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Nous publions ci-dessous l'extrait d'une lettre qu'un camarade nous écrit. Pendant longtemps ce camarade a défendu notre point de vue sur la question syndicale. L'expérience des dernières luttes l'ont forcé, comme tant d'autres, à réviser ses positions et à se rapprocher des conclusions qui sont les nôtres. Mais ses réflexions n'épuisent pas le problème ; elles ne font seulement, à notre avis, que le poser. Nous comptons revenir sur la question syndicale -qui demeure une question cruciale du mouvement ouvrier actuel - dans les prochains numéros de notre revue.
"... A la suite de la grève des dockers d'Anvers et de la grève des transports à Londres, j'ai réexaminé tous les documents que je possède sur la question syndicale, de la FB, de la FFGC et du PCI d'Italie et les vôtres. Je suis arrivé à la conclusion que, partout, les syndicats sont des organes de l'État. L'argument de ceux qui disent que les syndicats gardent leur caractère de classe parce que les patrons n'en font pas partie, contrairement à ce qui se passe avec les syndicats fascistes, ne tient pas. D'abord est-ce bien certain que, sous un régime corporatiste, il n'y a pas de syndicats "ouvriers" d'un côté et "patronaux" de l'autre se rejoignant il est vrai au sein d'une organisation supérieure : la corporation ? Je ne sais pas. Mais admettons cela. A l'heure actuelle, en régime démocratique, syndicats ouvriers et fédérations patronales se retrouvent à tous les échelons dans des organismes qui sont analogues aux corporations : conseils d'entreprises, commissions paritaires, conférences économiques qui se réunissent deux ou trois fois par an. Des bureaucrates, haut placés dans l'appareil syndical, sont députés des partis "ouvriers" gouvernementaux au parlement bourgeois et même ministres. L'argument de ceux qui prétendent que les syndicats gardent un caractère de classe (leur principal argument si j'ai bien compris les documents que je viens de relire) est sans valeur, formaliste et par conséquent non-marxiste. Car on ne peut retenir le fait que dans la CGT il y a des ouvriers ; il y en a aussi dans les syndicats chrétiens qui sont "indépendants" des organisations patronales ; il y en a aussi à l'église, comme disait Gorter.
Mais le fait est que maintenant, lorsqu'ils veulent lutter pour l'amélioration de leurs conditions d'existence, ces ouvriers doivent le faire en dehors des syndicats, contre les syndicats qui se placent aux côtés de l'État.
Je crois que pratiquement il faut dire aux ouvriers de quitter les syndicats et de former un comité de grève indépendant à chaque mouvement, indépendant de l'État, du patron et du syndicat et contre eux. Certes nous n'avons pas la force d'influencer les ouvriers ; plutôt, nous ne sommes pas dans une situation qui nous permet de les influencer et les syndicats actuels sont le produit d'une situation réactionnaire. Mais est-ce une raison pour ne pas avoir une position claire ? Dire que les syndicats sont intégrés au système de domination de la bourgeoisie, qu'ils sont une pièce importante dans le mécanisme de capitalisme d'État et ne pas dire de les abandonner, n'est-ce pas entretenir la confusion ? Je ne suis pas loin de croire - lorsque je lis le texte d'un camarade qui, après avoir démontré le caractère véritable du syndicat, passe à la démonstration de la thèse selon laquelle il faut y rester - que cela devient nébuleux à tel point que quelque chose ne s'adapte pas.
Nous n'avons pas d'influence, pourtant nous avons une position nette, pratique au sujet des élections et la FI n'avait pas d'influence lorsqu'elle a dit aux ouvriers de briser avec le PC (avec beaucoup de retard d'ailleurs).
Je crois qu'une exception doit être faite pour les syndicats tels que ceux du "livre" qui ne sont pas intégrés à l'État, qui participent aux organismes paritaires car ils sont pris dans l'engrenage de la collaboration (collaboration qui, dans l'ensemble, répond aux désirs des ouvriers) où surtout la démocratie existe encore. Mais, dans de telles organisations, il faut attaquer la direction qui louvoie pour ménager, malgré ses déclarations de principe anarcho-syndicalistes, la haute bureaucratie."
PR
"En luttant contre le capital, contre les tendances du capital absolutistes et génératrices de misère, en limitant ces tendances et en rendant, de ce fait, l'existence possible à la classe ouvrière, le mouvement syndical s'est mis à remplir un rôle dans le capitalisme et il est devenu lui-même, de cette manière, un membre de la société capitaliste. Mais du moment où la révolution commence en tant que le prolétariat, de membre de la société capitaliste se mue en son destructeur, il rencontre devant lui le syndicat comme obstacle."
Pannekoek – 1920