Cependant la pratique à montrer que l'expansion du capital sur le monde fournissait un tel exutoire pour les difficultés avant la deuxième guerre mondiale que de grandes masses de la population acquirent la conviction d'une transformation paisible de la société.
Pendant cette période de l'expansion impérialiste, l'activité parlementaire avait un succès inopiné. La législation sociale sa sortie c'est de loin sur le soutien au chômeur, de réglementation de la journée de travail, du travail des femmes et des enfants, d'assurance sociale contre les accidents et les maladies, de loi sur les retraites du suffrage universel et d'amélioration de l'enseignement et autres. Ainsi, aux yeux des masses, l'État ne se montrait pas seulement comme un instrument pour améliorer et assurer plus ou moins la vie. Il n'y a pas assez donné que la grande masse soit aller croire que l'État serait “le levier du socialisme”. Et cette croyance ne s'accroît pas seulement dans la conscience des ouvriers plus ou moins socialistes, mais parmi toute la classe ouvrière. Pour eux le socialisme est lié inséparablement à l'État.
Il faut bien avoir conscience que cette conception n'est en principe pas un résultat de la propagande réformiste. Au contraire, la théorie réformiste est elle-même un produit de ce développement. La conception que l'État sera le levier du socialisme est le résidu ou le produit des expériences du parlementarisme, des conceptions naturelles. Il faut voir ici un des aspects par lequel la population travailleuse a traduit ses expériences parlementaires.
Les partis
Pour comprendre l'essence des parties, il faut remarquer que la lutte des classes était déjà brisée en pratique par les parties avant l'existence de la classe ouvrière proprement dite. Ils étaient surtout des créations de la bourgeoisie dans sa lutte contre la noblesse et le clergé. Elle combattait alors le pouvoir de l'État pour établir une législation conforme à ses intérêts. Mais parce que la bourgeoisie même, étant trop peu nombreuse, n'avait pas assez de force pour faire tomber les anciennes classes dirigeantes, elle s'adresse à dans sa totalité, en particulier au paysan et artisans, en les éclairant par les résultats des sciences naturelles et les principes des droits de l'homme. Dans cette lutte les masses n'avaient que le rôle de faire écrouler les bases de l'ancien pouvoir. Elles avaient la tâche de démolir, de briser, de détacher, mais elle n'était pas capable de bâtir la nouvelle structure de la société. Après le déblaiement, c'était les parties qui devaient recueillir la récolte de la Révolution et bâtir la société nouvelle.
Après la révolution bourgeoise, les partis prolétariens poussèrent sur le marécage de la vie prolétarienne, mais en principe ils eurent et ont toujours les mêmes caractères que les partis bourgeois. Leur pensée animatrice procède du fait que les ouvriers par eux-mêmes ne sont pas capables -et ne le seront jamais- de bâtir une nouvelle société. Tout comme les partis bourgeois s'adressaient jadis aux grandes masses de la population, réclamant qu'on les mette au pouvoir, les partis soi-disant prolétariens font de même. Les partis dit “révolutionnaires” estiment qu'une révolution violente, inévitable et indispensable, mais eux aussi les masses n'ont plus à faire que de balayer les fondements, d'effacer le régime ancien. les parties prolétariat, révolutionnaire ou pas révolutionnaire, une fois au pouvoir désir quiétude et ordre de la part des ouvriers, obéissance aussi, afin que le nouveau régime puisse organiser toute la vie économique et politique les ouvriers qui ont une autre conception, qui ont l'opinion que la nouvelle organisation de la société doit être la tâche des travailleurs eux-mêmes sont considérés par les parties comme des contre-révolutionnaires et ils sont mûrs pour la balle dans la nuque ou pour les camps de concentration révolutionnaire. Certainement les partis révolutionnaires ne veulent pas cela, mais dans ces choses la volonté ne compte pas. Ce sont des conséquences "naturelles" du parti révolutionnaire au pouvoir ; et le fond de l'erreur des partis révolutionnaires c'est qu’ils conçoivent l'organisation d'une société communiste comme une tâche d'un parti, alors quelle est la tâche de tous les travailleurs.