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- "Mais à partir de 1927 existait l'éventualité que ce que nous allions écrire de la première à la dernière ligne de notre revue et de tous les documents de la fraction aurait pu ne servir à rien du tout parce que nous étions séparés du corps qui pouvait seul nous exprimer, c'est-à-dire du prolétariat italien. Je ne veux pas dire par là que tout ce que nous avons fait doit être jeté au panier mais je veux dire que tout ce que nous avons fait doit être soumis, aussitôt que les événements le permettront, à la vérification des cadres engendrés par le processus historique qui conduit à la formation du parti de classe en Italie."
"C'est une question de principe absolu qui nous a conduit à dire ceci, que les cadres qui surgissent actuellement en Italie ont certainement raison et que nous qui avons vécu séparés de notre corps, de notre source vitale, nous pouvons avoir tort."
Plus loin : "Bordiga, aujourd'hui, est celui qu'il était en 1921, 1926, 1927 ; ce qu'il est resté pendant toute la période fasciste et pendant toute la guerre ; et il est aussi celui qui, en 1943, exprime ses idées avec la fumée contingente de ces événements et qui susceptible de pouvoir les réexprimer avec toute sa limpidité au moment où la situation permet un retour complet du prolétariat révolutionnaire."
Et tout ceci se termine par cette excommunication qu'il prétend condamner.
Le premier point que l'on peut retirer de tout ce fatras de mots, de questions et de réponses imaginatives c'est qu'il affirme certaines choses sans chercher à les démontrer ou à les approfondir. Ce sont des credos qu'il pose ; et ce qui est grave c'est qu'ils ne reposent que sur des sentiments plutôt que sur une étude objective.
Pendant la guerre d'Espagne en 1936, Vercesi condamnait violemment et avec raison la politique des divers partis ouvriers confusionnistes et même celle de la minorité de la fraction italienne. Pourtant, ceux qu'il condamnait étaient bien plongés dans leur corps social "qui pouvait seul les exprimer". La position de Vercesi était-elle fausse à cette époque ? Lui-même reconnaît que non quand il traite de l'antifascisme avant cette guerre.
Mais allez mettre Vercesi face à ses contradictions. Peine perdue. Vercesi n'est plus un marxiste mais un jongleur de mots à tendance nationaliste : chaque révolutionnaire, dans son analyse, dépend du secteur local du capitalisme d'où il est issu et uniquement de lui ; ses analyses, ses perspectives ainsi que les principes de son action ne sont valables que pour son secteur seulement ; de plus, ce révolutionnaire, expatrié, doit s'incliner à priori devant la justesse de vue de ses camarades restés dans la mère patrie, car lui ne peut plus penser juste, son corps étant séparé de son esprit.
Qu'il existe une éventualité que ce que nous écrivons maintenant sur la France – nous qui pourtant y sommes – est sujet à caution, ceci est indiscutable. Pourquoi devons-nous avoir raison d'avance et à priori sur nos camarades hors de France ?
L'histoire, au contraire, nous apporte des preuves que des camarades qui s'expatrièrent en raison de la répression capitaliste avaient eu des vues plus justes que ceux demeurés dans la mère patrie. L'exemple le plus démonstratif est celui de Lénine qui entre en Russie après plus de 18 ans d'absence avec le résultat d'une fermentation idéologique intense, les Thèses d'avril qu'il présente comme le nouveau programme devant remplacer celui de 1903 élaboré pourtant dans le corps "qui seul permet d'exprimer un programme". Et la victoire de la révolution en 1917 fut pourtant possible d'après le corps des Thèses d'avril.
Nous savons déjà la réponse de Vercesi sur ce point :
- Lénine s'extrayait de son passé et de toute l'histoire passée du mouvement ouvrier ;
- ce qui est valable pour la Russie ne l'est plus pour l'Italie.
Les différences entre les divers secteurs du capitalisme prennent le pas sur l'uniformité du système bourgeois dans tous les secteurs du monde. Les principes d'action ne sont plus conditionnés par l'uniformité du régime capitaliste mais essentiellement par les particularités de chaque secteur envisagé, et ceci nous conduit directement à cette position nationaliste de Vercesi sur les partisans italiens qui ne sont pas comme les autres partisans parce que ceux d'Italie ont sûrement raison et qu'il n'y a pas à discuter.
- "Le problème se pose : les partisans unifiés peuvent-ils fournir la base de la reconstruction de l'appareil de l'Etat capitaliste dans l'Italie du nord ? A cette question je réponds catégoriquement non. Les partisans de l'Italie du nord luttent pour la révolution ; ils ne luttent pas pour la défense du capitalisme italien, quoi qu'en pensent Churchill, Roosevelt et Staline."
Que Vercesi prenne ses désirs pour des réalités, un esprit détaché de son corps, un esprit détaché de son corps est normalement porté à s'illusionner.
Seulement Churchill, Staline, Roosevelt, eux ne s'illusionnent pas. Que les masses désirent confusément sortir du chaos de la guerre, ceci est certain ; que la forme de regroupement du prolétariat en partisans soit une possibilité de détourner la classe ouvrière de sa lutte propre, ceci est encore plus certain et les 3 grands se servent de cet instrument pour étouffer le prolétariat en tant que classe.
Venir dire ensuite aux partisans sur un ton de pape :
- "On veut faire de vous ce que vous ne deviendrez pas. Nous ne pouvons pas collaborer avec vous ; nous sommes obligés de déterminer la base d'un autre rassemblement de masse et c'est ici que vous finirez par vous diriger."
On ne comprend plus alors comment "les partisans luttent pour la révolution. La théorie de la spontanéité réapparaît chez Vercesi bien qu'il l'ait combattu à propos du dissentiment Lénine-Rosa.
Nous terminons par une dernière citation en rappelant que Vercesi fait partie d'un comité antifasciste avec des bourgeois et des staliniens. Mettant en garde les camarades de la fraction contre ceux qui, restés fidèles au marxisme, se refusent à suivre Vercesi, il s'écrie :
- "Dans la deuxième hypothèse, ces cerveaux seront consignés au pontife qui garde les textes sacrés ; et ce pontife, comme tous les pontifes, sera prochainement exécuté par le prolétariat révolutionnaire. Je m'affirme d'ores et déjà disposé à participer à cette exécution dans l'intérêt du prolétariat et de son parti de classe."
Cette exécution des pontifes ne l'a-t-il pas déjà commencée dans ce comité antifasciste avec les bourgeois et les staliniens ?
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il est fort possible qu'il participe à l'exécution des pontifes mais pas dans l'intérêt du prolétariat et de son parti de classe, car les bourgeois et les staliniens du comité antifasciste n'ont jamais représenté le prolétariat ; quant à Vercesi, il ne le représente plus.
SAMAR
Nota bene : L'écriture automatique a pu donner des chefs-d’œuvre en littérature, la politique est plus exigeante. "Les types", "les pontifes", "les sacristains" préfèrent s'en rapporter à Marx et l'expérience passée du prolétariat révolutionnaire pour s'aider dans la compréhension de la situation présente plutôt que de suivre l'élaboration imaginative du Picasso de la révolution.