L’Anarchist Communist Group franchit une nouvelle étape en soutenant la campagne de guerre nationaliste

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La défense intransigeante de l’internationalisme face à la guerre impérialiste est un devoir fondamental pour une organisation communiste. Les révolutionnaires doivent être capables de naviguer à contre-courant de la propagande bourgeoise visant à entraîner le prolétariat derrière tel ou tel impérialisme. C’est particulièrement le cas face au déferlement de l’hystérie nationaliste et militariste qui entoure la guerre au Moyen-Orient.

Dans le précédent numéro de World Revolution (WR), nous avions mis en garde contre le danger des concessions de l’Anarchist Communist Group (ACG) qui se rangeait derrière la bourgeoisie palestinienne. Dans un premier temps, nous avions salué le fait que l’ACG défende une position internationaliste en dénonçant les deux camps dans cette guerre. (1) Mais par la suite, nous avions pointé du doigt ses concessions au concept de « libération » des travailleurs palestiniens : « la position défendue par l’ACG dans cet article est très pernicieuse car, à première vue, elle semble effectivement défendre l’internationalisme prolétarien. Mais ce n’est qu’une apparence. Car si on le lit attentivement, c’est le contraire qui se révèle. L’article ne défend pas directement et ouvertement le nationalisme palestinien, mais sa logique, tout son raisonnement, va dans ce sens. Il s’agit, en vérité, d’un exposé très sophistiqué de l’idéologie de la libération nationale ». (2)

Cette défense « sophistiquée » du nationalisme est désormais moins subtile. Dans un article plus récent, (3) contrairement à leur précédent écrit, l’ACG ne dénonce pas clairement la guerre comme étant impérialiste, ni les liens entre les groupes de « résistance » palestiniens et les différentes puissances impérialistes. Au contraire, l’article présente l’État israélien comme le seul responsable de cette guerre. L’ACG déclare bien que : « nous savons pertinemment quel sang coulerait à flots : celui des “déjà dépossédés”, de ceux qui sont toujours les plus grandes victimes des guerres inter-impérialistes, du colonialisme et de l’exploitation : celui de la classe ouvrière ». Mais sans une déclaration claire sur la nature impérialiste des deux camps, cette déclaration reste au mieux ambiguë. Elle ne met certainement pas en garde la classe ouvrière contre le danger de se ranger derrière l’un ou l’autre camp.

Le Hamas a délibérément provoqué l’impérialisme israélien par son massacre dans le sud d’Israël le 7 octobre en adoptant une stratégie de terre brûlée suicidaire visant à saper les relations que développe l’État israélien avec certains autres États du Moyen-Orient. Le Hamas savait parfaitement que son attaque déclencherait un bain de sang. Cependant, pour l’ACG (dans cet article au moins) comme pour la gauche du capital, l’État israélien est l’ennemi. Le Hamas est silencieusement déchargé de son rôle terroriste dans ce cauchemar !

La contradiction entre cet article et le précédent n’est pas expliquée. Cet abandon apparent de l’internationalisme conduit le « radicalement » anti-étatique, anti-autoritaire et anti-impérialiste ACG à étrangement exiger que les autres États impérialistes s’allient à la « colère des gens ordinaires ». « Israël est capable de faire cela [faire la guerre] parce que, malgré toute la colère et l’opposition que ses actions génocidaires suscitent parmi les gens ordinaires, il n’y a pas, jusqu’à présent, d’alliés parmi les États-nations du monde, malgré le dépôt par l’Afrique du Sud d’une plainte pour génocide contre Israël auprès de la Cour internationale de justice, qui pourraient intervenir de manière significative en leur nom ». Quelle intervention l’ACG pense-t-il que ces « États-nations » devraient faire ?

Un indice est donné dans la phrase suivante : « L’Iran et ses alliés du Hezbollah se sont abstenus de s’engager à fond, malgré les provocations d’Israël, parce qu’ils connaissent les conséquences d’une escalade ». L’ACG pense-t-il que ces deux camps impérialistes devraient s’engager « à fond » dans une guerre contre Israël ? Qu’impliquerait un tel engagement si ce n’est une intervention militaire, c’est-à-dire le massacre des ouvriers en Israël, qu’ils soient ou non enrôlés dans Tsahal ? Les camarades de l’ACG doivent vraiment clarifier ce qu’ils veulent dire. Peut-être que le prolétariat devrait désormais soutenir l’impérialisme américain, qui a tenté de freiner l’offensive meurtrière d’Israël à Gaza ?

Afin de poursuivre son soutien à la libération du prolétariat palestinien face à l’oppresseur israélien, l’ACG préconise également que les travailleurs participent au mouvement ouvertement pro-palestinien et gauchiste Workers' for a Free Palestine, qui appelle à « mettre fin aux ventes d’armes à Israël et à ce que le gouvernement britannique soutienne un cessez-le-feu permanent ». Cela signifie-t-il que l’État capitaliste et sa façade démocratique ne sont plus l’ennemi du prolétariat ? Le prolétariat doit-il se mettre à genoux et supplier l’impérialisme britannique de soutenir un accord de paix ? On ne peut que supposer que l’ACG se réjouit du soutien actuel de l’impérialisme britannique à un cessez-le-feu. Un soutien qui dépend bien évidemment de ce que l’impérialisme britannique estime être le mieux pour ses intérêts nationaux.

Des campagnes nationalistes contre le retour de la lutte de classes

L’intérêt national de l’État britannique consiste également à saper la confiance renouvelée et croissante du prolétariat en lui-même. En 2022, au beau milieu de la guerre en Ukraine, le prolétariat britannique a placé ses intérêts de classe au premier plan en élevant ses revendications de classe à travers une série de grèves. Cela a replacé la classe sur le terrain social, après des décennies d’enlisement dans la démoralisation, une perte de vision d’elle-même en tant que classe ayant la force de défendre ses propres intérêts. La classe dominante a voulu décourager davantage le prolétariat en lui donnant un sentiment d’impuissance face à la guerre en Ukraine. Ça n’a pas fonctionné. L’accélération de la crise économique, en partie due à la guerre, a fait remonter à la surface un profond mécontentement.

La bourgeoisie britannique, tout comme le reste de la classe dominante mondiale, a cependant utilisé la guerre à Gaza pour tenter de générer d’importantes divisions au sein de la classe. Semaine après semaine, la bourgeoisie a fait tout son possible pour promouvoir et autoriser les manifestations nationalistes pro-palestiniennes qui ont mobilisé des centaines de milliers de personnes. Les attaques incessantes des médias contre l’antisémitisme et la nature pro-Hamas de ces manifestations ont cherché à accroître les divisions au sein de la classe.

Au lieu d’avertir le prolétariat face au danger des défilés nationalistes, l’ACG les présente comme quelque chose de positif : « Les manifestations à travers le monde se poursuivent avec des centaines de milliers de personnes dans les rues chaque week-end dans les villes et les villages, grands et petits. Dans de nombreux endroits, les manifestations sont devenues plus furieuses, plus désespérées, alors que les forces armées israéliennes continuent d’assassiner en toute impunité ».

En lisant cet article, on se demande si l’ACG défend toujours ses propres objectifs et principes, qui incluent le rejet du nationalisme : « Nous rejetons toutes les formes de nationalisme, car elles ne servent qu’à redéfinir les divisions au sein de la classe ouvrière internationale. La classe ouvrière n’a pas de pays et les frontières nationales doivent être éliminées ».

Les travailleurs n’ont pas de pays mais l’ACG voit quelque chose de positif dans les manifestations contre le terrorisme d’État israélien et est donc en faveur d’une « Palestine libre ». Si l’ACG prenait au sérieux l’élimination des frontières nationales, elle s’opposerait de toutes ses forces à ce slogan.

Le CCI ne se réjouit pas de voir ses avertissements contre les concessions de l’ACG sur la « libération nationale », ainsi qu’au gauchisme, confirmés de manière aussi flagrante. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons cherché à dénoncer ces concessions et à avertir les camarades de l’ACG, tout comme ceux qui sont influencés par ce groupe, des dangers auxquels ils sont confrontés.

L’ACG est à la croisée des chemins. Soit il commence à résister à l’influence croissante du gauchisme sur lui, ce qui implique de s’attaquer à sa source sous-jacente : son rejet du marxisme et de son avant-garde contemporaine, la tradition de la gauche communiste. Autrement, il s’engouffrera de plus en plus dans la brèche du gauchisme.

Phil, avril 2024

 

 

1« Positions internationalistes contre la guerre », Internationalisme n° 379 (2023).

3Voir en anglais « Jackdaw for revolutionary anarchism n°16 », Anarchist Communist Group.

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Ni Israël, ni Palestine