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Sur la place Rouge de Moscou, là où sont tombés des dizaines de milliers de combattants révolutionnaires en octobre 1917, devant le mausolée où git le cadavre embaumé, désormais inoffensif, de celui qui fut un lutteur et la personnification de la haine implacable de la société bourgeoise, Lénine, se déroule une impressionnante parade militaire. Chars d'assaut dernier modèle, tanks, canons, armée motorisée défilent en bon ordre. À leur bruit assourdissant répond le vrombissement des avions de chasse et de bombardement ; des dizaines de milliers de soldats de toutes formations, de tous les corps d'armée, sous la conduite de leurs officiers et généraux, portent fièrement leurs armes particulières ; les lance-flammes, les fantassins baïonnette au canon, la cavalerie le sabre au clair, les parachutistes, les marins, la police, tout l'appareil militaire d'oppression est là. C'est le déploiement imposant de la machine de guerre, l'étalage grandiose des moyens de destruction et de mort.
Viennent ensuite, en rangs serrés, les formations de la jeunesse militarisée, les enfants militarisés, les femmes militarisées, les masses d'ouvriers par syndicat, par organisation, par localité, par usine, le tout parfaitement discipliné, encaserné, militarisé.
Un interminable cortège défile pendant des heures et des heures devant les tribunes, devant les maitres du pouvoir, les ministres, la haute bureaucratie de l'État, les maréchaux au poitrail chamarré de décorations, le haut-clergé et le tout puissant "maréchalissime", Staline.
Durant des heures et des heures, c'est tout un peuple organisé, discipliné, encadré, militarisé qui défile au pas cadencé...
... C'EST LE 1ER MAI 1947, LA FÊTE DU TRAVAIL.
Dans toutes les capitales du monde, à Varsovie comme à Paris, à Rome comme à Londres, à Sofia, Belgrade, Bucarest et New-York, dans tous les pays, dans toutes les villes, dans tous les centres industriels, partout où peinent et suent des ouvriers exploités, c'est fête aujourd'hui. Partout des cortèges officiels, des parades militaires, des processions populaires. Tous les gouvernements et États, ceux qui se disent "démocratiques" et ceux qu'on dit "totalitaires" ont décrété ce jour du 1er mai, jour férié, jour des réjouissances populaires.
Et les soldats, les ouvriers passent devant leur De Gaulle, leur Thorez, leur Blum, leur Jouhaux, leur Benoît Frachon, leurs généraux d'armée, leurs maréchaux de syndicats, leurs grands chefs de partis, leur clique "réactionnaire", leurs ténors du stakhanovisme, leurs chauvins de la démocratie.
Le 1er mai a cessé d'être le jour où la dernière classe de la société -le prolétariat- criait sa révolte contre l'exploitation de son travail et, dans la grève universelle, clamait sa menace de mettre fin à la production des profits pour les autres classes et de la misère pour elle-même. Le 1er mai est devenu le jour de fête de conciliation de classes, un jour de glorification du travail, de glorification et félicitations des ouvriers consentant à suer sang et eau les 364 autres jours de l'année.
D'une manifestation de révolte contre leurs conditions et leur position sociale de classe exploitée, le 1er mai est devenu la glorification de ces conditions et de cette position qui feront d'eux une classe d'esclaves salariés à perpétuité.
Le capitalisme fête ce jour de printemps, ce jour de l'éternel recommencement. Quel autre jour que celui-ci peut mieux symboliser l'éternel recommencement du travail, source de richesse pour ceux qui l'exploitent, source de misère pour ceux qui le subissent ?
Le capitalisme manifeste son triomphe sur la volonté d'émancipation exprimée violemment autrefois par la classe ouvrière. Et quel triomphe... Malgré l'accroissement de la misère ouvrière, malgré les crises économiques, le chômage, la faim, la crise du logement, le manque de vêtements, LA SOUMISSION DES MASSES OUVRIÈRES EST COMPLÈTE, TOTALE.
Aucune révolte ne menace la bourgeoisie qui a tant tremblé au lendemain de la guerre mondiale. Le prolétariat ne trouble pas sa quiétude. À volonté elle peut disposer de ces masses d'esclaves, les faire travailler encore et toujours plus. La bourgeoisie a besoin de canons, de tout un attirail imposant de guerre et les ouvriers travailleront 50, 60, 70 heures par semaine. La bourgeoisie n'a pas de force de travail à gaspiller pour faire pousser le blé et pour produire des objets de consommation ; et les ouvriers en loques, chaque jour un peu plus affamés, acceptent, par un rationnement toujours plus réduit, de se nourrir d'ersatz, de produits de dernière qualité. Ces bêtes de somme peuvent aussi bien se nourrir de rutabaga, de glands de chêne puisqu'ils l'acceptent.
Quel gaspillage que de nourrir ces rebuts d'humanité avec de la viande, du pain et du sucre. Un être humain a besoin de 3000 calories par jour mais les ouvriers réalisent ce tour de force de vivre avec beaucoup moins ; et pourquoi se gêner de réduire leur ration quotidienne à 1500, 1000 ou 700 calories comme dans la Ruhr.
Jamais encore, dans sa longue histoire sanglante, la bourgeoisie n'a connu une classe ouvrière aussi docile et aussi servile. Jamais encore elle n'a dominé aussi fortement le cerveau des prolétaires.
Joyeusement le capitalisme perpétue le plus grand crime contre l'humanité contre les masses travailleuses ; et elle peut le faire impunément, sans crainte, avec l'adhésion, la collaboration, la participation active des masses ouvrières dupées.
Le capitalisme se réjouit de son triomphe ; six années de guerre, 30 millions de cadavres, autant de mutilés, une multitude de villes transformées en ruines, des siècles de travail accumulés par la sueur des opprimés, anéantis et détruits.
Le prolétariat ne bronche pas ; le prolétariat laisse ses morts pourrir ; il accepte encore les sacrifices nécessaires pour la reconstruction, c'est-à-dire pour la production de nouveaux et plus monstrueux engins de guerre. Le prolétariat accepte tout : la famine, le travail, les sacrifices. Facilement il accepte d'embrasser la cause du capitalisme : fasciste quand la bourgeoisie en a besoin, démocrate-républicain quand la bourgeoisie lui dit de l'être, nationaliste, chauvin enragé, "résistant" quand la bourgeoisie l'appelle. Il est de tous les massacres, il se bat pour Trieste comme pour Dantzig, pour la plus grande Allemagne comme pour la "libération nationale" et "à chacun son boche" n'est pas pour lui déplaire. Il taille profondément dans sa propre chair vivante.
Le prolétariat a mérité de la patrie et du capitalisme. Qu'on fasse donc une fête en son honneur. Qu'on le promène dans des cortèges, entraîné par les formations militaires douces à sa vue et la musique militaire chauvine agréable à son oreille. Les chefs de l'État prendront la tête de ces manifestations officielles et nationales. C'est la fête de la fraternisation nationale des opprimés et des oppresseurs, comme le chien fraternise avec son maitre. Le drapeau devenu chiffon rouge a pris sa place modeste dans la masse des chiffons nationaux de tous les pays. C'est le plus grand triomphe que le capitalisme ait jamais rêvé. C'est sa victoire sur le prolétariat, c'est sa fête, c'est le 1er mai 1947.
Et il n'y a pas de spectacle plus attristant que celui de voir la classe ouvrière souiller les tombes de ses martyrs, insulter la mémoire de ses combattants tombés pour la cause de son émancipation. Et ceci pour la plus grande joie de son ennemie de classe : la bourgeoisie.
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Il n'en fut pas toujours ainsi. Pendant des décades les ouvriers saisissaient tout autrement leur position sociale. Ils n'avaient pas encore fait leur les intérêts de leurs oppresseurs. Leur effort les portait à se dégager des idées de la bourgeoisie sur l'intérêt général, sur les intérêts de la nation ; leur effort les amenait à distinguer les intérêts des classes composant la société moderne comme irréductiblement opposés, à prendre conscience de leur mission historique de classe, à s'organiser distinctement des autres classes dans des organisations indépendantes, à formuler leur propre but de classe et à entrer dans l'action directe pour le réaliser.
Quand, pour la première fois, l'Internationale ouvrière décidait d'appeler les ouvriers du monde à organiser une journée internationale de manifestation et de solidarité prolétarienne, elle entendait exprimer plus qu'une commémoration des victimes de Chicago tombées dans la lutte. Car cette commémoration ne fut que l'occasion accidentelle qui s'est présentée. La décision de faire du 1er mai une journée internationale de lutte du prolétariat dépassait même l'intention consciente des congressistes qui l'avaient prise.
Cette journée était une manifestation d'une nouvelle réalité, d'un fait nouveau dans l'histoire humaine : la naissance d'une classe qui est internationale. Une classe qui, à l'encontre de toutes celles qui ont existé jusqu'à ce jour, ne rencontre plus des intérêts matériels, économiques, sociaux, politiques, idéologiques divergents, tendant à la diviser. Au contraire, toutes les conditions se trouvaient réunies pour la première fois dans l'Histoire, faisant de cette classe une unité mondiale, une unité humaine, une préfiguration de l'humanité unifiée, de la société à venir.
Le 1er mai fut la matérialisation de l'idée exprimée par Marx et Engels 40 ans avant : "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous." Cette idée est le fondement du socialisme, la base agissante du mouvement ouvrier en dehors de laquelle le prolétariat perd son caractère de classe et cesse d'être une force historique indépendante.
L'Histoire connaît peu d'exemples d'une propagation aussi rapide et aussi ample que celle du 1er mai. Il fut accueilli avec enthousiasme par les ouvriers du monde entier, par toutes les tendances et les écoles du mouvement ouvrier. En quelques années, il n'y avait pas une ville où, en ce jour, les ouvriers ne manifestaient la volonté de lutter pour leur émancipation ; et, jusque dans les bourgs les plus perdus, le souffle de la révolte contre l'ordre social existant pénétrait le cœur et le cerveau des ouvriers, des couches les plus avancées aux couches les plus arriérées.
C'est parce que ce jour de lutte internationale concrétisait, au-dessus des contingences et des particularités locales, la grande aspiration générale et historique, la mission émancipatrice et humaine de la classe ouvrière, qu'il a trouvé cet écho brûlant parmi les travailleurs de tous les coins du globe. Plus que toute autre action, il fut l'appel puissant à l'éveil de la conscience des prolétaires. Précédant souvent toute forme d'organisation concertée, toute idée claire de syndicat, les ouvriers se battaient farouchement en ce jour et arrosaient de leur sang les pavés de la rue. Même les enfants des ouvriers, ceux qui n'avaient pas encore mis les pieds dans les usines - futurs lieux de leur exploitation -, étaient pénétrés de cette atmosphère ardente et fiévreuse de ce jour de bataille de classe sur le plan international.
Avec une force égale à l'enthousiasme des ouvriers, la haine et la panique s'emparaient des classes possédantes. Le spectre annoncé devenait réalité. Les bourgeoisies nationales voyaient, avec rage, apparaître face à elles un colosse international qui menaçait de détruire leur société. La bourgeoisie prenait chaque jour plus conscience de la lutte à mort qui s'engageait entre elle et le prolétariat. Chaque 1er mai était devenu une répétition générale qui allait se jouer, une épreuve de force entre classes antagoniques, entre la bourgeoisie héritière et dernière représentante de toute une suite de sociétés basées sur l'exploitation, la spoliation et l'oppression d'une classe sur une autre et par une autre, et le prolétariat successeur et représentant de toutes les classes opprimées, l'artisan de la nouvelle société humaine, la société sans classe.
CHAQUE 1ER MAI ÉTAIT DEVENU UNE PRÉPARATION ACTIVE À LA GUERRE CIVILE INTERNATIONALE, UN ENTRAINEMENT À LA RÉVOLUTION, UNE ÉTAPE DE LA LUTTE FINALE, UNE ATTEINTE TOUJOURS PLUS POUSSÉE À L'ORDRE SOCIAL CAPITALISTE.
Ce défi révolutionnaire du prolétariat était intolérable à la bourgeoisie et à ses gouvernements qui réagissaient en établissant de véritables états de siège à la veille de ce jour. Les soldats étaient consignés dans leur caserne, à la fois pour en disposer en cas de besoin et à la fois parce que les gouvernements n'étaient pas toujours surs de leur docilité. Dans les usines la surveillance, l'espionnage et la provocation étaient décuplés, les ouvriers suspectés, renvoyés et les directions affichaient les mesures les plus impitoyables contre ceux qui voulaient faire grève ce jour-là.
Durant des semaines la police était sur les dents. Les fiches des suspects étaient sans cesse revues et complétées, les réunions ouvrières interdites, les militants préventivement arrêtés à leur domicile. Une inquiétude générale régnait, les gouvernements se concertaient et veillaient, les forces de police opéraient, la bourgeoisie se préparait.
Mais, de son côté, le prolétariat s'organisait aussi avec une volonté de fer et était décidé à la lutte. Dans les caves, dans les imprimeries clandestines, sortaient les appels révolutionnaires diffusés comme par enchantement. Les vieillards, les femmes, les enfants, les moins soupçonnés devenaient des agents de liaison. Le silence de la nuit dans les quartiers ouvriers abritait un travail fiévreux, des réunions clandestines. Les mansardes ouvrières devenaient des sièges de comité révolutionnaire. Les militants connus ne dormaient plus chez eux et se cachaient dans les maisons ouvrières pour poursuivre leur travail révolutionnaire. Les ouvriers surveillaient leur quartier, dépistaient les policiers et les provocateurs. Les murs se couvraient chaque nuit de nouveaux tracts et proclamations. Soudainement, avec une rare hardiesse, les monuments, les points les plus hauts et les plus inaccessibles, les clochers d'églises, les fils télégraphiques portaient de pauvres petits bouts d'étoffe rouge, emblèmes de révolte et de lutte des ouvriers.
Un monde en affrontait un autre, les opprimés contre les oppresseurs, prolétariat contre bourgeoisie.
Si, aujourd'hui, le 1er mai est devenu une vulgaire procession religieuse et officielle, les vieux militants ont gardé le souvenir vivant des 1ers mai de lutte de classe. Le prolétariat manifestait sa vitalité et sa combativité en passant en passant outre aux décrets et interdictions gouvernementaux. Aucun déploiement de polices ne fut assez fort pour empêcher que ne surgissent, à l'improviste, d'ici de là, en plusieurs points de la ville à la fois, les bataillons ouvriers.
La répression sanglante, le massacre de Fourmies, les charges des cosaques, les sabres des gardes mobiles ne faisaient que galvaniser la combativité des ouvriers.
Les drapeaux rouges, simples bouts d'étoffe, que les travailleurs cachaient sous leur chemise en venant à la manifestation, gardaient encore la chaleur de leur corps en flottant dans les airs ; et si plus d'un ouvrier tombait en défendant ce drapeau, en le sauvant des mains des policiers, c'est parce qu'alors il symbolisait leur volonté, leur programme et leur but de classe pour lesquels ils combattaient et étaient prêts à payer la victoire au prix de leur vie. Ce furent des 1ers mai d'une classe montant à l'assaut du monde, des 1er mai du prolétariat révolutionnaire.
Ce n'est pas la place ici d'examiner les causes qui ont fait perdre au prolétariat la conscience de ses tâches et de ses intérêts historiques propres pour adorer à genoux le veau d'or du capitalisme.
Une immaturité politique, une longue suite de défaites sanglantes, un épuisement des forces, la trahison de ses chefs et partis, des difficultés qui s'avèrent autrement plus redoutables qu'on avait pu le prévoir, une force de résistance et une capacité de corruption idéologique de la part du capitalisme, tout cet ensemble de facteurs ont concouru à amener le prolétariat au stade d'abrutissement et de dissolution où il se trouve, stade que nous croyons momentané et passager.
Nous voudrions pourtant souligner l'intelligence clairvoyante de la bourgeoisie utilisant les armes du prolétariat contre celui-ci. Le drapeau rouge n'est plus le drapeau subversif, objet de haine pour le capitalisme. Depuis longtemps, ce dernier lui a fait une place d'honneur dans ses rangs. C'est le drapeau qui flotte sur plus de 20 millions de forçats des camps de concentration staliniens. C'est celui qui préside aux exécutions sommaires dans les souterrains du GPU et des procès infâmes de Moscou. Il est drapeau national sur 1/6 du globe, là où gémissent 150 millions d'esclaves modernes. Il a servi d'emblème, pendant des années, au régime hitlérien, aux camps de concentration, aux déportations, aux tortionnaires de la Gestapo. Il a flotté sur tous les champs de carnage de la deuxième guerre mondiale. Dans son ombre se forme une coalition, un des 2 blocs de la guerre de demain.
Partout, dans chaque pays, il sert de trait d'union rattachant les prolétaires au char de leur bourgeoisie nationale. Il a cessé d'être le bout d'étoffe qu'ils cachaient sur leur peau. Il s'est enrichi et s'est officialisé. Il est devenu un tissu épais, à la couleur vive. Le sang des ouvriers tachait malencontreusement les chiffons tricolores. Lui, par sa couleur et son épaisseur, il s'imbibe du sang et ne laisse rien paraître. Le rouge ne peut répugner aux bouchers capitalistes ; ils en ont l'habitude.
Et ce qui vaut pour le drapeau vaut pour le 1er mai. "Comment donc, s'écrient les bourgeois, une fête du Travail ? Mais bien sûr ! Le travail est sacré. Nous allons fêter le travail." Et les manifestations sanglantes d'autrefois sont devenues des processions légales qui cachent la sanglante réalité de chaque jour. Les cris de révolte sont devenus d'inoffensifs psaumes. Les instruments de cuivre hurlent des marches militaires chauvines qui empêchent d'entendre les autres hurlements, ceux des torturés dans les prisons, dans les camps de concentration de tous les pays.
On abasourdit les ouvriers pour les empêcher d'entendre le cri de leurs entrailles affamées, les balles des pelotons d'exécution, le râle des torturés, le soupir des mourants, les appels à la solidarité de leurs frères de classe des autres pays.
La bourgeoisie s'est emparée des symboles ouvriers, du drapeau rouge, du 1er mai. Tous les régimes - celui de Staline, de Hitler, de Pétain, de la 4ème République - ont proclamé ce jour "fête nationale". Le 1er mai est devenu le jour de la renaissance nationale de la respectueuse Patrie renaissante.
La bourgeoisie peut dormir tranquille et ne pas trembler de peur. C'est le 1er mai 1947. Et, demain, tous ceux qui la composent -les gavés et les parvenus, les policiers et les dames honorables, les hommes politiques et les prostitués, les gouvernants et les voyous-, tout ce beau monde, cette crème de la société massée le long des cortèges et sur les tribunes officielles pourra à l'aise acclamer ces ouvriers dans leur bleu encore trempé par la sueur du travail et se féliciter que ceux-ci aient enfin retrouvé le chemin et se soient intégrés dans la communauté nationale.
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Pour assurer leur subsistance dans leurs luttes longues et rudes qu'ils sont obligés de livrer contre la nature, pour soumettre les forces de celle-ci à la satisfaction de leurs besoins, les hommes construisent, façonnent et modifient sans cesse leur propre société. Au développement de leur société correspondent des rapports de production, des rapports sociaux déterminés par le développement de leurs forces productives. Dans le procès de production des moyens de satisfaction de leurs besoins, dans la lutte pour la domination de la nature, les hommes produisent non seulement les objets matériels pour leurs besoins mais produisent également leur mode de pensée, leurs idées, leurs conceptions qui évoluent et se modifient sans cesse avec les incessantes évolutions et modifications des forces productives auxquelles ils ont donné naissance et les rapports de production, les rapports sociaux qui en découlent. Mais les idées, les pensées, les productions spirituelles des hommes évoluent bien plus lentement que les forces et les rapports sociaux de ces hommes. Cette lenteur particulière de la production "spirituelle", le retard qu'elle accuse par rapport aux autres éléments de la production sociale des hommes, en même temps que la tendance de la pensée à se condenser en images, en représentations, fait que les idées tendent à se scléroser, à se momifier, à perdre de leur vitalité et apparaissent finalement aux hommes comme extérieures à eux, étrangères à eux.
Les idées continuent à subsister dans les cerveaux humains alors que les conditions dans lesquelles elles ont été élaborées ont cessé depuis longtemps d'exister. Les images de la réalité, en l'absence de cette réalité restent suspendues en l'air. Elles se transforment en images sans chair et sans os, en images sans réalité. Les images d'une réalité disparue, morte, deviennent des fantômes vivants qui hantent les cerveaux des ouvriers et traquent les hommes réels.
Moins les hommes parviennent à saisir la nouvelle réalité qui s'est créée, plus ils restent attachés aux images de la réalité d'hier, plus ils deviennent des victimes de leur propre production psychique antérieure qui s'impose à eux, les domine et les tyrannise. Il en fut ainsi des idées religieuses. Les dieux, que les hommes dans leurs aspirations et imagination avaient créés et placés aux cieux, sont redescendus par la suite sur Terre pour soutenir toutes les forces d'oppression et opprimer les hommes. Il en est ainsi de toutes les créations de l'esprit humain.
Tant que l'humanité ne se sera pas rendue libre en dominant la nature, au lieu d'être dominé par elle, tant que l'humanité ne se sera pas rendue maîtresse du monde extérieur en produisant à volonté et en surabondance tous les objets nécessaires à la satisfaction totale de tous ses besoins, sa production intellectuelle et sociale sera aussi la reproduction continue de sa propre aliénation. Et de même que les produits économiques se rendent indépendants des producteurs, s'opposant à eux et les dominant sous forme de marchandises, de même les idées deviennent des forces indépendantes qui, sous forme d'idéologies et de préjugés, asservissent les hommes à leur puissance de conservation.
L'humanité se débat contre les forces qu'elle-même a créées et qui tendent à l'emprisonner.
La société divisée en classes trouve dans les classes possédantes l'élément social humain dont l'intérêt est la conservation et la perpétuation de l'ordre social existant. Pour sauvegarder leur domination sur la société, les classes possédantes ont, à leur service, non seulement toute la puissance économique et politique qu'elles détiennent exclusivement, non seulement les forces de coercition - l'État, l'armée, la police et les prisons - mais elles ont encore à leur disposition les moyens "spirituels" et les forces idéologiques conservatrices, qui ne sont pas moins redoutables et pas moins efficaces que les autres moyens physiques, pour assujettir les classes dépossédées, les tenir en respect et les dominer.
Les intérêts des classes conservatrices trouvent dans les idées léguées par le passé autant de paravents idéologiques. Sur cette base de déguisement et de camouflage s'édifie tout un système spirituel avec des conceptions morales, juridiques et civiques, toutes sortes de notions et d'idées qui sont inculquées à tous les membres de la société et qui sont autant de moyens d'auto-défense et d'auto-conservation contre les classes progressistes et révolutionnaires.
L'avantage des classes réactionnaires est considérable, tandis que les classes révolutionnaires ont à se libérer continuellement des idées qu'elles ont reçues -qui sont savamment entretenues– contre lesquelles elles se heurtent sans cesse et qui représentent de redoutables embûches sur le chemin de leur émancipation.
Dans l'histoire des luttes de classes le prolétariat apparaît comme la seule classe qui ne trouve pas à appuyer sa lutte sur la possession de forces économiques.
Sa prétention historique, il la fonde sur le fait objectif du développement des forces productives, exigeant la destruction du système capitaliste et son remplacement par celui du socialisme, et sur le fait subjectif de son intérêt propre en tant que classe exploitée. Ce double fondement du socialisme trouve son expression, son assise et sa force, en premier lieu, dans la prise de conscience du prolétariat. C'est dans cette prise de conscience de ses intérêts historiques que le prolétariat se constitue vraiment en une classe et trouve la condition première de sa réalisation de sa mission. C'est en elle que réside la garantie unique de sa propre émancipation. La critique des idées régnantes, c'est la critique du règne de la classe qui les professe. Dans sa lutte contre le capitalisme, le prolétariat forge ses propres idées, ses propres conceptions. L'arme de la critique des idées régnantes est le commencement de la critique par les armes contre l'ordre existant.
L'élaboration de ses idées révolutionnaires, la constitution de son programme est, pour le prolétariat, l'élément décisif de son existence, de son triomphe, de son action en tant que classe. Mais cette conscience de classe le prolétariat ne peut l'atteindre d'emblée. Naissant avec le capitalisme, il grandit avec le développement et l'épanouissement de la société capitaliste. Ses premières luttes sont inévitablement des tâtonnements, ses premières formulations sont des balbutiements. Éduqué dans la culture bourgeoise, vivant dans le milieu historique du capitalisme, ses propres idées sont imprégnées des idées de son ennemi de classe. Le prolétariat ne peut se soustraire à cette influence bourgeoise que par une incessante critique et un continuel dépassement de ses propres idées, de ses formulations antérieures.
La bourgeoisie sait admirablement bien exploiter, à son avantage, la difficulté humaine de se libérer des images de leurs anciennes idées, inachevées et périmées. Transformées en emblèmes et symboles, les idées perdent leur dynamisme révolutionnaire, cessant d'être des moments d'un développement de la lutte, se figent et deviennent inoffensives. La bourgeoisie et tous ses laquais, ses chefs de partis politiques et de syndicats s'emploient, de toute leur force, à vider le contenu, à faire perdre au prolétariat la compréhension du fond, l'aspiration révolutionnaire de ses idées, pour n'en laisser subsister que l'enveloppe apparente. Les représentations révolutionnaires deviennent des images saintes, des emblèmes, des fétiches qu'on adore et qu'on craint ; les symboles vidés de leur contenu révolutionnaire se remplissent d'un contenu nouveau : un contenu conservateur, réactionnaire et bourgeois.
Marx, tant haï de son vivant, est devenu, pour la bourgeoisie, un homme respectable, un savant distingué. Après l'avoir, de son vivant, pourchassé et expulsé de nombreux pays, elle en a fait un honorable citoyen d'honneur. Le socialisme est devenu une affaire pour la bourgeoisie qui s'en réclame à cors et à cris. Socialiste, le gouvernement de Sa Majesté d'Angleterre qui verse à flots le sang des opprimés en tous points du globe. Socialiste, le gouvernement de la 4ème république en France qui se livre à des massacres en Indochine, à Madagascar, en Algérie et ailleurs. Socialiste le gouvernement du généralissime Staline dont les massacres et l'exploitation ne sont plus à décrire. Socialiste encore le gouvernement du défunt 3ème Reich qui a fait fonctionner ses fours crématoires au nom du socialisme national. Socialiste enfin, le dernier avorton de gouvernement fasciste de Mussolini instituant lui aussi une république sociale.
Les prolétaires ont gardé un attachement pieux au mot socialisme, et on leur en donnera. Socialistes, tous ces partis, tous ces hommes qui, dans tous les pays, soutiennent le régime d'exploitation, de famine et de massacre. Socialistes, la SFIO, le parti stalinien et les trotskistes qui ont entraîné les ouvriers à se faire massacrer pour la défense de la république, de la démocratie ou de l'État "ouvrier" russe et pour la libération nationale. La monstrueuse 2ème guerre mondiale n'était, en somme, qu'une immense et joyeuse fête "socialiste".
Les ouvriers ont gardé le souvenir de la Commune de Paris. Qu'à cela ne tienne ! Et cette Commune, qui fut la révolte ouvrière contre la république des Thiers et Gambetta, contre le drapeau national de la bourgeoisie, sera commémorée en grandes pompes au chant de la Marseillaise et sous les drapeaux des versaillais. La haine de classe des ouvriers du monde contre la sanglante oppression des régimes fascistes sera largement exploitée par la bourgeoisie. Après avoir soutenu et renforcé de toutes ses forces les régimes fascistes en Italie, Allemagne, Espagne et ailleurs, la bourgeoisie se découvrira anti-fasciste et, exploitant les sentiments des ouvriers en les dupant, elle fera massacrer ces derniers au nom de l'anti-fascisme. Et, plus que tout autre, le rattachement sentimental des ouvriers du monde à la révolution prolétarienne d'octobre 1917, à la plus grande action et bataille qu'ils ont livrée à ce jour en tant que classe, ce rattachement sentimental deviendra l'élément de la plus grande et de la plus infâme duperie.
La place Rouge à Moscou est le musée de la révolution d'Octobre. Les maîtres actuels ont concentré autour du mausolée de Lénine tous les drapeaux et attributs de la grande révolution, comme aux Invalides à Paris, autour du tombeau de Napoléon, tous les drapeaux et souvenirs des conquêtes napoléoniennes. Mais, ici, il s'agit de l'insurrection du prolétariat, de ses drapeaux et de ses conquêtes passées, enfermés autour du cadavre momifié et embaumé de Lénine.
La révolution est mise au musée et son cadavre repose emprisonné dans ces murs, défigurée, transformée, mutilée, redorée. Elle est redorée aux goûts des maîtres du jour, sous une dorure qui tend à cacher sa signification réelle, le visage réel, héroïque de la vraie révolution. Les maîtres du jour, qui ont bâti leur pouvoir après avoir tué la révolution, se mettent, et mettent la révolution réelle, à l'ombre. Ils s'y mettent, eux, vivants aux côtés de la momie de la révolution et de celle de Lénine.
Rien n'aura été laissé du passé et de l'histoire des luttes du prolétariat sans avoir été exploité par le capitalisme contre le prolétariat. Les idées, la terminologie, les noms, les mots, les dates, les emblèmes et les symboles, tout sera utilisé par la bourgeoisie, tout sera transformé en fétiches et le prolétariat lui-même en masses d'idolâtres. Les meilleurs combattants, les soldats de la révolution et les militants les plus conscients du passé seront canonisés afin de permettre à des canailles vivantes d'entretenir, dans le prolétariat, le culte du "chef", le culte de l'obéissance aveugle à leur personne, proclamée omnipotente et infaillible. Toute une mystique fétichiste a été construite, dans laquelle est emprisonné le prolétariat.
Mystique du parti, mystique du "chef", fétichisme du drapeau, fétichisme des 1ers mais.
Le prolétariat se heurte au mur de cette prison fétichiste. Pour reprendre sa lutte révolutionnaire, il doit d'abord impitoyablement briser tout ce système de fétichisme. Il doit se libérer de toutes ces images et ces symboles qu'il a lui-même crées au cours de son histoire et qui servent à le mystifier.
Il faut qu'il apprenne à regarder la réalité nue et crue, voir la terre rougie, partout, de son sang, voir ses villes en ruines, voir ses millions de cadavres, voir son corps décharné et affamé, se voir lui-même enfin dans toute la laideur de sa misère, bafoué et dégradé.
La reprise de sa marche en avant et sa victoire finale se feront à ce prix. Libéré des fantômes et des charlatans vivants, il faut qu'il redevienne lui-même, saisissant le présent avec la conscience de ses buts et agissant révolutionnairement pour les réaliser.
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Du point de vue de l'organisation du capitalisme et des antagonismes impérialistes, la 2ème guerre mondiale s'est terminée par l'anéantissement des États allemand et japonais ainsi que leur élimination probablement définitive en tant que concurrents sur le plan international.
Du point de vue de la classe ouvrière, cette 2ème guerre s'est soldée par une très lourde et cuisante défaite du prolétariat. En 1917-18 la guerre est interrompue par le réveil révolutionnaire de la classe qui, partant du refus de continuer la guerre, va jusqu'à transformer celle-ci en guerre civile contre le régime capitaliste. En 1943-45, devant les premières manifestations -bien qu’embryonnaires en Allemagne et en Italie- d'un prolétariat se refusant à la guerre, le capitalisme, se souvenant de l'expérience de 1917-18, fait de cette menace éventuelle le centre de ses préoccupations. La stratégie des opérations de la guerre s'en ressentira : l'atermoiement des "alliés" en 1943, en Italie, laissant se consolider les forces de l'Axe en Italie du nord, la "miraculeuse" libération de Mussolini lui permettant de reconstruire un gouvernement "national" et une "république sociale", le recul volontaire de l'armée russe devant Varsovie pendant qu'on provoque "l'insurrection" dans ce centre ouvrier afin de permettre à Hitler d'exterminer par milliers les insurgés, le piétinement militaire devant Budapest -autre centre ouvrier-, d'une part la propagande et la mobilisation dans la "résistance" en France, le déchaînement d'un sentiment chauvin, dans tous les pays d'Europe, au nom de la libération nationale et de la lutte contre le fascisme, d'autre part les alliés qui refusent tout armistice avec l'Allemagne, après la chute de Hitler, pour détruire systématiquement toutes les concentrations ouvrières, qui empêchent le retour des soldats allemands dans leur foyer, dispersant ainsi des millions d'ouvriers allemands retenus comme prisonniers de guerre, tout cela ne peut que relever d'un plan d'ensemble soigneusement préparé et scrupuleusement exécuté.
Dans ce sens et dans ces limites, on peut dire que le capitalisme a transformé la fin de la 2ème guerre mondiale en guerre civile préventive contre le prolétariat pour étouffer dans le germe toute velléité de manifestation et toute possibilité de troubles révolutionnaires.
Avec la fin des hostilités, l'effort du capitalisme tendait, en premier lieu, à reconstruire et à développer les organisations traditionnelles des ouvriers : les syndicats. Ces organisations avaient depuis longtemps perdu leur raison d'être. Elles correspondaient à une étape donnée du développement de la société capitaliste et de la lutte de classe. Tant que le capitalisme avait encore des possibilités de développement et d'épanouissement, la révolution sociale ne pouvait se poser pour le prolétariat comme nécessité pratique immédiate. Le prolétariat lutte alors à l'intérieur du régime capitaliste pour arracher à la bourgeoisie des concessions. Sur le plan politique social, c'est la lutte pour la liberté d'association, de presse, de réunion, le droit de vote. Sur le plan économique, c'est la lutte pour de plus hauts salaires, pour la diminution des heures de la journée de travail, pour le droit de grève. En un mot, c'est la période où le prolétariat ne se pose pas pour but immédiat (parce que les conditions historiques ne la posent pas) la transformation de la société mais, essentiellement, des réformes à l'intérieur de la société bourgeoise qui s'expriment par la participation aux élections et à son organisation corporatiste : le syndicat.
Toute différente est la période historique présente. Le capitalisme a épuisé toute possibilité d'expansion et, partant, de développement. Désormais son existence ne peut s'accompagner que de destructions économiques et de troubles politiques. C'est la crise permanente du capitalisme. Désormais le capitalisme est dans l'impossibilité d'accorder des réformes en faveur des ouvriers. Il est dans la nécessité de réduire d'une façon continue le niveau de vie des masses travailleuses, de centraliser, pour sa défense, toutes ses forces entre les mains de l'État, de substituer le totalitarisme à ses formes démocratiques et de vivre dans une guerre permanente. Dans cette période où la tâche historique du prolétariat devient une tâche pratique immédiate, le programme de luttes pour des réformes devient un obstacle à sa lutte sociale nécessaire, un moyen de réincorporation et de maintien du prolétariat dans le cadre du régime existant. Les organisations traditionnelles comme les syndicats ne peuvent plus remplir une fonction qui a cessé d'exister, qui ne peut plus exister. Ces organisations, ayant perdu leur contenu, ne gardant que leur construction extérieure -qui, elle-même, par sa structure, se situe sur le terrain du capitalisme- acquièrent une fonction nouvelle. Les organisations syndicales deviennent des rouages de l'État capitaliste, servant de casernes où les masses ouvrières sont enfermées, emprisonnées et plus étroitement contrôlées.
Jamais les syndicats n'ont été aussi forts qu'aujourd'hui, regroupant des millions et des millions d'adhérents dans chaque pays, et jamais, dans le même temps, le mouvement ouvrier n'a été aussi faible, aussi domestiqué qu'à présent. L'un va avec l'autre, l'un exprime l'autre.
Depuis 1945, on a assisté à bien des grèves un peu dans tous les pays, des grèves aussi formidables par leur durée que par leur nombre, des grèves dans les industries de base comme la métallurgie, les mines et les transports. Mais toutes ces grèves n'ont eu pour résultat que l'aggravation des conditions de vie des ouvriers, en même temps qu'elles se soldaient par un affaiblissement toujours plus grand de la combativité ouvrière et un renforcement indéniable de l'État capitaliste. Tel est le bilan indiscutable des luttes ouvrières depuis la cessation des hostilités. Pourquoi cela ?
Parce que toutes ces luttes se font sur un terrain impropre au prolétariat. La lutte pour des revendications immédiates en vue d'améliorations partielles, pour des revendications uniquement économiques, conduites sur une base professionnelle, en même temps qu'elles sont dans l'impossibilité -dans la période présente du capitalisme décadent- d'être satisfaites, ne peuvent que fourvoyer le prolétariat, disperser ses forces et le détourner de l'unique terrain efficace : le terrain social.
Le chemin où sont engagées les luttes ouvrières ne mène qu'à l'impasse. L'orientation économique de ces luttes est une orientation de défaite. Toutes les forces du capitalisme s'emploient pour maintenir le prolétariat sur ce terrain.
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L'évolution historique impose au prolétariat un problème à résoudre : ou accomplir la révolution, édifier la société socialiste et sauver l'humanité, ou subir le capitalisme avec toutes ses conséquences. Le capitalisme ne peut subsister impunément. Comme tout système social ayant épuisé les conditions historiques qui lui ont donné naissance, le capitalisme est devenu non seulement une entrave au développement de la société mais, en dégénérant et en se putréfiant, il menace l'existence même de l'humanité.
Après avoir puissamment contribué au développement des forces productives, le capitalisme ne produit plus que les moyens de leur destruction : production massive des armes, perfectionnement des engins de mort, canons, gaz asphyxiant, guerre bactériologique, V1, V2, forteresses volantes, bombes atomiques, engins de mort sur terre, sur mer, dans l'air. La production capitaliste n'est désormais qu'une économie de destruction. Depuis 1914 le capitalisme a détruit non seulement la production courante mais il a entraîné dans la destruction des richesses accumulées des siècles de productions antérieures. Cette course à la destruction ne fait que s'accélérer d'année en année.
La "reconstruction" tant prônée par les charlatans ou les imbéciles est une duperie éhontée. La question de savoir aux dépens de qui se fera cette "reconstruction" est un faux problème. Il n'existe pas en réalité. Le capitalisme n'a ni la force ni la liberté de faire de la "reconstruction".
L'aggravation de la famine dans le monde depuis la fin des hostilités n'est pas la rançon exigée par une inexistante "reconstruction" mais la conséquence de la continuation de la destruction qui se poursuit sous forme de guerres localisées, d'intensification de la production des moyens de destruction en vue de la guerre généralisée intercontinentale de demain.
La perspective qui s'ouvre devant le prolétariat et l'humanité entière est celle de la BARBARIE : barbarie économique dans le recul des forces de production, barbarie dans la destruction des richesses sociales, barbarie dans les conditions de vie, barbarie dans les rapports entre les hommes. Dans cette rage de destruction forcenée, le capitalisme décadent risque d'entraîner l'humanité entière. Le massacre de quelques dizaines de millions d'êtres humains durant la 2ème guerre n'aura été qu'une répétition en miniature de ce qui attend l'humanité demain.
Faut-il donc que des villes entières soient transformées en ruines fumantes, faut-il donc que le globe entier soit devenu un seul et immense incendie, faut-il donc que, par centaines de millions, se comptent les cadavres et que non des fleuves mais des océans soient rougis de sang pour que le prolétariat comprenne l'immensité de sa responsabilité et de sa mission historique et qu'enfin, sortant de sa torpeur et se ressaisissant, il réalise en acte son vieux cri révolutionnaire :
DEBOUT LES DAMNÉS DE LA TERRE
DEBOUT LES FORÇATS DE LA FAIM...
LE MONDE DOIT CHANGER DE BASE
Nous ne sommes rien, SOYONS TOUT.
"Internationalisme"