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Des villes entièrement dévastées, des hôpitaux en plein naufrage, une foule de civils errant sous les bombes, sans eau, sans nourriture ni électricité, des familles pleurant partout leurs morts, des gosses hagards à la recherche de leur maman, d’autres impitoyablement déchiquetés, des innocents exécutés de sang-froid sous les yeux de leur famille… Ce terrifiant paysage d’apocalypse n’est pas celui de Varsovie ou d’Hiroshima après six ans de guerre mondiale, ni celui de Sarajevo après quatre ans de siège. Ce paysage, c’est celui du « capitalisme du XXIe siècle », celui des rues de Gaza, de Rafah et de Khan Yunis après seulement trois mois de conflit.
Trois mois ! Il n’aura fallu que quelques semaines pour raser Gaza, emporter des dizaines de milliers de vies et jeter des millions d’autres sur des routes qui ne mènent nulle part ! Et pas par n’importe qui ! Par « la seule démocratie du Proche et du Moyen-Orient », par l’État d’Israël, allié des grandes « démocraties » occidentales, qui se prétend le dépositaire unique de la mémoire de l’Holocauste.
Depuis des décennies, les révolutionnaires s’époumonent : « le capitalisme enfonce peu à peu l’humanité dans la barbarie et le chaos ! » Nous y voilà… Bas les masques ! Le capitalisme montre son vrai visage et l’avenir qu’il réserve à toute l’humanité !
Un pas de géant dans la barbarie
Ce qui se passe aujourd’hui au Proche-Orient n’est pas qu’un nouvel épisode dans la longue série des poussées de violence qui émaillent tragiquement le conflit israélo-palestinien depuis des décennies. Le conflit actuel n’a même rien à voir avec la vieille « logique » de confrontation entre l’URSS et les États-Unis. Comme l’Ukraine avant elle, cette guerre est une étape supplémentaire dans la dynamique du capitalisme mondial vers le chaos, la prolifération de convulsions incontrôlables et la généralisation de conflits toujours plus nombreux.
Le niveau de barbarie, à l’échelle de Gaza, est peut-être pire encore que l’extraordinaire violence du conflit ukrainien. Toutes les guerres de la décadence ont entraîné des massacres de masse et des destructions gigantesques. Mais même les plus grands meurtriers du XXe siècle, les Hitler, les Staline, les Churchill, les Eisenhower, ne s’étaient engagés dans les pires horreurs qu’après plusieurs années de guerre, multipliant les « justifications » pour transformer des villes entières en tas de cendre. Or, il est frappant de constater à quel point les rues de Gaza ressemblent déjà à s’y méprendre aux paysages en ruines de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les mêmes paysages de destruction qu’après quelques semaines de conflit en Ukraine. Toute cette clique de barbares est ainsi emportée par la logique de terre brûlée qui prédomine désormais les conflits impérialistes.
Quel avantage stratégique pouvait bien tirer le Hamas en envoyant un millier d’assassins massacrer des civils, si ce n’est mettre le feu aux poudres et s’exposer à sa propre destruction ? Qu’espèrent donc l’Iran ou Israël, si ce n’est semer le chaos chez leurs rivaux, un chaos qui reviendra nécessairement les frapper comme un boomerang ? Aucun État n’a rien à gagner dans ce conflit sans issue. La société israélienne pourrait sortir profondément déstabilisée par la guerre, menacée pour des décennies par une génération de Palestiniens ivres de vengeance. Quant à l’Iran, si ce pays est celui qui tire le plus avantage de la situation, c’est, pour elle, une victoire à la Pyrrhus ! Car si les États-Unis ne parviennent pas à restreindre le déchaînement aveugle de la barbarie militaire, l’Iran s’expose à des représailles très dures contre ses positions au Liban et en Syrie, voire à des attaques destructrices sur son territoire. Et tout cela au risque de déstabiliser des régions toujours plus étendues de la planète, avec des pénuries, des famines, des millions de déplacés, des risques accrus d’attentats, de confrontations communautaires…
Même si les États-Unis tentent d’empêcher que la situation n’échappe à tout contrôle, le risque d’un embrasement généralisé du Moyen-Orient n’est clairement pas négligeable. Car, loin de la discipline de bloc qui avait prévalu jusqu’à l’effondrement de l’URSS, tous les acteurs locaux sont prêts à appuyer sur la gâchette.
La première chose qui saute aux yeux est qu’Israël a agi en cavalier seul, suscitant la colère et des critiques ouvertes de l’administration Biden. Netanyahou a, en effet, profité de l’affaiblissement du leadership américain pour tenter d’écraser la bourgeoisie palestinienne et détruire les alliés de l’Iran, s’opposant ainsi à la « solution à deux États » promue par les États-Unis. L’indiscipline d’Israël, davantage préoccupé par ses propres intérêts immédiats, est un énorme coup porté aux efforts de Washington pour empêcher la déstabilisation de la région.
Après trois mois d’atrocités, il est de plus en plus évident que la guerre entre Israël et le Hamas aura des conséquences mondiales dramatiques : sur le plan économique avec la quasi-fermeture du détroit Bab-el-Mandeb, nœud commercial mondial pilonné par les milices houthistes, ou sur le plan humanitaire avec plusieurs millions de personnes qui se retrouvent désormais sur les routes de l’exil.
Surtout, les récentes échauffourées entre Israël et le Hezbollah, comme les bombardements américains au Yémen, font déjà craindre le pire avec le risque accru de voir s’ouvrir un nouveau front face à l’Iran et ses alliés. Une telle extension du conflit représenterait un pas supplémentaire dans la perte de contrôle de Washington sur la situation mondiale : contraint de soutenir son allié israélien, ce serait un énorme coup porté à sa politique d’endiguement de la Chine et de soutien à l’Ukraine, avec tous les risques d’embrasement que cela fait peser sur ces régions.
La guerre à Gaza comme celle en Ukraine montrent que la bourgeoisie n’a pas de solution à la guerre. Elle est devenue totalement impuissante à contrôler la spirale de chaos et de barbarie dans laquelle le capitalisme entraîne toute l’humanité.
Qui peut en finir avec la guerre ?
Le prolétariat à Gaza est aujourd’hui écrasé. Celui en Israël, sidéré par l’attaque du Hamas, s’est laissé embarquer par la propagande nationaliste et guerrière. Dans les principaux bastions du prolétariat, particulièrement en Europe, si la classe ouvrière n’est pas prête à se sacrifier directement dans les tranchées, elle est encore incapable de se dresser directement contre la guerre impérialiste, sur le terrain de l’internationalisme prolétarien.
Alors, tout est perdu ?… Non ! La bourgeoisie a exigé des sacrifices énormes pour alimenter la machine de guerre en Ukraine. Face à la crise et en dépit de la propagande, le prolétariat s’est dressé contre les conséquences économiques de ce conflit, contre l’inflation et l’austérité. Certes, la classe ouvrière a encore des difficultés pour faire le lien entre le militarisme et la crise économique, mais elle a bel et bien refusé les sacrifices : au Royaume-Uni avec une année de mobilisations, en France contre la réforme des retraites, aux États-Unis contre l’inflation et la précarité…
Alors que le conflit ukrainien s’enlise, que la guerre israélo-palestinienne fait rage, que la bourgeoisie redouble d’efforts pour bourrer le crâne des exploités avec son ignoble propagande nationaliste, la classe ouvrière est toujours en lutte ! Récemment, le Canada a connu un mouvement de lutte historique. Des luttes inédites, avec des expressions de solidarité, ont lieu dans les pays scandinaves. La classe ouvrière n’est pas morte !
À travers ses luttes, le prolétariat se confronte aussi à ce qu’est la solidarité de classe. Or, face à la guerre, la solidarité des ouvriers ne va ni aux Palestiniens, ni aux Israéliens. Elle va aux ouvriers de Palestine et d’Israël, comme elle va aux ouvriers du monde entier. La solidarité avec les victimes des massacres, ce n’est certainement pas entretenir les mystifications nationalistes qui ont conduit des ouvriers à se placer derrière un fusil et une clique bourgeoise. La solidarité ouvrière passe avant tout par le développement du combat contre le système capitaliste responsable de toutes les guerres.
La lutte révolutionnaire ne peut surgir d’un claquement de doigts. Elle ne peut, aujourd’hui, que passer par le développement des luttes ouvrières, contre les attaques économiques de plus en plus dures que lui assène la bourgeoisie. Les luttes d’aujourd’hui préparent la révolution de demain !
EG, 8 janvier 2024