“Révolution Permanente”, une organisation gauchiste comme les autres: au service du capital!

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Deux ans à peine après sa scission avec le NPA, au sein duquel elle avait œuvré pendant près d’une décennie, Révolution Permanente (RP), nouvelle organisation dans le paysage trotskiste, est presque devenue un succès médiatique. Présente dans les manifestations, dans les universités, dans les entreprises et le web, son discours est très attractif : appel à la solidarité, à la lutte radicale, à se soutenir, à défendre les minorités opprimées, critique des centrales syndicales et des élections, défense de l’auto-organisation des ouvriers, soutient officiel à l’internationalisme…

Tout au long du mouvement contre la réforme des retraites, RP a su adapter son discours à l’état d’esprit du prolétariat. Alors que les manifestations éparses organisées par les syndicats n’étaient pas à la hauteur de la combativité et du mécontentement des ouvriers, RP dénonçait les « dates isolées posées par l’intersyndicale […] très en dessous des potentialités et des aspirations présentes à la base ».

Ce discours en apparence novateur et radical a de quoi séduire. En réalité, la bourgeoisie a clairement perçu la reprise de la combativité au sein de la classe ouvrière et l’émergence d’une réflexion au sein de minorités en recherche des positions de classe. Avec RP, la bourgeoisie s’est dotée d’un nouvel outil plus performant, disposant visiblement de moyens conséquents, et tout aussi bourgeois que le NPA. Car dans la stricte continuité du trotskisme, RP ne fait que recycler les vieilles positions traditionnelles de l’extrême gauche du capital.

RP, la voiture balais du syndicalisme

« Face à la stratégie de la défaite de l’intersyndicale, la grève du 28 mars doit poser la question de l’organisation à la base pour élargir la grève, soutenir la mobilisation des secteurs en reconductible et organiser la solidarité contre la répression policière ». En effet, la stratégie de luttes des syndicats a fait l’objet de critiques dans de petites minorités ouvrières. Pourquoi éloigner autant les dates de manifestations les unes des autres ? Pourquoi si peu d’assemblées générales et de discussions à la fin des manifestations ? Pourquoi, malgré une intersyndicale « unie comme jamais », nous ne parvenons pas à faire reculer le gouvernement ? À toutes ces questions, RP répond, en apparence de manière radicale : « Dans l’époque actuelle de crise impérialiste, les syndicats et leurs directions sont devenus des outils du capitalisme ».

Mais derrière ces faux discours révolutionnaires se cache un piège subtil et vieux comme le gauchisme : afin de semer la confusion sur la nature bourgeoise et étatique de toutes les organisations syndicales, RP introduit une distinction entre « les dirigeants syndicaux » et les ouvriers de « la base ». Ce n’est pas le syndicalisme qui n’est plus adaptée au besoin de la lutte et a fini par s’intégrer à l’appareil d’État, c’est un problème de bureaucrates véreux et traîtres. Et, en toute logique, après avoir dit que les syndicats sont des « outils du capitalisme », RP ajoute aussitôt : « les travailleurs de base doivent se battre pour arracher le contrôle aux bureaucraties et pour vaincre les directions syndicales afin de contrôler démocratiquement leurs syndicats, en les utilisant comme des outils de lutte de classe contre les patrons et l’État ». RP cache ainsi la réelle fonction des syndicats au sein de l’appareil d’État : saboter les luttes de la classe ouvrière, la réduire à l’impuissance en l’enserrant dans le périmètre de l’ordre bourgeois.

Cette nouvelle mouture de gauchisme utilise les mêmes vieilles ficelles que tous les groupes trotskistes avant elle : adopter un discours radical envers les syndicats pour mieux rabattre la classe ouvrière vers… le syndicalisme. Ce double langage est typique des organisations trotskistes qui disent une chose et son contraire, afin de semer délibérément la confusion.

L’entrisme ou le noyautage pour « réorienter les syndicats dans la bonne direction » est pratiquée depuis des lustres par les ancêtres de RP. Cette pratique a enfermé et mystifié des générations d’ouvriers pour les orienter vers les pièges du radicalisme syndical, détournant la question centrale de l’auto-organisation, c’est-à-dire la prise en main des luttes par les ouvriers eux-mêmes en dehors et contre les syndicats.

L’histoire du mouvement ouvrier nous enseigne exactement l’inverse de ce que prétend RP. En 1980 en Pologne, par exemple, faisant face à une énième attaque contre leurs conditions de vie (en l’occurrence, une augmentation de 60 % du prix de la viande), les ouvriers se sont mis en grève spontanément et ont su étendre rapidement leur grève de masse à tout le pays, menaçant même de l’étendre au-delà. Leur arme ? L’auto-organisation et la tenue d’assemblées générales (appelées MKS) ! Les ouvriers ne se sont pas contentés de faire des déclarations, ils ont pris eux-mêmes l’initiative des luttes et de leur extension, sans les syndicats qui étaient directement perçus comme intégrés à l’État stalinien. Cette dynamique a rendu possible le développement d’un rapport de forces favorable aux ouvriers. Les assemblées générales étaient ouvertes et retransmises en direct par des hauts parleurs dans la rue, là où se trouvaient les masses, les délégués étaient révocables. Si ces derniers ne défendaient pas correctement les positions pour lesquelles ils étaient mandatés, les assemblées en changeaient. Ce mouvement tenu entre les mains de la classe a fait trembler toute la bourgeoisie polonaise et internationale !

C’est d’ailleurs pourquoi les bourgeoisies européennes sont vite venues en aide au gouvernement polonais… avec la création d’un nouveau syndicat ! Pour combler le vide laissé par un syndicat officiel totalement discrédité et mettre un terme à la prise en main de la lutte par les ouvriers eux-mêmes, la bourgeoisie a créé de toute pièce Solidarnosc, avec le soutien actif du syndicat « radical » de l’époque : la CFDT française. Présenté comme un syndicat libre, moderne, démocratique, avec à sa tête un ouvrier réputé très combatif, Lech Walésa, Solidarnosc pouvait avoir la confiance des travailleurs pour mieux les déposséder de la lutte et reprendre la conduite du mouvement dans un seul intérêt : celui de l’État.

Le résultat fut immédiat : finis les haut-parleurs pour suivre les négociations (à cause de soi-disant problèmes « techniques »), finis les délégués révocables, finies les Assemblées souveraines… les « experts de la lutte » étaient là. Le travail de sabotage avait commencé. Les revendications à l’origine d’ordre politique et économique (entre autre, revalorisation des salaires) se centraient désormais sur les intérêts des syndicats (la reconnaissance de syndicats indépendants) plutôt que sur ceux des ouvriers. Progressivement, Lech Walesa a éteint toute velléité de lutte : « Nous n’avons plus besoin d’autres grèves car elles poussent notre pays vers l’abîme, il faut se calmer ».

Pour terminer, fin 1981 et courant 1982, les derniers bastions de combativité, isolés et épuisés, ont été violemment réprimés : arrestations et répressions meurtrières furent les conséquences du travail de sape de Solidarnosc ! Et l’ancien syndicaliste Walésa deviendra même par la suite…chef de l’État polonais.

Le syndicalisme « de base », cette marchandise toxique que nous vend RP et toutes les autres organisations trotskistes avant elle, n’est que de la poudre aux yeux pour mieux cacher la réalité : quel que soit le nom qu’on lui donne, une instance syndicale est une arme de la bourgeoisie contre la classe ouvrière !

RP et la camelote des « coordinations »

Pour enfoncer un peu plus le clou de sa pseudo-radicalité ouvrière, RP reprend à son compte toutes les entourloupes trotskistes sur le travail des « coordinations » ! « Alors que le mouvement contre la réforme des retraites et le gouvernement Macron s’intensifie dans la jeunesse, la coordination des assemblée générales des universités mobilisés est un enjeu clé pour arracher une victoire. En ce sens, la construction de la coordination nationale étudiante du 1ᵉʳ et 2 avril prochain est une tâche centrale pour tous les étudiant.es mobilisés ». Pour démystifier ce discours d’apparence radicale et d’intransigeance, il suffit encore de rappeler l’expérience du mouvement ouvrier.

Fin des années 1980, en France, ont eu lieu plusieurs vagues de luttes, toutes happées par des « coordinations », alors que la confiance dans les syndicats était largement entamée suite à vingt années de sabotage systématique des luttes. En 1988, nous dénoncions ces manœuvres : les coordinations « surgissent, ou apparaissent au grand jour, au moment des mobilisations de la classe ouvrière dans un secteur et disparaissent avec elles. Il en a été ainsi, par exemple, des coordinations qui avaient surgi lors de la grève dans les chemins de fer en France fin 1986. Et c’est justement ce caractère “éphémère” qui, en donnant l’impression qu’ils sont des organes constitués par la classe spécifiquement pour et dans la lutte, qui les rend d’autant plus pernicieux ». « En réalité, l’expérience nous a montré que de tels organes, quand ils n’étaient pas préparés depuis de longs mois à l’avance par des forces politiques précises de la bourgeoisie, étaient “parachutés” par celles-ci sur un mouvement de luttes en vue de son sabotage. Déjà, dans la grève des chemins de fer en France, nous avions pu constater comment la “coordination des agents de conduite”, en fermant complètement ses assemblées à tous ceux qui n’étaient pas conducteurs, avait contribué de façon très importante à l’isolement du mouvement et à sa défaite. Or cette “coordination” s’était constituée sur la base de délégués élus par les assemblées générales des dépôts. Pourtant, elle avait été immédiatement contrôlée par des militants de la Ligue Communiste (section de la 4ᵉ Internationale trotskiste) [ancêtre du NPA et de RP] qui, évidemment, ont pris en charge le sabotage de la lutte comme c’est leur rôle. Mais avec les autres “coordinations” qui ont surgi par la suite, déjà avec la « coordination inter-catégorielle des cheminots » (qui prétendait combattre l’isolement corporatiste), et plus encore avec la « coordination des instituteurs » qui est apparue quelques semaines après, on a constaté que ces organes étaient constitués de façon préventive avant que les assemblées générales n’aient commencé à envoyer des délégués. Et à l’origine de cette constitution on retrouvait toujours une force bourgeoise de gauche ou gauchiste, preuve que la bourgeoisie avait compris le parti qu’elle pouvait tirer de ces organismes ». (1) Ces coordinations étaient parfois elles-mêmes des sous-marins syndicaux, animées par des syndicalistes « de base » dont la casquette enlevée était souvent celle d’un syndicat officiel ou d’une officine trotskiste.

RP, promoteur des luttes parcellaires

Pour se présenter comme une authentique organisation prolétarienne, RP met en avant la défense des intérêts des plus faibles. Dès leur page d’accueil, on peut y voir en bonne place des thématiques telles que « Racisme et violences d’État » ou « Genre et sexualités ». Dans ce monde pourrissant, les idéologies les plus nauséabondes se frayent de plus en plus facilement un chemin. Et c’est avec dégoût et horreur que l’on voit s’exacerber les discriminations, le racisme, l’homophobie…

Alors oui, ça révolte ! Ça donne envie de hurler de colère ! Ça donne envie de se battre tout de suite, là, maintenant ! Pour cela, RP se prétend « du côté des travailleurs, de la jeunesse, des femmes, des personnes LGBT, des quartiers populaires et de tous les exploités et opprimés ». Mais suivre RP est encore un véritable piège !

Les luttes parcellaires représentent un danger pour la classe, en particulier pour la jeune génération de travailleurs sans expérience mais profondément révoltée par l’état de la société. Aujourd’hui, le prolétariat a perdu ses repères, il ne se reconnaît plus en tant que classe révolutionnaire. C’est pourtant la première étape pour retrouver le chemin du combat révolutionnaire, seul à même de mettre fin à toutes les inégalités révoltantes faites aux femmes, aux homosexuels, aux étrangers et à toutes les autres conséquences de ce monde en putréfaction que sont la crise environnementale, la faim dans le monde, les violences racistes de la police, etc. Et il n’y a que la classe ouvrière, seule classe révolutionnaire, qui puisse changer cet état de fait !

RP, en mettant en avant les oppressions « des travailleurs, de la jeunesse, des femmes, des personnes LGBT, des quartiers populaires et de tous les exploités et opprimés » cherche, en fait, à diluer la classe ouvrière et à la détourne vers des luttes parcellaires qui ne sont que des impasses.

Concrètement, quand un mouvement démarre contre le racisme, contre l’inégalité homme-femme, contre la violence policière… l’objectif de la plupart des manifestants est de faire reculer le racisme, l’inégalité homme-femme, etc. Autrement dit : d’aménager le capitalisme, de le rendre plus « humain » ou « démocratique ». Quand la classe ouvrière se met en lutte contre ses conditions de travail et de vie, elle se bat contre ce qui fonde le capitalisme : l’exploitation. C’est pourquoi, fondamentalement, derrière chaque grève se cache la question de la révolution. Et c’est seulement cette dynamique qui peut réellement s’attaquer aux racines de la discrimination et des inégalités.

En prônant les luttes parcellaires, RP, dans la continuité du NPA, empêche le prolétariat de développer sa réflexion en tant que classe exploitée. En prônant les luttes parcellaires, RP ramène les ouvriers sur le terrain des luttes interclassistes et petites bourgeoises, celle de l’aménagement du capitalisme alors que celui-ci va être de plus en plus barbare et inégalitaire. RP empêche toute réflexion prolétarienne de se développer en cherchant à effacer l’identité de classe pour la remplacer par celle des femmes ou des noirs ou de toute minorité opprimée !

RP reprend donc tout le savoir faire du trotskisme, avec un semblant de toilettage, pour mieux rabattre les ouvriers les plus combatifs et les plus conscients sur le terrain de la bourgeoisie et pourrir la réflexion des ouvriers en recherche des positions de classes. Même double discours hypocrite et mystificateur que le NPA, la LCR ou LO avant elle, tant sur les syndicats et les moyens de la lutte, que sur les élections, les luttes parcellaires. Depuis son soutien « critique » à l’impérialisme russe durant la Seconde Guerre mondiale, le trotskisme est définitivement passé dans le camp de la bourgeoise. RP, nouvelle officine de la bourgeoisie, ne fait pas exception !

Élise, 15 septembre 2023.

 

 

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Le trotskisme contre la classe ouvrière